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COP 21: les amérindiens du Rio Negro au Brésil ont présenté leur calendrier des cycles climatiques

samedi 2 janvier 2016 à 17:15

cycles annuels des peuples indigènes du Rio Tiquié

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L'institut socio-environnemental du Brésil (ISA), en partenariat avec InfoAmazonia, a présenté à Paris, pendant la COP 21, le  calendrier indigène des cycles du rio Tiquié. Ce travail est le résultat d'une recherche menée par des communautés locales et des associations amérindiennes vivant sur le cours supérieur du Rio Negro dans le nord ouest de l'état d'Amazonas, au coeur de la forêt amazonienne, à la frontière colombienne.

En collaboration avec l'ISA, les peuples indigènes du rio Tiquié ont présenté les résultats de leurs découvertes inédites permettant d'identifier sur ce bassin fluvial, les cycles de pêche, de chasse, de fructification et de culture. Ces cycles sont en relation avec des éléments naturels précis comme le cycle de l'eau et les constellations astronomiques. Ces données ont été collectées entre 2005 et 2008 par une équipe de chercheurs et d'agents de liaison choisis par chaque communauté .

Cette recherche, basée sur des connaissances de cette culture, est susceptible de fournir des éléments indiquant un changement climatique local au travers d'impacts infligés à l'écosystème du Rio Tiquié et  son bassin. Un des objectifs de ce travail  est la préservation de la biodiversité dans la zone du haut Rio Negro.

Le site en langue portugaise et anglaise peut-être visité ici.

Ce que la censure réserve aux Russes en 2016

samedi 2 janvier 2016 à 11:39
Vladimir Poutine lors d'une table ronde au premier Forum de l'économie d'internet. 22 décembre 2015. Photo : Service de Presse du Kremlin. Publiée par Kevin Rothrock.

Vladimir Poutine lors d'une table ronde au premier Forum de l'économie d'internet. 22 décembre 2015. Photo : Service de Presse du Kremlin. Publiée par Kevin Rothrock.

Alexander Zharov n'est généralement pas considéré comme faisant partie des plus influents représentants de l'Etat russe, mais il est à la tête de Roskomnadzor, l'agence gouvernementale chargée de réguler et de censurer les médias (internet y compris). Par le passé, Zharov était supplanté dans les médias par son propre représentant, Maxim Ksenzov, qui a fait les Unes des journaux après diverses plaintes et accusations controversées, comme une remarque faite en mai 2014, lorsque Ksenzov a affirmé que les régulateurs pouvaient bloquer Twitter ou Facebook “en quelques minutes”.

Le 25 décembre, toutefois, Ksenzov a annoncé officieusement qu'il quitterait son poste au début du mois de janvier. Quatre jours plus tard, Zharov s'est lancé sous les feux des projecteurs en accordant un long entretien au site d'information Gazeta.ru, donnant ainsi aux Russes un avant-goût de ce qui les attend en 2016 de la part de leur censeur national d'internet.

L'interview couvre tous les domaines. Zharov évoque les frictions entre Roskomnadzor et Wikipédia (qui a résisté aux efforts déployés par le gouvernement russe pour censurer des articles sur les drogues illégales), les proxys anonymiseurs, l'emploi des mots “ISIL” et “Daesh”, et la nomination de German Klimenko, nouveau conseiller internet de Vladimir Poutine. Ci-dessous, nous vous fournissons un résumé détaillé des trois sujets abordés par Zharov avec Gazeta.ru : évaluer la normalité de la censure médiatique russe, mesurer le succès de la censure russe et réguler le marché russe des applications de messagerie pour téléphones.

La Russie, un pays ‘normal’

Interrogé sur la raison pour laquelle la Russie considère qu'il est nécessaire de réguler ses médias de façon si stricte, Zharov a tout d'abord botté en touche, affirmant que les questions touchant aux objectifs des régulations devaient être addressées aux législateurs russes, Roskomnadzor n'étant qu'un exécutant.

Toutefois, il est clair que Zharov n'est pas opposé à ces régulations ; il justifie les restrictions imposées par l'Etat sur les médias de la façon suivante : “Nos lois sont assez libérales comparées aux autres pays et au pouvoir qu'ils accordent à leurs organismes de surveillance, concernant le retrait de certains contenus, par exemple durant les émissions.” Lorsque Gazeta.ru lui a demandé de citer un exemple de “loi plus stricte” qu'en Russie dans “au moins un pays civilisé”, Zharov s'est tourné vers les Etats-Unis :

Когда на одном из кабельных каналов Нью-Йорка начали демонстрировать фильм «08-08-08» про атаку Грузии на Южную Осетию и Абхазию, примерно через 30 минут после начала фильма в студию приехал агент ФБР, предъявил «корочку», изъял носитель информации и уехал. А у зрителей в этот момент появился «черный экран». Мы знаем, полномочия агентов ФБР, как и полицейских, в США безграничны. Можете представить, чтобы инспектор Роскомнадзора зашел в СМИ и остановил трансляцию? Я не могу.

Lorsqu'une chaîne cablée new-yorkaise a commencé à diffuser le film “08-08-08″ sur l'attaque de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, un agent du FBI arriva dans le studio environ 30 minutes après le début du film, brandit son insigne et confisca le matériel d'enregistrement des données avant de ressortir. Nous savons que les pouvoirs de police du FBI au Etats-Unis sont illimités. Pouvez-vous imaginer un inspecteur de Roskomnadzor entrer dans une station télé et arrêter la diffusion ? Pour moi, c'est impossible.

Il n'est pas facile de savoir exactement à quoi Zharov fait allusion, mais sa description d'un feuilleton américain avec un contenu pro-russe fait vaguement penser à une émission de Fox News du 13 août 2008, lorsqu'une femme témoin de la guerre en Ossétie du Sud avait été coupée au montage, remplacée par des publicités. (Les chaînes de télévision russes ont mis en avant l'incident, disant qu'il s'agissait d'un cas de censure, bien que Fox News ait autorisé la femme à poursuivre sa critique du Président géorgien Mikhail Saakashvili après la coupure publicitaire.) Le film russe “WAR 08.08.08. L'art de la trahison” est disponible sur YouTube, où il a été visionné plus de 1,3 millions de fois.

Ne l'interrogez pas sur les statistiques

La loi russe prohibe la dissémination d'information qui encourage ou propage l'utilisation de drogues illégales. Il est également interdit de répandre des informations concernant le suicide.

Interrogé sur l'impact des régulations d'internet sur la consommation de drogues, Zharov a refusé de parler de l'efficacité des efforts de censure de Roskomnadzor. “Je ne suis pas familier des statistiques sur la consommation de drogues. Il faut que vous vous adressiez au Service fédéral de contrôle des drogues”, a-t-il répondu à Gazeta.ru. Il a expliqué que son travail consistait simplement à mettre en place des barrières pour que les jeunes restent à distance des drogues, mais il a aussi admis que des individus obstinés trouveront toujours des moyens de contourner les restrictions.

Zharov était disposé à parler d'autres statistiques, moins accablantes celles-ci. Interrogé sur la campagne de la Roskomnadzor destinée à bloquer les contenus incitant au suicide, Zharov a affirmé que “dans les neuf premiers mois de 2015, selon des données issues de Rosstat, le nombre de suicides durant la même période en 2014 a chuté de 7 pourcent, soit 1700 vies.” Manifestement fier de son revirement, il a affirmé à Gazeta.ru : “La tendance est stable. Ces vies sont sauvées.”

En mars 2015, la Roskomnadzor a forcé le site russe orthodoxe Pravoslavie i Mir à retirer un article sur un patient souffrant de cancer qui s'était suicidé parce qu'il était fatigué de combattre la maladie. Les censeurs ont expliqué au site internet qu'il est illégal de révéler dans un reportage les raisons d'un suicide.

Dans son interview avec Gazeta.ru, Zharov a affirmé qu'il était inacceptable d'écrire sur les patients en stade terminal commettant un suicide, mais il insiste tout de même sur les restrictions :

Писать надо про все. Вопрос, в каком контексте. Мне кажется, совсем не обязательно детально описывать способ самоубийства. Потому что сотни людей, если не тысячи, могут быть в аналогичной ситуации. Для некоторых статья станет провокационной. Не все боли можно купировать, даже получая лечение. И человек, находясь в таком состоянии и прочитав статью, может сказать: да, это выход.

Il faut écrire à propos de tout. La question est celle du contexte. Je pense qu'il n'est pas du tout nécessaire de décrire en détail le moyen utilisé pour se suicider. Parce que des centaines – voire des milliers – de gens pourrraient être dans une situation similaire. Pour certains d'entre eux, l'article pourrait les faire basculer. On ne peut pas soulager toutes les douleurs, même avec les soins appropriés. Et un individu qui, dans cette situation, lirait l'article, pourrait dire : ‘Oui, c'est une façon d'en sortir.’

Zharov a également pris la peine de souligner que la Roskomnadzor n'a jamais diffusé d'avertissement officiel à un organe de presse sur un reportage concernant le suicide, les communications de l'agence avec ces journaux n'ayant été qu'informelles. “Nous ne sanctionnons personne”, expliqua-t-il. (L'incident avec le site Pravoslavie i Mir fut résolu avant qu'un avertissement formel n'ait été adressé.)

Feu sur les messageries pour mobiles

Plus tôt en décembre, le nouveau conseiller de Poutine pour internet, German Klimenko, affirma que l'application de messagerie Telegram “coopérera [avec les agents de l'Etat russe] ou sera fermé.” Telegram est une application de messagerie cryptée pour mobile, invention de Pavel Durov, qui a aussi créé Vkontakte, le réseau social le plus populaire de Russie. Pavel Durov a quitté la Russie il y a un an, après avoir été poussé à l'émigration par des sociétés considérées comme loyales au Kremlin. Dans le passé, Durov s'était disputé publiquement avec les autorités russes, et se présente souvent comme un combattant solitaire face à la police russe.

Zharov affirme qu'il a cessé d'utiliser Telegram après le 19 décembre 2015, lorsqu'Edward Snowden a critiqué les paramètres de confidentialité par défaut de la messagerie cryptée, les qualifiant de “dangereux”. Zharov a aussi exprimé son désarroi quant à la promesse de Durov de ne jamais se soumettre aux censeurs russes. Zharov a ensuite accusé le réseau social Vkontakte d'être “une ressource absolue pour les pirates”, jusqu'à ce que son créateur, Durov, quitte la firme. Interrogé sur le blocage de Telegram en Russie, Zharov a menacé la messagerie, disant qu'elle risquerait de perdre des utilisateurs qui se tourneront alors vers des services non bloqués en Russie, tout comme lorsque les utilisateurs de WhatsApp ont migré vers Telegram lorsqu'un tribunal brésilien a bloqué brièvement WhatsApp au Brésil à la mi-décembre.

Pavel Durov fait un doigt d'honneur aux investisseurs qu'il accuse de chercher à l'évincer de Vkontakte. Son attitude envers les censeurs russes semble être à peu près la même aujourd'hui. 22 juillet 2011.

Pavel Durov fait un doigt d'honneur aux investisseurs qu'il accusait  de chercher à l'évincer de Vkontakte. Son attitude envers les censeurs russes semble être à peu près la même aujourd'hui. 22 juillet 2011.

Zharov a aussi largement critiqué les applications de messagerie sur mobiles, disant qu'elles font des profits sur le dos des entreprises de télécommunications et qu'elles fournissent une protection aux terroristes et aux spammers. Il a recommandé des “accords” avec les fournisseurs d'accès à internet afin de déterminer l'”identité” des messageries :

Никто не говорит, что нужно заблокировать мессенджеры. Было предложение ввести их в легитимное поле. То есть если ты, уважаемый оператор мессенджера, работаешь на сетях наших операторов связи, заключи договор с оператором, чтобы тебя можно было по крайней мере идентифицировать. Допустим — не дай бог — происходит теракт, и террористы пользуются определенными средствами связи.

Personne ne dit qu'il faut bloquer les messageries. Une proposition a été faite de les placer dans un cadre plus légitime. C'est-à-dire que si vous, chère application de messagerie, travaillez avec les réseaux de nos fournisseurs d'accès à internet, vous devez aboutir à un accord avec eux, pour que vous puissiez au moins être identifié. Envisageons par exemple que – Dieu nous garde – une attaque terroriste a lieu et que les terroristes utilisent un certain moyen de communication (nldr : une messagerie pour mobiles).

Selon Zharov, les accords entre les applications de messagerie et les opérateurs réseau sont nécessaires pour ajouter celles-ci au Système des activités opérationnelles et d'investigation (SORM), que la police russe utilise pour contrôler internet, entre autres.

Le chef de Roszkomnadzor a déploré un manque de véritables régulations contre les fausses rumeurs, comme celle qui a circulé sur les réseaux sociaux le 10 novembre 2015, affirmant que 18 kamikazes attaquaient la ville de Kazan. (Selon l'agence d'information RBC, les fausses nouvelles étaient en fait diffusées par SMS.)

Zharov a aussi attribué aux messageries sur mobiles la responsabilité de l'écroulement du marché russe du SMS, en affirmant que les applications comme Telegram et WhatsApp avaient privé les quatres plus grandes entreprises russes de télécommunications de 20 millions de roubles (250 000 euros), ou 25 pour cent de leurs profits liés à la messagerie texte. Il a fait valoir que cette disparition commerciale n'est pas forcément une bonne nouvelle pour les consommateurs, puisque toutes les applications doivent un moment où l'autre monétiser leur activité, ce qui expose les utilisateurs à un risque de spam non régulé.

Une épée et un bouclier, ou un boulet et une chaîne ?

Zharov a déclaré à Gazeta.ru que la Russie continue de créer de nouvelles régulations sur les médias parce que le pays rattrape actuellement son retard dans la révolution médiatique ; celle-ci a entraîné une explosion de contenus générés par les utilisateurs qui sont maintenant en compétition avec le journalisme traditionnel.

Alors que les utilisateurs d'internet produisent plus d'informations et de divertissement qu'ils ne l'ont fait auparavant, les médias classiques font encore les frais de la censure russe. Dans sa question finale, Gazeta.ru a demandé à Zharov comment les organes de presse, touchés par ces restrictions, vont pouvoir faire face aux nouveaux venus.

Zharov a affirmé aux journalistes qu'ils n'avaient rien à craindre, pourvu qu'ils suivent les règles suivantes :

Слушайте, ребята, я думаю, что если вы не будете пропагандировать экстремизм, материться, писать про прелесть наркотиков, красоту самоубийства и лепить детскую порнографию в своих статьях, то больше Роскомнадзор вас ни за что наказывать не будет.

Ecoutez, je pense que si vous ne propagez pas l'extrémisme, si vous ne jurez pas, n'écrivez pas sur les bienfaits des drogues ou sur la beauté du suicide et ne mettez pas de la pédopornographie dans vos articles, Roskomnadzor n'aura aucune raison de vous punir.

Un blogueur russe condamné à cinq ans de prison pour «incitation à la haine»

vendredi 1 janvier 2016 à 21:29

Vadim Tyumentsev in court as his verdict is being read. Screencap from YouTube video, courtesy of Radio Liberty.

Vadim Tioumentsev au tribunal alors que la sentence est en cours de lecture. Capture d'écran YouTube fournie par Radio «Svoboda» [«liberté»].

Un blogueur russe de Tomsk a été reconnu coupable d'avoir publié sur Internet des contenus incitant à la haine et appelant à l'extrémisme, et condamné à cinq ans de réclusion sur la base de quelques vidéos sur YouTube et VKontakte.

Le tribunal de région de Tomsk a reconnu Vadim Tioumentsev coupable selon deux articles de la constitution de la Fédération de Russie : les articles №282 («incitation à la haine ou à l'hostilité») et №280 («appels publics à commettre des actes extrémistes») et l'a condamné à cinq ans de colonie pénitentiaire à régime général. Le tribunal a aussi interdit au blogueur de publier quoi que ce soit sur internet pendant trois années à compter de la fin de sa peine.

Selon le reportage de Radio «Svoboda», l'instruction contre Tioumetsev a été ouverte en février 2015, quand le parquet a trouvé à redire à deux vidéos publiées par le blogueur sur YouTube et sur sa page VKontakte ; certaines contenaient des diatribes sur la crise ukrainienne et l'afflux croissant de réfugiés dans le pays.

Tioumentsev a publié des dizaines de vidéos sur les deux plateformes, mais les documents du tribunal ne précisent pas dans lesquelles exactement les autorités ont trouvé le corps du délit.

L'enquête a accusé Tioumentsev d’ « hostilité envers les citoyens vivant sur le territoire des régions ukrainiennes de Lougansk et de Donetsk » et d’ « incitation publique à la haine ou à l'hostilité envers des personnes ayant obtenu le statut de réfugiés en Russie ». Le parquet a ajouté que le blogueur avait utilisé Internet pour appeler à participer à une manifestation pacifique non autorisée et pour critiquer les pouvoirs locaux. L'avocat de Tioumentsev a fait remarquer que les appels à manifester « n'entrent pas dans la liste des actes extrémistes » et que le fonctionnaires locaux, étant des personnes publiques, peuvent par conséquent être la cible des critiques de l'opinion publique, comme le prévoit la législation russe.

Le blogueur n'a pas énormément de lecteurs sur les deux plateformes, mais il a un passé d'activiste, en ligne ou non. En août 2014, il a pris part à une « Marche pour la fédéralisation de la Sibérie ».

Cette condamnation apparaît particulièrement dure par rapport à d'autres faits analogues, qui se terminent le plus souvent par des peines avec sursis. Mais elle peut être mise sur le même plan que que des peines de prison ferme pour manifestations non autorisées et activisme en ligne.

Tioumentsev a refusé de reconnaître sa culpabilité et déclaré avoir signé des aveux sous la pression du FSB (les services secrets). Le blogueur a demandé une nouvelle analyse des contenus qu'il a publiés et affirmé que celle qui a été utilisée par le tribunal « détournait le sens » de ses propos. Le tribunal a refusé d'accéder à sa requête. L'avocat du blogueur a d'ores et déjà fait appel.

La célébration de Noël vraiment prohibée à Brunei ?

vendredi 1 janvier 2016 à 20:17
Une peinture murale de propagande montrant les nombreux talents et compétences du sultan de Brunei. L'image et la légende proviennent de la page Flickr de watchsmart (CC License)

Une peinture murale de propagande montrant les nombreux talents et compétences du sultan de Brunei. L'image et la légende proviennent de la page Flickr de watchsmart (CC License)

[Article d'origine publié le 24 décembre] Les informations à propos de l'interdiction de célébrer Noël à Brunei cette année ont fait le tour du monde. Sont-elles exactes pour autant ? Eh bien, oui et non.

D'abord, c'est un vieux problème. L'année dernière, Brunei est devenu la première nation en Asie de l'Est à adopter la charia [fr], ou loi islamique, au niveau national. Pour se conformer à cette loi, le ministère des Affaires religieuses du pays a émis une directive réglementant la célébration publique de Noël.

Alors que les gens en dehors de Brunei peuvent être choqués d'apprendre que Noël est “interdit” dans le pays, pour de nombreux internautes à Brunei, la vraie surprise a été la réaction tardive des médias occidentaux.

Pourquoi la supposée “interdiction” de Noël a atteint les médias occidentaux seulement maintenant?

si Brunei a “interdit” de célébrer Noël, pourquoi est-ce toujours un jour férié ?

Brunei a une population à majorité musulmane. C'est un petit pays gouverné par un sultan qui détient un pouvoir politique absolu [fr].

La deuxième question à clarifier est pourquoi Brunéi n'a pas fait respecter une interdiction totale des fêtes de Noël. Les résidents non-musulmans et les visiteurs peuvent encore célébrer Noël dans leurs maisons, leurs communautés et leurs lieux de culte. C'est expliqué dans le communiqué de presse du ministère des Affaires religieuses publié l'année dernière :

… Les croyants d'autres religions qui vivent sous la domination d'un pays islamique – selon l'Islam – peuvent pratiquer leur religion ou célébrer leurs fêtes religieuses au sein de leur communauté, à la condition que les célébrations ne soient pas divulguées ou affichées publiquement devant les musulmans.
Les mesures prises par la Division pour l'application du Département des affaires de la charia n'interdisent pas aux chrétiens de célébrer Noël dans leurs lieux de culte, au sein de leur communauté et dans leurs maisons.

Mais si les gros titres sur l'interdiction de Noël sont équivoques ou dépassés, on ne peut pas dire la même chose à propos de la couverture de certains aspects de la réglementation religieuse. Par exemple, la directive criminalise le port de vêtements qui ressemblent au Père Noël :

… À l'occasion des célébrations de Noël, on peut voir des enfants, des adolescents et des adultes musulmans porter des couvre-chefs ou des vêtements qui ressemblent au Père Noël. De telles accoutrements peuvent constituer une infraction à l'article 207 (1) du Code pénal de la charia de 2013.

Une personne peut se retrouver en prison pour une durée atteignant cinq ans si elle a été reconnue coupable d'avoir enfreint cette loi.

Plus tôt au mois de décembre, certains imams ou religieux musulmans ont réitéré l'avertissement que la célébration de Noël pouvait être contraire à l'Islam :

Pendant les fêtes de Noël, les musulmans qui suivent les traditions de cette religion – comme l'utilisation de symboles religieux tels que la croix, les bougies, les arbres de Noël et les chants religieux, l'envoi de voeux de Noël avec des signes louant la religion, la mise en place des décorations ou la création de sons et tout ce qui pousse à respecter leur religion – sont contre la foi islamique.

Les nouvelles à propos de l'interdiction de Noël à Brunei ont inspiré de nombreux internautes à travers le monde pour exprimer leur solidarité à travers le hashtag #MyTreedom. La directive interdit également la décoration d'arbres de Noël dans les lieux publics.

Vous vous rappelez que le Sultan de Brunei a interdit les célébrations publiques de Noël?

La décision de Brunei d'adopter et d'appliquer strictement la loi de la charia l'an dernier inquiète plusieurs mouvements de droits humains car celle-ci prévoit la lapidation à mort pour l'adultère, l'amputation des mains pour le vol et la flagellation pour des infractions telles que l'avortement, la consommation d'alcool et l'homosexualité.

En réponse aux critiques, le procureur général de Brunei Datin Hjh Hayati a exhorté la communauté internationale à étudier les aspects positifs de la loi :

Au lieu de se concentrer sur les peines, nous devrions nous concentrer sur la procédure d'accusation, extrêmement difficile et rigoureuse de la charia dans le cadre du droit pénal. La peine agit comme un outil, ce n'est pas une finalité.

En résumé, les enfants, sages ou non, peuvent continuer à célébrer Noël à Brunei, mais mieux vaut le faire en sorte que leurs chants de Noël, cartes et arbres ne soient pas vus publiquement.

Le tragique essor du business des rapts d'enfants à Madagascar en 2015

jeudi 31 décembre 2015 à 17:18
A gang of child abductors arrested in Antananarivo, Madagascar via @radiomada

Un gang de kidnappeurs présumés arrêté à Antananarivo, Madagascar via @radiomada

Pauvreté endémique et insécurité empêchent beaucoup de Malgaches d'envisager un avenir proche plus brillant pour leur pays. Dans les conditions économiques actuelles, des criminels ont trouvé un gagne-pain sordide : l'enlèvement d'enfants.

Madagascar connaît depuis deux ans une brutale progression des enlèvements suivis d'extorsion. Les témoignages de calvaires glaçants se multiplient sur les forums et blogs malgaches.

Voici l'histoire d'Annie et Arnaud, telle que la raconte B. Nguma, un habitant de Toamasina à Madagascar, sur le blog Housseina Writing :

Il y a quelques semaines, Annie et Arnaud, 2 enfants d’un opérateur dans le secteur du bois, ont été kidnappé à Tamatave. Les ravisseurs réclamaient une rançon de 3 millions d’euros en lançant plusieurs avertissements mais les parents des enfants n’ont pas les moyens de les payer. Les négociations étaient au point mort, mais un rebondissement macabre vient de transformer ce kidnapping en mise à mort. Annie, âgée de 14 ans, a été retrouvé morte à proximité de sa maison. Les premières analyses montrent qu’elle a été torturée pendant des heures avec un étranglement qui aurait provoqué sa mort. Les autorités tentent de retrouver Arnaud, mais la mort d’Annie laisse craindre le pire.

Young Malagasy girls by Hery Zo Rakotondramana on FlickR - CC BY-SA 2.0

Petites filles malgaches, par Hery Zo Rakotondramana sur Flickr. CC BY-SA 2.0

Mbolatiana, une célèbre blogueuse malgache vivant à Antananarivo, a été émue par le calvaire d'Arnaud, un adolescent toujours séquestré par les malfaiteurs. C'est à lui qu'elle s'adresse :

J’aurais bien voulu connaître le jeune homme que tu es dans d’autres circonstances. Petit frère, te voilà propulsé d’un coup dans un monde où la turpitude des grandes personnes règne sans limite. En quelques semaines, tu as été la victime de tous les maux de ce pays qu’est le nôtre : la corruption, le non-respect des droits humains, la violence à outrance, l’esclavagisme, l’état de non-droit. Certes, petit frère, trop malheureusement, tu es loin d’être le seul. Car ils sont des milliers à être quotidiennement traités comme des bêtes, sous nos yeux. Des enfants qui sont kidnappés et que l’on ne retrouve jamais, des enfants qu’on retient comme esclaves des familles en ville comme dans les campagnes, des enfants que l’on prostitue, des enfants que l’on vend et achète pour leurs organes. Et j’en passe.
Mais cela n’enlève en rien ma tristesse quand je pense à toi. Car comme tous les autres, tu es une proie. Du fond de mon cœur, j’espère vraiment qu’un jour très proche, tu puisses le lire ce texto, libre et en bonne santé. Mais où que tu sois, sache qu’il y a des choses que l’on ne peut nous enlever : l’espoir et la liberté. Des mots forts de sens. Je sais que c’est trop facile de le dire quand ce n’est pas soi-même qui est embrigadé, enfermé. Et je te comprendrais si tu ne partages pas mon point de vue face à ce que tu as vécu. Mais une chose est sûre petit frère, l’histoire a montré que les plus grands hommes et les plus grandes femmes qui avaient changé l’humanité, ces activistes endurcis, ces faiseurs de Nations sont « nés », se sont illuminés, dans les cages noires des prisons, sous la torture et les pressions des oppresseurs. J’espère vraiment que tu t’en sortiras, que tu en seras plus fort. Sache également que des gens qui ne te connaissent pas, comme moi, te soutiennent.
Petit frère, nous gardons espoir de te revoir.

La multiplication des rapts d'enfants à Madagascar a pris une portée internationale. L'ex-ambassadeur de France François Goldblatt a fait savoir qu'il avait transmis une liste d'individus que l'ambassade soupçonnait d'être impliqués dans le trafic d'enfants. De nombreux signalements indiquent que des auteurs d'enlèvements ont été remis en liberté quelques semaines avant le récent pic de kidnappings, preuve du dysfonctionnement du système judiciaire à Madagascar.  

Deux autres enfants ont été enlevés quelques jours après Annie and Arnaud. Dans le même genre de faits, un général et trois officiers de l'armée ont été appréhendés récemment suite au rapt de la famille d'un commerçant d'ascendance chinoise.

Ariniaina, une contributrice de Global Voices, écrit à propos de la peur qu'elle essaie de cacher s'agissant de la sécurité de ses propres enfants :

Sortir avec le bébé même pour aller chez l’épicier d’en face est risqué. Je suis parent et j’ai actuellement peur pour la sécurité de mes enfants. Et je suis loin d’être la seule. Ces derniers jours, on a assisté dans les principales villes de Madagascar une vague d’enlèvements d’enfants.  Quelle est la suite de l’affaire sur l’enfant de 6 ans décapitée? Cette histoire m’a carrément glacé le sang. Je ne souhaite à aucun, même à mon pire ennemi, de vivre pareil cauchemar. La population malgache a le sentiment d’être complètement désarmée face à cette vague de kidnapping d’enfants. En effet, il semblerait que la police n’y accorde guère d’importance. Pire, selon certaine sources (en malgache), les autorités policières en viennent même à ignorer les plaintes déposées.

C'est à Amabatolampy, une banlieue de la capitale Antananarivo qu'a eu lieu en juin la décapitation d'une enfant de 6 ans. La fillette a été vue montant dans un taxi avec des inconnus qui l'avaient attirée avec des bonbons. Le mobile du crime reste inconnu à ce jour.

Certaines régions, comme celle de Sava dans le nord-est du pays, semblent moins à l'abri de ce genre de crimes. Les malfaiteurs ciblent souvent les minorités prospères d'origine étrangère. La rançon demandée va de 40.000 euros à plus d'un million, selon la famille de la victime.