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Pakistan : Le militant Khudi Ali victime des attentats ciblant les Hazaras

dimanche 13 janvier 2013 à 20:27

Le 10 janvier 2013, dans la ville de Quetta, au sud-ouest du Pakistan, 82 personnes ont perdu la vie [tous les liens mènent à des sites en anglais, sauf mention contraire] dans des attentats successifs qui ont frappé une zone principalement peuplée par des musulmans chiites de l'ethnie Hazara [français].

Irfan Khudi Ali, un célèbre activiste qui a inlassablement dénoncé la persécution des chiites Hazara au Pakistan, est décédé lors du second attentat.

Vigil for @khudiali in Islamabad. Picture by @ali_abbas_zaidi

Veillée funèbre pour @khudiali à Islamabad. Photo de @ali_abbas_zaidi

Selon des informations sur Twitter, Ali aurait échappé de justesse à la première bombe de Quetta :

@khudiali : #Quetta, il rentrait chez lui (après avoir) échappé de justesse à l'explosion 11 personnes tuées.

Maria Memon a tweeté :

Ali ne pouvait pas survivre à la 2ème explosion ce soir. RIP @khudiali RT @khudiali #Quetta, il rentrait chez lui (après avoir) échappé de justesse à l'explosion, 11 personnes tuées

Son assassinat a provoqué un hommage à son combat et renouvelé les protestations contre les meurtres de chiites au Pakistan. Le dernier tweet d'Ali a été publié lors d'un reportage sur le terrain, sur des Hazaras fuyant la persécution :

@khudiali Familles #Hazara de #Machh, Khuzdir a finalement succombé à la pression génocidaire & au déplacement. Triste jour pour la diversité au #Baloutchistan.

Irfan Ali during a protest against sectarian violence in Islamabad, September 2012. FRom the Facebook page of Pakistan Youth Alliance.

Irfan Ali pendant une manifestation contre la violence inter-religieuse à Islamabad, septembre 2012. Photo extraite de la page Facebook de l'Alliance des Jeunes du Pakistan.

Depuis 2001, les musulmans chiites Hazara de Quetta sont régulièrement la cible de groupes militants. Minorité au sein d'une minorité, les meurtres de chiites Hazara constituent les cas de violences parmi les plus tus du Pakistan.

Hazara.net archive des statistiques de meurtres de chiites Hazara au Pakistan, avec le nombre d'attentats et de personnes tuées jusqu'à ce jour. Selon ce site, un total de 1.100 chiites Hazara ont été tués au Pakistan depuis 1999.

Les médias affrontent souvent la colère des Pakistanais lorsqu'ils n'informent pas sur la nature des attaques et quand ils le font, ils sont critiqués pour utiliser le terme de “secte” quand une minorité religieuse particulière est ciblée. Pour obliger à en parler et faire pression sur les institutions chargées de faire appliquer la loi et sur le gouvernement, un débat actif a lieu sur les médias sociaux à propos des meurtres ciblés de chiites sous les mots-clés #shiiakillings et #shiagenocide sur Twitter. Des activistes Hazara ont, par le passé, utilisé les médias sociaux pour attirer l'attention des médias internationaux afin qu'ils informent sur leur situation.

Le journaliste respecté Mohammad Hanif écrit :

Le blogueur Omar Biden a écrit un bref post ou plutôt un hommage émouvant à Irfan Khudi Ali sur son blog :

Hier fut l'un de ces nombreux jours trempé de sang dans la capitale du Baloutchistan, Quetta. Déjà, dans la matinée, les habitants de la ville eurent à entendre une explosion ; les explosifs étaient cachés dans un véhicule du Corps de la frontière à Bacha Khan Chowk. L'explosion a entraîné la mort de 12 innocents. Cela a créé une véritable confusion parmi les habitants voulant enterrer les cadavres.

Pourtant la règle du plus qu'assez ne fonctionne pas au Pakistan, du moins pas à Quetta. Après un intervalle de seulement quelques heures, Alamdar Road, une rue majoritairement peuplée de chiites Hazara, a connu un autre massacre, suivant la même tactique que le matin. Cependant cette fois planifié “Mardanawar”, hardiment, une double explosion pour revendiquer une catastrophe inoubliable. (…)

Ces incidents barbares ont entraîné de lourdes pertes humaines. Et parmi elles, celle d'un ami admiré, un activiste des droits de l'homme – Irfan Ali Khudi.

Irfan Ali Khudi, 33 ans, serait venu à Quetta afin de “donner une formation sur la paix à de jeunes activistes”.

J'avais l'intention d'écrire mes sentiments, en fait je n'arrive pas à aller au bout de cette note…

Ce “jour de bain de sang à Quetta”, ainsi qu'Omar l'a souligné, n'est pas le premier de ce genre et ne sera probablement pas le dernier. L'indifférence en a indigné beaucoup, en particulier parce que le mouvement interdit Lashkar-e-Jhangvi, qui revendique les attentats, n'a pas encore été inquiété.

Les familles des victimes ont refusé d'ensevelir leurs morts et ont annoncé qu'elles continueront leur sit-in jusqu'à ce que l'armée prenne des mesures contre les tueries. Cette photo mise en ligne sur Twitter montre des milliers d'Hazara assis sous la pluie autour des corps des personnes massacrées dans les attentats de Quetta.

Ali avait fait une intervention lors de la conférence Tedx dans la ville de Rawalpindi il y a seulement quelques semaines ; regardez son discours impressionnant ici.

Ali a dédié une grande partie de sa vie à mettre en lumière la souffrance des Hazara ; pour ceux qui le connaissaient, et même les autres, il est devenu un symbole du combat pour la justice en faveur de la communauté Hazara au Pakistan. Alors que le sit-in se poursuit dans le froid et sous la pluie, que des familles refusent d'enterrer leurs êtres chers, les autorités passeront-elles finalement à l'action pour stopper l'effusion de sang ? D'ici là, l'histoire d'Ali doit être entendue.

Lourdes peines de prison pour des blogueurs vietnamiens accusés de dissidence

dimanche 13 janvier 2013 à 19:46

C'est après avoir assisté à une formation organisée à Bangkok, en Thaïlande, par le Viêt Tân (ou Parti pour la réforme du Vietnam), que quatorze personnes ont été arrêtées par les autorités vietnamiennes pour avoir prétendument participé à “des activités visant au renversement du gouvernement du peuple”. La plupart d'entre elles sont des étudiants catholiques, des blogueurs et des militants des droits de l'homme. Le 9 janvier dernier, un tribunal local les a jugés coupables [en anglais] de subversion au titre de l'article 79 du Code pénal. De lourdes peines de prison ont été infligées à chacun d'eux :

1. Ho Duc Hoa (13 années de prison suivies de 5 ans en résidence surveillée)
2. Dang Xuan Dieu (13 années de prison suivies de 5 ans en résidence surveillée)
3. Paulus Le Son (13 années de prison suivies de 5 ans en résidence surveillée)
4. Nguyen Van Duyet (6 années de prison suivies de 4 ans en résidence surveillée)
5. Nguyen Van Oai (3 années de prison suivies de 2 ans en résidence surveillée)
6. Ho Van Oanh (3 années de prison suivies de 2 ans en résidence surveillée)
7. Nguyen Dinh Cuong (4 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
8. Nguyen Xuan Anh (5 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
9. Thai Van Dung (5 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
10. Tran Minh Nhat (4 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
11. Nong Hung Anh (5 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
12. Nguyen Dang Vinh Phuc (condamné avec sursis)
13. Nguyen Dang Minh Man (9 années de prison suivies de 3 ans en résidence surveillée)
14. Dang Ngoc Minh (3 années de prison suivies de 2 ans en résidence surveillée)

Des blogueurs accusés de dissidence pendant leur procès. Photo mise en ligne sur la page Facebook du Viêt Tân.

Le Viêt Tân [en vietnamien] est un parti politique d'opposition, interdit au Vietnam par le gouvernement communiste en place et basé aux Etats-Unis. Le jour du procès, il a publié ce communiqué :

Ces militants, qui pour la plupart ont une vingtaine d'années ou un peu plus de 30 ans, n'ont eu de cesse de défendre la justice sociale, de s'engager dans le journalisme citoyen ou de participer à des manifestations pacifiques contre l'empiètement territorial mené par la Chine. En persécutant ces individus pour leur forme d'expression pacifique et leur soutien à une cause politique, le régime de Hanoï montre une nouvelle fois combien la société civile lui fait peur.

Plusieurs organismes de défense des droits de l'homme ont immédiatement réagi à l'énoncé du verdict et lancé un appel à la libération des blogueurs condamnés. Membre du Comité pour la protection des journalistes, Shawn Crispin estime notamment que la “sévérité du verdict” correspond à une volonté de museler les journalistes [en anglais] :

Ces lourdes peines, outrageusement longues, sont la preuve que les autorités vietnamiennes entendent supprimer à terme toute forme d'indépendance de la presse. Nous appelons le gouvernement à revenir sur ces condamnations et à libérer tous les journalistes actuellement derrière les barreaux pour de fallacieux motifs de sécurité nationale.

Brad Adams, de Human Right Watch, estime quant à lui que le Vietnam devrait mettre à l'honneur ces militants plutôt que de les emprisonner :

La condamnation de militants on ne peut plus pacifiques par le gouvernement est un nouvel exemple de la peur croissante que lui inspire l'opinion de son propre peuple. Au lieu de mettre en prison ceux qui émettent des critiques, le gouvernement vietnamien devrait plutôt leur rendre hommage pour la façon dont ils abordent les innombrables problèmes auxquels le pays fait face et que les autorités elles-mêmes ont identifiés.

Quelle qu'en soit la raison, le gouvernement apparaît comme despotique aux yeux de son peuple et du monde entier quand il affirme qu'une personne essayant de faire respecter les droits des autres représente une menace pour l'état.

Amis et familles des blogueurs accusés de dissidence se sont rassemblés à l'extérieur du tribunal. Photo Viêt Tân.

Le porte-parole du bureau onusien du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, Rupert Colville, exhorte [en anglais] les autorités à réviser le Code criminel vietnamien :

Nous appelons le gouvernement du Vietnam à revoir son application du Code criminel, qui conduit à emprisonner des personnes ayant critiqué sa politique, et à revenir sur tous les cas similaires qui violent les libertés d'expression et de réunion du pays.

Amnesty International estime pour sa part que les charges retenues contre les militants sont infondées :

Interpréter les activités des militants comme une tentative de renverser le gouvernement est injustifié – ils ont simplement été mis en prison pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression.

Dans le même temps, la blogueuse Nguyen Hoang Vi raconte [en anglais] comment elle a été harcelée sexuellement par la police alors qu'elle couvrait, le 28 décembre 2012, le procès de trois blogueurs qui furent également condamnés :

Aujourd'hui, je suis particulièrement heureuse de crier doublement victoire face à vous. Tout d'abord parce qu'en dépit de la mobilisation de nombreuses personnes et des gros efforts fournis pour m'empêcher de quitter la maison, vous avez échoué et j'ai pu me rendre au tribunal comme j'en avais l'intention. Vous avez ensuite agi de manière ignoble et grossière pour tenter de me déstabiliser et de me faire peur afin que j'abandonne ma cause. Mais je veux que vous sachiez que si la violence et les gestes vils peuvent conduire certains à renoncer, il ne peut s'agir que d'êtres faibles. Avec des gens comme moi, ce genre d'actions ne peut que renforcer mon état d'esprit et ma détermination. Transmettez mes paroles à ceux qui vous ont ordonné de m'agresser ainsi. Et n'oubliez pas d'ajouter que vous ne faites vraiment pas le poids, face à une femme comme moi, pour en arriver à avoir recours à des méthodes aussi obscènes.

Guerre des tags sur les murs de Syrie

dimanche 13 janvier 2013 à 19:28

Ce billet fait partie du dossier de Global Voices sur le soulèvement en Syrie 2011/12

L'art du graffiti a deux visages : la désobéissance civile et l'expression pacifique. Si la révolution syrienne est fondée sur des valeurs d'humanité, elle a aussi des aspects artistiques. L'image est pour l'être humain un des moyens les plus importants d'exprimer ses pensées, le plus rapide pour illustrer une idée ou faire réagir les autres à son propos.

Pour reconnaître au graffiti sa vraie force, rappelons-nous cette étincelle qui a allumé la flamme de la révolte syrienne. Un célèbre tag à Daraa en 2011 a mené à l'arrestation d'une quinzaine d'enfants pour avoir écrit un graffiti sur les murs d'une école. Le gouverneur local décida de sévir sans pitié. La punition laissa la ville abasourdie, et d'un seul coup, la Syrie se trouva plongée dans les rébellions du printemps arabe.

Graffiti en Syrie, “Votre tour est venu, docteur”, adressé au Président (et ophthalmologue) Bachar Al-Assad. Source: EA WorldView.

Les tags sont devenus un nouveau champ de bataille dans le conflit, où le pouvoir et les révolutionnaires pacifiques ont exercé leur liberté d'expression. Pour Al-akhbar :

Le pouvoir syrien et les dissidents graffeurs jouent au chat et à la souris sur les murs du pays. Les contestataires syriens bombent des slogans anti-régime, et les autorités se précipitent pour les recouvrir et arrêter les auteurs, dont un mystérieux contestataire au pseudo de Spray Man. Pour acheter de la peinture en Syrie, il ne faut pas oublier sa carte d'identité. Les commerçants refusent de vendre de la peinture si les acheteurs ne fournissent pas leurs papiers avec une déclaration sur l'honneur expliquant les motifs de l'acquisition.

Les graffitis ont aussi une vie sur Internet. Ainsi, des activistes syriens ont créé un groupe appelé “اسبوع غرافيتي الحريـّة سوريا - Semaine du graffiti de la Liberté“.

Graffitis : Murs du Peuple

Qaph, un blog qui traite de politique, de livres et de la vie de la société civile, a écrit :

Le graffiti explose dans les périodes de changements politiques et sociaux et devient lui-même une forme de pouvoir du public pour résister au pouvoir autoritaire. Un artiste, ou un collectif d'artistes, choisit une rue passante pour transmettre le message en mots ou images ou les deux, la plupart du temps amèrement sarcastiques. La puissance du graffiti comme moyen de libre expression est de plus en plus alarmante pour de nombreux gouvernements et systèmes de pouvoir. Des mesures répressives tentent de faire taire la voix de la rue ; le meilleur exemple de telles réactions est celui du Royaume-Uni avec la loi de 2003 sur les incivilités et la charte signée par les parlementaires britanniques déclarant que “le graffiti n'est pas un art, c'est un délit.”

Pochoir de Bachar par El Teneen. A côté, on lit la phrase devenue fameuse ‘Le peuple veut la chute du régime'. Vu le 25 juillet 2011. Source: Blog suzeeinthecity

En mars 2011, les Syriens sont allé crier leur rage dans les rues, qui se sont emplies de milliers de manifestants réclamant la liberté. D'autres pendant ce temps ont choisi les murs pour donner de la voix. Il y a différentes manières de diffuser son message. Dans la rue, on peut crier, danser, chanter ; et sur les murs, ce sera peindre, écrire et personnaliser les caractères. Les messages entre factions pro- et anti-Assad ont été écrits, corrigés et recouverts maintes fois de manière à montrer que les deux bords partagent le même espace.

Graffiti de l'ASL à Damas : “Veuillez-nous excuser pour le désagrément…nous mourons pour vous”. Source: revolting Syrian Blog

Graffitis Pro & Anti-révolution syrienne

Le blog d'informations Happy Arab a raconté qu'un tag a été vu sur un bureau d'agent d'assurances anti-Assad aux Etats-Unis. Le lendemain, un journaliste pro-Assad publiait sur Facebook une photo de tag pro-révolution sur une agence de voyage de Garden Grove appartenant à un Syro-Américain qui avait exprimé son soutien au régime actuel.

La révolution en Syrie divise les Syro-Américains du comté d'Orange. On a vu des manifestations devant le consulat de Syrie à Newport Beach, les unes contre le régime et les autres pour le soutenir. La faille s'est récemment élargie en Californie du Sud.

Un proverbe syrien dit : “الحيطان دفاتر المجانين” ce qui veut dire “Les murs sont les draps des fous” ; mais de nos jours, les Syriens recourent aux murs de Syrie pour s'y adonner à la libre expression !

Et voici quelques murs peints dans diverses villes de Syrie.

Soyez avec la révolution. Source: 29 Arabic Letters Blog

Graffiti pro-Assad. Traduction : “(soumettez-vous à) Assad ou nous brûlons le pays”. Source: The revolting Syrian Blog

Tag à Damas avec le logo de l'ASL (l'Armée Syrienne Libre) et en-dessous, les mots “nous arrivons”. L'inscription au-dessus du logo dit : “Ça approche” (autrement dit. Bachar, tes jours sont comptés). Source: put a spell on you on Tumblr.

Tag de paroles révolutionnaires sur les murs de la faculté des Sciences d'Alep, corrigeant les slogans des mercenaires d'Assad. Source: Page Facebook de FREEDOM GRAFFiTi WEEK Syria

Un graffeur tague un mur avec l'expression “A bas Bachar”, pendant l'insurrection syrienne, mars 2011. Image de Wikimedia Commons.

Tags pro-Assad à Hama : “Assad pour diriger la Syrie sinon personne” . Source : FreedomHouse sur Flickr

Tags des mercenaires d'Assad : Bachar seulement - Nous sommes les hommes de la mort. Source: FreedomHouse sur Flickr

Graffiti contre Bachar Al-Assad #Syria. Source: Sabry Khaled sur Flickr

Ce billet fait partie du dossier de Global Voices sur le soulèvement en Syrie 2011/12

Combien d'autres Syriens devront mourir?

dimanche 13 janvier 2013 à 16:26

Dans le cadre de notre collaboration avec Syria Deeply nous publions sur notre site une série de leurs articles qui donnent voix à des civils pris entre deux feux, ainsi que des opinions d'auteurs du monde entier sur le conflit. 

Bessma Momani est chercheur au CIGI et à la Brookings Institution, et professeur associé à l'université de Waterloo. Vous pouvez la trouver sur twitter sous @b_momani. Momani fait part ici de ses réflexions sur la crise actuelle en Syrie :

En tant qu'analyste politique, je peux comprendre les raisons plausibles, géostratégiques et politiques, qui pourraient expliquer pourquoi, malgré la reconnaissance internationale de le Coalition Nationale Syrienne, la réalité sur le terrain changera peu. Et pourquoi, même avec les 60 000 Syriens tués, la ligne rouge pour la communauté internationale demeure l'utilisation d'armes chimiques.

L'utilisation d'armes chimiques constitue un dangereux précédent dans la région avec d'importants stocks et de nombreux conflits. En identifiant ceci comme étant la ligne rouge, les gouvernements internationaux essaient d'envoyer un message d'avertissement à tous les acteurs régionaux à propos des limites de l'acceptabilité.

Je peux aussi comprendre la rapide décision de l'administration d'Obama de désigner de terroriste le mouvement extrémiste Jabhat al-Nusra. Dans un sens, cette décision peut-être vue comme une stratégie pour calmer un Congrès irritable qui est devenu obsédé par l'incapacité du gouvernement à prévoir une contre-attaque des radicaux en Libye qui ont pris la vie de quelques employés du Département d'État. Reconnaître le front Nusra organisation terroriste, avant que le gouvernement américain ne reconnaisse la Coalition Nationale Syrienne représentante du peuple syrien, a rassuré le Congrès - et le monde - à savoir que l'administration Obama n'ignorerait pas les forces extrémistes.

En même temps, les É.-U. ont résisté à étiqueter l'armée d'Assad comme étant une organisation terroriste, une décision qui a d'énormes implications s'il y a une solution négociée à la fin de cette crise. Le gouvernement américain est tout à fait conscient d'avoir échoué en Irak en encourageant la débaasification après la déposition du président irakien Saddam Hussein. Garder l'armée syrienne à l'écart de la liste des terroristes permettra à certains éléments du dessus du panier de jouer un rôle plus ‘légitime' dans la nouvelle Syrie et encouragera plus de défection parmi les forces armées et le régime d'Assad dans les prochains mois.

Mais ces supposées explications géopolitiques sont aussi des excuses pour l'inaction.

Image avel l'aimable autorisation de Shaam News Network

La triste vérité c'est que beaucoup plus de Syriens vont mourir et la communauté internationale,y compris nous les analystes, va trouver pléthore de raisons pour justifier l'inaction. Aucune de ces raisons ne consolera les Syriens qui ne peuvent comprendre l'indifférence, jour après jour, du monde pour leur épreuve. Plus d'un demi million de personnes ont fui le pays, une moyenne de 800 par jour, avec des millions d'autres pris au piège et déplacés à l'intérieur. Il y a un nombre inconnu de prisonniers politiques, mais des estimations les chiffrent à 25.000, qui sont prisonniers dans les camps de l'armée d'Assad. Plusieurs Syriens que j'ai interviewés estiment que près de 20 enfants sont tués presque chaque jour en Syrie depuis deux ans.

Mais pendant que les considérations géopolitiques justifiant l'inaction sont multiples, les raisons pour agir sont tout aussi nombreuses. L'inaction peut mener à des conséquences à long terme. 36% de la population syrienne sont des enfants de moins de 14 ans, et 24% a entre 14 et 24 ans, selon la Banque Mondiale. Non seulement leur éducation est interrompue, mais ils vivent sans maison et avec un sentiment d'impuissance accrue. Les dommages psychologiques à long terme sur une génération entière de Syriens sont loin de s'être manifestés.

La Syrie se fait détruire, une belle ville après l'autre, juste sous nos yeux. Écoles, hopitaux, parcs, entreprises privées, et des infrastrctures publiques complètes ont entièrement disparu. Chaque jour qui passe, il y a de moins en moins de maisons et d'endroits de travail où les réfugiés syriens pourraient retourner.

Déjà, cette instabilité déborde au Liban. Déjà, cette impuissance a pris racine dans l'extrêmisme. Ça fait trop longtemps que nous avons essayé de justifier la 'stratégie syrienne'.

Combien de Syriens doivent-ils mourir pour que le monde agisse ?

Des “BiblioTaptaps” pour aider les Haïtiens à se remettre du tremblement de terre de 2010

dimanche 13 janvier 2013 à 15:55

Si nous étions le 12 janvier 2010, quelques instants encore et le monde apprendrait abasourdi le séisme qui a détruit Port-au-Prince, la capitale de Haïti. Les images de désolation précéderaient le choc des premières estimations [pdf, en anglais] : en quelques minutes à peine, 222.000 morts et 2 millions de sans-abris. Et si on prenait les chiffres du coeur, on arriverait aux 9 millions de Haïtiens minés par la peur et l'incertitude pour leurs vies et celle de leurs amis et proches.

Un livre ne suffirait pas à raconter le séisme, mais c'est la lecture qui aide la population haïtienne à le surmonter. Grâce à Bibliothèques Sans Frontières [en anglais] qui lance des bibliothèques itinérantes qui sillonnent la capitale en fournissant des livres et en offrant ainsi un accès à l'information et à la connaissance.

BiblioTaptap Bookmobiles in Haiti. Photo from the Libraries Without Borders website.

Un BiblioTaptap ou librairie mobile en Haïti. Photo du site internet de Bibliothèques Sans Frontières.

Menées à bien dans les pays des Amériques, d'Afrique et d'Asie, des initiatives comme celles-ci interviennent dans des pays en développement et ceux affectés par des catastrophes naturelles et des guerres. En Haïti, l'organisation opère en partenariat avec la Bibliothèque Nationale, qui est en reconstruction [en anglais], le Bureau National Haïtien des Livres et la Fondation pour la Connaissance et la Liberté (FOKAL).

Confrontés aux catastrophes, les gouvernements et organisations internationales coopèrent pour distribuer médicaments, nourriture, vêtements et abris pour les victimes. Les besoins de base ne s'arrêtent pourtant pas au corps, et touchent aussi l'esprit, l'âme, la sensibilité, quel que soit le moyen choisi pour s'arranger de ce qu'on a été vécu. Badis Boussouar, responsable de la communication à Bibliothèques Sans Frontières, explique le rôle de la lecture [en anglais] dans ce contexte :

Il ne fait pas de doute pour Bibliothèques Sans Frontières que les organisations et gouvernements doivent consacrer la plus grande partie de leurs efforts à améliorer le bien-être matériel des victimes de catastrophes. Mais une plus grande attention devrait être accordée à nourrir les esprits en seconde intention pour aider les victimes à surmonter la catastrophe et repartir de l'avant. Les livres et l'expression contribuent à maintenir la stimulation intellectuelle et à encourager l'estime de soi et la résilience en temps de crise. Par les livres, les ordinateurs ou la formation, l'accès à l'information et aux ressources culturelles renforce les individus et leur donne les outils pour reconstruire ce qui a été perdu.

BIBLIOTAPTAPS

Les bibliothèques mobiles se sont inspirées des bibliobus existant dans d'autres pays, notamment dans les zones rurales, et sont nées de la triste réalité que la plupart des bibliothèques de Haïti ont été détruites par le séisme, de même que 4.000 écoles. 80% des écoles à Port-au-Prince et 60% de celles du sud et de l'ouest du pays ont été détruites ou endommagées, selon les chiffres de la Commission d'Urgence des Catastrophes [en anglais].

Le nom de BiblioTaptaps est un hommage aux typiques taxis locaux. Le premier a été mis en service en juillet 2012, et sera suivi de deux autres en mars prochain. Comme le montre la vidéo ci-dessous, le projet mobilise des Haïtiens de tous âges, et surtout des enfants, souvent les premiers concernés.

Sillonnant les quartiers de Port-au-Prince, chaque BiblioTaptap transporte 400 livres, avec histoires d'amour, recueils de poésie et pièces de théâtre, pour moitié en créole. A côté de la littérature, il y a des livres sur l'histoire, la politique, l'économie et la culture, de Haïti et du monde entier. Les usagers de ce service ont aussi accès à des catalogues de photos, des livres d'art et des dictionnaires, entre autres. Les livres sont choisis quotidiennement par les responsables en fonction du parcours prévu, de sorte que la lecture soit toujours stimulante, qu'il s'agisse d'enfants participant aux activités du BiblioTaptap, de jeunes désireux de mieux comprendre la réalité de leur pays pour la faire évoluer, ou même d'adultes ou personnes âgées en quête d'information sur la santé ou les manières de prendre soin de leurs collectivités ou de l'environnement.

Les dons de livres [en anglais] sont bienvenus, tout en prenant garde de ne pas perturber l'économie des librairies locales par un apport excessif de livres.

URGENCE DE LA LECTURE

Tout cela concourt à la foi dans le pouvoir des livres d'apporter le savoir de base sur le soin de sa propre santé, ainsi que toute autre information vitale pour surmonter le traumatisme causé par le séisme, qui ne pourra certes  ni s'oublier ni se corriger dans un si bref laps de temps.

L'UNICEF soutient l'éducation dans les contextes d'après-catastrophes et collabore avec Bibliothèques Sans Frontières en Haïti.

La récente opération de Bibliothèques Sans Frontières, appelée L'Urgence de la Lecture, réaffirme la conviction de l'ONG que les livres et la lecture sont un important moyen pour les victimes de surmonter ce genre de catastrophe. Elle appelle les organisations internationales engagées dans l'action humanitaire à : “1) développer les programmes de lecture, de culture et d'enseignement, qui stimulent l'esprit humain et aident les individus à faire face au traumatisme ; et 2) faire de la mise à disposition d'accès à l'information et aux livres une priorité pour le secours humanitaire international”.

On peut les aider dans cette tâche en signant la pétition internationale comme l'ont déjà fait Tzvetan Todorov, Mario Vargas Llosa, Zygmunt Bauman, J.M. Coetzee, Robert Darnton, Roger Chartier et beaucoup d'autres déjà.

De quoi réfléchir aux livres qui pourraient aider en pareille situation. Au Bangladesh quelqu'un pensera peut-être à offrir aux Haïtiens un poème de Rabindranath Tagore, en Russie ce pourrait en être un de Maïakovski ; ce qui est immédiatement venu à l'esprit de l'auteur de ce billet, c'est un vers du poète brésilien Manuel Bandeira, qui sera merveilleux lorsqu'il se sera réalisé dans le monde entier : Belo belo belo tenho tudo quanto quero (splendide, splendide, j'ai tout ce que je veux). En attendant, la reconnaissance de l'importance des livres et de la lecture dans les situations de catastrophes et calamités naturelles s'accroît. Ainsi, la bibliothèque du Queens [en anglais], à New York, propose des livres aux victimes de l'ouragan Sandy aux USA. Pour leur apporter l'espoir, de Walt Whitman.