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Pourquoi des Tchèques revendiquent la présidente de Slovaquie nouvellement élue comme la leur

vendredi 5 avril 2019 à 15:16

Zuzana Čaputová, présidente élue de la Slovaquie, le 30 mars 2019. Photographie de campagne, utilisation autorisée dans les médias.

Si la Slovaquie et la République tchèque se sont séparées officiellement et en bons termes en 1993, leurs sociétés continuent à garder des liens culturels, économiques et politiques forts, au point que certains segments de la société tchèque appellent Zuzana Čaputová, la présidente-élue de Slovaquie, une “présidente tchèque”.

Mme Čaputová, une avocate de 45 ans pro UE, a été élue le 30 mars 2019 avec 58 pour cent des voix. Lorsqu'elle prendra ses fonctions en juin, elle deviendra la première femme à devenir présidente de la Slovaquie.

Pourquoi un tel emballement des Tchèques pour sa victoire ?

Sur le papier comme dans de nombreux aspects de la vie économique, les deux pays auparavant unis ont emprunté des voies plutôt divergentes depuis 1993. La Slovaquie a affronté une transition plus difficile vers une économie de marché, et souffert d’un chômage plus élevé et d'un PNB par tête plus bas que ceux de son voisin. Et si les deux pays sont entrés dans l'Union européenne en 2004, seule la Slovaquie a choisi d’adopter l'euro pour sa monnaie (en 2009).

Les performances plus élevées de développement humain des Tchèques et l'abondance d'emplois attirent un flux constant de travailleurs migrants slovaques. Plus de 100.000 sont actuellement présents, représentant 1% de la population de la République tchèque et plus de 10% de ses travailleurs étrangers. C'est ainsi qu'on entend souvent parler slovaque à Prague et dans d'autres villes tchèques, et il en résulte une étrange sensation de réminiscence des temps de la Tchécoslovaquie, quand les deux langues étaient officiellement à égalité et étaient utilisées sans discrimination dans l'enseignement comme dans les média.

Politiquement l'intrication est encore plus marquée. L'actuel premier ministre tchèque Andrej Babiš est né à Bratislava, en Slovaquie, et y a fait sa scolarité et ses études universitaires. Il parle tchèque avec un léger accent slovaque.

Il est aussi un très controversé homme d'affaires reconverti dans la politique, suspect d'avoir collaboré dans le passé avec les services de sécurité communistes — ainsi qu'au présent de détournement de fonds de l'Union européenne.

Sa ligne politique dans le parti ANO est conservatrice, souvent anti-Bruxelles, ouvertement opposée à l'accueil de réfugiés, et généralement favorable à une alliance plus étroite avec Moscou et Pékin. Un programme politique qui est aussi celui de l'actuel président tchèque Miloš Zeman, élu fin 2018.

Le magazine tchèque Respekt consacre sa une à un article sur Zuzana Čaputová avec le tire “Miracle au-delà des Tatras”. Fair use.

Autant dire que la présidente-élue de Slovaquie Zuzana Čaputová est tout ce qu'ils ne sont pas : avocate, militante de l'environnement, partisane des politiques de Bruxelles et de la communauté LGBTQ — et femme.

De quoi contribuer à expliquer beaucoup des commentaires de personnalités politiques et de médias de premier plan à la nouvelle de la victoire inattendue de Mme Čaputová.

Le 31 mars, l'influent et libéral hebdomadaire tchèque Respekt faisait sa couverture avec un article sur la victoire de Čaputová appelée “La présidente tchèque Čaputová.” Le rédacteur en chef écrit :

Na českých sociálních sítích to v sobotu večer vypadalo, jako kdyby Zuzana Čaputová byla zvolena nikoli slovenskou, ale českou prezidentkou. Zavládlo tu naprosté nadšení. Pochopitelně mezi těmi, kdo si před rokem nepřáli úspěch Miloše Zemana. Mohlo by se zdát, že ty oslavy jsou naivní, nesmyslné, ale není tomu tak. Slovensko totiž vyslalo trochu naděje i do Česka.

Samedi soir, on aurait cru sur les médias sociaux tchèques que Zuzana Čaputová avait été élue présidente non pas slovaque mais tchèque. Les gens étaient euphoriques, à l'évidence ceux qui n'avaient pas souhaité la victoire de Zeman un an auparavant. On peut trouver de telles réjouissances naïves, insensées, mais ce n'est pas ça. La Slovaquie a effectivement apporté un peu d'espoir à la Tchéquie.

Une autre différence qui a immédiatement sauté aux yeux du public tchèque est dans la conception des médias de Zeman et de Čaputová. Le président tchèque est connu pour ses attaques incendiaires contre les journalistes, alors que Čaputová soutient ouvertement une enquête criminelle sur le meurtre du journaliste slovaque Ján Kuciak.

Tous les hommes politiques tchèques au pouvoir, y compris le président et le premier ministre, ont félicité Mme Čaputová pour son succès. Y ajoutant sa voix, Jiří Pospíšil, le chef du parti d'opposition TOP 09, a twitté :

Je crois que les relations amicales entre nos pays vont se poursuivre. Nous félicitons Mme Čaputová et espérons que nous mériterons bientôt un président honnête qui regarde vers l'avant et ne soit pas lesté par le passé.

En conformité avec les relations fraternelles entre les deux pays,  Čaputová fera sa première visite présidentielle à l'étranger en République tchèque.

Comment les médias pro-gouvernementaux du Maroc utilisent les “fake news” pour cibler et faire taire les militants rifains

jeudi 4 avril 2019 à 13:34

Le militant emprisonné Nasser Zefzafi diffamé par les médias marocains

Manifestants d'un sit-in à Imzouren, à 14 km de la ville d'Al-Hoceima dans la région du Rif. Photo : AlhoceimasOfficiel, utilisée avec autorisation.

Cet article est le premier d'une série de deux sur la répression des médians et les “infox” au Maroc. Il a été écrit en collaboration avec Access Now.

En septembre 2018, Nasser Zefzafi, le leader emprisonné du mouvement protestataire Hirak dans la province du Rif, a été nominé pour le prestigieux Prix Sakharov pour la liberté de pensée décerné par le Parlement européen. Cette récompense annuelle a été créée en 1988 pour honorer les personnes ‘’qui ont apporté une contribution exceptionnelle à la lutte pour les droits de l'homme dans le monde’.’

Zefazfi purge actuellement une peine de 20 ans de prison pour son rôle de meneur dans les manifestations du Hirak. Le mouvement contestataire a commencé à gagner du terrain après la mort de Mohsin Fekri, un vendeur de poissons dont la marchandise avait été confisquée par la police à Al Hoceima le 29 octobre 2016. Quand le jeune homme avait tenté de récupérer son poisson, il avait été happé par la benne d'un camion de ramassage d'ordures.

Zefzafi était sur la liste des trois finalistes du Prix Sakharov, mais ce n'est pas lui qui l'a remporté. Le prix a été attribué au cinéaste et écrivain ukrainien Oleg Sentsov.

Après l'annonce du lauréat le 25 octobre, le site marocain d'information Cawalisse publia un article inventé prétendant que le parlement européen “retirait le nom de Zefzafi de la liste des lauréats’’ parce qu'il était un “criminel sans rapport avec les droits humains”.

Capture d'écran de l'article fabriqué de Cawalisse prétendant que le Parlement européen avait qualifié Zefzafi de ”criminel’.

L'article (qui n'indique pas de nom d'auteur) affirme que “un groupe de lobbies internes au Parlement européen, dont ceux qui soutiennent les séparatistes du Polisario et ceux qui sont embauchés par les gangs de la drogue, ont fait pression sur le comité du prix pour le décerner à Zefzafi et donner à ses crimes le label de la protection des droits”.

L'article est faux du début à la fin. Il est basé sur des faits fabriqués et des théories complotistes. Le Parlement européen n'a jamais affirmé que Zefzafi était un criminel, ni n'a retiré son nom “de la liste des lauréats”. Il n'a tout simplement pas été choisi pour remporter le prix. En réalité, et pour commencer, il n'existait pas de “liste des lauréats”, mais un unique récipiendaire, Oleg Sentsov.

Le mouvement populaire du Rif et sa répression

Les manifestations hebdomadaires de protestation contre la stagnation socio-économique et les fonctionnaires corrompus dans la région du Rif, longtemps négligée par le gouvernement central, étaient persistantes jusqu'à ce que les autorités lancent une violente répression en juin 2017, avec l'arrestation de plus de 400 activistes et manifestants.

Le gouvernement ignora les revendications des protestataires, qui incluaient la fin de la corruption et l'amélioration des infrastructures. Au lieu de quoi les protestataires furent étiquetés ‘’séparatistes’’ et accusés d'être des agents de l'étranger essayant de déstabiliser le Maroc. Les tentatives documentées de les censurer comportaient l'interruption des connexions internet pendant les manifestations.

Le 26 juin 2018, le tribunal de première instance de Casablanca déclara coupables 53 personnes liées au mouvement protestataires, dont les leaders du mouvement, d'une série de charges comprenant l'incendie volontaire, la rébellion, les dommages à la propriété publique, l'organisation de manifestations non autorisées, et l'atteinte à la sécurité intérieure de l’État. Les condamnations s'étagèrent entre un et vingt ans de prison.

En août 2018, le roi Mohammed VI gracia 184 activistes du Hirak, parmi lesquels les 11 arrêtés lors de la répression du juin 2017. Les autres restent derrière les barreaux.

Ceci n'est pas le seul article publié par les médias pro-gouvernementaux pour diffamer Zefzafi, et ce dernier n'est pas le seul militant du Hirak ciblé par de telles opérations. A mesure que le mouvement croissait, les médias alignés sur le pouvoir, et les soutiens de celui-ci, ont lancé des campagnes diffamatoires en ligne pour discréditer le mouvement, accusant ses meneurs d'être des “traîtres”, des “corrompus”, ou encore des “terroristes”, façon de les dissuader de mener à bien leur protestation. Le procès et l’emprisonnement des militants n'ont pas mis fin aux campagnes de désinformation.

Nawal Benaissa, une autre figure de proue du mouvement Hirak, a été poursuivie et condamnée à 10 mois d'emprisonnement pour les déclarations qu'elle a publiées sur son compte Facebook entre juin et août 2017, dans lesquelles elle appelait les habitants d'Al Hoceima à se joindre aux manifestations. Dès qu'elle avait rejoint le mouvement, des infox se sont mises à apparaître dans la presse locale et les médias sociaux la dénonçant comme “agente qui travaille pour les ambassades” et recevant des fonds de pays étrangers pour répandre la violence et déstabiliser la région.

Un journaliste marocain qui a souhaité garder l'anonymat pour protéger sa sécurité a confié à Access Now que l'utilisation par les autorités marocaines de campagnes de diffamation pour intimider et discréditer les opposants et les militants indépendants a débuté en 2011 pendant les soulèvements arabes.

“Faits et événements peuvent être créés comme éléments d'un montage, ou, dans certains cas les faits peuvent être réels, mais profondément déformés et présentés avec l'intention de discréditer la cible”, explique-t-il.

Il a ensuite détaillé que les thèmes récurrents dans ces histoires falsifiées visant à “diffamer les organisations et individus qui ne sont pas loyaux au système politique en place” sont le sexe et la moralité, et la rémunération de services rendus à des intérêts étrangers. Plusieurs articles d'infox de médias pro-gouvernementaux affirmaient que Zefzafi et son père étaient payés pour déstabiliser le Rif et le Maroc.

Le harcèlement ciblé des militants du Hirak est une preuve supplémentaire que si l'internet peut fournir une plateforme aux marginalisés, il peut aussi faciliter leur persécution. Le coût potentiel de cette diffusion instantanée de la désinformation est douloureusement démontré par le bâillonnement des activistes du Hirak et le déclin de leur mouvement dont le seul tort était de combattre pour les droits fondamentaux.

À Trinité-et-Tobago, la photo magique d'une Reine du Carnaval sur échasses donnant le sein réaffirme la légitimité de l'allaitement en public

jeudi 4 avril 2019 à 11:52

Une photo mère-fils “ne faisant qu'un” fait le buzz

A la périphérie sud de Port d'Espagne, Shynel Brizan, reine du Carnaval 2019 de Trinité-et-Tobago, allaite son fils Prince en attendant que son groupe se présente devant le jury à South Quay le jour du Mardi gras. Photo de Shaun Rambaran, utilisée avec son autorisation.

Un beau moment de complicité vu par le monde entier : Mardi gras à Trinité-et-Tobago, la nouvelle Reine du Carnaval, Shynel Brizan, est calmement assise sur le mur d'enceinte du Cimetière Lapeyrouse à Port d'Espagne, et allaite son fils âgé d'un an, Prince.

Shynel Brizan, la Reine du Carnaval 2019, assise au sommet du mur du cimetière Lapeyrouse, allaitant son fils Prince, le jour de Mardi gras. Photo par Jillian Fournillier, publiée avec l'autorisation de l'auteur.

Son amie Jillian Fournillier, qui a pris a la photo, suivait le groupe et surveillait Prince, pendant que Shynel, son compagnon et d'autres échassiers (nommés “moko jumbies” à Trinité-et-Tobago) qui forment la troupe “Palace of the Peacock (‘Palais du Paon’) défilaient dans les rues. Elle s'est aperçue que l'enfant avait faim et avait besoin de sa mère. “Je vais me reposer un instant”, promit Shynel, ce qu'elle a fait dès qu'elle en a eu l'occasion. Le tronçon de route longeant le cimetière n'était pas trop bondé, Shynel s'est posée sur le mur et Jillian lui a mis Prince dans les bras. Elle a nourri son fils pendant une dizaine de minutes.

Jillian Fournillier se souvient que c'était un moment tranquille — ce qui est inhabituel pour un Mardi gras, où la musique est forte et l'énergie, électrique. Lors de son entretien téléphonique avec Global Voices, elle a déclaré,  “La majeure partie de la journée, Prince portait un casque encombrant pour protéger ses oreilles, mais nous avons pu le lui enlever pour le laisser passer du temps avec sa maman. Il était content et il n'y a pas eu besoin de l'allaiter à nouveau pendant un moment.”

Ce sentiment de paix se reflète dans la sérénité de la photo qui a depuis été partagée à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux, notamment par The Breastfeeding Association of Trinidad and Tobago et La Leche League USA, deux associations de soutien et d'information concernant l'allaitement maternel.

La plupart des autres photographes étaient des hommes, se souvient Jillian, et ils se sont éloignés de la scène — tous à l'exception de Shaun Rambaran, qui a pris plusieurs clichés de Shynel ce jour-là, certains lorsqu'elle était en train d'allaiter. Par e-mail, M. Rambaran a expliqué Global Voices que capturer ce moment ne l'avait pas intimidé, peut-être parce que sa mère était une assistante obstétricienne : “Pour être honnête, je crois qu'avoir été exposé d'une manière aussi ouverte à la connaissance du corps m'a donné une attitude inhabituelle envers l'humain, la nudité, le sexe, se garder en bonne santé et la vie en elle-même.”

En attendant d'entrer dans Park Street vers le stand du jury de Victoria Square, Prince est assis joyeux à l'avant du groupe Moko Somõkõw le 5 mars 2019. Photo de Shaun Rambaran, utilisée avec son autorisation.

Dans un article intitulé “Moko – Mother – Marvel”, (Moko – Mère – Merveille) Shynel a confié à la blogueuse Sheetal Daswani : “Les échasses et moi ne faisons qu'un quand je suis une Moko, et il en est de même lorsque je nourris mon fils, lui et moi ne faisons qu'un. Ce sont deux expériences tout aussi spirituelles l'une que l'autre.” Mme Daswani, a révélé que les photos de Shynel en train d'allaiter avait permis de “rompre le dialogue binaire usé, le fossé entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas, le privé et le public, ce que l'on isole et ce qui relève de la vie sociale.”

Marilyn Stollmeyer, une conseillère en allaitement au Mamatoto Resource and Birth Centre, partage cet avis. Elle se réjouit de l'ampleur prise par la photo de Shynel et considère celle-ci comme un signe de la meilleure instruction des mères trinidadiennes sur les bénéfices de l'allaitement pour leurs enfants. Elle s'est entretenue avec Global Voices par téléphone au sujet de la manière dont l'allaitement en public est perçu par la société: “Je ne crois pas que cela soit fondé sur la religion, il s'agit davantage d'un problème culturel. Surtout pendant le carnaval, nous sommes une société qui considère normal que les femmes se déguisent en petite tenue et montrent leurs seins, mais lorsque celles-ci allaitent, on leur demande à plusieurs reprises de se couvrir ou d'aller ailleurs.

Toujours sur ses échasses et assise en haut d'un mur,  Shynel Brizan s'arrête un instant pour allaiter son fils, Prince. Photo de Shaun Rambaran, publiée avec la permission de son auteur.

Or, comme le dit  Sheetal Daswani, “Les photos de Shynel affiment la légitimité de l'allaitement en public, son public admet l'exposition de son corps et le normalise, tout comme il normalise toutes les femmes prenant part au carnaval, malgré leur forte exposition. Ces photos constituent une stratégie esthétique involontaire mettant en avant une proclamation majeure que font toutes les femmes : Nos corps nous appartiennent. Il est normal et naturel de manger en public, que ce soit dans une assiette, une feuille de bananier ou depuis le sein de sa mère.”

Malgré cela, nous dit Mme Stollmeyer, il reste du chemin à parcourir pour dépasser ce qu'elle appelle la “culture du bébé et du biberon”. La moindre des choses serait que les employeurs soient tenus de fournir aux mères qui travaillent des équipements et des locaux adaptés pour qu'elles puissent tirer et stocker leur lait en toute sécurité. “Les exigences qui pèsent sur les mères ne sont pas devenues plus souples,” nous explique Mme Stollmeyer. “Nous devons faire tout notre possible pour préparer les femmes à l'allaitement avant la naissance et leur offrir ainsi qu'à leurs partenaires, et au “village” [référence au proverbe africain: Pour qu'un enfant grandisse, il faut tout un village, NdT] nécessaire pour élever un enfant, le soutien qu'il faut pour faire les choix les plus sains.”

De son point de vue de photographe, M. Rambaran espère que le changement est déjà en train de se produire. “L'optimiste en moi veut croire que tandis qu'il y a des incidents ridicules aux États-Unis, par exemple, à propos de l'allaitement en public, nous nous sommes suffisamment accrochés à nos racines caribéennes pour rejeter ces idées et dépasser tout cela. C'est avec grand plaisir que je partage ces photos avec vous pour nous aider à nous préserver, nous et nos idées.” nous a-t-il confié.

Hong Kong se mobilise contre l'amendement autorisant l'extradition de “fugitifs” vers la Chine

mercredi 3 avril 2019 à 22:49

Hong Kong deviendra-t-il une sombre prison ?

Rassemblement contre la modification de la loi sur l'extradition. Photo : Holmes Chan/HKFP.

Cet article est écrit par Holmes Chan a été initialement publié par Hong Kong Free Press le 31 mars 2019. Cette version révisée est publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Des milliers de manifestants hongkongais ont marché le 31 mars 2019 contre la modification imminente des lois sur l'extradition, permettant à la Chine de rapatrier des “fugitifs” de Hong Kong. Les protestataires s'inquiètent que la loi soit utilisée abusivement et rende possible l'extradition de dissidents politiques vers le territoire chinois.

Les organisateurs provenant des groupes pro-démocratiques et le Front des droits humains civils ont annoncé une participation de 12.000 manifestants à la marche partie du complexe sportif Southorn Playground dans le quartier de Wan Chai pour rallier le siège du gouvernement à Admiralty. La police admet quant à elle un maximum de 5.200 manifestants. Ce rassemblement aura été l'une des plus grandes manifestations de l'année.

Les organisateurs réclament une suspension de l'amendement à l'examen et font le serment de recommencer la manifestation la semaine prochaine dans le cas où le gouvernement passerait la loi de force.

Hong Kong a par le passé signé des accords bilatéraux d'extraditions avec des juridictions spécifiques. Or le mois dernier, le gouvernement a proposé un système au cas par cas qui autorisera la ville à traiter des demandes d'extraditions provenant de juridictions sans accord préexistant – notamment avec la Chine et Taïwan.

“Avec l'extradition vers le continent, Hong Kong devient une sombre prison” scandaient les manifestants sous la pluie fine. “Arrêtez cette loi maléfique”.

Les ressortissants étrangers travaillant ou se rendent dans la ville seront touchés

La députée Claudia Mo, qui représente le camp pro-démocratie, assure que la modification de la loi aura des conséquences désastreuses non seulement pour les habitants de Hong Kong, mais aussi pour les ressortissants étrangers qui travaillent et se rendent dans la ville.

Les manifestants s'inquiètent des usages abusifs de la loi et qu'elle rende possible l'extradition de dissidents politiques de Hong Kong. Photo: Tom Grundy/HKFP.

Don’t think that this is a minor law amendment… it is going to affect everyone. It will cast a dragnet over all of Hong Kong.

Ne pensez pas que ce soit une modification mineure… ça va affecter tout le monde. Et lancer un coup de filet dans tout Hong Kong.

Lam Wing-kee, le libraire qui aurait été kidnappé avant d'être détenu par les autorités continentales en 2015, était à l'avant du cortège dimanche dernier.

Lam a lancé Causeway Bay Books, une librairie indépendante spécialisée dans les livres politiques de commérages interdits sur le continent. Il a disparu à Shenzhen en octobre 2015, pour réapparaître des mois plus tard sur une chaîne de télévision chinoise “confessant” son crime : diriger une entreprise – aux côtés de quatre autres libraires portés disparus – qui a “illégalement” envoyé des livres sur le continent. Lam s'adresse aux manifestants :

“ used to think I would stay in Hong Kong for another eight or 10 years, but now I know I can’t. If this amendment passes, it’s not just me who has to get away. I think a lot of people [in Hong Kong] have no idea it will affect them too.

Je pensais rester à Hong Kong pour encore huit à dix bonnes années, mais maintenant je sais que je ne peux pas. Si cet amendement voit le jour, il n'y a pas que moi qui devrai partir. Je pense que beaucoup de gens [à Hong Kong] n'ont aucune idée que cela les affectera aussi.

L'ancien libraire disparu quitte Hong Kong avant la modification de la loi

Lam avait préalablement prévenu les médias locaux que la marche de dimanche serait la dernière fois qu'il descendrait dans la rue, puisqu'il va quitter Hong Kong avant que l'amendement ne soit adopté.

Le secrétaire à la Sécurité, John Lee, affirme que des mesures de protection des droits de l'homme sont en place pour que personne ne soit extradé en raison de crimes politiques.

La semaine dernière, Lee a annoncé une concession partielle dans l'amendement en excluant neuf types de délits économiques, sous la pression du milieu des affaires. Le projet de loi sera envoyé au Conseil législatif le mercredi 2 avril, et le gouvernement s'attend à ce qu'il soit adopté avant juillet.

Mo a déclaré que le camp pro-démocratique envisage de demander au public d'encercler l'assemblée législative en signe de protestation.

Pire que la promulgation de la loi sur la sécurité nationale

Le président du Front des droits humains civils, Jimmy Cham, déclare que l'amendement est pire que le très controversé article 23 de la Loi fondamentale – qui stipule que Hong Kong doit promulguer la législation en matière de sécurité nationale.

Article 23 at least requires the law to be passed in Hong Kong, and people will face trial and be sentenced here. But under the [extradition law] it only takes the chief executive’s signature for a person to be extradited to the mainland, or even North Korea. Removing the commercial crimes was just a move to put the business sector on the spot.

L'article 23 exige au moins que la loi soit adoptée à Hong Kong, et les gens seront jugés et condamnés ici. Mais en vertu de la [loi sur l'extradition], il suffit de la signature du chef de l'exécutif pour qu'une personne soit extradée vers le continent, ou même la Corée du Nord. Retirer la  délinquance économique n'est qu'une mesure visant à mettre le secteur des affaires dans le coup.

De nombreuses personnalités du camp pro-démocratique, dont le cardinal Joseph Zen, les avocats Martin Lee et Margaret Ng, ainsi que le propriétaire d'Apple Daily [quotidien hongkongais fondé en 1995] Jimmy Lai, ont participé à la marche.

Parmi les jeunes manifestants figuraient le groupe politique Demosisto, ainsi que des représentants des associations étudiantes de quatre universités locales. Un petit groupe de personnes a également tenu des drapeaux en faveur de l'indépendance.

Mr. Cheung, un père de 40 ans accompagné de sa fille, a dit à HKFP qu'il se méfiait fortement du système judiciaire du continent.

There is no reason to trust that they will give us a fair trial,” he said. “Why are we lowering our standards so easily?

Il n'y a aucune raison de croire qu'ils nous donneront un procès équitable “, déclare-t-il. “Pourquoi abaissons-nous si facilement nos normes ?

Une autre manifestante, qui a voulu rester anonyme, déclarait à HKFP qu'elle estime que le gouvernement favorisait injustement le milieu des affaires.

Why does the government only react when [businesses] are scared? It is not right for them to have the power to demand specific crimes to be excluded.

Pourquoi le gouvernement ne réagit-il que lorsque les [entreprises] ont peur ? Ce n'est pas juste qu'ils aient le pouvoir d'exiger l'exclusion d'une délinquance spécifique.

Le mois dernier, la directrice générale Carrie Lam déclarait que la nouvelle proposition sur l'extradition vise à combler une lacune dans la loi existante et que le public ne devrait pas trop s’inquiéter.

@DigiAfricanLang : Zaituni Njovu rend Internet accessible à tous en swahili, du 3 au 9 avril 2019

mercredi 3 avril 2019 à 16:16

Photographie fournie par Zaituni Njovu.

En 2019, dans le cadre d'une campagne de célébration de la diversité linguistique sur les réseaux sociaux, nous avons décidé d'inviter des militants linguistiques africains à piloter le compte Twitter @DigiAfricanLang et à partager leur expérience sur la revitalisation et la promotion des langues africaines. Zaituni Njovu (@Zaituni_Njovu) nous explique ce qu'elle a l'intention de discuter pendant sa semaine.

Rising Voices (RV) : Pouvez-vous nous parler de vous ?

My name is Zaituni Njovu from Dar es salaam, Tanzania. My background is in Education and Information Technology. I am a founder of the Zaina Foundation in Tanzania, and our organization empowers women in technology. Our current projects are digital security awareness and digital rights in different groups of women and human rights defenders in Tanzania. We are also partners with Localization Lab in translating some of technological tools into the Swahili language. We recently finished translation of the Signal mobile app into Swahili and now we are working on localizing the Tor Browser.

Je m'appelle Zaituni Njovu et je viens de Dar es Salam, en Tanzanie. J'ai une formation en éducation et technologie de l'information. J'ai créé la foundation Zaina en Tanzanie pour autonomiser les femmes dans la technologie. Nos projets actuels portent sur la sensibilisation à la sécurité numérique et sur les droits numériques auprès de différents groupes de femmes et de défenseurs des droits humains en Tanzanie. En partenariat avec le Localization Lab, nous traduisons certains outils en swahili. Nous avons récemment terminé de traduire l'application Signal, et nous travaillons maintenant sur le navigateur Tor.

RV : Quel est l'état actuel de votre langue sur et en dehors d'Internet ?

My Swahili language on the internet is not very famous, and there are not many tools available in Swahili. You may find only few tools available like Google and Facebook, so more efforts are needed to make my language available online. Offline, we have many speakers nowadays – more that 72 million in Africa and the number is still growing due to up and coming Swahili speakers. There is the spread of the Swahili language among African countries and even outside Africa.

Ma langue, le swahili, n'est pas très connue sur Internet, et il n'y a pas beaucoup d'outils disponibles en swahili. Vous ne pouvez en trouver que quelques uns comme Google et Facebook, et il y a donc beaucoup de travail à faire pour rendre le swahili accessible sur Internet. Dans la vie courante, nous avons beaucoup de locuteurs : plus de 72 millions en Afrique, un chiffre qui augmente encore grâce à de nouveaux locuteurs. Il y a la diffusion du swahili au sein des pays africains et même en dehors de l'Afrique.

RV : Sur quels sujets allez-vous communiquer sur le compte @DigiAfricanLang ?

During my week, I would like to focus on sharing why it is important to localize tools into the Swahili language. I will specifically discuss how we localized Signal and Tor as a case tools. Also, I will share information about challenges we faced during the localization of tools in the Swahili language among my community of Swahili Speakers. I will share some stories from our localization sprint. I need to motivate people to get to know about the Swahili language and hopefully to share with them some Swahili stories and resources.

Pendant ma semaine, je voudrais me concentrer sur les raisons pour lesquelles la traduction et la localisation d'outils en swahili est importante. Plus spécifiquement, je vais discuter les traductions de Signal et de Tor et partager les difficultés que nous avons rencontrées pendant la traduction de ces outils au sein de ma communauté de locuteurs swahilis. Je raconterai quelques histoires sur notre sprint de localisation. J'ai besoin de motiver les gens à connaitre le swahili, et j'espère partager avec eux quelques récits et ressources en swahili.

RV : Qu'est-ce qui motive votre militantisme linguistique pour le swahili ? Qu'espérez-vous pour votre langue ?

To support the majority of people from Swahili community who can't speak or read English to use technology. Most of the tools are in English hence many people are left behind. Also I need to empower women to use technology because most of them they have never been to school and have been left behind in technology. Thus in our localization sprint, we involve women with 80% participation of women. I hope to spread the Swahili language into the world and my dream is to have all technological tools available in the Swahili language.

Soutenir la majorité des gens de la communauté swahilie qui ne peuvent ni parler ni écrire en anglais, à utiliser la technologie. La plupart des outils sont en anglais, ce qui fait que beaucoup de gens sont laissés de côté. J'ai aussi besoin d'autonomiser les femmes à faire de meme, car la plupart d'entre elles n'ont jamais été à l'école et ont été abandonnées par la technologie. C'est pourquoi, dans nos sprints de traduction, nous impliquons 80% de femmes. J'espère diffuser la langue swahilie dans le monde, et mon rêve est que tous les outils technologiques soient disponibles en swahili.