PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Pourquoi Twitter bloque les comptes étatiques au Venezuela

dimanche 5 mai 2019 à 11:27

Bloquer la parole publique pourrait renforcer la crise de l'information.

Détail d'une illustration de l'artiste vénézuélien Eduardo Sanabria, prise de son profil publicc Facebook et utilisée avec autorisation.

Alors que la confrontation entre la puissance publique vénézuélienne et les leaders de l'opposition a atteint de nouveaux sommets cette semaine, Twitter a suspendu les 1er et 2 mai de multiples comptes appartenant aux ministères vénézuéliens et à ses conulats à l'étranger.

Les comptes Twitter des ministères de l’Éducation, du Pétrole et des Femmes ont tous été suspendus le 1er mai :

Un putsch non conventionnel : les comptes institutionnels vénézuéliens arbitrairement suspendus.
Sont désormais suspendus : le Ministère de pouvoir populaire des Femmes – le Ministère de pouvoir populaire de l'éducation – le Ministère de pouvoir populaire du Pétrole

Au moment de publier [l'article d'origine], ces comptes restaient suspendus. Certains comptes de consulats, dont celui de Vancouver, au Canada, ont été rétablis.

Ce n'est pas la première fois que l’État ou des responsables publics vénézuéliens voient leurs comptes suspendus, mais les enjeux politiques cette fois sont particulièrement élevés.

On peut dire que l’incertitude sur qui est aux commandes au Venezuela n'a jamais été aussi grande. Depuis janvier 2019, les gouvernements de 65 pays à travers le monde ont reconnu le leader de l'opposition Juan Guaidó président légitime de la république, tandis que pour les autres, Nicolás Maduro — qui a été réélu en mai 2018, au milieu d'allégations largement répandues de fraude électorale — conserve son titre.

Le 30 avril 30, Guaidó a appelé les gens à descendre dans les rues pour ce qu'il a décrit comme la “phase définitive” de l’ “Opération Liberté”, destinée à mettre fin au gouvernement de Nicolas Maduro. Les manifestations se poursuivent dans de nombreuses villes du pays, et les autorités ont recouru à la violence dans leurs actions pour disperser les manifestants.

Ces dernières années, il est devenu habituel pour les responsables publics, leurs associés et partisans, de poster sur les réseaux sociaux des messages susceptibles d'enfreindre les règles de Twitter bannissant les propos haineux et les menaces violentes. Ce genre de comportement garantit la suspension du compte, et peut avoir conduit Twitter à fermer ces comptes (nous avons demandé à la compagnie de commenter, et attendions leur réponse au moment de publier).

Mais la mesure pourrait entraîner d'autres conséquences, et pour le public et pour la compagnie. Le gouvernement de Nicolás Maduro a critiqué le blocage par Twitter de ces comptes, notant qu'ils ont eu lieu “concomitamment à la tentative de putsch”, reprenant l'insinuation soulevée par de nombreux utilisateurs de Twitter que la compagnie serait de parti pris contre le gouvernement Maduro.

A côté des questions importantes que cela soulève sur le rôle (intentionnel ou non) de Twitter comme acteur politique dans un tel scénario, les suspensions pourraient offrir aux autorités des justifications accrues pour un blocage complet de Twitter.

La valeur publique unique de comptes comme ceux-là — même s'ils crachent du vitriol haineux ou partisan — vaut également d'être prise en considération. Avec la suspension de ces comptes, leurs tweets passés ont été retirés de la vue du public. Impossible de voir ce que ces responsables ont dit ou pas dit qui a pu déclencher cette riposte — leurs URLs renvoient simplement à la page générique “compte suspendu”. A moins qu'un tiers ait collecté l'information ailleurs, il n'existe aucun enregistrement public de ce qu'a publié dans le passé le compte.

Que ces comptes aient partagé des informations publiques importantes ou non, tout message provenant d'un responsable public — même si le statut de ce responsable est contesté — a de l'intérêt pour les électeurs. Twitter offre une fenêtre exceptionnelle sur les esprits et les émotions des individus, quelque chose qui peut être particulièrement précieux dans les moments de crise politique. Les gens veulent savoir ce que pensent leurs dirigeants.

Les retraits contribuent aussi à la raréfaction croissante de l'information politique accessible aux Vénézuéliens, alors que l'électricité et les connexions internet vacillent, et que les principaux médias sociaux et réseaux d'information comme la BBC et CNN se font éjecter des ondes.

Éloigner encore plus la parole de la vue publique ne pourra qu'accroître la crise de l'information.

Le gecko léopard commun trouvé pour la première fois au Népal

samedi 4 mai 2019 à 19:50

Une nouvelle espèce de lézard a été enregistrée au Népal

Gecko léopard. Image de Matt Reinbold pour Flickr. (CC BY-SA 2.0)

Le gecko léopard (Eublepharis maculariusa récemment été enregistré [en] comme nouvelle espèce pour le Népal ; cependant, alors que les chercheurs népalais et les amoureux de la nature reconnaissent officiellement la 11ème espèce de gecko du pays, certains défenseurs de l'environnement commencent également à craindre que ce ne soit une cible potentielle dans le commerce illégal d'animaux de compagnie exotiques.

Lorsque Yam Bahadur Rawat a publié une photo d'un étrange gecko sur Facebook, l”herpétologue Karan Shah a suggéré qu'il pourrait s'agir d'une nouvelle espèce pour le Népal. « Il a ensuite supprimé l'article et, après des recherches approfondies, il a été confirmé qu'il s'agissait d'une espèce complètement nouvelle pour le Népal », a déclaré Shah, s'entretenant avec Global Voices.

Jeevan Thapa [en], l'un des membres de l'équipe de recherche, a publié [en] sur Facebook :

Happy to share a new species of lizard recorded from Nepal. This documentation from Nepal added a new family, genus and species of herpetofauna from Nepal. Now, this species becomes the 11th gecko species for Nepal.

Heureux de faire connaître une nouvelle espèce de lézard enregistrée au Népal. Cette documentation au Népal a ajouté une nouvelle famille, genre et espèce d'herpétofaune du Népal. Désormais, cette espèce devient la 11ème espèce de gecko du Népal.

Les deux premiers geckos léopards, de moeurs nocturnes, ont été observés en hibernation [en] dans le couloir biologique de Kamdi du district de Banke, dans l'ouest du Népal. Le corridor relie le parc national de Banke au Népal au sanctuaire de vie sauvage de Sohelwa, dans l'Uttar Pradesh, en Inde. Ces discrets geckos terrestres ont été signalés dans des habitats arides en Afghanistan, dans le nord-ouest de l'Inde et au Pakistan. Cependant, ils ont été découverts pour la première fois dans une forêt mixte à feuilles caduques de sals (Shorea robusta) au Népal le 30 décembre 2016.

L’équipe a ensuite découvert d’autres preuves de la présence de geckos léopards à d’autres endroits. Le 18 avril 2017, deux autres geckos léopards ont été découverts dans le district de Nawalparasi et le 10 juin 2018 dans le district de Surkhet, dans l'ouest du Népal.

L’équipe écrit dans son article de recherche [en] :

Common Leopard Geckos remained undetected in Nepal until now. This could be attributable to the secretive nocturnal nature of the species or the limited research on the herpetofauna in western Nepal. These new records from three different localities indicate that the species is likely to have much wider distribution in Nepal, including Banke National Park, which lies between the sites of these observations.

Les geckos léopards sont restés non détectés au Népal jusqu'à présent. Cela pourrait être dû à la nature nocturne et discrète de l'espèce ou à la recherche limitée sur l'herpétofaune dans l'ouest du Népal. Ces nouveaux enregistrements de trois localités différentes indiquent que l'espèce a probablement une aire de répartition beaucoup plus large au Népal, y compris dans le parc national de Banke, qui se situe entre les sites de ces observations.

Contrairement à d’autres geckos, ils ont des paupières mobiles, mais ils sont exempts de coussinets sous-digitaux à lamelles. Ils peuvent donc cligner des yeux et les fermer pendant le sommeil, mais ne peuvent pas grimper sur des surfaces verticales lisses. Ils ont de minuscules pieds avec des griffes inoffensives. Ils vivent jusqu'à vingt ans et certains ont même vécu jusqu'à trente ans en captivité.

Chers et très demandés

Ces beaux geckos, cependant, sont commercialisés légalement et illégalement en raison de leur forte demande parmi les amoureux des animaux exotiques.

Gecko de Hardwick (alias gecko léopard indien)
Pourquoi je n’en ai pas: DIFFICILE à obtenir, et quand ils sont disponibles, ils sont RIDICULEMENT trop chers à cause de la forte demande. Cela vaut également pour les autres espèces d’Eublepharis. Ce n'est PAS un gecko léopard commun.

Selon Reptiles magazine [en], les geckos léopards élevés en captivité coûtent entre 20 et 3 000 USD. Toutefois, comme l'a signalé DC Nepal, les forces de sécurité à la frontière indo-népalaise ont confisqué cinq geckos léopards qui auraient rapporté 184 millions de roupies népalaises (1,65 million USD).

Le commerce illégal de ces geckos, bien qu’il soit supposé provenir d’Inde, donne à penser que les négociants pourraient également viser les geckos du Népal. Cependant, la liste rouge des espèces menacées de l’UICN n’inclut pas ces magnifiques espèces. L'équipe de recherche a donc recommandé un inventaire détaillé de ces geckos au Népal, qui permettrait de mieux comprendre leur répartition et aiderait à la conservation de ces espèces charismatiques.

La crise politique s'intensifie au Venezuela, et la censure s'épaissit

samedi 4 mai 2019 à 14:13

Le Venezuela a battu son propre record de censure.

Un rassemblement se forme à Altamira, dans l'est de Caracas, un des lieux de la ville pris par les opposants au pouvoir. Photo : Efecto Cocuyo, utilisée avec autorisation.

[Article d'origine publié le 2 mai 2019] Un nouveau chapitre de la lutte pour le pouvoir politique au Venezuela s'est ouvert au petit matin du 30 avril lorsque le leader de l'opposition Juan Guaidó a appelé à manifester pour ce qu'il a appelé la “phase ultime” de “l'Opération Liberté”, destinée à mettre fin au gouvernement de Nicolas Maduro.

Guaidó a délivré son message dans une vidéo partagée sur Twitter, où on le voit debout devant un groupe de militaires en uniforme, avec en arrière-plan le leader de l'opposition Leopoldo López, le mentor politique de Guaidó. Leurs partisans n'ont pas tardé à descendre dans les rues le 30 avril et à nouveau le 1er mai.

En un rien de temps, les principales plateformes de médias sociaux, dont Twitter, Instagram, Facebook et YouTube, devinrent inaccessibles, et les connexions de radio-télévision vers CNN et la BBC furent totalement coupées.

Les préliminaires de l’ “Opération Liberté”

Le 23 janvier 2019, Juan Guaidó, le président de l'Assemblée nationale, invoqua l’article 233 de la constitution vénézuélienne pour se déclarer titulaire des pouvoirs présidentiels et convoquer des élections. L'Assemblée nationale dénonce l'illégitimité du gouvernement de Nicolás Maduro depuis son investiture pour un deuxième mandat, à la suite d'élections de mai 2018 largement considérées comme entachées de fraude.

L'”Opération Liberté” se voulait la première phase d'un plan en trois parties proposé par Guaidó en janvier 2019. C'est aussi devenu son mantra de leader politique : “mettre fin à l'usurpation, [former un] gouvernement de transition, et [organiser] des élections libres”.

En février 2019, les Nations Unies reconnaissaient toujours Maduro comme le président du Venezuela, mais 65 pays avaient reconnu Guaidó comme président par intérim.

Lire aussi : Venezuela : Chronogie d'un blocage politique

D'après le média vénézuélien indépendant Efecto Cocuyo, des manifestations se déroulent dans de nombreuses villes du pays, et les autorités recourent à la violence pour disperser les manifestations.

Le collectif de médias Caracas Chronicles a raconté quelques-uns des événements du 30 avril :

The hardline anti-regime demonstrators resisted teargas at Altamira and several other places across the nation. Some were wounded—in some cases by gunfire. Protestors seemed exhilarated and were eager to stand their ground. It was impressive, as protestors cheered GNB officers who stood by them against the regime’s security forces. The video of a “Chavista” armored vehicle ramming protesters near La Carlota airbase became viral.

Les manifertants anti-régime radicaux ont résisté aux gaz lacrymogènes à Altamira et dans plusieurs autres lieux à travers le pays. Il y a eu des blessés, dans certains cas par armes à feu. Les manifestants paraissaient exaltés et acharnés à ne pas céder de terrain. C'était impressionnant quand les manifestants ont acclamé les agents de la Garde nationale bolivarienne qui se tenaient à leurs côtés contre les forces de sécurité du régime. La vidéo d'un blindé “chaviste” fonçant dans les manifestants près de la base aérienne de La Carlora est devenue virale.

Le suspense politique fait que les internautes sont à l'affût permanent d'information, et se tiennent prêts pour les épreuves à venir :

La situation au Venezuela est exaspérante. Nous sommes dans l'angoisse permanente. Nous avons commencé la journée en remplissant d'eau tous les récipients jusqu'aux vases, en chargeant les téléphones portables et les lampes, avons préparé les sacs de conserves et vraiment je ne sais pas, je ne sais rien, il vaut mieux que j'aille au travail

Nourriture, eau et électricité se font toujours plus rares, tout comme l'accès aux réseaux de communication. Ceci combiné à la menace qui se profile d'affrontements violents dans les rues, ont réduit de nombreux Vénézuéliens à in état perpétuel d'incertitude.

De nouveaux records de censure

D'après le spécialiste de la censure Andrés Azpúrua, le Venezuela a battu son propre “record de censure” le 30 avril et le 1er mai, avec plusieurs services de communication et chaînes de télévision devenus inaccessibles dans le pays, exacerbant encore le rétrécissement déjà lourd du paysage médiatique :

Aujourd'hui est à marquer d'une pierre blanche pour la censure et les blocages du [web] au Venezuela. Particulièrement sur l'internet.

Un de ces jours où la censure a augmenté et où [ladite censure] s'est montrée plus désespérée, surtout avec les changements de technique de blocage au long de la journée.

L'Institut vénézuélien de la presse et de la société rapporte que le 30 avril, Twitter, Instagram, Facebook, Periscope, YouTube et les services de Google ont été difficiles d'accès sur les principaux fournisseurs d'accès internet du pays — Digitel, Movistar et la compagnie publique CANTV. WhatsApp (probablement la plateforme de communication la plus importante pour les Vénézuéliens) et Telegram étaient difficiles d'accès par CANTV.

Le collectif de recherches sur la censure d'Internet NetBlocks a rapporté que les services ont été rétablis vingt minutes avant la diffusion du discours du 1er mai de Nicolás Maduro.

Portfolio : Le Sri Lanka en deuil se couvre de fanions blancs

vendredi 3 mai 2019 à 18:36

Le blanc est la couleur du deuil au Sri Lanka

Après les attentats du dimanche de Pâques, les gens accrochent des fanions blancs partout, devant leurs maisons, dans les lieux publics et dans leurs voitures. La couleur blanche symbolise le deuil au Sri Lanka. Image via GroundViews.

Cet article de Amalini De Sayrah est initialement paru sur Groundviews, un site primé de journalisme citoyen au Sri Lanka. Une version adaptée est publiée ci-après dans le cadre d'un accord de partage de contenu avec Global Voices.

Une série d'explosions coordonnées au Sri Lanka a fait 253 morts parmi les fidèles assemblés pour les messes du dimanche de Pâques, le 21 avril  2019. Parmi les six principaux sites d'attentat se trouvaient trois églises : l'église St. Antoine à Kotahena, St. Sébastien à Katuwapitiya et l'église de Sion à Batticaloa. Les photos et entretiens ci-après ont été réunis le 22 avril, au lendemain des attentats.

Kochchikade. Image via GroundViews.

L'église St. Antoine, à  Kochchikade. Image via GroundViews.

Kochchikade

Des fanions blancs et noirs flottent sous un soleil de plomb au-dessus des têtes de la foule assemblée à la barrière de sécurité entourant l'église St. Antoine à Kochikade, Kotahena (Colombo 13).

St. Anthony's church at Kochikade, Kotahena (Colombo 13). Image via GroundViews.

L'horloge est arrêtée à  8h45. Image via GroundViews.

‘Vous voyez l'horloge ?’ dit un passant, ‘elle s'est arrêtée à 8h45, au moment de l'explosion.’

L'important sanctuaire catholique était le premier site des explosions en série qui se sont produites ce jour-là. Les débris de l'explosion – les éclats du verre qui protégeait la statue principale de la façade, et les vitres protectrices au-dessus des portails – étincellent au soleil tandis que les policiers, militaires et personnels médicaux se fraient un chemin à travers les décombres.

Image via Groundviews.

Les personnes en deuil se rassemblent. Image via Groundviews.

‘Tout le monde vient ici pour prier, de près et de loin. Qui ferait une chose pareille dans un endroit saint comme celui-là ?

Situé à Kotahena, une banlieue de la capitale sri-lankaise, le sanctuaire est devenu un lieu de refuge pour personnes de toutes confession religieuses au Sri Lanka. Un déferlement de douleur a suivi les explosions.

Accrochage de fanions blancs. Image Via GroundViews

‘J'ai aidé à retirer les corps ; toute la journée, depuis 9h du matin jusqu'à 6h du soir. Nous les avons transportés et alignés, pour les emmener à la morgue. A un moment, on perd le compte.’

Sa jambe est bandée, il la soulève pour révéler une plaie sur le dessous. Un clou lors de l'écroulement de l'intérieur l'a blessé pendant qu'avec d'autres il aidait à secourir les victimes de l'attentat. Il a perdu connaissance à cause de l'hémorragie, et la police a dû l'évacuer ; pansé, il est revenu aider.

Image via GroundViews

Pendant la veillée. Image via GroundViews

Je n'ai même pas voulu y croire…tous ces jeunes enfants…ces femmes. On ne pense pas comment la vie peut prendre fin si soudainement’

Il entre dans des détails imagés sur l'état des corps qu'il a vus ce jour, promenant ses mains sur son propre torse et membres pour indiquer les dégâts. Beaucoup dans la collectivité – quelle que soit leur religion – se sont réunis pour acheminer les blessés aux urgences de l'Hôpital national de Colombo, et transporter les corps à la morgue de la ville.

Image via GroundViews

‘Justice, pas vengeance’. Image via GroundViews

L'homme participe aussi à la petite veillée, organisée par un groupe de citoyens indépendants, qui s'est tenue à côté de la statue du cent-cinquantenaire, au sud du sanctuaire. ‘Justice, pas vengeance” disent les feuilles de papier, et des bougies brûlent en dépit des rafales de vent. A peine une heure plus tard, un fourgon stationné non loin de là a explosé pendant que l'équipe spécialisée de démineurs désamorçait le dispositif explosif qui y avait été trouvé.

Image Via GroundViews

Des fanions blancs partout. Image Via GroundViews

‘Nous ne pensons pas que ce soit quelqu'un que nous connaissons, ou qui habite à proximité. Nous nouons ces fanions pour tous ceux qui ont perdu la vie.

Image via GroundViews

Accrochage des fanions blancs. Image via GroundViews

Ses mains sont chargées d'une corde de fanions noirs et blancs. Un grand nombre d'hommes habitant le quartier les nouent le long de la rue Jampettah, la rue commerçante qui fait un angle droit avec l'entrée de l'église.

Image via GroundViews

L'église lourdement gardée. Image via GroundViews

‘La messe de 8 heures était dite à la fois en cinghalais et en tamil. Les présents étaient surtout des gens extérieurs à ces quartiers. Puis l'explosion s'est produite.’

Un couple vivant dans le quartier dit que la messe de Pâques de 8 heures est habituellement célébrée en cinghalais. Cette année, la messe de minuit du samedi s'est tenue en tamil, et c'est à celle-ci qu'auraient assisté la plupart des fidèles des parages.

Image via GroundViews

Periyamulla. Image via GroundViews

Periyamulla, Negombo

Les fanions flottent le long des rues vides, où les devantures de magasins et les restaurants restent fermés longtemps après la levée du couvre-feu.

Image via GroundViews

La Grande mosquée de Negombo. Image via GroundViews

‘Nous sommes inquiets pour notre communauté aussi, et nous voulons que le pays sache que nous rejetons également ce qui s'est passé. Les musulmans ne soutiennent pas ça.’

Image via GroundViews

Un quartier musulman. Image via GroundViews

Les chefs de mosquées disent que des familles pakistanaises se sont fait agresser par des parents d'individus morts dans les explosions de dimanche. Ceux-ci s'en sont pris à leurs maisons avec des jets de pierres, brisant les vitres à coups de rocs. Ces familles sont des réfugiés appartenant tant à la communauté musulmane ahmadie qu'à la foi chrétienne, et fuyant la persécution au Pakistan. Les familles ont alors approché la police de Negombo pour demander la mise en place d'une protection, une requête accordée par la police, disent leurs représentants.

Image via GroundViews

La prière dans une mosquée. Image via GroundViews

‘Nous disons les prières cinq fois par jour. Ceci n'est pas l'heure habituelle de la prière pour nous. C'est une prière spéciale, une prière de deuil.’

A l'intérieur de la Grande mosquée de Negombo, les janazah ou prières funèbres se déroulent. Après leur conclusion l'assemblée entoure un cercueil apporté de l'extérieur des lieux, et la communauté se voit accorder quelques minutes pour rendre un dernier hommage.

Image via GroundViews

Un cercueil est porté pour la prière janazah. Image via GroundViews

‘Elle avait 13 ans. Son père est musulman mais sa mère est catholique, c'est pourquoi elle allait à l'église le dimanche. Nos communautés sont comme ça, tellement mêlées et liées.’

Un petit groupe de femmes chrétiennes est aussi présent dans la mosquée; elles prient et récitent des strophes du rosaire au-dessus du corps avant qu'il soit emporté pour être enterré. Les femmes d'une habitation proche affirment que des familles musulmanes vivent à proximité immédiate de l'église de Katuwapitiya.

Katuwapitiya, Negombo

Image via GroundViews.

Fanions blancs à Katuwapitiya. Image via GroundViews.

Des fanions blancs volent sous un ciel qui s'assombrit. Des soldats et des policiers s'alignent sur la rue étroite, pendant que les voitures avec les personnes en deuil et les piétons tentent de s'y retrouver dans les événements autour d'eux.

Image via GroundViews.

La rue Katuwapitiya Image via GroundViews.

‘Les cérémonies funéraires sont séparées d'à peine quelques maisons, il y en a dans presque toutes les ruelles.’

La rue Katuwapitiya est une longue suite de maisons en deuil. Les bannières devant chacune informent que des familles entières, ou plusieurs membres d'une même famille, ont péri dans l'attentat à l'église St. Sébastien.

Image via GroundViews.

Deds militaires gardent la rue. Image via GroundViews.

Image via GroundViews.

Des gens près d'une église. Image via GroundViews.

‘Regardez comme leurs maisons sont proches de l'église. A pied, aller à la messe et revenir est sûrement très rapide. Comment auraient-ils pu se douter que leur trajet à pied de ce jour se terminerait ainsi ?’

mage via GroundViews.

Plus de fanions blancs. Image via GroundViews.

Des enterrements de masse ont commencé à avoir lieu, avec plusieurs corps quittant l'église pour les cimetières de tout Negombo. Un terrain vacant aurait été défriché dans le but de faire de la place au nombre de cercueils en quête d'emplacements.

Si les révélations se développent sur les auteurs des attentats, et si les commentaires politiques provenant des plus hauts responsables du pays augmentent la colère et l'incompréhension, les enterrements devront se poursuivre dans les prochains jours. Le nombre total de morts dans les attentats s'établit actuellement à 253, un nombre confirmé après la fin des autopsies.

“Aller à contre-courant” : entretien avec un éditeur français de littérature turque

vendredi 3 mai 2019 à 11:34

L'un des titres en nombre grandissant traduits et publiés par Kontr. Photo utilisée avec autorisation.

Sylvain Cavaillès est un traducteur français installé à Istanbul, et fondateur de Kontr, l'unique maison d'édition française se consacrant exclusivement à la littérature turque.

La Turquie possède une riche tradition littéraire, mais à l'exception du Nobel 2006 Orhan Pamuk, les auteurs turcs sont rarement publiés en français. C'est ce qu'a voulu changer Sylvain Cavaillès en créant Kontr en 2017.

Connu sous la graphie turque du mot français contre, le catalogue du petit éditeur compte déjà huit titres, la plupart d'écrivains turcs d'origine kurde — et presque tous ont été traduits en français par Sylvain Cavaillès lui-même.

Ce qui suit est une transcription abrégée d'un entretien que j'ai réalisé avec Sylvain en avril 2019 sur cette entreprise littéraire hors du commun.

Filip Noubel : Comment vous êtes-vous trouvé engagé dans la littérature turque moderne ? N'est-ce pas un choix de carrière plutôt inattendu pour un Français sans attaches turques dans sa famille ?

Sylvain Cavaillès : C’est le résultat d’un processus assez long et complexe. Mon premier vrai contact avec la littérature turque s’est fait en français en 2003. J’ai découvert en librairie Quarante chambres aux trois miroirs de Murathan Mungan, et l’une des nouvelles de ce recueil m’a particulièrement marqué sur le moment, au point que je me rappelle très clairement avoir regretté de ne pas connaître le turc pour pouvoir traduire cet auteur et échanger avec lui. Quelques années plus tard, j’ai commencé à passer beaucoup de temps à Istanbul et à apprendre la langue, et lorsque j’en ai été capable je me suis naturellement mis à lire en version originale. En 2012, j’ai pris la décision de reprendre des études, et j'ai fait un master, puis une thèse de doctorat sur les écrivains kurdes de la littérature turque contemporaine, que j’ai soutenue en 2018.

FN : Quelle est votre ligne éditoriale ? Et quelle part de la littérature turque aimeriez-vous faire découvrir aux lecteurs francophones ?

SC : Le nom de Kontr représente pour moi, notamment, ce qui est à la marge, à la périphérie, et doit lutter pour exister. Et cela peut s’appliquer à la fois aux groupes humains et aux genres littéraires. Kontr aura toujours cette dimension de « contre-courant ». Les auteurs que Kontr a publiés jusqu’à présent (Murathan Mungan, Murat Özyaşar, Seyyidhan Kömürcü, Cihat Duman et Mehmet Said Aydın) ont tous un lien avec les régions kurdes de Turquie. L’apparition récente de cette nouvelle géographie littéraire au sein de la littérature turcophone m’a semblé être l’un des traits les plus intéressants du paysage littéraire turc actuel, et ce sont ces auteurs que j’ai voulu faire découvrir au public francophone en priorité. Toutefois, deux titres qui paraîtront cette année ne relèvent pas de ce domaine.

FN : Le phénomène Pamuk contribue-t-il à promouvoir la littérature turque en traduction, ou fait-il de l'ombre aux autres écrivains ? 

SC : Le phénomène Pamuk a eu un double effet d’occultation, d’une part, mais aussi une sorte d’appel d’air : le Nobel de Pamuk a sans aucun doute éveillé un intérêt du lectorat français pour la littérature turque.  Mais en 2018, les deux seuls auteurs de Turquie dont on parle sont Aslı Erdoğan et Selahattin Demirtaş, simplement parce qu’on les classe comme « Ces écrivains qui font trembler le dictateur », formule cliché dont le seul but est de faire vendre des livres. Ce n’est pas Orhan Pamuk qui aujourd’hui occulte les auteurs de son pays, mais ce genre de clichés faciles. Concernant la promotion de la littérature turque en tant que telle, Kontr est aujourd’hui la seule maison qui, à son échelle, s’y consacre entièrement.

FN : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre travail ? Traduisant de la littérature contemporaine, êtes-vous en contact direct avec vos auteurs pour ce faire ?

SC : Les plus grandes difficultés que j’ai pu rencontrer jusqu’à présent avaient trait à l’oralité d’une part, mais aussi à la régionalité. Certaines expressions idiomatiques n’ont cours que dans une région bien délimitée du territoire. Dans la plupart des cas, je parviens à résoudre la difficulté par moi-même. Mais s’il le faut, j’en parle avec l’auteur. C’est sans doute pour Rire noir, de Murat Özyaşar, que j’ai le plus échangé avec l’auteur. Murat a un style très particulier, très oral, musical, rythmique, syncopé, et hybride car il est dans une situation de bilinguisme et, comme il le dit et l’écrit lui-même, son turc est contaminé par la syntaxe du kurde. Il m’a donc fallu tenter d’appliquer au français le traitement que lui-même applique au turc. Cela a été à la fois mon plus grand défi en tant que traducteur mais aussi l’expérience la plus enthousiasmante que j’ai vécue.

FN : Comment définissez-vous votre mission alors que vous combinez le travail d'un traducteur et d'un éditeur indépendant ? Vous voyez-vous comme un activiste littéraire ?

SC : Être à la fois traducteur et éditeur indépendant n’a pas été un choix mais une contrainte imposée par le contexte de l’édition française. Lorsqu’on vous fait patienter pendant des années, lorsque vos traductions, bien qu’elles n’aient été ni payées, ni publiées, apparaissent malgré tout sur des sites internet libraires, vous êtes obligé, si vous voulez que les auteurs que vous défendez soient publiés, de créer votre propre structure d’édition. Le premier livre de Kontr est sorti parce qu’une éditrice française avait laissé son auteur, Mehmet Said Aydın, sans nouvelles après lui avoir promis de faire son livre. Aydın est venu me trouver en me demandant de trouver une solution. Je lui ai promis de faire son livre, sans même croire qu’il y aurait une suite éditoriale à ce geste. Mais une fois ce premier livre publié, j’ai compris que je n’avais pas le choix. Je ne me suis jamais considéré comme un activiste, pourtant j’ai créé une maison d’édition qui s’appelle Kontr et qui s’est construite contre un certain nombre de choses. En premier lieu contre contre certains comportements qui ont cours dans l’édition, et contre les diktats qui tentent de nous faire croire que les lecteurs francophones n’aiment pas certains genres, tels la nouvelle ou la poésie. Je ne crois pas que ma posture se définisse fondamentalement par rapport à ce qui se passe dans la sphère politique. Mon but est de transmettre la littérature que j’aime et qui me semble être la littérature qui compte, aujourd’hui en Turquie. Même si je crois fermement en certaines causes, la cause ne justifiera jamais mes choix éditoriaux. Une maison d’édition est avant tout une maison, où l’on invite ceux que l’on aime. Pas une machine à fabriquer des produits, des étiquettes, ou à faire de l’argent.

Sylvain Cavaillès, le fondateur de Kontr. Photo utilisée avec autorisation

FN : La Turquie est aujourd'hui dans une phase complexe de transition politique et culturelle. Un certain nombre d'auteurs et de traducteurs littéraires sont actuellement en prison, ou vivent en exil. Quel effet cela a-t-il sur votre travail et votre vision de l'avenir de Kontr ?

SC: La situation à laquelle vous faites référence fait comme partie de la définition de la Turquie, qui est constamment en phase de transition politique et culturelle. Aujourd’hui l’attention de l’Occident se focalise sur la figure de l’actuel président et, avec l’aide de la médiatisation de quelques figures emprisonnées, on imagine un pays où la création littéraire serait bâillonnée. Or, les écrivains en prison auxquels vous faites allusion sont avant tout des opposants politiques. Aujourd’hui, en Turquie, personne n’est en prison ou en exil à cause de son œuvre littéraire, ceux qui sont inquiétés le sont à cause de leur engagement politique. Il y a certes un climat de peur, et sans doute un peu d’autocensure chez certains auteurs et éditeurs. Mais cela n’empêche pas le second livre de Selahattin Demirtaş de paraître ces jours-ci chez l’un des éditeurs turcs les plus importants. Globalement, le monde politique ne se soucie pas de littérature. Pour finir, cette instabilité dont vous parlez, loin d’être une menace, est sans doute ce qui justifie l’existence de Kontr, car les auteurs que nous publions et continuerons à publier, sont des écrivains qui ont un certain positionnement au sein de la société turque et qui construisent une œuvre littéraire d’importance.