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Photos des manifestations au Brésil : l'agressivité de la police de Rio saisie sur le vif

jeudi 27 juin 2013 à 17:20

Il y a exactement une semaine, dans la nuit du 20 juin 2013, le Brésil a été secoué par la plus grande vague de manifestations de son histoire récente. A Rio de Janeiro, la manifestation qui a commencé par une marche pacifique du centre ville à la mairie, qui s'est étendue à d'autres quartiers et s'est terminée par des affrontements violents entre la police et les manifestants.

D'après les estimations officielles, environ 300 000 personnes ont participé à la manifestation de Rio. Parmi elles se trouvait le photographe Calé, qui a immortalisé l'utilisation sans discernement de balles de caoutchouc, de spray au poivre et de grenades de gaz lacrymogène par la Police Militaire contre les manifestants désarmés et sans défense.

Il en résulte les témoignages et les photos ci-dessous que Calé a spécialement choisis pour Global Voices :

 

Manifestação 20 de junho no Rio

La manifestation se dirige vers la mairie, les gens dansent en levant des pancartes et des banderoles. Photo: Calé, reproduite avec sa permission.

Hier soir [20 juin 2013] j'ai couvert les manifestations de Rio et j'ai vu la police utiliser du gaz lacrymogène et des balles de caoutchouc pour nettoyer les rues du centre de Rio, dans une situation manifeste d'abus de pouvoir.

Protestos no Rio acabam em Violência

Un groupe violent commence une bagarre avec des militants de gauche mais la police tarde à intervenir et n'arrête personne. Photo Calé, utilisée avec sa permission.

En grande partie, on avait affaire à un rassemblement gai et pacifique, avec des groupes de musique jouant des airs de carnaval et des personnes de tous âges portant des pancartes et des banderoles avec des revendications. Il y a eu de petits incidents comme cette altercation entre des militants d'un parti de gauche et des jeunes qui n'ont pas accepté que la marche soit récupérée ou liée à un quelconque parti politique. Curieusement, la police a mis beaucoup de temps à réagir en n'envoyant que trois motos pour vérifier les faits, et peut-être, faire un rapport à la hiérarchie. La police n'a procédé à aucune arrestation, même quand quelques personnes en sang ont accusé les auteurs de l'attaque.

 

Homem machucado em protesto. Foto: Calé, usada com permissão.

Un homme blessé lors de la manifestation est secouru par des manifestants. Photo: Calé, avec sa permission.

Quand la foule est finalement arrivée sur la place de la Mairie, elle s'est retrouvée face à une grande concentration de policiers protégeant le bâtiment, avec la cavalerie devant les grilles. Les leaders de la manifestation ont fait une chaîne humaine devant la police, afin d'éviter les conflits et que des casseurs ne viennent gâcher la belle nuit.

O cordão de isolamento feito por manifestantes.

L'espace tampon réalisé par les manifestants. Photo: Calé, avec sa permission.

Les manifestants étaient en train de réussir à maintenir le calme en face de la mairie, jusqu'à ce qu'un culturiste de 29 ans appelé Gabriel Campos, aujourd'hui recherché par la police, ne commence à insulter les policiers à cheval, malgré les demandes de la foule pour qu'il s'en aille. A un moment donné, les manifestants ont demandé aux policiers qu'ils l'emmènent, avant qu'il ne fût trop tard.

Protestos no Rio Junho 2013

Le culturiste Gabriel Campos parmi toutes ses provocations embrasse un cheval de la Police Militaire. Photo: Calé, avec sa permission

Comme il n'y a pas eu de réaction, les manifestants ont tenté de faire justice avec leurs propres mains, ce qui a mené à la bagarre. C'était le prétexte qu'attendait la police pour, au premier signe de débordement, commencer à lancer des bombes de gaz lacrymogène et des balles de caoutchouc contre la foule.

 

Protestos no Rio acabam em reação violenta da polícia

Des manifestants ustilisent des panneaux de bois comme boucliers et lancent des pierres contre la police. Photo: Calé, avec sa permission.

A aucun moment il n'y a eu de tentative d'envahir la mairie ; les gens étaient simplement furieux et commençaient à lutter contre la police, armés de bâtons et de pierres. Ce qui est arrivé ensuite représente le cas le plus important d'abus de pouvoir depuis dix ans : les troupes spéciales du Bataillon de choc et du Bope se sont lancés dans les rues du centre de Rio jusqu'au quartier bohème de Lapa, à 2,5 km de distance. En réponse, de nombreux magasins et édifices ont été vandalisés et mis à sac dans l'Avenue du Président Vargas.

Protestos no Rio acabam em reação violenta da polícia

La police ouvre le feu pendant que quelques personnes commencent à vandaliser les bâtiments de l'Avenue Presidente Vargas. Photo: Calé, avec sa permission.

Même après la fin de la bagarre, la police a continué à jeter du gaz sur les manifestants pacifiques qui rentraient chez eux, loin de la mairie. Elle n'a fait aucune distinction entre les casseurs et les gens de bien tentant de reprendre le chemin du retour vers chez eux.

Protestos no Rio acabam em reação violenta da polícia

Un vendeur de rue en détresse après avoir inhalé du gaz lacrymogène au moment où la police a cessé de faire la distinction entre les manifestants pacifiques et les casseurs, prenant des innocents pour cible de leurs balles en caoutchouc. Photo: Calé, avec sa permission

 

Comme les stations de métro avaient été fermée, tout le monde a du faire le parcours à pied pour sortir de la zone de conflit. A la station Carioca, un groupe attendait l'ouverture des portes pendant que la police marchait sur l'Avenue Rio Branco. Cette station se trouve dans une zone piétonne, perpendiculaire à l'avenue, et lorsque la police se trouvait quasiment hors de leur champ de vision, quelqu'un a crié : “lâches, fils de p…”. Les policiers ont immédiatement fait demi-tour et lancé du gaz sur la foule.

Protestos no Rio acabam em reação violenta da polícia

Bataillon de Choc sur l'Avenue Rio Branco. Photo: Calé, avec sa permission

Les agents du métro ont été rapides et ont ouvert une petite porte pour laisser entrer les gens, ce qui a fini par constituer un piège dans lequel tout le monde s'est retrouvé prisonnier, dans un entonnoir d'air contaminé par le gaz. Là-bas, beaucoup de gens se sont sentis nauséeux, allongés sur le sol.

Violência nos protestos no Rio. Fotos de Calé.

Les manifestants de la station Carioca observent la police passer dans l'Avenue Rio Branco, les bras en l'air, en signe de paix. Photo: Calé, avec sa permission.

Beaucoup de personnes qui avaient décidé de laisser tomber la marche au premier signe de débordement se sont retrouvées à Lapa, d'après eux un lieu distant et sûr, pour prendre une bière. Mais très vite, les escadrons sont arrivés et le chaos s'est installé dans les rues. A Lapa et à proximité de la maire, beaucoup de gens se sont retrouvés prisonniers dans des hôtels, des bars et restaurants, en voyant que la police tirait des balles de caoutchouc et lançait du gaz à l'intérieur de quelques endroits clos.

Protestos no Rio acabam em reação violenta da polícia

La police lance des bombes de gaz lacrymogène contre les manifestants en train d'attendre l'ouverture de la station de métro Carioca. photo: Calé, avec sa permission.

Si, il y a eu des vandales durant la marche, causant des émeutes et des incendies, mais la majorité de ces faits ne se sont déroulés que sur l'Avenue Presidente Vargas, à proximité du cabinet du maire. Pourquoi alors la police a-t-elle élargi son rayon d'intervention, pointant des armes contre des personnes innocentes ? Lors de rencontres et sur les réseaux sociaux, tout le monde maintenant ne parle que de la peur de participer à de nouvelles manifestations, et certains souhaitent même que tout cesse. Il y a juste une expression qui me vient à l'esprit pour expliquer le comportement de nos forces de police : le terrorisme d'Etat.

Protestos no Rio acabam em reação violenta da polícia

La triste fin d'une belle manifestation. Photo: Calé, avec sa permission.

Toutes les photos qui illustrent cet article ont été utilisées avec la permission du photographe Calé qui, en plus de son travail commercial, développe des projets artistiques et d'auteur renommés dans le monde entier. Quelques unes de ses photos sont visibles dans l'exposition Buscadores, qui continue jusqu'au 29 juin à l’Ateliê da Imagem, Rio de Janeiro. Buscadores a déjà été montré lors d'expositions individuelles au Danemark, en Russie, en Argentine, et en Bolivie et a participé à des expositions collectives aux Etats-Unis et en Irlande.

 

Protestos no Rio acabam em reação violenta da polícia

Un manifestant demande la paix au milieu de la bataille. Photo: Calé, avec sa permission

Découvrez également notre dossier sur les manifestations du 20 juin dans tout le Brésil.

 

Nouvelle réglementation pour Skype et Viber à Bahreïn

jeudi 27 juin 2013 à 15:38

“Des considérations sur la sécurité” sont évoquées pour justifier une nouvelle réglementation qui pourrait mettre fin à l'utilisation des messageries instantanées (sur ordinateur ou mobiles) telles que  Skype, WhatsApp, Viber et Tango au Bahrein.

La presse cite le ministre d'Etat à la Communication  Fawaz bin Mohammed Al Khalifa, disant qu'une nouvelle réglementation était imposée aux applications utilisant la Voice Over Internet Protocol (VoIP), toutes populaires dans le Golfe où des millions d'utilisateurs l'utilisent pour échanger des informations, des photos, et des plaisanteries chaque jour, sans oublier les appels téléphoniques gratuits, et les relations avec les amis et la famille distante.

Al Khalifa a déclaré :

Les mesures visent à garantir qu'il n'y aUra pas de conflit entre les traditions et les coutumes et ces applications, et sont aussi motivées par des  considérations de sécurité. Elles font partie des efforts déployés par le Conseil de coopération du Golfe (CCG) pour s'assurer que l'existence d'une réglementation protège les droits des opérateurs et qu'il n'y a pas d'abus commis avec les applications de communication “.

 

L'intention pour le ministre est de protéger le secteur de la communication dans le pays, et il a ajouté qu'une étude avait montré que  100 000 personnes à Bahreïn avait utilisé les applications VoIP en quatre jours [depuis la nouvelle règlementation].

Bahreïn semble suivre les traces de l'Arabie Saoudite, qui a déjà  interdit l'utilisation de Viber. L'Arabie Saoudite a bloqué l'application de messagerie instantanée le 5 juin 2013, après avoir menacé de bloquer les communication cryptées, sauf si les services de l'administration saoudienne étaient autorisés à surveiller les utilisateurs.  Les autres services que les autorités saoudiennes menacent de bloquer comprennent Skype Mobile et le service de messagerie WhatsApp.

Selon @Comms_BH un compte Twitter vérifié, qui se décrit comme “le compte rendu officiel du ministère d'État chargé des communications”:

@ CommsBH: Ministre: mène une étude dans le but de mettre en place des contrôles sur l'utilisation de la technologie (VoIP). # Bahreïn

@ CommsBH: Les procédures créées afin d'éviter toute atteinte aux valeurs et traditions morales a respecter, aussi bien que pour des raisons de sécurité.

@ CommsBH: Les lois et les réglementations sont faites pour protéger les données pour améliorer la sécurité des communications internationales et des réseaux téléphoniques.

En ligne, les Bahreinis sont consternés.

Ahmedroid demande :

@albosta: Allons-nous devoir dire adieu à là Voip gratuite ? goodbye #bahrain #skype #asterisk #previousTweet #viber

Rasha Yousif ajoute:

@RshRsho: si @Comms_BH (le ministère) bloque viber, tango ou Skype, je vais bruler des pneus #Bahrain

Mettre feu à des pneus et le blocage de routes sont des façons de protester très utilisées à Bahreïn, ou des manifestation ont lieu presque quotidiennement depuis le 14 février 2011.

Le 12 mars, durant la journée mondiale contre la cybercensure, Reporters sans frontière  a cité Bahreïn comme l'un des cinq Etats ennemis d'Internet. ”Des Etats qui surveillent systématiquement les échanges en ligne, ce qui conduit à de graves atteintes aux droits humains.” Les quatre autres pays ennemis d'internet sont la Syrie, la Chine, l'Iran et le Vietnam.

Trois semaines de manifestations en Turquie : de la violence à la résistance passive en passant par la censure des médias

jeudi 27 juin 2013 à 15:28

Ce billet est d'abord paru sur le blog personnel de l'auteur, Azadolu.

Trois semaines se sont écoulées depuis le début des manifestations à travers le pays. Depuis leur commencement le 31 mai, le pays a assisté à la censure des médias, à la brutalité policière, à des rassemblements de milliers de personnes et aussi déploré des morts et blessés. Voici les temps forts des trois dernières semaines :

Au début des manifestations, le Premier Ministre turc Recep Tayyip Erdogan a qualifié les manifestants de “Capulcu“, qui se traduit par “casseurs” en turc. Cette action s'est retournée contre lui quand les contestataires se sont emparés du qualificatif. Les manifestants ont même réalisé une vidéo musicale en changeant les paroles de la chanson “Everyday I am Shuffling” en “Everyday I am Capulcuing”:

Censure des médias

Même si les principaux médias turcs se sont auto-censurés sur  les manifestations, les médias sociaux étaient actifs et demeurent actifs dans la couverture des contestations. CNNTurk, NTV et Haberturk (les principales chaînes d'information de Turquie) ont choisi l'auto-censure. Quand  CNNTurk a diffusé un documentaire sur les pingouins au lieu de couvrir les protestations, emre erdem a tweeté  [tr] ironiquement :

@emreerdem Memlekwt yerinden oynuyor CNNTURK'te penguen belgeseli var, medyamizi seveyim…

Le pays entier est secoué, mais il y a un documentaire sur les pingouins sur CNNTurk. J'adore nos médias…

Les protestations contre la censure des médias ont continué devant le siège de NTV, puisque la chaîne a choisi de minimiser les protestations antigouvernementales. Son partenaire économique, Garanti Bank, une banque nationale, était aussi ciblée par les protestataires -certains  ont cessé d'utiliser ses services. La banque a annoncé avoir perdu près de 1 500 clients.

Récemment, BBC a suspendu sa coopération avec NTV, quand  ce dernier a refusé de retransmettre le programme britannique “Agenda du monde”.

Le programme était préparé par Selin Girit, qui a posté le tweet :

@selingirit BBC suspend son partenariat avec la chaîne turque d'information @ntv à cause de censure télévisuelle d'un extrait concernant la liberté de la presse. @bbcworld@bbcturkce

Seven Turkish newspaper ran the same headline on the protests. Photograph shared by @ozlemmisler on Twitter

Sept journaux turcs affichaient le même titre sur les protestations. Photographie partagée par @ozlemmisler sur Twitter

Quelques coïncidences intéressantes dans la couverture médiatique turque des protestations ont eu lieu. Sept journaux différents faisaient par exemple la même Une le même jour. Ozlem Isler a partagé une photographie des journaux :

@ozlemmisler 7 gazete ayni manset! pic.twitter.com/LGN5D9EaGU

Sept journaux, mêmes Unes ! pic.twitter.com/LGN5D9EaGU

Le titre dit : “Je donnerais même ma vie pour sauver la démocratie.”


Brutalité policière

La brutalité policière a été la plus grande préoccupation des manifestants. Une vidéo de policiers détenant un protestataire montre des témoins essayant de protéger ce dernier en jetant tout ce qu'il pouvaient trouver sur les policiers Voici la vidéo :

Capulcu S A explique ainsi le rassemblement de la nation contre la violence policière :

@Sedat2Aral Jamais rien vu de tel… Médecins, journalistes, étudiants, artistes, acteurs, hommes d'affaires…toute la Turquie s'aidant les uns les autres contre la violence policière.

La mort de Ethem Sarisuluk d'un tir de la police a été certainement le moment le plus tragique de ces protestations. Le policier qui a tué le manifestant est toujours recherché. Sarisuluk fait partie des quatre personnes tuées et des près de 5 000 blessés dans les manifestations. Le maire d'Ankara, la capitale de la Turquie, a déclaré dans une émission de TV en direct [tr] que ce n'était pas la police qui l'avait tué mais  les autres protestataires, en lui jetant des pavés. Cette vidéo, qui est apparue en ligne suite à sa mort, montre une histoire différente. Elle montre un policier s'enfuyant avec une arme à feu, après avoir tiré à courte distante sur le jeune homme [Avertissement , images difficiles]:

Vous pouvez en apprendre plus sur la brutalité policière au cours des manifestations ici.

Les médias sociaux  : “La pire menace contre la société”

Le Premier Ministre Tayyip Erdogan a proféré sa haine des médias sociaux qu'il a désignés comme “pire menace contre la société“.  Pelin explique la raison derrière la colère de Erdogan en partageant l'analyse de l'agence Bloomberg sur l'usage de Twitter en Turquie pendant les protestations :

@BettySpades Les données montrent pourquoi Twitter est une menace pour Erdogan. L'impact des médias sociaux sur les manifestations de Gezi : #occupygezi#direnankara http://www.bloomberg.com/news/2013-06-10/twitter-really-is-a-menace-to-erdogan.html …

 

Erdogan était aussi furieux contre les manifestants qui se sont réfugiés dans une mosquée pendant les attaques de la police. Il a dit aux médias que les manifestants avaient déshonorés la mosquée en entrant avec leurs chaussures, et qu'ils ont bu de l'alcool dans la mosquée. Cette vidéo ici montre le contraire. Dans la vidéo, on voit les protestataires se réfugier dans la mosquée, et des médecins soignant les personnes blessées [avertissement, images difficiles]:


Messages contradictoires

Huseyin Avni Mutlu, le gouverneur d'Istanbul, a aussi émis des messages contradictoires. Sur son compte Twitter, il écrivait qu'il n'y aurait pas d'attaques du parc Gezi, où les protestations ont débuté, par la police. A peine quelques heures plus tard, la police attaquait le parc Gezi :

@Valimutlu GEZİ PARKI ve TAKSİM’e KESİNLİKLE DOKUNULMAYACAK,SİZLERE ASLA DOKUNULMAYACAKTIR.Bu sabah ve bundan sonra polis kardeşlerinize emanetsiniz.

Le parc Gezi et Taksim ne seront pas touchés, personne ne vous touchera. Vous êtes confiés à vos frères policiers depuis ce matin et à partir de maintenant.

Utangac Adam a répondu au gouverneur :

@UtangacAdam Büyüklerimiz “İnsanlığın okulu yok” derdi.Şimdi ne demek istediklerini daha iyi anlıyorum… @Valimutlu

Nos anciens disaient toujours “Il n'y a pas d'école pour apprendre l'humanité”. Maintenant, je les comprends mieux…

Le Premier Ministre Erdogan a organisé plusieurs rassemblements pour ses supporters, comme à Ankara et Istanbul. Erdogan a menacé les protestataires de nettoyer le parc Gezi en les qualifiant de “terroristes”. Après sa déclaration selon laquelle il allait nettoyer le parc Gezi, la police turque attaquait le parc, le 16 juin, et prenait le contrôle de la place Taksim et du parc Gezi.

Résistance passive  : les manifestations de ‘l'homme debout’

Désormais les protestations se sont muées en  manifestations de résistance passive. Les protestations du Duran Adam (homme debout) ont commencé par la performance d'un artiste, Erdem Gunduz, qui s'est tenu debout sur la place Taksim sans bouger durant trois heures. Des manifestations similaires se sont rapidement propagées à travers le pays tout entier. La poète Bejan Matur disait sur son compte Twitter :

@bejanmatur duran adam;tc tarihinin gördüğü en sofistike eylem;.iktidarın asla baş edemeyeceği şahane bir performans.

L'homme debout est la protestation la plus sophistiquée dans l'histoire de la République turque. Une grande performance que le parti au pouvoir ne peut maîtriser, jamais.

Le peuple turc a témoigné de son désir de démocratie, de respect des droits de l'homme et de protection de l'environnement au cours des trois dernières semaines. Les policiers étaient violents, les politiciens furieux et les médias silencieux, mais ils ont poursuivi leur action, pour une société meilleure. Peut-être que cette vidéo de protestataires demandant aux policiers de leur jeter dessus davantage de gaz lacrymogène en dit long sur leur détermination à obtenir un pays meilleurs et un meilleur lendemain :

Qu'est-ce que le Brésil et la Turquie ont en commun?

jeudi 27 juin 2013 à 15:00

Le Brésil et la Turquie sont séparés par des milliers de kilomètres, mais ils ont quelque chose en commun : les peuples des deux pays sont descendus dans la rue manifester pour leurs droits de citoyens et ils luttent en ce moment contre la violence excessive et la répression policière.

 

Le site V for Vinegar [V de Vinaigre] a été créé pour accompagner les manifestations et promouvoir les pétitions à propos des causes les plus significatives dans chaque pays : la démilitarisation de la Police au Brésil [pt] et la fin immédiate de la violence en Turquie [tr].

Espagne : Vote populaire pour l'accès universel aux soins

mercredi 26 juin 2013 à 16:32

Plus de 99 % d'Espagnols interrogés durant une vaste consultation populaire rejettent les plans de privatisation de la santé envisagés par le gouvernement.

C'est ce que reflètent les résultats du référendum sur la santé [es] organisé par plusieurs collectifs indépendants en mai dernier dans les rues de Madrid. Dans cette consultation, il était demandé aux citoyens de décider du type de système de santé qu'ils voulaient. Les résultats doivent être présentés à Bruxelles.

Le gouvernement de la communauté urbaine de Madrid, dont le président est Ignacio González, a pris des décisions en matière de santé sans consulter les citoyens et sans ne guère prêter attention à leurs protestations. Suite à cela, le collectif « Marea Blanca »[es] (marée blanche), ainsi que d'autres organisations, ont rejeté l'initiative de privatisation de la façon la plus démocratique qu'il soit, en laissant le peuple s'exprimer.

Portada

Urne dans un commerce. Photographie tirée de la page Référendum sur la santé.

Ainsi, dans le cadre du référendum sur la santé, qui s'est tenu dans 103 municipalités de la région madrilène, quelques 2 500 urnes ont parsemé la capitale espagnole entre le 5 et le 10 mai. Des bénévoles se sont chargés d'informer la population sur ce vote. La question posée à tout citoyen de plus de 18 ans était la suivante :

Papeleta

(Traduction : Référendum citoyen pour la santé. Êtes-vous favorable à un système de gestion publique de la santé, de qualité et universel, et contre sa privatisation et les lois qui vont en ce sens ? OUI/ NON)

Selon les données présentes sur la page de l'évènement[es], 935 794 votes ont été recensés durant ces six jours. Voici les résultats :

929 903 votes pour le OUI (99,4 %)

3 558 votes pour le NON (0,4 %)

1 454 votes blancs (0,2 %)

et 879 votes nuls (0,1 %)

Une véritable réussite selon les organisateurs, tant du point de vue de la participation que des résultats :

Dans cette consultation, les citoyens ont compris que nous faisons partie du peuple, que nous avons une voix. Nous recevons un grand nombre de retours positifs.

(…)

Selon la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, le droit à la santé et à l'assistance médicale est un des droits fondamentaux. Dans la Constitution espagnole, le droit à la protection de la santé est reconnu. Il y est également dit que « le peuple est souverain ». Par conséquent, le peuple est celui qui détient le droit de décision.

Mesa de votación. Imagen de <a href="http://www.madridiario.es/galeria/consulta-popular-por-la-sanidad-publica-marea-blanca-1/62134.html">madridiario.es</a>

Bureau de vote. Image tirée de madridiario.es[es]

Réactions

Malgré une énorme diffusion dans les médias et les réseaux sociaux tels que Twitter ou Facebook, l'initiative, assez logiquement, n'a pas convaincu les personnes visées. Javier Fernández-Lasquetty, conseiller municipal madrilène à la Santé, a essayé de disqualifier la consultation populaire en parlant de « parodie » et de « simulacre de référendum » et en affirmant qu'elle ne représente pas réellement la volonté du peuple. Il a également dénoncé « les insultes et les brimades » dont ont été victimes toutes les personnes en faveur de la privatisation lorsqu'elles ont tenté de s'approcher des urnes.

À l’inverse, des partis comme Gauche Unie [es] ont célébré le succès de l'initiative, ou encore le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qui a rejeté[es] le modèle de privatisation du parti au pouvoir, le Parti populaire (PP), et qui a présenté un recours devant la Cour constitutionnelle. Gregorio Gordo, issu de la Gauche unitaire, a dit [es] en séance plénière à Ignacio González que, si le PP justifie ses actes sur la base des résultats obtenus par les urnes, il devrait alors donner de la crédibilité aux consultations citoyennes de même nature :

Un million de madrilènes ont voté la semaine dernière et ils savaient pour quoi, contrairement au million et demi de personnes qui ont voté l'année dernière [pour le PP].

Contre un modèle d'exclusion

Plus qu'un rejet, les résultats reflètent vraisemblablement le mal-être citoyen provoqué par une réforme de la santé qui prétend privatiser (ou « externaliser » en langage politique) uniquement 27 hôpitaux publics à Madrid. Et plus particulièrement, les gens sont conscients des sujets brûlants tels le Décret Royal du 16/2012 (RDL), qui laisse les sans-papiers sans aucune couverture maladie : des centaines d'immigrés ont été, suite à la mise en vigueur de ce décret, mis en danger par négligence[es], selon les dires de Médecins du Monde. Récemment, les lecteurs de journaux ont été bouleversés par la mort du Sénégalais Alpha Pam, à qui l'on avait refusé tout service de santé. Notons aussi le cas de María Concepción Amaya [es] ou de l'hôpital de Burgos, où l'on a demandé 1900 euros à une immigrée enceinte [es], qui a alors avorté, et à qui le service des finances a demandé 2 555 euros de plus.

Imagen del colectivo <a href="http://yosisanidaduniversal.net/portada.php">Yo Sí Sanidad Universal</a>

Image du collectif Yo Sí Sanidad Universal

À propos du premier cas, qui a mené à la destitution [es] du directeur de l'hôpital où est mort le Sénégalais, l’on trouve le commentaire suivant sur la plateforme Yo Sí Sanidad Universal[es], initiative qui combat activement le décret royal et le modèle de soins exclusif :

Établir les responsabilités de chacun est une bonne chose. Mais nous ne devons pas oublier que les véritables responsables de ces injustices sont le ministère de la Santé, qui est à l'origine du RDL 16/2012, ainsi que les Conseils de la santé des communautés autonomes qui l'ont appliqué. Ci-dessous le RDL 16/2012.

Même en mettant de côté les cas les plus graves, les citoyens restent motivés à combattre un système de santé basé sur des coupes budgétaires avec comme résultat logique une baisse de la qualité. Cela a déjà mené à des situations telles que celle de l'hôpital de Navarre, avec un service de restauration privatisé où des restes de matière fécale ont été retrouvés dans la nourriture. La presse a dénoncé la détérioration de l'alimentation des patients [es].

Imagen de la <a href="https://www.facebook.com/esmareablanca">página de Facebook</a> de la Marea Blanca

Image tirée de la page Facebook de la Marea Blanca

Regard sur le passé et le futur

Cette initiative s'inscrit dans la continuité d'une expérience passée, celle de la consultation sociale sur l'eau. Cette consultation citoyenne [es] contre la privatisation du canal Isabel II dans la communauté de Madrid a été un véritable succès de communication et de participation et a permis, selon la Marea Blanca, avec 99 % de votes contre, de mettre un frein au processus de privatisation. À cette occasion, en plus des votes, une demande légale contre la privatisation a été déposée auprès de la Cour européenne de Bruxelles. Elle a été acceptée et elle suit actuellement son cours légal.

La Marea Blanca souhaite envoyer de nouveau le million de votes [es] à Bruxelles, afin « d'exiger des institutions et des politiques qu'ils respectent la volonté des citoyens ». De plus, le collectif assure qu'il va se réunir au cours des prochaines semaines avec des groupes politiques pour expliquer ses propositions et pour que le peuple s'exprime d'une seule voix.