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Chine : le mouvement #MeToo censuré sur WeChat

dimanche 31 mars 2019 à 20:10

En Chine, les autorités perçoient #MeToo comme une menace politique.

Des étudiantes chinoises déploient des pancartes contre le harcèlement sexuel lors de la Marche des Femmes du 20 janvier à Washington, DC. Photo via Voice of America, réutilisation autorisée.

 Cet article a été rédigé par l'équipe de WeChatscope, un projet de recherche mené par le Dr. King-wa Fu à l'Université de Hong Kong.

Avec plus de 1milliard d'utilisateurs individuels, et plus de 20 millions de comptes publics enregistrés, WeChat a le plus grand nombre d'utilisateurs nationaux et la couverture la plus étendue de tous les services de médias sociaux en Chine. À ce titre, il est devenu une composante essentielle du lourd régime de censure chinois. 

En 2017, notre équipe de l'Université de Hong Kong a construit un système technique de « raclage » du web pour étudier la censure sur les pages accessibles au public de WeChat. Au cours de l'année 2018, nous avons suivi plus de 4000 comptes publics couvrant l'actualité quotidienne et conservé les articles censurés dans une base de donnée ouverte à tous : le WeChatscope. Cet article est le sixième de notre partenariat avec Global Voices.

Dans le monde entier, #MeToo (#BalanceTonPorc en France) a été l'un des hashtags les plus populaires sur Twitter en 2018. La campagne mondiale a pris différentes dimensions dans une dizaine de pays, dont la Chine. Nos données révèlent que les accusations d'inconduite sexuelle en ligne étaient l'un des sujets les plus fortement censurés sur WeChat en 2018.

La campagne est apparue pour le première fois sur les médias sociaux en Chine en octobre 2017, principalement sous la forme d'articles de révélations concernant des acteurs et des producteurs à Hollywood. Cependant, à l'instar de ce qui s'est produit dans d'autres pays, après que ces histoires ont circulé sur internet pendant plusieurs semaines, les populations locales ont à leur tour commencé à parler de leurs expériences personnelles.

En novembre 2017, la journaliste Sophia Huang a entamé une enquête concernant les accusations d'inconduite sexuelles apparues dans les médias. Elle a utilisé le hashtag #MeToo et a mis en place une plateforme de lutte contre le harcèlement sexuel sur WeChat afin de mener un sondage et rassembler les cas de harcèlement sexuel.

Le premier cas #MeToo médiatisé en Chine à faire la une de l'actualité internationale a été diffusé sur Weibo le 1er janvier 2018 par Luo Xixi, une ancienne étudiante de l'Université d'aéronautique et d'astronautique de Pékin.

Mme Luo, qui a depuis déménagé aux États-Unis, a révélé avoir été harcelée sexuellement par le professeur Chen Xiaowu 12 ans plus tôt. Son récit qui contenait le hashtag #Wo Ye Shi ((#我也是, “#MeToo”), a fait le buzz en deux jours. Après presque deux semaines d'enquête, Chen a été renvoyé de l'université et s'est vu retirer son titre universitaire de Yangtze River Scholar (‘Savant du Fleuve Yangtze’, la plus haute distinction décernée à une personnalité de l'Enseignement supérieur en Chine) par le Ministère de l'Éducation.

L'incident a donné naissance à une série de campagnes et de pétitions au sein de plusieurs universités qui ont demandé aux directions des établissements de prendre des mesures officielles afin de lutter contre l'inconduite sexuelle. Des activistes féministes ont commencé à utiliser  #MeToo and #Wo Ye Shi comme hashtags de campagne sur les réseaux sociaux. En deux semaines ces derniers sont devenus des thèmes populaires sur Weibo, mais la fonction permettant de générer automatiquement une page de discussion a été désactivée en février. Un nouveau terme “lapin de riz”, dont la sonorité ressemble à “me too” en chinois, a été utilisé pour remplacer le hashtag et échapper à la censure.

Lorsque des féministes chinoises ont tenté de mener la campagne plus loin à l'occasion de la Journée internationale des femmes le 8 mars 2018, celles-ci ont été  bloquées par les censeurs chinois, tout comme la campagne au hashtag “#38antiharassment”. Les hashtags #Metoo ou #Wo Ye Shi étaient uniquement autorisés pour traiter du harcèlement sexuel dans d'autres pays tels que la Corée du Sud.

La campagne universitaire #MeToo qualifiée de “mouvement politique”

Un mois plus tard, début avril, la campagne chinoise du mouvement #MeToo est revenu sur le devant de la scène, lorsque Li Youyou, diplômée de l'Université de Pékin, a publié un message accusant Shen Yang, professeur de littérature de l'Université de Nankin, d'inconduite sexuelle à l'encontre de Gao Yan, une ancienne camarade de classe de Li, qui a mis fin à ses jours en 1998.

Shen Yang a nié les accusations mais l'université a décidé de mettre fin au contrat du professeur âgé de 60 ans pour “violation de l'éthique de l'enseignement ”. Par coïncidence, Shen s'était également vu décerner le titre de Yangtze River Scholar.

Peu de temps après, huit étudiant(e)s de l'Université de Pékin ont écrit une lettre ouverte aux autorités de l'établissement, leur demandant de rendre publiques les informations concernant leur enquête sur la mort de Gao Yan.

Ce collectif relativement modeste a suscité une réponse ferme de la part de l'administration de l'université qui a tenté de menacer les étudiants avec des mesures plus strictes. Mais cette réaction a joué en leur défaveur lorsqu'une des étudiantes Yue Xin a rédigé une autre lettre ouverte dénonçant la manière dont l'université harcelait et menaçait les étudiants. Bien que la lettre de Yue ait été rapidement censurée, d'autres étudiantes en ont fait des captures d'écran et l'ont fait circuler sur en ligne. En peu de temps, des affiches exprimant leur soutien aux étudiantes activistes du mouvement #MeToo sont apparues sur le campus.

D'après le China Digital Times, un message prétendant que le comité du Parti Communiste de l'université était préoccupé par l'incident, a circulé sur plusieurs groupes WeChat à l'Université de Pékin. Le Comité a semble-t-il perçu la réaction des étudiantes comme une forme d'activisme ou comme un mouvement politique de connivence avec des forces extérieures, et par conséquent comme une menace pour le système politique dans son ensemble.

Pendant ce temps, une recherche du nom de Yue Xin dans la base de données du WeChatscope ne donnait aucun résultat. Il s'agit peut-être d'une erreur de saisie, mais il est plus probable que cela démontre que le terme “Yue Xin” a été signalé comme étant délicat d'un point de vue politique et par conséquent totalement censuré sur le domaine public de WeChat.

Bien que la mort de Gao Yan soit survenue il y a 20 ans, des publications mentionnant l'incident ont été plus souvent retirées sur WeChat que dans d'autres cas particuliers, parce que les mots-clés s'y rattachant ont été signalés comme faisant partie d'une “mouvement politique”.

Voici quelques exemples de publications liées à Gao Yan ayant été censurées à l'Université de Pékin : La première publication intitulée “Xu Fan et Wang Ao deux anciennes étudiantes de l'Université de Pékin (promotion de 1995), exhortent l'universitaire renommé Shen Yang à arrêter de mentir” (北京大学95级徐芃、王敖请长江学者沈阳不要再说谎了) était un appel public émis par les deux anciennes étudiantes susnommées publiée le 5 avril 2018. Celle-ci a été retirée de WeChat le même jour.

Le deuxième publication: “La résistance et la rédemption à propos de l'incident Gao Yan” (高岩事件中的反抗与救赎) est une enquête contenant des interviews des parents de Gao Yan ainsi que de Li Youyou. L'article s'est penché sur les relations de pouvoir entre les professeurs et les étudiants au sein d'une institution universitaire. À son tour il a été mis en ligne puis retiré le 8 avril, date de sa publication.

Le troisième article était intitulé “Intéressez-vous au suicide de Gao Yan et soyez attentif.ves à la politique du campus concernant le harcèlement sexuel” (关注 | 20年前的高岩自杀事件 迟到的校园反性骚扰制度). Publié et retiré le 9 avril, l'article critiquait l'absence de directives dans le traitement des cas de harcèlement sexuel sur le campus.

Les témoignages continuent de circuler sur les médias sociaux

Malgré la répression, les récits d'expériences personnelles de harcèlement sexuel continuent de circuler sur les médias sociaux. D'après les chiffres de la BBC, près d'une trentaine de personnalités des milieux de l'éducation, des médias et des ONG ont été accusées d'actes de violence sexuelle entre juin et août 2018 en Chine.

L'histoire ayant fait couler le plus d'encre a été celle de Zhou Xiaxuan, une jeune femme de 25 ans qui a raconté avoir été harcelée sexuellement par Zhu Jun, un célèbre présentateur TV en 2014. Son récit de 3000 mots a tout d'abord été partagé lors de discussions entre amis. L'un d'entre eux, le militant écologiste Xu Chao, lui a demandé son autorisation pour partager  l'histoire sur Weibo, celle-ci a fait le buzz en deux heures. Dans les jours qui ont suivi, le terme “Zhu Jun” est apparu dans la barre de recherche Weibo.

Bien que Zhu soit étroitement lié à la Télévision centrale chinoise (CCTV), les discussions publiques concernant l'affaire ont été moins censurées que celles concernant l'incident survenu à l'Université de Pékin. Nous avons retrouvé une publication censurée dans la base de données du WeChatscope intitulée “Nouveau rebondissement dans l'affaire Zhu Jun. Les gens croient-ils toujours en l'innocence du professeur?” (朱军事件有了新情况,有多少人还相信朱军老师是清白的?) avec cette question rhétorique dans le titre qui peut laisser penser aux lecteurs que Zhu est coupable sans aucun doute possible. L'article a été publié puis supprimé le 12 novembre.

Zhu a nié les accusations et a menacé de poursuivre Zhou pour diffamation, un contentieux judiciaire qui captive toujours l'attention du public. Zhou tente désormais de lancer la toute première poursuite civile pour harcèlement sexuel du pays contre Zhu.

Nos données confirment le fait que les censeurs chinois bloquent les contenus qui contestent les autorités et les défenseurs du changement, même lorsque ceux-ci n'abordent pas explicitement des questions politiques. Elles démontrent également que le mouvement #MeToo en Chine, ainsi que d'autres contenus portant un message analogue, sont parvenus à trouver leur place dans les médias sociaux chinois. De temps à autre, de nouveaux cas surgissent sur internet et certains d'entre eux attirent l'attention publique générale.

Lorsqu'une personne partage son histoire et que celle-ci parvient à faire réagir les autres, elle peut être partagée par des dizaines de milliers d'usagers en l'espace de quelques heures. En dépit des efforts déployés pour censurer ce type de messages, ces vagues de partage ont eu un impact majeur sur les campus des universités chinoises.

Netizen Report : Retour de bâton en ligne au Pakistan et en Malaisie après les manifestations de la Journée internationale des femmes

dimanche 31 mars 2019 à 19:50

Ensemble de banderoles utilisées lors de la Marche des femmes de Boston, en janvier 2017. Photo Ellery Biddle, utilisée avec son autorisation.

Le Netizen Report d’Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de technologie et de droits de l’homme dans le monde. Cette édition couvre des informations et événements qui concernent la période du 22 au 28 mars 2019.

Les militantes féministes de Malaisie et du Pakistan [tous les liens sont en français ou en anglais] font face à toute une campagne de harcèlement en ligne déclenchée par leur participation aux divers événements publics organisés pour la Journée internationale des femmes, le 8 mars dernier.

Dans le monde entier, des groupes de femmes ont organisé des rassemblements publics, des manifestations et des réunions pédagogiques lors de cette journée soutenue par l’Onu. Outre des questions liées à l’accès à l’éducation, au droit du travail et à la place des femmes en politique, beaucoup de ces rassemblements ont été l’occasion de condamner sans détour les violences sexuelles, ainsi que le harcèlement dont sont victimes les femmes et la communauté LGBTQI.

Ce sont plus particulièrement ces condamnations qui semblent avoir déclenché de violentes réactions en ligne. Au Pakistan, la ligne d’assistance téléphonique dévolue au harcèlement de la Fondation pour les droits numériques a reçu un grand nombre d’appels de personnes ayant été menacées de violences sexuelles, de mort ou d’attaque à l’acide après avoir participé à cette journée.

L’écrivaine féministe Bina Shah a réagi à ces menaces sur Twitter. Elle a également pointé du doigt l’inaction de Twitter face aux demandes faites par des femmes de retirer ces menaces du fil du réseau social :

Suite à la AuratMarch2019 (AuratMarch), de nombreux utilisateurs ont signalé des dizaines de comptes faisant état de menaces de violences et de harcèlement à l’encontre de femmes ayant participé aux manifestations, mais Twitter et le TwitterSupport affirment que ces propos ne vont pas à l’encontre des normes de la communauté.

En Malaisie, des photos et profils de plusieurs participantes aux manifestations organisées pour la Journée des femmes ont été largement partagés dans des groupes de discussion et sur des pages de réseaux sociaux afin qu’elles soient prises pour cible par le plus grand nombre possible. Certaines se sont vues menacées et malmenées par des étrangers, mais aussi par des membres de leur famille ou leur employeur.

Le ministre en charge des Affaires religieuses, Datuk Seri Mujahid Yusof Rawa, a encore attisé les propos au vitriol circulant en ligne en accusant la marche de la Journée des femmes d’avoir « fait mauvais usage de l’espace démocratique en y défendant des choses contraires à ce que prône l’Islam ».

Le 14 mars, la police a annoncé que sept organisatrices de la Journée des femmes faisaient l’objet d’une enquête pour sédition et violation du Peaceful Assembly Act (loi de 2012 réglementant les manifestations publiques en Malaisie).

Au Pakistan, fête nationale rime avec réseau mobile bloqué

Les habitants d’Islamabad, capitale du Pakistan, ont été privés des services de téléphonie mobile durant plusieurs heures le 23 mars dernier. L’accès au réseau a en effet été bloqué le temps du défilé militaire commémorant le Pakistan Day, qui commémore l’anniversaire de la résolution de 1940 ayant établi les bases de l’indépendance du Pakistan vis-à-vis de la Grande-Bretagne.

Bien que la Haute Cour d’Islamabad ait déclaré illégales les coupures arbitraires du réseau en 2018, une cour d’appel a par la suite fait suspendre sa décision. Depuis, les autorités ont plusieurs fois invoqué des questions de sécurité afin de justifier des coupures.

L’adoption de la directive sur le droit d’auteur par le Parlement européen suscite des réactions sur tout le continent

Malgré les appels lancés par plus de cinq millions de personnes à travers l’Europe (dans le cadre de pétitions et de manifestations), le Parlement européen a approuvé, le 26 mars dernier, la directive très décriée sur le droit d'auteur.

Cette directive oblige les États membres à légiférer pour exiger des plateformes Internet, telles YouTube, qu’elles empêchent les utilisateurs de télécharger des contenus protégés par le droit d’auteur. Ce en imposant de fait un système de « censure préalable » aux grands acteurs du Web et aux réseaux sociaux. La directive demande également aux médias en ligne à but lucratif de verser de l’argent aux auteurs, ou ayants droit, d’une citation excédant quelques mots.

Pour Diego Naranjo, conseiller auprès de l’EDRi (European Digital Rights), une association européenne de défense des droits numériques, la directive, et plus particulièrement son article 13, « crée un dangereux précédent en termes de filtres Internet et de mécanisme de censure automatisée – en Europe et dans le monde entier ».

Un journaliste mozambicain emprisonné 70 jours sans charges

Arrêté alors qu'il couvrait une série d’attaques violentes contre des petits villages de la province de Cabo Delgado, au Mozambique, le journaliste Amade Abubacar est emprisonné depuis plus de 70 jours, sans qu’aucun procès n’ait eu lieu. Les autorités l’accusent de « violation de la sécurité nationale » et « d’incitation à la désobéissance par le biais d’outils informatiques », mais n’ont pas encore officiellement retenu de charges contre lui.

Le journaliste mozambicain de 32 ans a été brièvement détenu sur une base militaire, alors qu’il ne fait pas partie des forces armées. Il a par la suite confié à l’association du barreau du Mozambique qu'il avait été torturé et privé de nourriture. Les autorités ont pour le moment refusé de le traduire en justice et décliné une deuxième demande de remise en liberté provisoire formulée par ses défenseurs.

Un activiste vietnamien condamné à la prison pour avoir critiqué la loi sur la cybersécurité

Un activiste local a été condamné à deux ans de prison pour avoir posté sur Facebook des commentaires critiques de la très restrictive loi sur la cybersécurité, qui impose aux sociétés de l’Internet actives au Vietnam de stocker leurs données dans le pays et de supprimer du contenu si l’État en donne l’ordre. Le Minh The fait partie du groupe prônant la démocratie Hien Phap et est un fervent défenseur de la liberté d'expression. Il est l'un des six activistes et blogueurs actuellement poursuivis pour s’être opposés pacifiquement au gouvernement, selon Human Rights Watch.

Envie de jeter un œuf sur un responsable politique singapourien ? N’en dites rien sur Facebook !

Le Singapourien et utilisateur de Facebook Edmund Zhong fait l’objet d’une enquête de police pour avoir récemment posté un commentaire dans lequel il faisait part de sa volonté de jeter un œuf sur le ministre de la Justice et des Affaires intérieures K. Shanmugam. Le jeune militaire de 20 ans a réagi à un post de la page Facebook de la chaîne News Asia mentionnant le fait qu’un adolescent australien avait jeté un œuf sur un sénateur conservateur : « Je veux faire la même chose à K Shanmugam. je le jure », a-t-il écrit.

Trois jours plus tard, Zhong recevait une notification de la police l’informant qu’il faisait l’objet d’investigations pour « diffusion numérique de propos incitant à la violence », en vertu de la Section 267C du Code pénal. Si reconnu coupable, Zhong risque une amende et/ou une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans.

Le site anglophone d’Al Jazeera bloqué au Bangladesh à cause d’un article évoquant la corruption militaire

Les autorités bangladaises ont bloqué la version anglophone du site d’informations Al Jazeera suite à la publication d’un article évoquant des allégations selon lesquelles le responsable du service de renseignement militaire du Bangladesh aurait ordonné aux agents de la sécurité d’État d'enlever trois hommes dans le cadre du règlement d'un différend commercial. Le site d’informations local Joban, qui a publié un résumé de l’article en bengali, a également été rendu inaccessible.

Cela fait longtemps que le gouvernement a pris l’habitude de bloquer les sites d’informations se montrant critiques. Et récemment, le processus de mise hors ligne a encore été simplifié pour en faciliter davantage l’usage : désormais, les agences de sécurité peuvent bloquer les sites de manière centralisée sans avoir besoin de l’autorisation de la Commission de réglementation des télécommunications du Bangladesh.

Nouvelles recherches

 

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Afef Abrougui, Ellery Roberts Biddle, Nwachukwu Egbunike, L. Finch, Rohith Jyothish, Rezwan Islam, Oiwan Lam, Mong Palatino, Talal Raza, Taisa Sganzerla et Filip Stojanovski ont contribué à cette édition du Netizen Report.

La controverse enfle en Birmanie : une plantation de bananes de l'Etat Kachin en photos

samedi 30 mars 2019 à 21:03

Photo de Nan Lwin / The Irrawaddy

Cet article de Nan Lwin est issu de The Irrawady, un site d'information indépendant de Birmanie, et il est republié sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Cette plantation de bananes de 500 acres [environ 200 hectares] dans la petite ville de Lamyang dans l’État Kachin s'éveille normalement à 7 heures tous les matins. Les travailleurs, hommes et femmes confondus, dont la plupart viennent de l’État Rakhine, transportent sur des palanches des régimes de bananes vertes tout juste cueillis vers une zone de traitement où les bananes sont rincées puis plongées dans une citerne remplie d'une solution chimique blanche. Personne ne sait ce qu'est cette solution, mais il paraît que “cela fait durer les fruits plus longtemps.” Les bananes sont ensuite chargées sous le regard vigilant des superviseurs chinois dans des camions à douze roues qui les achemineront jusqu'à leur destination finale : la province du Yunnan en Chine.

Selon un travailleur, “il faut presque quatre heures pour remplir entièrement un camion. Après, nous avons notre pause-déjeuner.”

La scène est un microcosme de la plantation de bananes issues de cultures in vitro de plus en plus présente dans l’État Kachin. Selon le ministère de l'Agriculture, de l'élevage et de l'Irrigation de Birmanie, ce genre de plantations occupe plus de 60.000 acres de terres [environ 24.300 hectares] dans l’État Kachin. Des associations issues de la société civile affirment cependant avoir recensé dans l’État plus de 170.000 acres [environ 69.000 hectares] dans les villes de Waimaw, Bhamo, Shwegu, Mansi, Momauk et Dokphoneyan. La majorité des plantations sont à fonds chinois  et sont accusées de voler des terres, de porter atteinte à l'environnement et d'enfreindre les droits des travailleurs.

Les plantations de bananes issues de cultures in vitro sont interdites au Laos et en Thaïlande mais sont devenues omniprésentes dans l’État Kachin ravagé par la guerre. La plupart des terres cultivées abandonnées par l'ethnie kachin déplacée sont maintenant des plantations.

D'après des signalements d'associations de la société civile, les entreprises utilisent des insecticides, des herbicides et des engrais et s'en débarrassent sans précaution. Les rapports indiquent que les produits chimiques polluent les réserves d'eau, contaminent le sol et tuent les poissons et le bétail.

Photo de Nan Lwin / The Irrawaddy

Photo de Nan Lwin / The Irrawaddy

Photo de Nan Lwin / The Irrawaddy

Photo de Nan Lwin / The Irrawaddy

#WelcomeHomeAlaa : Le militant révolutionnaire égyptien Alaa Abd El Fattah relâché après cinq années en prison

samedi 30 mars 2019 à 10:23

Famille et proches se réjouissent de la libération du blogueur.

Alaa Abd El Fattah et Manal Hassan. Photo : Lilian Wagdy via Wikimedia Commons (CC BY 2.0)

Le militant et blogueur égyptien Alaa Abd El Fattah a été remis en liberté dans la nuit du 28 mars après avoir passé cinq ans en prison pour avoir bravé une interdiction de manifester.

La nouvelle est apparue sur Twitter lorsque sa sœur, la militante Mona Seif, a tweeté ces trois mots : “Alaa est sorti.” Elle a plus tard enchanté les amis et proches de son frères en publiant une photo du célèbre révolutionnaire égyptien en train de jouer avec le chien de sa famille, Toka, qu'il voyait pour la première fois :

Première rencontre de Alaa et Toka 💓

Ses soutiens à travers le monde se sont mis à publier des photos sur Twitter avec des panneaux “Welcome Home Alaa!” (Bienvenue à la maison Alaa) :

En mon nom et celui de tous tes amis à @apc_news : Bienvenue à la maison, cher Alaa

Après cinq années en prison, le militant et champion des droits numériques d'Egypte Alaa est libre. Bienvenue à la maison, de la part de tes amis de la famille Global Voices et Advox

Alaa était une voix éminente parmi les blogueurs et activistes des technologies du Caire à l'approche et au temps de la révolution égyptienne. Avec sa femme, Manal Hassan, il a contribué à développer une gamme de projets d'activisme technologique et politique en travaillant avec des militants et blogueurs de la région et au-delà, y compris de nombreux membres de la communauté Global Voices.

Le militant de 37 ans a été arrêté et arraché à son domicile familial en novembre 2013. Plus d'une année plus tard, en février 2015, il a fini par être jugé et condamné à cinq ans d'emprisonnement pour avoir “organisé” une manifestation, aux termes d'une loi sur les manifestations de 2013 interdisant les rassemblements non autorisés. S'il a effectivement participé à une protestation contre les procès militaires de civils le 26 novembre 2013, Alaa n'y a eu aucun rôle d'organisation. Sa condamnation fut confirmée par la Cour de cassation égyptienne en novembre 2017.

Dans le sens des aiguilles d'une montre : Sanaa (en haut à gauche) et Mona ; Alaa Abd El Fattah avec son fils Khaled et sa femme Manal Hassan ; Alaa et Sanaa ; Sanaa et Mona. Photo de la page Facebook de Mona Seif.

Alaa est issu d'une famille d'éminents défenseurs des droits humains, dont l'avocat des droits humains Ahmed Seif El Islam, le père d'Alaa, emprisonné à maintes reprises sous le régime de Hosni Mubarak. Les sœurs d'Alaa Abd El Fattah, Mona et Sanaa Seif, sont elles aussi des défenseures des droits humains qui ont longtemps fait campagne contre les procès militaires de civils en Égypte.

Alaa a été emprisonné ou investigué sous chaque chef d’État en fonctions pendant sa vie. En 2006, il avait été arrêté pour avoir pris part à une manifestation pacifique. En 2011, il avait passé deux mois en prison, et manqué la naissance de son premier enfant, Khaled. En 2013, il a été arrêté et détenu pendant 115 jours sans jugement.

Après cette remise en liberté, Alaa devra passer toutes ses nuits au bureau de police de son quartier pendant cinq années supplémentaires.

Mais pour l'instant, sa famille, ses amis et ses soutiens sont soulagés de le savoir hors de prison. Et la communauté Global Voices aussi.

L'ami de longue date de Global Voices et d'Advox est sorti de prison en Égypte après cinq longues années derrière les barreaux.

Le scénariste d'une BD brésilienne avec pour personnage principal un enfant noir : « Ne pas me sentir différent lorsque je lis ou vois quelque chose »

samedi 30 mars 2019 à 09:03

Trecho de Jeremias - Pele reproduzido com autorização do autor.

Extrait de Jeremias – Pele [Peau]. Reproduction avec la permission de l'auteur.

« J'existe et je veux que les gens me voient tel je suis. » Cette phrase prononcée d'une voix ferme est celle de Jeremias, un garçon noir personnage de la bande dessinée brésilienne Turma da Mônica (La bande à Mônica). Créée dans les années 1960 par Maurício de Sousa, la série en bande dessinée, traduite en 14 langues, a influencé des générations d'enfants au Brésil et dans environ 40 autres pays.

Jeremias — qui a été créé en 1960 [en portugais] et est le premier personnage noir du groupe – n'avait jamais eu son histoire à lui avant 2018. Avec la collection Graphic MSP [en portugais], le créateur Maurício de Sousa a revisité ses personnages classiques avec de nouveaux artistes aux visions contemporaines, qui ont alors raconté leurs histoires sous des angles différents.

Dans le cas de Jeremias, ceci s'était manifesté dans les travaux de Rafael Calça (scénario) et Jefferson Costa (technique et couleur), deux artistes noirs, alors inspirés par de nombreux autres jeunes et adultes pour qui la couleur de la peau a déjà été un sujet de discussion.

Trecho de Jeremias - Pele reproduzido com autorização do autor.

Extrait de Jeremias – Pele. Reproduction avec la permission de l'auteur.

Lorsqu'un enfant est en âge d'aller à l'école, c'est le temps des épreuves difficiles, une période de changements hormonaux turbulents où il construit ses convictions et crée sa propre personnalité. Et si c'est dur pour la plupart des gens, pour un enfant noir le parcours est encore plus difficile, car il y a un autre composant : le racisme.

Tout en étant divertissant, Jeremias – Pele [Peau], pourrait aussi aider les enfants et les familles à gérer leurs situations.

Les auteurs ont réussi à créer une œuvre très dure dans certaines histoires qu'elle raconte et très sensible dans son essence. Et la douceur subsiste à la fin de la bande dessinée. Il s'agit d'une lecture qui aurait certainement aidé cet écrivain à affronter ses journées à l'école.

J'ai parlé avec le scénariste Rafael Calça pour découvrir comment il a créé l'histoire et les retours des lecteurs qu'il a eu depuis :

Global Voices (GV) : Pour la création de la bande dessinée, vous avez étudié les histoires, évènements et insécurités d'un enfant noir à l'âge scolaire. Quel a été l'impact de ce processus sur vous ?

Rafael Calça (RC): O Jefferson e eu conversamos sobre o que passamos na infância e como certos eventos são comuns na vivência negra. E foi uma catarse pra mim, listar situações e lembrar como me senti sem entender muito o que acontecia. Confesso que evitava pensar muito nisso e queria focar no hoje, mas fazer essa história foi como fazer as pazes com o menino que eu fui.

Rafael Calça (RC) : Jefferson et moi avons parlé de ce que nous avons vécu dans notre enfance et comment certains événements sont communs à l'expérience des noirs. En énumérant les événements et me rappelant comment je me sentais sans comprendre grand-chose à ce qui se passait, c'était cathartique pour moi. J'avoue que j'avais l'habitude d'éviter d'y penser souvent et que je voulais me concentrer sur le présent. Mais réaliser cette histoire était comme faire la paix avec le garçon que j'étais.

Trecho de Jeremias - Pele reproduzido com autorização do autor.

Extrait de Jeremias – Pele. Reproduction avec la permission de l'auteur.

GV : Pour vous, qu'est-ce que la représentation ?

RC: Representação para mim é não me sentir diferente quando leio/assisto algo. Não ter que me adequar a uma vivência tão diferente, dilemas que não são meus. É saber que a minha história, a história da minha família, não é só tristeza ou estereótipos repetidos por gente mau-caráter. É minha existência não estar atrelada apenas à escravidão, como a escola parece dizer e a novela repetir. É me sentir parte do mundo em pé de igualdade.

RC : Pour moi, la représentation n'est pas différente lorsque je lis/vois quelque chose. Ne pas avoir à s'adapter à une expérience vécue qui est si différente, à des dilemmes qui ne sont pas les miens. C'est de savoir que mon histoire, l'histoire de ma famille, ce n'est pas seulement de la tristesse ou des stéréotypes répétés par des gens malveillants. Que «.

GV : Il y a quelque chose de puissant dans les effets de votre travail, ce sont les retours des personnes qui se sont senties concernées par le livre. Comme le rappeur Emicida, qui a encensé l'histoire sur la quatrième de couverture de la bande dessinée. Vous avez dû recevoir beaucoup de réactions des lecteurs. Que pouvez-vous nous en dire ?

RC: Recebemos uma quantidade bem grande de depoimentos pelas redes sociais, isso constantemente nos alimenta com a sensação de que fizemos um bom trabalho e o próximo precisa ser tão bom quanto, tão respeitoso com as pessoas quanto.

No Instagram, a hashtag #jeremiaspele contém a maioria. Em eventos, as histórias chegam até nós pessoalmente, é muito bonito. Situações iguais ou similares às que contamos em Pele aconteceram mesmo com muita gente.

Outras duas coisas inesperadas e incríveis que aconteceram: pais estão usando o livro para conversar com seus filhos pequenos sobre racismo. Através da história descobriram como abordar um assunto tão duro. E professores do país inteiro estão adotando o livro, mesmo que por conta própria, para tratar de racismo em sala de aula.

RC : Nous avons reçu énormément d'histoires via les médias sociaux, et ceci nous a toujours comblé avec le sentiment que nous avions fait un bon travail. Le prochain doit alors être tout aussi bon et respectueux des gens.

Sur Instagram, le hashtag #jeremiaspele contient la majorité [de ces histoires]. Lors des manifestations, les histoires nous parviennent personnellement, c'est très agréable. Les mêmes choses ou des choses similaires que nous racontons dans Pele sont arrivées à beaucoup de gens.

Deux autres choses inattendues et incroyables se sont passées : les parents ont utilisé le livre pour parler du racisme avec leurs jeunes enfants. Grâce à l'histoire ils trouvent un moyen d'aborder un sujet aussi difficile. Et à travers le pays des professeurs ont même pris l'initiative d'utiliser le livre pour traiter du racisme dans leur classe.

Trecho de Jeremias - Pele reproduzido com autorização do autor.

Extrait de Jeremias – Pele.. Reproduction avec la permission de l'auteur.

GV : Est-ce que Jeremias – Pele a le potentiel pour une distribution internationale ? Pensez-vous que ces histoires susciteraient l'intérêt dans d'autres pays ?

RC: Acredito que sim, já que o tráfico negreiro aconteceu em vários países, gerando uma desigualdade racial similar a do Brasil. Mesmo, claro, que em proporções diferentes, já que para nenhum outro lugar tantos africanos foram sequestrados e escravizados. Mas é possível entender o racismo na infância no mundo todo, a xenofobia na Europa é comum por exemplo.

Enfim, infelizmente o Brasil não é um caso isolado e muitas crianças poderiam ter uma perspectiva diferente com o Jeremias.

RC : Je pense que oui, étant donné que la traite des esclaves africains [en portiguais] a eu lieu dans différents pays, générant une inégalité raciale similaire à celle du Brésil. Même si, évidemment, c'est à des degrés différents. Étant donné qu'en aucun autre lieu de nombreux Africains ont été séquestrés et réduits en esclavage. Mais il est possible de percevoir le racisme pendant l'enfance dans le monde entier, la xénophobie en Europe, par exemple, est courante.

Or, malheureusement, le Brésil n'est pas un cas isolé et beaucoup d'enfants pourraient avoir une perspective différente avec Jérémias.

Capa de Jeremias - Pele reproduzida com autorização do autor.

La première de couverture de Jeremias – Pele. Reproduction avec la permission de l'auteur.

GV : Nous apprenons beaucoup des enfants et ce n'est pas différent avec Jeremias. Qu'est-ce qu'il vous a appris, Rafael ?

RC: Que não adianta fingir que certas coisas não machucam ou não existem. Carregamos marcas para a vida a gente queira ou não. Nosso emocional pagará um preço. Por isso é preciso levantar a cabeça e deixar de aceitar tudo o que dizem. É a nossa vida e vamos contar a nossa história do nosso jeito.

RC : Que nous n'avançons pas en prétendant que certaines choses ne font pas mal ou n'existent pas. Qu'on le veuille ou non, nous portons ces marques à vie. Notre état émotionnel en paiera le prix. Il est alors nécessaire de relever la tête et de cesser d'accepter tout ce qu'ils disent. C'est notre vie et nous raconterons notre histoire à notre manière

Pour en savoir plus sur le scénariste Rafael Calça : www.instagram.com/rafaelcalca/