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Face à l'échec des politiques d’austérité, quelles solutions pour l’Europe ?

vendredi 21 juin 2013 à 10:41

L’Europe s'enfonce dans une crise profonde et rien ne semble être mis en place pour en sortir. Entre le gouvernement allemand prônant une politique d'austérité dangereuse et des autorités européennes qui n’ont rien d’autre à proposer, il est clair que la crise de 2008 n’est plus seule responsable de la descente aux enfers du vieux continent.

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Les PIB des pays européens chutent radicalement, de 5,3 % pour la Grèce, 3,9 % pour le Portugal, 401 % pour Chypre, 2,3 % pour l’Italie, 2 % pour l’Espagne, ceci sans parler de la récession dans laquelle est entrée la France. L’économie de l’Union européenne a rétréci de 0,7 % durant le premier trimestre de cette année, 1 % si l’on ne considère que la zone euro. Aucun doute n’est possible, l’Europe traverse une crise majeure et pas seulement économique.

Si la seule responsable de tout ceci était la crise économique de 2008, l’Europe ne serait pas une des seules à tant souffrir. Les États-Unis par exemple, berceau de cette crise, ont enregistré un saut de 2,5 % de leur économie tandis que le taux de chômage du pays n’a jamais été aussi bas depuis quatre ans.

L’Europe qui a pendant si longtemps toisé les États-Unis et vanté sa croissance se retrouve aujourd’hui complètement perdue entre des politiques incohérentes et des disputes inter-nations.

Une des raisons principales du malaise européen actuel est l’échec flagrant des autorités politiques européennes dont la logique des propositions paraît plus qu’énigmatique. La suppression des commissions interchange, proposée par Michel Barnier, le Commissaire européen au Marché Intérieur et aux Services, est l’exemple parfait de mesures sans réels intérêts proposées  à la Commission.

Supprimer les commissions interchanges, charges versées par les commerçants aux banques des particuliers lorsqu’un paiement par carte s’effectue, n’aurait comme seul effet que de faire augmenter les frais bancaires des particuliers, dont les banques voudraient récupérer l’argent perdu par cette suppression, et d’augmenter les marges des commerçants, qui ont rarement comme réflexe de baisser leurs prix quand leurs charges diminuent.

L’autre poids de taille qui accélère ostensiblement la chute de l’Europe est la politique d’austérité bornée à laquelle se livrent la plupart des pays de l’Union. Il serait plus sage et plus logique pour l’Europe de s’inspirer du pays qui s’en sort, les États-Unis, et donc de stimuler le marché plutôt que de ne penser qu’à réduire le déficit.

Le taux de chômage des jeunes en Europe de 2005-13 via Les crises, domaine public

Le taux de chômage des jeunes en Europe de 2005-13 via Les Crises – domaine public

Le plus frustrant dans cette affaire est que la plupart des dirigeants européens s’accordent sur ce point, mais aucun n’ose affronter le défendeur de toujours de l’austérité, aussi appelée « Sparkurs », le géant allemand et son intransigeante chancelière, Angela Merkel. Les critiques sont aussi du côté allemand « Il y a eu un raté », reconnaissait la semaine dernière, auprès de l’Agence France presse, Gilles Moëc, l’économiste en chef de la Deutsche Bank.

Ce n’est pourtant pas comme si la méthode Merkel avait fait ses preuves, loin de là. Le Portugal par exemple, ne s’est jamais porté aussi mal que depuis qu’il subit la politique européenne d’austérité. En deux ans, son taux de chômage a augmenté de 5,3 %, son déficit budgétaire de 1,1 %. Sa dette publique est 123 % supérieure à son PIB.

Pour Julio Salazar Moreno, secrétaire général de l’USO, le syndicat des travailleurs espagnols, les pays de l’Union européenne (UE) doivent arrêter avec la politique d’austérité [pt]:

Os países da União Europeia (UE) têm de parar “de uma vez por todas” com a aplicação de medidas recessivas, porque os cidadãos, alerta, estão a viver no limite dos sacrifícios

Les pays de l'Union européenne (UE) doivent cesser “une fois pour toutes” avec l'application des politiques d’austérité  parce que les citoyens, sur le qui-vive, survivent déjà à l'extrême limite des sacrifices possibles.

Le remède de cheval est tout aussi inefficace pour la Grèce, comme le reconnaît Gregor Gyzi, un président du groupe parlementaire (Bundestag) de La Gauche en Allemagne en s'adressant aux lecteurs grecs de news247 [gr]:

οι επιβληθείσες, κυρίως από την γερμανική κυβέρνηση, περικοπές σε μισθούς και συντάξεις, οι απολύσεις και οι ιδιωτικοποιήσεις, όχι μόνο ώθησαν την Ελλάδα σε βαθιά ύφεση και κοινωνικά προβλήματα, αλλά κατέστησαν και αδύνατη την επιστροφή των δανείων στο εγγύς μέλλον

Imposées principalement par le gouvernement allemand, les coupes dans les salaires et les retraites, les licenciements et les privatisations, vont non seulement pousser la Grèce dans une profonde récession et des problèmes sociaux, mais vont rendre également impossible le remboursement des prêts.

Les chiffres d’émigration en Europe sont ainsi loin d’être surprenants. En deux ans, 2,5 % de la population portugaise a quitté le pays. Qui aurait dit il y a une dizaine d’années que la population européenne partirait aujourd’hui massivement travailler dans des pays comme le Brésil ou l’Angola ?

Face à ce constat alarmant, il est encore plus déprimant d’entendre les réponses proposées par certains, comme celle du premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, également ancien dirigeant de l’eurogroupe, qui s’est récemment exprimé sur la crise européenne et a conclut que ce qu’il faudrait à l’Europe, c’est une « calinothérapie », déclaration qui se passe de commentaire.

 

Equateur : Experts et citoyens échangent sur la ‘culture libre’ à Quito

vendredi 21 juin 2013 à 10:15

Différents participants et plus de 20 intervenants se sont rencontrés durant deux jours au second Congrès international sur la culture libre à Quito en Equateur, pour parler de la culture libre et ses connexions avec l'éducation et différentes formes d'expression culturelle.

Comme l’explique [espagnol, comme tous les liens de ce billet] une infolettre de l'Unesco, depuis son bureau à Quito, l'idée de l'événement –organisé par Flacso, Unesco, et Radialistas — était de créer “un espace de débat et d'échange d'expériences concernant l'accès universel à la connaissance, la création artistique et culturelle, la gouvernance de la culture, l'usage de la technologie gratuite et ouverte, la production collective, l'accès libre au travail scientifique, l'usage de licences alternatives, de nouveaux modèles d'enseignement, et les bénéfices pour le public”.

Parmi les intervenants se trouvaient : Cristóbal Cobo, de l'Université d'Oxford (Angleterre) [anglais] ; Jorge Gemetto et Mariana Fossatti, de l’Ártica Centro Cultural 2.0 (Centre culturel Ártica 2.0) (Uruguay) ; Jorge David García, du Colectivo Ruido 13 (Mexique) ; Leonardo Foletto, de la Casa de Cultura Digital (Maison de la culture numérique) [portugais] (Brésil) ; Fernando Ariel López, du Red de Bibliotecas Virtuales CLACSO (Réseau des bibliothèques virtuelles CLACSO) (Argentine) ; Valeria Betancourt, de l’APC (Association pour le progrès de la communication) (Equateur) ; Carlos Correa, de Creative Commons (Equateur), et le Colectivo Hacktivistas (Collectif Hacktivistes), entre autres.

Voici la vidéo promotionnelle pour le congrès que Radialistas a partagé sur YouTube :

L'événement a débuté au matin du jeudi 30 mai 2013. Après le discours officiel d'inauguration par les représentants des institutions organisatrices, la première conférence a eu lieu : “Gouvernance publique de la culture à l'ère numérique”, dirigée par Jorge Gemetto et Mariana Fossatti du Centre culturel Ártica 2.0, une organisation uruguayenne oeuvrant à fournir aux acteurs du secteur culturel les outils pour se développer dans le cadre de la nouvelle culture numérique.

Dans un billet sur Ártica, Mariana expliquait sa contribution :

Hablamos de las prácticas culturales en tiempos digitales, de diferentes paradigmas de políticas públicas culturales que entran en tensión y de posibles acciones de gestión pública para garantizar el acceso a la cultura a través de las nuevas tecnologías.

Nous avons parlé des pratiques culturelles à l'âge du numérique, des différents paradigmes des politiques publiques culturelles en tension, et des possibles actions de gouvernance publique pour garantir l'accès à la culture au moyen des nouvelles technologies.

Trois débats parallèles ont ensuite suivi : “Propriété intellectuelle et culture libre”, “Initiatives artistiques et culturelles libres”, et “Culture, création, musique, et audiovisuel avec matériel et logiciel libres”, avec la participation de différents intervenants pour chaque débat. Après la pause de midi, il y a eu trois discussions, aussi simultanées : “Projet artistique libre de droit”, “Art et financement participatif”, et “Nouveaux modèles économiques et capacités et leurs connexions avec la culture libre”.

La premier jour s'est terminé avec la conférence “Création et diffusion culturelle à l'ère des TIC”, tenue par Leonardo Foletto de la Maison de la culture numérique au Brésil. Elle ciblait les projets et ateliers liés au journalisme culturel, la culture numérique, le droit libre, l'activisme numérique, les blogs et le champ numérique. Dans un entretien publié plus tard par le journal équatorien El Comercio, Leonardo déclare :

Hoy, el autor no es más un genio con una gran idea que se queda sentado solito en su cuarto. Internet nos muestra que las ideas surgen a partir de otras ideas. El autor de hoy es más un compilador. Los DJ o los músicos que combinan varias cosas para hacer otras cosas son autores increíbles porque muestran el proceso por el cual atraviesan. Ahora Internet muestra ese proceso de creación.
Aujourd'hui, l'auteur n'est plus un génie avec une grande idée qui s'isole dans sa chambre. L'Internet nous montre que les idées surgissent d'autres idées. L'auteur d'aujourd'hui est plus qu'un compilateur. Les DJs ou musiciens qui combinent diverses choses pour faire d'autres choses sont des auteurs incroyables parce qu'ils montrent le processus par lequel ils sont passés. Désormais l'Internet montre ce processus créatif.

Le programme complet du premier jour se trouve sur la page web de l'événement, et une compilation de tweets peut être lue dans un Storify fait par Francisca de la Torre.

Congreso Cultura Libre

Vendredi 31 mai, le deuxième jour a débuté par deux conférences. La première était “Construire le pays à partir d'un savoir juste et d'accompagnement” dirigée par Augusto Espinosa, le Ministre de l'éducation de l'Equateur. La seconde : “Pourquoi est-ce important que l'éducation soit ouverte ?”, était animée par Cristóbal Cobo, un chercheur associé à l'Institut Internet de l'Université d'Oxford, où il coordonne les études sur l'éducation, l'innovation, l'apprentissage, et l'avenir de l'Internet.

Dans un communiqué sur la page officielle du congrès, Clara Robayo commente en disant que la conférence de Cristóbal Cobo s'est intéressée à trois idées fondamentales : création, distribution et consommation. Clara ajoute :

Afirmó que la creación es una competencia fundamental del siglo 21. Resaltó la importancia de la creación colectiva, así dijo que hay herramientas tecnológicas que nos permiten pasar del individuo a [la] comunidad. [...] Cristobal Cobo terminó su intervención con la frese: “necesitamos menos copyright y más right to copy porque el conocimiento abierto [es el] combustible del siglo XXI. ”

Il a affirmé que la création est une compétence fondamentale du 21ème siècle. Il a insisté sur l'importance de la création collective, disant qu'il y a des outils technologiques qui nous permettent d'agir de l'individu à [la] communauté. [...] Cristobal Cobo a terminé sa contribution avec la phrase : “ce dont nous avons besoin c'est moins de droits d'auteur et plus de droits de copie parce que le savoir ouvert [est le] carburant du 21ème siècle. ”

Cristóbal Cobo a lui-même écrit plus tard sur son blog qu'il avait aimé entendre le Ministre de l'éducation parler de développement humain, recherche scientifique et encouragement à l'innovation, et il ajoutait :

la adopción de estrategias de acceso abierto no son otra cosa que aceleradores de transferencia de conocimiento que generan condiciones más propicias para favorecer innovación entre diferentes sectores productivos. Sin duda que la educación formal y el aprendizaje en general han de jugar un papel clave en esta apuesta.

l'adoption de stratégies de libre accès n'est rien d'autre que des accélérateurs pour le transmission de la connaissance qui crée des conditions plus propices à aider l'innovation parmi différents secteurs de production. Sans aucun doute, l'éducation formelle et l'apprentissage en général doit jouer un rôle clé dans ce pari.

Après ces conférences, il y a eu une session de trois débats simultanés : “Bibliothèques et archives : libre accès”, “Nouveaux modèles d'enseignement”, et “Logiciel libre et éducation”, et trois autres discussions, aussi simultanées : “Libre accès à l'information scientifique”, Mouvement des universités vers le logiciel libre”, et “Eveil à l'éducation avec de nouvelles méthodes d'enseignement”.

L'événement s'est clos par une discussion de groupe, avec Daniel Vázquez de l'ALABS, Antonio Pardo du Collectif Hacktiviste, Carlos Correa de Creative Commons EC qui est aussi un militant de #LoxaEsMás: Hackeando la Democracia (Loja est plus, pirater la démocratie), et Valeria Betancourt de l'Association pour le progrès de la communication (APC). Dans un autre communiqué sur la page officielle du congrès, ils résument chaque participation brièvement.

Valeria Betancourt soulignait l'importance de la culture libre allant de pair avec l'Internet libre :

afirmó que en la actualidad hay un déficit de la participación de la sociedad civil. Ejemplificó que ya hay intentos de criminalización de la libertad de expresión en Internet a través de legislaciones, utilizó como ejemplos el TPP. Ésta puede ser mucha más peligrosa que la SOPA, PIPA y ACTA. Son leyes poco proporcionales. Resaltó la importancia de modelos activos de participación de la ciudadanía.

elle soutenait qu'actuellement il y a un manque de participation de la société civile. Elle montrait qu'il y a des tentatives pour criminaliser la liberté d'expression sur l'Internet à travers la législation. Elle a pris pour exemple le TPP. Il pourrait être encore plus dangereux que SOPA, PIPA et ACTA. Ce ne sont pas des lois très proportionnées. Elle a mis l'accent sur l'importance de modèles actifs de participation citoyenne.

Daniel Vázquez a présenté le contexte de la situation et des initiatives espagnoles comme les Hackmeetings :

Personas que se reúnen para discutir de software, hardware y política. Empiezan a crear “hacklabs”. Todo esto hace que se generen movimientos como el 15m. Ésto ilustró la importancia de las nuevas tecnologías en las decisiones políticas, pues permiten romper los monopolios. Aparecen nuevos actores como ciudadanos que se reúnen puntualmente para ejecutar acciones

Des personnes qui se réunissent pour discuter de logiciel, matériel et politique, commencent à créer des “hacklabs”. Tout cela conduit à la création de mouvements comme le 15-M. Cela a démontré l'importance des nouvelles technologies dans les décisions politiques, puisqu'elles permettent de casser les monopoles. De nouveaux acteurs apparaissent, tels les citoyens qui se retrouvent à l'occasion pour mener des actions

Carlos Correa a évoqué de son initiative Loxa es más (Loja est plus):

[la] iniciativa reunió a un grupo de personas para que participen activamente con actitud proactiva en la construcción de una nueva ciudad. Habló de la importancia de la veeduría ciudadana, pues las autoridades le deben cuentas a la quienes le dieron su voto. Afirmó que la agenda política debe venir de los ciudadanos. Resaltó que el activismo no debe quedarse sólo de las redes sociales, sino salir a las calles.

[l'] initiative a rassemblé un groupe de personnes pour participer activement avec une attitude pro-active à la construction d'une ville nouvelle. Cela traitait de l'importance de la vigilance citoyenne, puisque les autorités doivent des comptes à ceux qui leur ont donné leur vote. Elle affirmait que l'agenda politique devrait émaner des citoyens. Cela soulignait que l'activisme ne devrait pas rester seulement sur les réseaux sociaux, mais qu'il devrait aussi sortir dans les rues.

Antonio Pardo a expliqué que le Collectif Hacktivistes travaille sur les sujets de l'anonymat, neutralité en ligne, et droits numériques :

Pues [las redes sociales] son lugares en donde se comparte contenido que después nos lo roban. Entra información que no sale. Redes libres con Software Libre en cambio promueven todo lo contrario, se envían mensajes entre servidores y no dentro de sólo uno. En el debate resaltó la importancia de protocolos libres y redes libres.

Eh bien [les réseaux sociaux] sont les lieux où du contenu est partagé que l'on nous vole ensuite. L'information entre sans sortir. Les réseaux libres avec logiciel libre, d'autre part, promeuvent exactement le contraire : les messages sont émis entre serveurs, pas uniquement à l'intérieur d'un seul. Au cours du débat, l'importance de protocoles libres et de réseaux libres a été mise en avant.

Le programme complet de la  deuxième édition est disponible sur la page web officielle du congrès. Vous pouvez aussi trouver sur la même page des vidéos sur les conférences de l'événement et quelques entretiens avec les intervenants.

Les commentaires sur Twitter peuvent encore être trouvés avec le mot-dièse #congresocl.

Autres billets sur ce sujet.

Congreso Cultura Libre, Quito, 1ra jornada (2011) [es]
Congreso Cultura Libre, Quito, 2da jornada (2011) [es]

Solutions pour un journalisme sans frontière

vendredi 21 juin 2013 à 00:18

“Worldcrunch Impact, solutions sans frontière” est une campagne de financement collaborative pour “le premier effort réellement mondial de Journalisme Solutions”. Avec ce projet, Worldcrunch, établi à Paris, espère relater un sujet urgent chaque mois, dispensant “pas uniquement les problèmes, mais de réelles solutions”. Le projet sera financé si au moins 15.000 dollars sont promis d'ici le 3 juillet 2013. A J-13, la campagne Kickstarter affiche 109 participants s'engageant pour 9.325 dollars.

Les programmes de surveillance des USA concernent les droits de tous

vendredi 21 juin 2013 à 00:08

[Les liens renvoient vers des pages en anglais]

Les révélations de la semaine dernière concernant les programmes de suveillance des communications téléphoniques et internet de l’Agence nationale de sécurité (NSA) [fr] des États-Unis, ont envoyé une onde de choc dans ce pays, dans les médias occidentaux mais aussi un peu partout dans le monde. Alors qu'aux USA, de nombreux législateurs soucieux de respect de la vie privée et les défenseurs des droits numériques sur Internet se sont servis de la nouvelle comme d'une opportunité pour exiger une plus grande protection de la vie privée en ligne des seuls citoyens des Etats-Unis, les utilisateurs d'Internet dans le reste du monde s'interrogent sur la protection de leurs propres données sauf à fermer leur compte Google, récupérer leur profil Facebook et disparaître dans la nature.

Les documents exfiltrés par l'employé de Booze Allen, sous-traitant de la NSA, Edward Snowden ont confirmé que des compagnies téléphoniques comme Verizon et AT&T transmettaient à la NSA des données concernant les appels de leurs clients à l'aide d'un système couvert par le secret et l'absence de responsabilité. On y apprend que la NSA applique un critère imprécis pour le statut d'étranger conditionnant la possiblité de soumettre à surveillance les communications d'une personne dans le cadre de la Loi de surveillance des renseignements étrangers (FISA) [fr] et l’article 215 du PATRIOT Act [fr] des USA— Des utilisateurs qui parlent avec des personnes d'autres pays pour n'importe quelle raison allant de la planification d'attaques terroristes à la simple demande de nouvelles de leur famille, peuvent être l'objet d'une surveillance.

Image by the Electronic Frontier Foundation. (CC BY-2.0)

Source image : Electronic Frontier Foundation. (CC BY-2.0)

Les documents révélaient aussi les détails d'un programme de surveillance d'Internet dénommé PRISM, qui permet à la NSA et au Bureau Fédéral d'Investigation (FBI) [fr] d'obtenir de vastes quantités de données sur les utilisateurs et les communication de la part des principales sociétés d'Internet telles Google, Facebook et Microsoft. Si de nombreux aspects de ce programme restent obscurs, la nouvelle a abasourdi les défenseurs internationaux des droits numériques. Les mouvements de défense du Royaume-Uni ont écrit une lettre ouverte au Premier Ministre David Cameron, condamnant la surveillance par le gouvernement des Etats-Unis de citoyens britanniques et exigeant des sauvegardes vigoureuses pour la vie privée numérique au Royaume-Uni. En même temps, une coalition internationale de défenseurs agit pour que le Conseil des droits de l'homme de l'ONU convoque une réunion extraordinaire afin de discuter la question et de développer des recommandations pour les Etats membres.

Si certains voient dans ces révélations une opportunité de promouvoir des lois plus solides chez eux, d'autres redoutent que les Etats-Unis, traditionnellement engagés à “donner l'exemple,” aient fixé un nouveau standard mondial, très bas, de protection de la vie privée en ligne.

“Ces fuites révèlent une violation des droits élémentaires de n'importe quel citoyen, peu importe dans quel pays il se trouve”, a dit Wafa Ben Hassine, une défenseure tunisienne des droits de l'homme et membre de l'ACLU, à Global Voices Advocacy : elle rappelle que les Tunisiens sont familiers de cette surveillance généralisée : “le gouvernement tunisien à l'époque de Ben Ali s'est permis d'espionner pendant des décennies les communications Internet de n'importe quel citoyen”. Elle souligne l'intérêt de profiter de ce moment pour que les responsables politiques mettent en place des Lois protégeant les droits du numérique.

Alberto Cerda, avocat des droits de l'homme et directeur du programme international de l'organisation chilienne Droits du numérique [espagnol], signale que dans ce pays le gouvernement a fait “son devoir” dans le domaine de la législation mais que cela n'est même pas un début de solution.

Ceci montre bien qu'une solution locale est insuffisante étant donné que la violation des droits fondamentaux a un caractère mondial. À quoi me sert une protection  au Chili si en réalité c'est le gouvernement des États-Unis qui viole mes droits ?

Cette interrogation est évidemment celle de nombreux internautes. Kasia Szymielewicz directrice de l'organisation pour les droits numériques en Pologne Panoptykon [en polonais] souligne que les actes de la NSA violent la politique de protection des données numérique de l'Union Européenne qui vise à assurer une plus grande protection qu'aux États-Unis contre l'utilisation de données numériques privées concernant des particuliers ou des entreprises. Elle a déclaré à GV Advocacy :

Personne ne s'attendait à ce que la NSA ou le FBI, ait un accès direct aux serveurs des compagnies. Cela veut dire en pratique que toutes les données numériques des citoyens européens peuvent être utilisés abusivement sans protection juridique. Selon les normes européennes et même dans le cadre de l'application de la loi on ne peut absolument pas accepter cette pratique.

Certains voient dans les caractéristiques du programme PRISM un motif de promouvoir le secteur d'activité Internet au niveau national : Anja Kovacs, directrice du projet Internet democracy à Delhi en Inde, affirme que le collectif des FAIs (fournisseurs d'accès Internet) de l'Inde voit dans cette menace la possibilité de faire pression sur les entreprises multinationales pour qu'elles utilisent des serveurs dans le pays. Cette mesure donnerait au gouvernement indien un plus grand pouvoir juridique et de contrôle sur les données des utilisateurs locaux et les efforts du gouvernement américain pour les obtenir.

Mme Kovacs relève également que l'association a eu raison de pointer “la duplicité des entreprises ayant leur siège au États-Unis qui refusent l'accès à leurs informations au gouvernement indien alors qu'elles le permettent au gouvernement américain”. Tout en avertissant que “ce dernier point est parfois formulé en termes très nationalistes en appelant à des solutions qui pourraient bénéficier à l'État indien mais pas nécessairement aux internautes de ce pays”. Beaucoup de militants indiens affirment que les efforts pour mettre en place des serveurs dans ce pays sont principalement animés par les désirs du gouvernement d'un plus grand contrôle sur les communications en ligne.

Wafa Ben Hassine a également affirmé la nécessité de voir plus d'entreprises ayant leur siège hors des États-Unis.

Ce contrôle de la NSA doit être une leçon pour tous les pays. La clé pour assurer la confidentialité et faire respecter les droits numériques en ligne passe par le développement de plates-formes et de serveurs locaux disponibles au niveau mondial. Notre dépendance vis-à-vis de la “grande technologie” nord-américaine est en partie responsable de ce problème.

Les militants spéculent également sur les conséquences des révélations concernant la NSA sur la mise en place de politiques au niveau national sur le thème de la vie privée.

Carlos Afonso, expert en gouvernance d'Internet et directeur du groupe brésilien des droits sur Internet Instituto Nupef [en portugais] évoque la Loi de protection des données au Brésil qui sera présentée au Congrès dans un futur proche. Afonso demande que les débats futurs sur ce thème soient transparents et ouverts à toutes les parties concernées. Ce débat devra comporter des garanties pour que ce droit de protection soit garanti par le pouvoir politique, avec une participation de tous les secteurs de la société civile concernés.

Mme Szymielewicz espère que ces révélations stimuleront un plus grand effort de l'Union Européenne sur la protection des données, et note que l’ “affaire PRISM” a déjà déclenché un “débat sérieux” au sein des institutions européennes. Elle déclare également que cette annonce pourrait avoir l'effet contraire à celui attendu dans de nombreux pays y compris dans sa Pologne natale.

Il y existe un risque que les autorités polonaises et les organismes de sécurité se rapprochent de la NSA et du FBI et demandent même un accès plus complet à toutes nos données dans un but de sécurité publique, abaissant par là-même notre norme de protection juridique.

Alors que continuent à paraître de nouvelles informations autour de cette affaire, les législateurs et les défenseurs des droits numériques doivent prendre en compte les implications mondiales de ces programmes et les volontés de surveillance numérique des gouvernements de tous pays. A l'époque du numérique il n'est pas possible de tracer une ligne de séparation entre les communications des citoyens ou résidants d'un pays et les étrangers. Les gouvernements doivent chercher à développer des politiques qui s'ajustent à cette nouvelle configuration et protègent également  la liberté des usagers.

ABRE LATAM: une anti-conférence sur le libre accès aux données et la transparence

jeudi 20 juin 2013 à 23:19

Fernando Briano de Picando Código rappelle [espagnol] qu'aura bientôt lieu l'anti-conférence ABRE LATAM, organisée par D.A.T.A. et Ciudadano Inteligente, les 24 et 25 juin prochains à Montevideo, en Uruguay. L'événement compte “réunir des représentants des différents secteurs de la société civile latino-américaine qui travaillent sur le libre accès aux données autour de thèmes tels que la transparence, la participation citoyenne et l'élargissement des libertés civiles”. Retrouvez ABRE LATAM sur Twitter et Facebook.