PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

En Louisiane, une femme a gagné son combat contre une des plus grandes sociétés pétrolières du monde

mercredi 1 avril 2015 à 13:38
Margie Richard stands in what used to be her front yard, across the street from Shell's chemical plant in Norco, Louisiana. Richard pushed for the company to buy out the neighborhood and move residents. Credit: Reid Frazier. Published with PRI's permission.

Margie Richard sur ce qui a été sa pelouse, en face de l'usine chimique Shell de Norco, en Louisiana. Mme Richard a obligé la compagnie à racheter le quartier et relocaliser les résidents. Crédit photo : Reid Frazier. Publiée avec l'autorisation de PRI.

Cet article et le reportage radio par le producteur Reid Frazier et l'écrivain Jared Goyette pour Living on Earth (Vivre sur Terre) dans le cadre du projet Across Women's Lives (à travers la vie des femmes) projet d'abord diffusé PRI.org le 27 mars 2015, est reproduit dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Les fonctionnaires du comté de Beaver, en Pennsylvanie, examinent actuellement un projet de la compagnie pétrolière Shell Oil de construction d'une nouvelle usine de produits chimiques sur leur territoire. Mais, avant de prendre une décision, ils devraient écouter une enseignante retraitée de 71 ans qui vit dans une autre petite ville à des milliers de miles de là.

“Vous aurez des éléments avec ce qui se passe”, prévient Mme Margie Richard de Norco, Louisiane.

Les mises en garde de Mme Richard sont le fruit de l'expérience : elle a mené son propre combat contre une usine chimique Shell dans sa ville natale – et elle a gagné.

Norco est une ville d'environ 3000 habitants sur le Mississippi, à environ 20 miles en amont de la Nouvelle-Orléans. Elle tire son nom des initiales de la New-Orleans Refining Company, qui exploitait une raffinerie de pétrole là-bas, construite par Shell en 1916.

Les problèmes ont commencé à Norco dans les années 1950, lorsque Shell a construit une usine de produits chimiques dans un quartier noir appelé Diamond, d'où est originaire Mme Richard.

Elle se rappelle avoir senti dans son enfance des odeurs fétides d'eau de Javel provenant de l'usine. Puis, à l'été 1973, un adolescent nommé LeRoy Jones tondait la pelouse d'une vieille dame, quand il s'arrêta un instant. Un pipeline fuyait non loin de là. Quand il a redémarré la tondeuse, il a déclenché une explosion.

Mme Helen Washington, la résidente de la maison, fut tuée. M. Jones essaya de s'enfuir, ses vêtements en feu. Il est mort quelques jours plus tard.

Mme Richards avait assisté à la scène personnellement, et ses souvenirs l'ont poursuivie.

“Là, sous un drap, par terre gisait Miss Helen, qui vivait dans la maison” se souvient-elle. ”On pouvait sentir ses cheveux. C'était tout simplement horrible. “

Cette expérience a marqué un tournant pour Mme Richards, qui a commencé à se documenter sur les problèmes de santé des personnes dans le quartier. Puis la tragédie a frappé plus près d'elle : sa soeur est morte à l'âge de 43 d'une maladie inflammatoire rare appelée sarcoïdose. Bien que les scientifiques ne s'entendent pas sur la cause de la maladie, certains pensaient que l'exposition chimique pouvait l'avoir déclenchée. Mme Richards suspectait que c'était le cas.

Une autre explosion a secoué la ville en 1988, cette fois à la raffinerie de pétrole Shell. Sept travailleurs furent tués et l'explosion a été ressentie aussi loin qu'à la Nouvelle-Orléans.

Mme Richard s'est donnée pour mission de forcer Shell à relocaliser les résidents loin des deux usines. Elle a travaillé avec un groupe écologiste local, l'association Louisiana Bucket Brigade, pour effectuer des tests sur la qualité de l'air. Le dispositif que l'association a utilisé – un seau de cinq gallons – avait été déjà utilisé par l'avocat d'Erin Brockovich.

Les tests ont porté leurs fruits: l'association était en mesure de détecter des substances chimiques dans l'air que Shell avait omis de déclarer à l'agence de l'environnement de l'État. Les médias ont commencé à prêter attention à l'affaire. Avec l'expansion de la controverse, Mme Richard a même été invitée à prendre la parole devant l'Organisation des Nations Unies en 1999. Elle y est allée en possession d'une solide histoire – et un échantillon d'air de Norco.   

Mme Margie Richard avec une photo de sa sœur Naomi, qui est décédée à l'âge de 43 ans d'une infection bactérienne rare. Mme Richard soupçonne que la maladie de sa soeur avait un rapport avec les émissions de Shell. Crédit: Reid Frazier. Publiée avec l'autorisation de la PRI.

“J'étais devant les Nations Unies avec mon sac d'air pollué,” se souvient-elle. Elle s'est adressée à un haut-responsable de la compagnie Shell en lui demandant s'il voulait sentir le sac. Il ne l'a pas fait. Quelques semaines plus tard, la société a changé sa position.

La compagnie Shell a offert d'acheter les maisons des gens qui vivaient près de l'usine. L'offre minimum était de $ 80,000, et plus de 300 familles l'ont acceptée, y compris Mme Richard. La société a déclaré que la décision d'acheter les maisons faisait partie d'une stratégie à long terme pour créer une ceinture verte autour de l'usine et qu'elle n'était pas liée à des préoccupations pour la santé.

Beaucoup de choses ont changé depuis les rachats : les rejets atmosphériques toxiques en Louisiane sont environ la moitié de ce qu'ils étaient dans les années 1990. Et l'année dernière, l'Environmental Protection Agency a célébré le 20e anniversaire de son programme de justice environnementale, qui a été créé pour protéger les quartiers de minorités comme celui de Diamond à Norco contre des quantités excessives de pollution industrielle.

Selon M. Tim Johnson, un consultant en affaires publiques pour l'industrie pétrochimique en Louisiane, l'industrie a évolué depuis l'époque où Mme Richards se battait contre Shell. “L'industrie a reconnu qu'elle pouvait mieux faire en matière de communication et d'écoute des citoyens qui vivaient dans les collectivités autour des usines,” dit-il.

M. Johnson croit qu'en partie, la raison de ce changement est que les entreprises voulaient simplement faire ce qu'il fallait. Mais même s'il est défenseur de l'industrie, il reconnaît que le changement ne serait pas arrivé à ce point sans intervention du gouvernement.

“Il faut être honnête pour reconnaitre… que beaucoup des améliorations qu'ils ont faites sont le résultat de la réglementation,” dit-il.

Et ces règlements n'auraient probablement jamais vu le jour sans la pression à la base des militants dans les communautés comme Mme Margie Richard. Prenez en note, au comté Beaver.

Cet article a été diffusé à l'origine dans le programme Living on Earth (Vivre sur terre) sur les ondes de la PRI avec Steve Curwood. Il fait partie d'une série d'enquêtes sur l'industrie pétrochimique de The Allegheny Front, un programme de la radio publique Pennyslvania qui se concentre sur les questions environnementales locales.

Une carte des indicateurs socio-économiques du Vietnam

mardi 31 mars 2015 à 14:22

vietnam_world_bankLa Banque mondiale a lancé une carte interactive du Vietnam qui met en lumière les différents indicateurs socio-économiques du Vietnam, comme le taux de pauvreté, l'emploi et l'accès à l'électricité. La photo ci-dessus montre le nombre de foyers vivant avec deux dollars US par jour. Selon cette carte, nous pouvons voir que le taux de pauvreté est le plus élevé au nord et dans le centre du pays.

Un rhinocéros échappé sème la pagaille dans un marché au Népal

mardi 31 mars 2015 à 13:41
Image tweeted by Nepali blogger @janakdangol

Image tweetée par le blogueur népalais @janakdangol

Dans la matinée du 30 mars, un rhinocéros à une corne a chargé à travers un marché animé et près d'un hôpital, tuant une femme de 61 ans et blessant plusieurs personnes, dans une petite ville située à 75 km au sud de la capitale népalaise Katmandou.

Le Népal abrite 534 individus sur la population mondiale en danger de 3.000 rhinocéros à une corne (Rhinoceros unicornis ou rhinocéros indien). Le parc national de Chitwan, à une quarantaine de km du lieu de l'incident, en compte 503.

Le Népal s'est gagné la reconnaissance internationale avec ses actions de conservation et ses méthodes innovantes de réduction des attaques de la faune sauvage. La réserve de Chitwan possède la deuxième plus grande population au monde de cet animal vulnérable, dont le poids moyen est de 2 à 3 tonnes. La chasse a fait chuter le nombre des rhinocéros à une corne jusqu'à une presque extinction au début du 20ème siècle. Des actions rigoureuses de conservation ont fait remonter leur population depuis quelques décennies. Le Népal est un acteur majeur de la conservation de la faune. Entre 2011 et 2013, il n'y a pas eu de braconnage au Népal ; pas le moindre tigre ou rhinocéros n'a été tué. 

Le site népalais d'information Pahilopost raconte que l'animal a traversé au galop Hetauda, une cité d'environ 85.000 habitants. Le rhinocéros a été localisé près de l'hôpital de Hetaudal, et a fait le buzz sur les médias sociaux. Les habitants ont tweeté photos et vidéos de la course du rhinocéros à travers le bazar avant que les médias généraux ne rendent compte de l'escapade de l'animal.

Rhino en cavale à Hetauda vidéo fournie par Kishan Poudel de Hetauda

Kumar Paudel a tweeté :

Un rhino déchaîné terrifie les habitants en courant à travers la ville à Hetauda

Le journaliste Ujjwal Acharya a tweeté :

Un rhinocéros à une corne crée le chaos à Hetauda au Népal, en faisant irruption dans une zone densément peuplée.

D'autres photos de Twitter, du rhinocéros à Hetauda

Au Népal des attaques mortelles de la faune sauvage se produisent au voisinage des parcs nationaux et des réserves animales. D'après une étude de 2008, 36 tigres ont tué 88 humains entre 1979 et 2006 autour du parc national de Chitwan.

En prévention, les autorités et les organisations de conservation mènent des campagnes de sensibilisation à l'intention des communautés vivant à proximité des réserves de faune sauvage. Mesures particulières de sécurité, des clôtures solaires, des poteaux et fossés en ciment ont été édifiés autour des villages vulnérables. 

Les communautés voisines des réserves de faune sauvage ont aussi entrepris sur leurs terres la culture de la menthe, une plante qui produit du menthol (NdT : utilisé notamment en pharmacie), et de la camomille. L'odeur de ces plantes semble répulsive pour les animaux sauvages, leurs champs font donc office de clôture protectrice. L'idée de ces cultures a été reconnue comme l'une des 12 meilleures innovations mondiales au International World Challenge Award 2011 de la BBC.

Tandis que l'administration locale, les fonctionnaires du parc et des bénévoles locaux s'affairaient à ramener le rhinocéros dans sa réserve, les médias sociaux s'en sont donné à coeur joie sur le périple de l'animal.

Quelqu'un a blagué sur la fugue du rhino en tweetant :

Pourquoi le rhino a-t-il voulu pénétrer dans l'hôpital, comme s'il était un médecin.

Une autre journaliste, Kriti Bhuju, a tweeté :

[On dirait que] le rhino est aller faire ses courses au Bazar de Hetauda, est-ce qu'il reviendra si toutes les échoppes sont fermées ?

Internet en Iran : évaluation des deux premières années de la présidence Rohani

lundi 30 mars 2015 à 20:24
Screen Shot 2014-12-18 at 16.54.16

Small Media a évalué la politique dans le domaine d'Internet au cours des 18 premiers mois du mandat du Président Hassan Rohani. Image créée par Small Media et utilisée avec permission.

Ce message a été écrit par le chercheur de Small Media Kyle Bowen sur la base du rapport du même nom.

“Même le filtrage n'a pu empêcher les gens d'accéder à des sites Web contraires à l'éthique. Un filtre généralisé en ligne ne fera qu'augmenter la méfiance entre la population et l'Etat “.

Ces mots, prononcés par le président iranien Hassan Rohani peu après avoir remporté l'élection en 2013, avait soulevé les espoirs que l'Internet en Iran était sur le point de devenir un peu plus libre. Pour les internautes iraniens, il s'agissait de bonnes nouvelles, tant les derniers dix-huit mois de la présidence Ahmadinejad avaient été marqués par un resserrement persistant de la liberté d'Internet.

En janvier 2012, des règles strictes avaient été introduites pour les cybercafés, obligeant les propriétaires à tenir des registres détaillés de renseignements personnels sur les clients et l'historique de leur navigation pendant au moins six mois. En mars de cette année-là, le guide suprême a créé le Conseil suprême du cyberespace (CSC), une organisation puissante et mystérieuse ayant le dernier mot sur ​​toutes les questions de politique concernant Internet. Alors que le conseil a à sa tête le président, il est dominé par les conservateurs. Et dans les premiers mois de 2013, les limitations de l'administration avaient réduit l'Internet iranien à des vitesses glaciaires avant l'élection du 14 juin.

Dans ce contexte de restrictions accrues et de censure générale, le message de M. Rohani d'un internet plus ouvert a touché une corde sensible pour le public iranien.

Mais M. Rohani a-t-il été à la hauteur des attentes qu'il avait suscitées ? C'est la question à laquelle le dernier rapport de Small Media tente de répondre. Cette recherche porte sur les perceptions des médias, les institutions de censure de l'Iran et trois années de données budgétaires des TIC pour mettre sur pied une politique Internet au cours des 18 mois depuis l'élection de M. Rohani. Alors, quel est son bilan aujourd'hui ?

Le Bon

Un signe positif est la volonté du Président Rohani de mettre au pas l'autorité iranienne de censure sur Internet, un Comité dénommé pompeusement (Comission pour déterminer les exemples de contenu criminel). Lorsque le CDICC [acronyme anglais de la Commission] a adopté une motion ordonnant de bloquer WhatsApp, M. Rohani a conseillé à son ministre des TIC, Mahmoud Vaezi, de refuser l'exécution de cet ordre. Naturellement, l'institution chargée de la censure n'a pas apprécié cette insubordination, son secrétaire considéré comme un membre de la ligne dure du CDICC, Abdolsamad Khoramabadi a affirmé que M. Rohani n'avait aucune base pour contester les directives de son comité. C'est à ce moment que le Ministre Vaezi s'est exprimé soulignant qu'en sa qualité de président du Conseil suprême du cyber-espace, l'opinion du Président Rohani sur la question était définitive, et que le blocage de WhatsApp ne serait pas appliqué. A ce jour, WhatsApp reste accessible en Iran, en dépit de perturbations temporaires.

Entre autres choses, cette impasse politique sur WhatsApp a montré que M. Rohani était sérieux au sujet de certaines de ses promesses de campagne. Qui plus est, son intervention tangible a influencé positivement la politique de filtrage de l'Iran, en gardant WhatsApp disponible dans la République islamique. La décision de M. Rohani de rejeter la décision du CDICC sur l'interdiction de WhatsApp est certainement un pas dans la bonne direction. Mais quand nous nous tournons vers le budget des TIC et examinons les priorités de dépenses du Président Rohani, certains signes inquiétants commencent à émerger.

Le mauvais

Une cause possible de préoccupation est l'explosion du budget de la cyber-sécurité. Lorsque M. Rohani a pris ses fonctions, le financement de la cyber-sécurité s'établissait à 42 073 millions de rials (3,4 millions USD). Dans le budget pour la prochaine année, il a grimpé à 550 000 millions de rials (19,8 millions USD), soit une augmentation de plus de 1200 % en seulement trois ans.

Cybersecurity funding has soared under Rouhani

Le budget des TIC a augmenté de plus de 1200 % en seulement trois ans. Image créée par Small Medias et utilisée avec permission

Cette hausse vertigineuse, qui est venue après les cyber-attaques de Stuxnet et Flame et le scandale de l'espionnage de la NSA, montre que le gouvernement accorde à la sécurité une priorité plus élevée. Il n'y a rien de mal à cela en soi, mais cela soulève l'inquiétude que de vagues préoccupations de sécurité puissent être invoquées pour justifier de nouvelles restrictions à la liberté d'Internet. En effet, l'Iran a une longue histoire de justification de la censure au motif de l'invasion culturelle de l'Occident. Et le scandale de la NSA a incité  de nombreuses invitations à soutenir un Internet national iranien, émanant autant des tenants d'une ligne dure que des réformistes.

Un autre développement problématique concerne le soutien retentissant du ministère des TIC aussi bien au SHOMA (l'Internet national) qu'au filtrage intelligent. Le mois dernier, le ministre des TIC, Mahmoud Vaezi, a annoncé qu'il encourageait les entrepreneurs du secteur privé à investir dans SHOMA, peut-être dans une tentative pour en accroître l'efficacité et accélérer son processus de développement. M. Vaezi a également expliqué que les travaux de la phase II du système de filtrage intelligent ont commencé le 28 janvier, après la réussite de la première phase. Au mois de janvier, un certain nombre d'internautes iraniens s'étaient plaints que les tests du système de filtrage intelligent perturbaient leur accès à Instagram.

L'avenir

Après l'évaluation des politiques en matière des TIC de M. Rohani à ce jour, le rapport conclut avec trois prédictions sur l'avenir de la censure d'Internet en Iran. Voici quelques aspects à suivre de près :

  1. Nouveaux combats sur les applications de messagerie sociale. Le Ministre de la Culture et de l'Orientation islamique Ali Jannati a récemment annoncé que 9,5 millions d'Iraniens étaient sur ​​Viber. Comme ces applications mobiles continuent de croître en popularité, leur blocage deviendra une proposition de plus en plus difficile pour les élus iraniens. Mais cela n'empêchera pas la justice conservatrice de se battre bec et ongles pour interdire leur utilisation. Nous pouvons nous attendre à plus de batailles sur le blocage des applications comme Viber, opposant le modéré président de l'Iran aux représentants extrémistes des institutions de censure.

  2. Il est peu probable que l'Iran soit coupé de l'Internet mondial, en partie parce que ce dernier est une bouée de sauvetage pour les entrepreneurs dans le domaine des technologies. Le lancement récent d'un moteur de recherche iranien associé au développement d'un Internet national avait suscité les craintes que la République islamique serait bientôt coupée du World Wide Web. Le gouvernement encourage certainement les Iraniens à utiliser des applications locales et des plates-formes sur lesquelles il exerce un plus grand contrôle. Mais il faut se rappeler qu'une partie importante du secteur iranien de la technologie dépend toujours de l'Internet mondial. Par exemple, Blogfa, l'une des plateformes de blogs les plus populaires de l'Iran, est hébergé au Canada. En outre, les startups iraniennes lucratives tel que Digikala pourraient bientôt chercher à s'étendre à de nouveaux marchés ou solliciter des investissements étrangers (le domaine émergeant des start-ups de l'Iran a suscité beaucoup d'intérêt en Occident). Vu sous cet angle, il est clair que toute déconnexion à long terme de l'Internet mondial pourrait entraîner des coûts économiques et politiques considérables pour le gouvernement iranien. Pourtant, des perturbations temporaires lors de périodes politiquement sensibles sont susceptibles de se produire encore.

  3. Les Iraniens sont plus préoccupés d'accès à Internet que de sécurité en ligne. Un récent sondage sur l'utilisation de VPN en Iran a révélé que les Iraniens utilisaient abondamment des outils de contournement qui sont gratuits et faciles à utiliser, tandis que les VPN plus sûrs (mais moins faciles à utiliser) tels que Tor n'étaient pas très populaires. Une étude précédente de Small Medias a abouti à une conclusion similaire, estimant que seulement 6,6 % des répondants avaient utilisé les VPN dans le but principal de renforcer la sécurité personnelle en ligne. La préférence pour l'accès à la sécurité est logique si l'on considère ce que les Iraniens aiment faire en ligne. Comme le journaliste de la BBC en persien Hadi Nili l’explique, “Ils veulent écouter de la musique, regarder et télécharger des vidéos, et mettre à jour leurs appareils Android ou Apple … Ainsi, même s'ils ont besoin d'une meilleure sécurité, ils pourraient choisir de compromettre leur vie privée pour le prix et la facilité d'utilisation”.

Nous pouvons tirer quelques conclusions de ces priorités. Premièrement, malgré tout le battage médiatique à propos de la “révolution Twitter” après l'élection de 2009, il semble tout à fait plausible que la plupart des Iraniens soient plus intéressés à utiliser l'Internet pour le divertissement plutôt que pour un activisme politique. Deuxièmement, l'attitude quelque peu nonchalante des Iraniens envers la sécurité en ligne rendra les utilisateurs de VPN beaucoup plus sensibles à la surveillance du gouvernement. Au cours des deux dernières années il y a eu une série d'arrestations liées à l'utilisation de VPN en Iran. Nous pouvons nous attendre à ce que cette répression continue, et peut-être même accélère après le lancement de SHOMA.

#NigeriaDecides : Une élection présidentielle chaudement disputée

lundi 30 mars 2015 à 19:44
The main opposition presidential candidate General Muhammad Buhari holding a broom in one of his campaign rallies. Photo released under Creative Commons by Flickr user Heinrich-Böll-Stiftung.

Le principal candidat à la présidence de l'opposition, le Général Muhammad Buhari brandit un balai à un de ses meetings de campagne. Photo publiée sous licence Creative Commons sur Flickr par Heinrich-Böll-Stiftung.

Les Nigérians ont participé en grand nombre le 28 mars 2015 aux élections générales hautement disputées qui avaient été repoussées de six semaines à cause des risques de sécurité dans les zones tenues par le groupe extrémiste Boko Haram.

La commission électorale a prolongé les opérations de vote au dimanche 29 mars 2015, en raison de problèmes techniques dans certaines parties du pays.

Les deux principaux prétendants au fauteuil présidentiel sont le sortant Goodluck Jonathan et le candidat d'opposition, le Général à la retraite Muhammadu Buhari.

Japhet Omujuwa a relaté le premier jour du scrutin sur le site web Naij, notant que “tous les probèmes habituels qui accompagnent les élections au Nigeria” étaient là :

On est en 2015, mais on aurait cru que la [Commission électorale nationale indépendante] n'a eu que six semaines pour se préparer à cette élection et non quatre années. La logistique a été dans l'ensemble un bazar. Les agents de la Commission sont pout la plupart arrivés en retard à leurs bureaux de vote. Et là où ils étaient à l'heure, il y en a eu trop qui ne savaient même pas qu'ils devaient ôter le scellé du lecteur de carte pour le faire fonctionner. On nous a fait croire que tous ces gens avaient été formés spécifiquement à cette fin.

Dans l'Etat de Rivers, la pagaille était totale. Cet Etat était noté comme un possible siège de violence, et il s'est montré à la hauteur de cette attente ; mais nul n'imaginait que 60 % des feuilles de compte-rendus électoraux seraient manquantes.

Le politologue nigérian Oluwatobi A. Oluwatola estime que les thèmes principaux de cette élection étaient la sécurité et l'économie, “sous tension du fait de la chute des prix du pétrole brut, qui a conduit à une dévaluation de la monnaie” :

Les violences dans la partie nord-est du Nigeria, occasionnées par la secte religieuse extrémiste Boko Haram — dont le nom se traduit littéralement par “l'éducation occidentale est un péché” — a coûté plus de 13.000 vies depuis 2009 et déplacé des millions. Des centaines de personnes, dont des enfants, ont été enlevés. Sur cette toile de fond, les élections initialement fixées au 14 février ont été reportées de six semaines pour permettre à l'armée de regagner du terrain sur les insurgés — une décision hautement critiquée par l'opposition et de nombreuses entités indépendantes comme un acte désespéré du président nigérian sortant, Goodluck Jonathan, pour tenter de ne pas être défait dans les urnes.

Au-delà de Boko Haram, le Nigeria est sous forte pression, du fait de la chute des prix du pétrole qui a mené à une dévaluation de sa monnaie de pas moins de 20 % depuis septembre. Les détracteurs du président, comme Charles Soludo, économiste en vue et ancien gouverneur de la Banque Centrale, ont accusé l'administration Jonathan d’ une extrêmement mauvaise gestion de l'économie. Dans un récent article, M.Soludo a donné au président un “F” [NdT : la plus mauvaise note] pour son action économique, qu'il justifie par le fait que la pauvreté et le chômage ont crû à des niveaux sans précédent malgré le boom du pétrole ; le taux de pauvreté est de 71 % et celui du chômage de 24 %.

Le nouveau livre électronique gratuit du blog Africa is a Country, “Nigeria: What is to be done? (Nigeria : que faire ?)” décrit le cadre de l'élection :

Depuis que le Nigeria a retrouvé un régime civil en mai 1999, chaque élection est qualifiée par les chercheurs et les observateurs ordinaires de plus décisive et plus importante de l'histoire du pays. Pourtant, quels qu'en aient été les résultats, le pays a cheminé en boitillant, à la croisée trop familière de la gloire potentielle et de la catastrophe probable. Le Nigeria n'a pas pas précisément prospéré, mais il ne s'est pas désintégré non plus, même si Boko Haram, avec sa détermination jurée d'imposer un semblant d'ordre politique paléolithique, a arraché une tranche non négligeable de territoire. Ce qui jette donc tous les quatre ans la gent commentatrice dans une panique régulière n'est certainement pas uniquement la peur d'un possible effondrement physique, mais quelque chose d'assurément plus profond. C'est, soupçonne-t-on, un regret philosophique que, peut-être avec chaque cycle électoral produisant le ‘mauvais’ vainqueur, le pays dérive un peu plus loin de la possibilité d!une véritable renaissance politique.

Comme on peut s'y attendre, l'élection présidentielle du 28 mars est taxée de quitte-ou-double, la dernière occasion pour les Nigérians de libérer leur pays des griffes de ceux qui le rançonnent depuis cinquante ans et quelques, et qui continuent à le traire au bénéfice exclusif d'une petite élite. Alléchante perspective, si on y pense—réussissez cette unique élection, et tout le reste vous sera donné par surcroît. Sauf que s'agissant d'un pays aussi complexe et troublé que le Nigeria, et aussi confit dans ses contradictions, il faudra plus qu'une unique élection—ou que des élections d'ailleurs—pour avoir une chance de combler les attentes.

L'auteur pour Naij.com Ameto Akpe a proposé un aperçu des espoirs et craintes de la diaspora nigériane :

J'ai beau être loin de mon pays natal en ce moment, je me rappelle avec une vive clarté 1999 avec les images, sons, odeurs et sensations de la file d'attente pour voter quand le Nigeria est passé du régime militaire à la démocratle. Depuis lors je surveille les élections et écris à leur sujet en qualité de journaliste.

Profondément conscient de la volatilité potentielle qui entoure les élections, comme de nombreux autres Nigérians de la diaspora, j'ai vécu la préparation des élections dans la crainte. Toutes les discussions semblent se rétrécir à la possibilité des violences et aux inquiétudes sur la sécurité des proches restés au pays.

Hier à Londres, des veillées nocturnes ‘de veille électorale’ ont été organisées par des pasteurs d'origine nigériane jusqu'à l'aube. Des heures de suppliques à voix haute à Dieu pour la paix et ‘l'absence d'effusion de sang’.

Sur Twitter, le mot-dièse #NigeriaDecides (Le Nigéria décide) est tendance depuis vendredi.

Une des principales préoccupations pour cette élection a été la violence. S'il y a eu des cas de meurtres pour faire dérailler le scrutin dans différentes parties du pays, des utilisateurs de Twitter ont contesté les informations des médias internationaux sur les violences :

On a eu des poches de violence dans des parties du pays chère @uchejombo : Pourquoi @cnni rapporte les violences électorales ? Ça suffit

Christian Djazz conseille à la presse internationale d’ “y aller doucement” :

Chers journalistes impatients de compter les cadavres. On comprend. La violence est sexy pour l'actualité internationale. Allez-y mollo. Bises.

Karen Attiah parle de “leçon d'humilité” :

Rien qui rende plus humble pour l'Américaine-Ghanéenne que je suis que les gens chassés de chez eux par Boko Haram faisant la queue pour voter. Tout ce qu'on tient pour acquis aux U.S.A.

Les habitants de l'Etat d'Adamawa déplacés par Boko Haram en 2014 ont pleuré de joie après avoir été réunis à leurs familles dans les files d'attente devant les bureaux de vote qui leur étaient réservés.

A un moment de la journée, on a annoncé le piratage supposé du site internet de la commission :

Oh non. La Commission électorale nationale indépendante piratée.

Un électeur s'est demandé pourquoi il devrait voter pour le gouvernement actuel :

Même le jour des élections, nous n'avons toujours pas d'électricité depuis le matin, alors pourquoi je devrais voter pour ce gouvernement ? 

Côté positif, engagement civique et conscience politiques semblent en hausse dans le pays, comme le soulignent Oloyede et Asiya Rodrigo :

Plus jamais un président ne dormira pendant six ans et se réveillera pendant la période électorale en espérant être réélu.

Ce qu'il y a de meilleur dans la férocité de cette compétition c'est l'implication active et la conscience croissante des Nigérians ordinaires.