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Agitation à Katmandou autour de la rénovation d'un site historique

lundi 8 janvier 2018 à 20:59

L'étang Rani Pokhari avant le séisme de 2015. Photographie par Anup Adhikari sur Flickr. CC BY-NC 2.0

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Les étangs de la vallée de Katmandou et des plaines du sud du Népal ont toujours fait partie intégrante de la culture et de la tradition népalaises. Bien que certains aient été préservés [en], d'autres ont souffert de la construction de bâtiments modernes dans leur enceinte ou ont même complètement disparu à cause de la négligence des autorités.

Rani Pokhari, “l'étang de la reine”, a été asséché pour pouvoir reconstruire le temple historique de Balgopaleswor, situé à son centre. Les autorités ont décidé de rénover le site entier après la destruction partielle du temple par le terrible séisme de 2015.

Aujourd'hui, militants et habitants de la vallée de Katmandou ont uni leurs forces pour sauver l'ancien étang au cœur de la capitale :

En l'espace de quelques années, voici ce que nous avons fait de Rani Pokhari. Deux photos prises du même endroit.

La beauté et la signification historique de Rani Pokhari

Rani Pokhari est un site culturel du XVIIe siècle. Il aurait été construit par le roi Pratap Malla [en] en 1670 pour consoler la reine Anantapriya [en], attristée par la mort de son plus jeune fils.

Le temple de Balgopaleswor n'est ouvert au public qu'un jour par an : pendant le “festival des frères et sœurs” Bhai Tika, qui a lieu le dernier jour du festival de Tihar, une fête des lumières hindoue de cinq jours. Les personnes sans frère ni sœur peuvent alors le visiter. L'étang est aussi ouvert au public pour le festival hindou de Chhath.

Vue de Rani Pokhari en 1919.

Ce Rani Pokhari-là. “L'ancien est d'or : Rani Pokhari avant le séisme de 1990.”

Célèbre pour sa beauté et sa signification historique, l'étang est entouré à l'est du Ghantaghar (la tour de l'horloge) et du Trichandra College, le premier campus du Népal, et à l'ouest du lycée Durbar, également le premier du pays. Sur la rive sud se trouve une statue du roi Pratap Malla et de ses deux fils chevauchant un éléphant. Des temples dédiés aux dieux et déesses hindous se tiennent aux quatre coins.

Une reconstruction brouillonne et controversée

La reconstruction de l'étang [en] est un sujet de discorde entre le Ministère de l'Archéologie, les habitants et la Ville de Katmandou (Kathmandu Metropolitan City ou KMC, qui dirige les travaux). Les travaux avaient été interrompus en 2016 quand des militants avaient protesté contre l'usage de béton par l'entrepreneur.

La dispute a ressurgi en 2017 après que le même entrepreneur a commencé à construire un mur de béton [en] autour de l'étang :

Le KMC dit qu'il veut “embellir et moderniser” Rani Pokhari avec une fontaine son et lumière, un parc et un café. Ceci viole la Loi népalaise sur la Conservation des monuments anciens, selon laquelle les sites historiques âgés de plus de 100 ans doivent être préservés dans leur état original.

Rani Pokhari a retenu de l'eau pendant 350 ans bien qu'il n'y ait pas eu d'ingénieurs à l'époque. Mais aujourd'hui, remplir Rani Pokhari d'eau est devenu une tache gargantuesque pour l’ingénierie moderne, après la pagaille de la reconstruction. Des sommets d'impudence.

Sanjit Bhakta Pradhananga écrit [en] dans le Kathmandu Post :

Built over a natural aquifer, Rani Pokhari’s tightly-packed topsoil made it ‘waterproof,’ its submerged wells perpetually recharged its water levels, while subterranean canals diverted water to stone spouts like the Teen Dhara and the Bhota Hiti. Never in the 350 odd years thereafter did the pond once dry up or need substantial restoring.

Construit au-dessus d'un aquifère naturel, c'est le tassement de la terre qui a rendu Rani Pokhari “imperméable”. Ses puits submergés maintenaient constamment son niveau d'eau, tandis que des canaux souterrains déviaient l'eau vers des goulottes de pierre taillées comme le Teen Dhara et le Bhota Hiti. Jamais, en quelques 350 ans, l'étang n'a été asséché ni a eu besoin d'une restauration majeure.

Un “hiti” est un complexe d'une ou plusieurs goulottes de pierre taillées alimentées par l'eau de pluie recueillie dans les aquifères. Les étangs étaient construits à proximité de façon à remplir les aquifères et maintenir l'eau à un niveau constant, même pendant la saison sèche. Le système de canaux approvisionnait en eau les étangs, hitis et fermes pour l'utilisation quotidienne et l'irrigation.

Clairement, de nombreuses personnes s’inquiètent de la reconstruction de Rani Pokhari en cours, surtout à cause de l'utilisation de béton… mais nous avons un maire qui ne semble pas s'en soucier… Je ne veux pas que la reconstruction endommage notre patrimoine… Certains sites devraient rester en l'état.

Après l'agitation initiale autour de la reconstruction, les travaux ont été interrompus en 2016 et un comité a été créé [en] pour conseiller le gouvernement sur la restauration de l'étang [en] à son état original.

Cette dispute continue de retarder la reconstruction de Rani Pokhari, mais pour l'anthropologue David Gellner, elle fait office d'étude de cas sur le traitement de l'important patrimoine culturel de Katmandou.

Netizen Report : Les autorités iraniennes bloquent le trafic web international et les plateformes de messagerie

lundi 8 janvier 2018 à 19:45

Vue nocturne de Machhad. Photo de l’utilisateur Flickr Farnaz Ghandi (licence CC BY-SA 4.0)

Le Netizen Report de Global Voices offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Dans un contexte dominé par une vague de manifestations organisées à travers le pays au cours de la semaine dernière, les autorités iraniennes ont pris des mesures fermes pour restreindre la communication et le partage d’informations sur des plateformes telles que Telegram et Instagram.

Le 2 janvier, des employés de l’Internet Exchange Point iranien ont indiqué au Centre national pour les droits humains que le gouvernement leur avait ordonné de restreindre l’accès au trafic international, une mesure qui empêche temporairement l’accès aux données internationales en Iran.

Ce type de restrictions connaît une augmentation depuis le 28 décembre, lorsque des manifestations ont éclaté à Mashhad, ville du nord-est, en réponse au chômage, à la hausse du prix des denrées alimentaires et aux accusations de malversations à l’encontre de dirigeants aussi bien réformistes que conservateurs. Dès le lendemain, les manifestations se sont étendues aux principales villes ainsi qu’aux plus petites localités.

Le 31 décembre, le service de télécommunication de la République islamique d’Iran a annoncé que les autorités avaient « temporairement » bloqué Telegram et Instagram pour « préserver la paix et la sécurité des citoyens », une décision préoccupante dans un pays où l’accès à Facebook et à Twitter est coupé depuis les manifestations du Printemps perse de 2009.

Le blocage de Telegram implique d’importantes conséquences, car l’application de messagerie mobile compte de très nombreux utilisateurs dans le pays. En effet, parmi les 45 millions d’internautes iraniens, 40 millions utilisent Telegram pour rester en contact avec famille et amis, lire et partager des informations au sujet de l’actualité ou encore suivre les événements publics (y compris les manifestations). Comme les manifestations ont pris une tournure violente dans certaines villes (les médias nationaux font état de 21 personnes tuées dans les affrontements), les canaux de communication ouverts ont gagné en importance en matière de sécurité publique.

Aussi, l’utilisation des outils de contournement de la censure numérique a faibli, à cause semblerait-il des restrictions auxquelles doivent faire face leurs sites. Les compagnies comme Digital Ocean, qui héberge des outils tels que Lantern, ont également connu des perturbations.

Malgré ces restrictions, les Iraniens utilisent toujours Internet pour rapporter et documenter ce qu’ils traversent. Une vidéo, qui proviendrait de Bandar Abbas, montre des manifestants qui ont bouté le feu à un panneau d’affichage exhibant le portrait du guide suprême d’Iran, Ali Khamanei. Hamid Yazdan Panah, collaborateur de Global Voices et avocat spécialisé en droit de l’immigration, décrit cela comme un « acte de rage et de défiance qui ne peut s’expliquer seulement par le prix des œufs ou le désir de réforme politique ».

Blocage d’Internet en RDC avant des manifestations

Le 30 décembre, les autorités de la République démocratique du Congo ont ordonné aux fournisseurs de télécommunications de bloquer l’accès à Internet et aux services SMS en prévision des manifestations qui se sont déroulées dans de nombreuses villes le lendemain. Les manifestants, dont beaucoup étaient organisés au sein de groupes ecclésiaux, demandent que le président Joseph Kabila abandonne son intention de modifier la limite relative aux mandats présidentiels dans la Constitution.

En Inde, les données personnelles d’Aadhaar mises en vente

Dans une tentative d’étudier la sécurité des données personnelles conservées par Aadhaar, le gigantesque système d’identification indien, des journalistes du Tribune of India ont réussi à obtenir « un accès illimité aux informations relatives à n'importe lequel du milliard de numéros d’Aadhaar créés jusqu’ici en Inde », par une simple réponse à une annonce qui circulait sur WhatsApp et le paiement de 500 roupies (environ 7,90 USD). L'Autorité indienne d’identification unique (UIDAI) indique que le journal « n’a pas rendu compte des faits de manière exacte ». La réponse du Tribune of India est disponible ici.

La loi pakistanaise sur la cybercriminalité inclura bientôt le blasphème en ligne

Le gouvernement pakistanais a approuvé un amendement à la loi de 2016 sur la prévention des crimes électroniques, élargissant ceux-ci aux expressions de blasphème et de pornographie en ligne, désormais considérées comme des délits pénaux. Cette modification pourrait ouvrir la voie à des condamnations pénales contre toute personne qui publierait sur les réseaux sociaux du contenu pouvant être interprété comme blasphématoire.

Un tribunal allemand statue contre l’espionnage

Le 13 décembre 2017, le Tribunal administratif fédéral de Leipzig (Allemagne) a accepté la plainte de Reporters sans frontières contre le service de renseignement extérieur allemand (BND). La décision adoptée stipule que le BND ne peut pas conserver de métadonnées relatives aux appels internationaux, telles que des numéros de téléphone ou la date et l'heure d’un appel, à des fins d’analyse de renseignement. Elle devrait avoir de fortes répercutions pour le BND, qui collecte en moyenne 220 milliards de métadonnées au quotidien, comme l’indiquait une série de documents rendus publics par le Zeit Online en 2015.

7500 personnes pour traiter les propos haineux sur Facebook, est-ce suffisant ?

Après avoir passé en revue 900 exemples de contenus haineux sur Facebook, le média d’investigation ProPublica a remarqué que près de 50 n’avaient pas été supprimés par le réseau social, malgré les efforts des utilisateurs pour les signaler. ProPublica indique également que Facebook emploie à peine 7500 modérateurs pour étudier les signalements de discours haineux, alors que les utilisateurs actifs sont estimés à 2,2 milliards dans le monde. L'article explique :

In 22 cases, Facebook said its reviewers had made a mistake. In 19, it defended the rulings. In six cases, Facebook said the content did violate its rules but its reviewers had not actually judged it one way or the other because users had not flagged it correctly, or the author had deleted it. In the other two cases, it said it didn’t have enough information to respond.

Dans 22 cas, Facebook a expliqué que ses modérateurs avaient commis une erreur. Pour 19 autres, la société a défendu la décision prise. Pour six cas, Facebook a commenté que le contenu enfreignait son règlement, mais que les modérateurs n’avaient pas pris de décision, car les utilisateurs ne l’avaient pas correctement signalé ou parce qu’il avait été supprimé par l’auteur. Enfin, dans deux autres cas, il a indiqué ne pas disposer pas des informations nécessaires pour répondre.

L’Allemagne commence à appliquer la loi contre les discours haineux

Janvier 2018 marque pour l’Allemagne l’entrée en vigueur complète de la controversée loi sur les propos haineux, surnommée NeztDG pour Netzwerkdurchsetzungsgesetz. Celle-ci demande que les réseaux sociaux répondent aux requêtes du gouvernement de supprimer des contenus illégaux, y compris des propos haineux et des fausses informations, dans un délai de 24 h. Les sociétés disposent ensuite de sept jours pour étudier la suppression d’autres contenus ambigus. Facebook, Twitter et Google/YouTube sont les principales plateformes visées par l'application de la loi.

Le Code pénal allemand contient déjà une définition du discours haineux. La loi ne contient par conséquent ni nouvelles mesures ni nouvelles définitions. Par contre, elle oblige les sociétés à agir contre de tels propos ou les rend passibles d’amendes astronomiques. Sans précédent dans le monde, elle pourrait avoir un effet domino capable de changer la donne.

Nouvelles études

 

Iran : Corruption et pauvreté amènent colère et désespoir

lundi 8 janvier 2018 à 19:28

Arrêt sur image d'une vidéo des manifestations du 4 janvier 2018 à Téhéran. Visible sur  YouTube: https://youtu.be/hNNVlONyNGs

Cet article est également publié sur le site Arseh Sevom.

“Où est mon argent ?” C'est la question de beaucoup d'Iraniens ces dernières années, à force de voir l'inflation et la corruption tailler dans leurs revenus.

Ce sont les pauvres et les classes laborieuses qui sont le plus durement frappés par l’inflation. Les prix de l'alimentation, des charges et de la santé ont augmenté de façon spectaculaire depuis cinq ans. En 2013, les prix alimentaires ont grimpé de 57 %, et de 13,9 % en 2017. Dans le même temps, le taux de chômage des jeunes se maintient autour de 25 %.

Bref, le désespoir économique est présent en abondance. Mais il ne s'arrête pas là. Des désespérés ont investi dans des systèmes pyramidaux qui ont enrichi quelques-uns aux dépens de la foule. Des ouvriers dans tout l'Iran attendent jusqu'à un an le payement de travaux terminés. Ce qui les piège dans des dettes impossibles à rembourser, et beaucoup atterrissent en prison pour usage de chèques en bois, mettant encore plus de pression sur des ménages déjà à la peine.

Au deuxième semestre 2017, les manifestations étaient quasi quotidiennes devant le parlement iranien. Enseignants, journaliers et conducteurs de bus manifestaient pour revendiquer des augmentations de salaires et de meilleures conditions de travail. Rien de neuf : ces manifestations ont plus de dix ans déjà.

La République islamique d'Iran s'est montrée incapable d'apporter les libertés et la stabilité financière dont se languissent ses citoyens. Si ceci s'explique en partie par les sanctions imposées par les États-Unis, corruption et mauvaise gouvernance sont des causes majeures.

Les sanctions économiques imposées par les USA ont en fait fourni les excuses à la mauvaise organisation et à la corruption. Aussi longtemps qu'elles resteront en place, le gouvernement iranien pourra se cacher derrière et accuser les sanctions de tous les maux, depuis les pénuries de lait jusqu'à l'insuffisante maintenance des avions.

Pendant ce temps, ceux qui ont appris à contourner le système engrangent des montagnes de dollars. Exemple parfait, l'Iranien Babak Zanjani devenu multi-milliardaire grâce aux sanctions internationales contre l'Iran et à sa position stratégique de blanchisseur de capitaux de la République islamique. Il a été arrêté fin 2013

Nous ne partageons pas tous le même sort

Des Peykan dans le nord de Téhéran. Photo Wikipaykan – photo originale, CC BY-SA 3.0, Link

En 2003, les rues de l'Iran étaient remplies des berlines blanches en forme de boîte de marque locale Peykan, et d'occasionnelles petites voitures de fabrication étrangère. Les cafés étaient rares, les signes publics de richesse, peu détectables. Beaucoup de gens vivaient de salaires qui n'auraient même pas payé un mois de loyer : 1000 dollars par mois paraissaient une somme extravagante.

Lorsque j'ai quitté Téhéran en 2007, la société de consommation se développait. Les multinationales et les produits de luxe se trouvaient un marché en Iran. Les couples ne tarderaient pas à déguster des glaces à paillettes dorées dans des restaurants au sommet de tours, et à étaler leur opulence en Jaguar et Porsche. Bientôt, les expulsions de locataires de longue date se multiplieraient pour faire place à la construction de tours d'appartements. Bientôt, toute illusion de difficultés communes s'évanouirait.

La richesse ne protège pas des catastrophes écologiques

“J'ai pensé, C'est scandaleux ce qui arrive” Arrêt sur image du documentaire d'Al Jazeera Earthrise : La crise de l'eau de l'Iran par Gelareh Darabi

Téhéran suffoque dans un brouillard toxique. Les journées de mauvaise qualité de l'air se multiplient. Les gens souffrent. En 2011, les autorités iraniennes ont rapporté que près de 3.000 personnes mouraient chaque mois de complications résultant de la pollution. Un nombre qui pourrait être supérieur, puisque la recherche commence à établir que de nombreux décès par suite de pathologies cardio-vasculaires sont en réalité la conséquence de la pollution, et non du mode de vie ou de l'alimentation.

A quoi s'ajoute la mauvaise gestion de l'eau sous les présidences Ahmadinejad de 2005 à 2013 : des barrages nouvellement construits ont asséché des fleuves, lacs et aquifères. Des zones jadis fertiles ont été détruites.

Le secteur privé, en rapport avec l’État, a conseillé de “ne pas exagérer” l'ampleur de la dégradation environnementale en Iran. Un rapport d'enquête de chercheurs écologistes a conclu que la recherche scientifique sur cette crise est souvent muselée.

Pendant ce temps, les spécialistes prédisent des millions de déplacés climatiques internes. Il faudrait s'y préparer et non l'ignorer.

Les manifestations augmentent et diminuent

Beaucoup de gens en Iran considèrent les conflits régionaux et leur chance d'en être isolés. Ils se sentent menacés par Daech (l'E.I. ou Etat islamique, le groupe insurgé brutal qui a perdu ses conquêtes en Syrie et Irak) et par l’Arabie Saoudite. Ils ont peur d'une possible désintégration nationale, et du type de violence gouvernementale vue en Syrie. Une crainte qui tempère les manifestations publiques.

Kamran Ashtary, directeur d'Arseh Sevom (et mon compagnon dans la vie) constate :

Les Iraniens montrent à nouveau leur imprévisibilité. Ceux qui prétendaient que les gens avaient trop peur d'un scénario à la syrienne pour descendre dans les rues se sont trompés. Nous n'arrêtons pas de le répéter, les Iraniens sont toujours pleins de surprises. Violence et répression ne marcheront pas éternellement.

La vague actuelle de contestation a été apparemment provoquée par les ultra-conservateurs, qui ont initié des manifestations à Machhad, une ville dans l'est du pays, contre le gouvernement modéré du président Hassan Rohani. Mais la situation a rapidement échappé à leur contrôle, et c'est la colère et le désespoir qui ont poussé les gens dans la rue.

Ashtary explique :

La République islamique d'Iran et le gouvernement du Président Rohani ont vu venir cela. Dans les derniers mois, il y a eu de nombreuses manifestations de toutes parts : enseignants, chauffeurs de bus, ouvriers. Des gens de tout l'Iran en ont assez du gouvernement de Rohani. Ils voient que la levée des sanctions injecte de l'argent dans le pays, mais les individus ordinaires, ceux qui travaillent dur en Iran, n'en voient pas les bénéfices. Le niveau de corruption est élevé. Le budget national montre comment l'argent afflue dans les organisations religieuses en l'absence de toute reddition de comptes. Les modérés et réformistes se taisent et ne prennent pas le parti de ceux qui souffrent en Iran. Les Iraniens ont eu beaucoup de patience avec la République Islamique. Cela ne durera pas. C'est peut-être la dernière chance d'un changement non-violent.

Pour la première fois depuis des décennies, beaucoup de gens dans la rue ont ouvertement appelé à la fin de la théocratie. Certains ont scandé des slogans pour la rétablissement du Shah, d'autres, des slogans hostiles au président et au guide suprême.

Un frappant contraste avec les manifestations qui ont suivi les élections de 2009, dernière fois que les masses étaient descendues dans la rue en Iran. Ces manifestations-là réclamaient un recomptage des voix, pour “de petits changements”. On chantait des comptines, pas des slogans politiques. L'un des plus fréquents était, N'ayez pas peur, n'ayez pas peur, nous partageons tous le même sort :

نترس, نترس, ما همه با هم هستیم

Révolution ?

Les Iraniens luttent pour une juste gouvernance depuis leur révolution constitutionnelle de 1905. Leurs espoirs démocratiques ont été écrasés encore et encore. Le cas le plus flagrant a été le coup d’État fomenté en 1953 par les Américains et les Britanniques contre le premier ministre iranien démocratiquement élu Mossadegh (voir ce récit sur Twitter de @_chloi pour un bon résumé). Dans les années récentes beaucoup à l'intérieur de l'Iran parlaient d’évolution, non de révolution. Les manifestants d'aujourd'hui sont différents. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il n'y a plus rien à perdre.

Le gouvernement iranien traite les protestataires de “contre-révolutionnaires.” D'autres les appellent des révolutionnaires. Mesure sans précédent, une quarantaine d'étudiants ont été arrêtés préventivement par crainte de ce qu'ils seraient susceptibles de faire s'ils venaient à s'impliquer dans les manifestations. Le Centre pour les droits humains en Iran dispose de détails, lire : Les forces de sécurité iraniennes ont arrêté plus de 40 étudiants.

Est-ce une révolution ? Probablement non. Dans un billet sur Facebook, l'observateur de l'Iran Peyman Jafari note :

De geschiedenis laat zien dat protesten een eigen dynamiek kunnen hebben. Ze kunnen groeien, radicaliseren en tot revoluties leiden. Maar diezelfde geschiedenis laat ook zien dat ze kunnen eindigen in repressie of concessie. De indicatoren van de Iraanse samenleving en staat wijzen eerder op de tweede ontwikkeling.

L'histoire montre que les manifestations ont leur propre dynamique. Elles peuvent grossir, se radicaliser, et conduire à des révolutions. Mais la même histoire montre aussi qu'elles peuvent finir en répression et concessions. Ce que nous savons de la société et du régime iraniens pointent plutôt vers la seconde issue.

Que peut faire la société civile ?

Maziar Bahari de IranWire a suggéré quelques changements à la politique américaine pour mieux soutenir les contestataires :

Trois suggestions simples au gouvernement étasunien et aux autres :
1- Imposer des sanctions à la télévision publique iranienne, IRIB 2- lever l'interdiction d'entrée [sur le territoire des USA] pour les Iraniens 3- condamner la violence des deux côtés, celle du pouvoir et celle des promoteurs de violences contre les mosquées et les banques en Iran.

Le journaliste Mostafa Khosravi a dit à Global Voices :

C'est un moment très critique pour les réformistes en Iran. S'ils ne trouvent pas un moyen de soutenir ceux qui manifestent dans les rues, ils perdront tout l'appui qu'ils ont gagné dans ces six dernières années. Je veux dire, les sièges gagnés par les réformistes au Parlement et dans les conseils municipaux. Les manifestants leur demandent leur soutien. Leur seule réponse à ce jour a été de leur dire de se calmer. S'ils ne peuvent rien faire de mieux, il n'y a plus d'espoir pour eux comme parti.

Avec près de 1.000 arrestations annoncées, la répression semble plus effective que le retour au “calme”.  Le journaliste Golnaz Esfandiari a rapporté que les journaux ultra-conservateurs utilisent Twitter pour collecter les identifications de manifestants :

Les médias ultra-conservateurs iraniens mettent en danger les protestataires anti-système en appelant à leur identification.

Dans une lettre envoyée de la prison, la vice-présidente des Défenseurs des droits humains, Narges Mohammadi, a publié des recommandations de soutien aux manifestations sans violence. Elle demande à ce que la société civile mette le pouvoir sous pression pour réviser le budget, ce qui est à ses yeux le meilleur moyen de soutenir les protestations pacifiques et faire advenir le changement :

دولت می بایست به جای سخن درمانی، اقدامات قاطع در حمایت از حقوق ملت واصلاحاتی بنیادی کند.

نمایندگان مجلس در این شرایط می بایست در صف مردم بایستند و نگذارند لایحه بودجه با کیفیت حال به تصویب برسد.

ما مردم هم باید با تدبیر و در پرهیز از خشونت بر سر مطالبات خود محکم بایستیم و عقب ننشینیم. حرکت اعتراضی در این سرزمین هزینه بر است، اما ما باید دستاورد هم داشته باشیم. اولین و ضروری ترین اقدام در رفع بی‌عدالتی و فساد، ممانعت از تصویب لایحه بودجه سال ۹۷ است که می توانیم با بهره گیری از تمام امکانات و راهکارهای مدنی و مسالمت‌آمیز اعتراضی مانع تصویب آن شویم.

اگر در زندان نبودم روزهای بررسی و تصویب لایحه اموال ملت، در مقابل خانه ملت می ایستادم تا نمایندگان بدانند که نماینده و پاسخگو به ملت‌اند و چشمان ملت نظاره گرند.

Au lieu de parler, le gouvernement doit prendre des dispositions concrètes pour soutenir et protéger les droits des personnes en faisant des réformes fondamentales.

Dans cette situation critique, les parlementaires doivent écouter les préoccupations du peuple. Ils doivent assurer que le budget proposé ne sera pas ratifié.

Nous, le peuple, avec détermination et sans violence, devons rester fermes dans la revendication de nos droits. La protestation sera coûteuse mais elle doit aussi être payante. Pour le moment, le plus urgent dans la lutte contre la corruption et la pauvreté est la proposition de budget 2018. Nous devons nous engager dans des manifestations pacifiques pour empêcher son vote.

Si je n'étais pas en prison, je serais devant le Parlement chaque jour où le projet de loi est en discussion. Les députés doivent savoir qu'ils sont responsables devant le peuple, qu'ils représentent le peuple, et que les yeux du peuple sont fixés sur eux.

Mostafa Khosravi a contribué aux recherches pour cet article.

Portraits de traducteurs : Amadou Lamine Badji, l'optimisme et l'ouverture aux autres

dimanche 7 janvier 2018 à 21:57
Amadou

Amadou Lamine Badji, photo transmise

Nous poursuivons notre série de portraits de traductrices et traducteurs de Global Voices en français.

Amadou Lamine Badji est un collaborateur régulier de Global Voices en français depuis bientôt cinq ans. Les textes qu'il choisit sont des plus variés, comme le montrent ses récentes traductions : Port du foulard : Un restaurant à robots au Bangladesh alimente la controverse (17 décembre); Voyager à travers le Japon en autobus… sur YouTube, (13 novembre) ou encore : Rapport Netizen : les militants égyptiens incarcérés auront-ils droit, un jour, à la justice ? (23 octobre).

Il vit à Dakar, capitale du Sénégal, et répond par courriel à notre curiosité.

Global Voices (GV): Amadou, qui es-tu ?

Amadou: Wow, c’est une question philosophique ! Je suis un terrien qui né et a grandi au Sénégal il y a un demi-siècle. J’ai fréquenté un collège international et j’ai visité quelques pays du monde comme le Japon – voyage culturel – et le Canada pour quelques études en management (BAA) dans les années 90. Je suis une personne optimiste et ouverte aux autres comme d’usage au Sénégal. Je suis aussi considéré comme poète depuis 2010 par Nosside et quelques poètes du Sénégal.

GV: Raconte-nous comment tu as eu connaissance de Global Voices, et ce qui t'a donné envie d'y participer ?

Amadou: Ma curiosité d’internaute m’a fait tomber sur GV quand j’ai commencé à faire des traductions plus ou moins bénévoles en ligne en 2010 et j’ai tout de suite aimé l’accueil sympathique reçu de Claire Ulrich, l’esprit de diversité et la convivialité de GV. Je me souviens aussi avoir rencontré quelques semaines après mes débuts sur GV en mars 2013 Marie-Laure Le Guen à Dakar alors qu’elle se rendait au Kenya. Cela m’avait beaucoup impressionné de voir si vite de face un membre de GV !

GV: Tu es un contributeur régulier et fidèle. Les articles que tu traduis traitent de pays et sujets très variés. En fonction de quoi les choisis-tu ?

Amadou: J’aime traduire les articles qui mettent en évidence tout ce qui est optimiste, original, nouveau, tout ce qui montre la beauté de la diversité culturelle, le potentiel d’internet et de la technologie et aussi le respect des droits universels – une des principales lignes éditoriales de GV.

GV: Dans ta première année à GV en français, tu as écrit un article sur Aimé Césaire. Peux-tu nous en parler ? As-tu d'autres sujets sur lesquels tu as envie d'écrire ?

Amadou: Oui je me souviens de cet article que j’ai écrit avec les encouragements pressants d’Anna Guèye – Paix à son âme. C’était durant la période où j’essayais d’écrire ou de participer de temps en temps aux concours de poésie – je le fais toujours d’ailleurs selon l’inspiration et la disponibilité. C’était l’anniversaire du centenaire d’Aimé Césaire et aussi celui de l’affaire du meurtre raciste du jeune noir américain Trayvon Martin.
Je préfère traduire des articles qui reflètent mon opinion d’une certaine façon plus que d’écrire, c’est peut-être par paresse…

GV: Y a-t-il des liens entre ton activité pour GV et ton activité professionnelle ?

Amadou: Oui depuis 2010 ce lien existe car je travaille depuis 1993 à Dakar sur des missions ponctuelles comme Chargé de projets en administration, marketing et traductions. Traduire sur GV me permet de me tenir informé des tendances.

GV: Quelles langues pratiques-tu ? professionnellement ? Dans ta vie personnelle ?

Amadou: Je pratique le français et l’anglais sur le plan professionnel et personnel en plus du Ouolof et d’un peu de Diola et d’arabe à travers le Saint Coran.

GV: Tu es aussi parmi les plus actifs et réactifs sur le groupe de contact de GV en français. Que représente pour toi cette communauté “virtuelle” ?

Amadou: J’aime beaucoup le groupe GV auquel je m’identifie. J’ai fait remarquer à Gwen Lefeuvre que ses traductions démontraient une certaine sensibilité africaine et qu’elle et moi traduisions des articles aux thèmes similaires.
Quand j’ai vu aussi qu’elle vivait à Brighton, je lui dit que j’avais lu «  Le rocher de Brighton » de Graham Greene dans ma jeunesse Gwen m’a alors fait découvrir le romancier de Brighton le plus en vue en ce moment Peter JAMES en m’envoyant par la poste un de ses derniers romans «  Dead man’s grip  ». C’est ainsi que nous sommes devenus un peu plus amis.

GV: Un souhait par rapport à ce que publie GV ?

Amadou: Pas vraiment, je crois que GV respecte sa ligne éditoriale – la défense des libertés, des diversités et de la liberté d’expression surtout. Je suis heureux d’avoir appris hier que le Premier Ministre éthiopien annonce la libération prochaine de tous ses prisonniers politiques et en particuliers ceux du blog des neuf. J’ai le sentiment d’y avoir contribué indirectement par nos traductions sur GV.

Impact du Cyclone Ava à Madagascar: Un exemple supplémentaire d'un climat déjà imprévisible en 2018

dimanche 7 janvier 2018 à 17:12

Capture d'écran d'une vidéo de la ville de Toamasina après le cyclone Ava via Africa News

L'année 2018 a commencé sous de biens sombres auspices au niveau météorologique:  Tempêtes de neige et vague de froid (jusqu'à -50 C) sur la côte est de l’Amérique, 5 tempêtes hivernales en un mois en Europe et maintenant 2 cyclones avec forte rafales dans l'océan indien.

Le cyclone Ava a touché la côte est de Madagascar le vendredi 5 janvier en début d'après-midi. Il génère des vents moyens de 150 km avec des rafales allant jusqu'à 205km/h. Un premier bilan du Bureau national de gestion des risques et des catastrophes vendredi soir fait état de 989 sinistrés et plus de 2 000 personnes évacuées par précaution.  Le plus grand port de Madagascar, Toamasina, a subit de plein fouet la tempête et connaît des dégâts considérables. 5 personnes sont portées disparues et le Préfet de Toamasina Cyrille Benandrasana affirme que:

 Toamasina serait détruit à 90% suite au passage du cyclone

Sur les réseaux sociaux, les premières photos et vidéos montrent l'étendue des ravages. Voici des photos partagées sur Facebook par Tsimontso Marolia:

Résidents de Toamasina évacués

Toamasina après le cyclone Ava

Dans ce reportage de MaTV, des vidéos montrent la force des rafales de vent. Le reportage résume aussi la situation à la date du 5 janvier 2018:

Le cyclone tropical AVA a atterrit à Ambalamanasy, aéroport de Toamasina vers 13 heures. Dans un rayon de 30 km de l'oeil du cyclone, les rafales peuvent atteindre 190 km/h. Un avis de danger est imminent est lancé sur toute la région.

Le cyclone Ava fait encore des ravages dans le sud du pays mais Madagascar doit déjà se préparer au prochain cyclone Irving qui est à quelques centaines de km de ses côtes. Le dérèglement climatique est une réalité bien palpable pour des milliers de citoyens malgaches, n'en déplaise au président des Etats-Unis.