PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

L'opposition russe ne se laissera pas intimider par les agressions aux substances vertes

jeudi 23 mars 2017 à 14:15

Le leader d'opposition russe Alexeï Navalny. Source: Navalny.com

Ce qui a commencé comme une réponse humoristique à une agression contre le leader d'opposition Alexeï Navalny n'a pas tardé à tourner lundi en protestation sur Internet.

Navalny, un critique du Kremlin dont la Fondation Anti-Corruption a mené des investigations sur plusieurs des personnalités politiques les plus puissantes de Russie—dont, tout dernièrement, le Premier Ministre Dmitri Medvedev—a été aspergé avec un antiseptique de couleur verte lors d'une étape de campagne dans la ville sibérienne de Barnaul lundi matin. Aussitôt après, des opposants russes ont commencé à poster par solidarité leurs photos, le visage barbouillé de peinture verte, sur les réseaux sociaux.

Après s'être fait arroser lundi devant sa permanence de campagne, Navalny s'est peint tout le visage en vert et a appelé ses partisans à le rejoindre dans une manifestation d'ampleur nationale contre la corruption dimanche prochain. « Tout ce que je voulais dire, c'est que si le Kremlin croit vraiment que je n'enregistrerai pas de nouvelles vidéos avec ma figure en vert, ils se trompent » a affirmé Navalny dans une vidéo postée sur YouTube. « Je vais continuer à en faire, parce qu'avec une figure pareille j'obtiendrai encore plus de vues. Ça ne m'arrêtera en rien. J'aimerais vous demander de tous participer aux rassemblements anti-corruption qui auront lieu dans le pays entier le 26 mars ».

Dans les heures qui ont suivi, les sympathisants de Navalny ont lancé une « flashmob » sur internet, en mettant en ligne sur les médias sociaux leurs autoportraits visage couvert de peinture verte. Vika Navalnaïa, la femme du frère de Navalny Oleg, condamné à trois ans et demi de prison pour détournement de fonds en décembre 2014, a publié sur Instagram sa photo avec son fils, visage peint en vert.

La femme et le fils d'Oleg Navalny!

Certains ont donné leur soutien à Navalny en utilisant le hashtag #зеленыйНавальный (#NavalnyVert).

Nous avons décidé de soutenir la flashmob ici ##NavalnyVert #Navalny20[1]8

Alexeï, l'équipe [de campagne] de Kazan est avec toi ! Nous te soutenons ! ##NavalnyVert

Nikolai Danilov. Source: Alexey Yushenkov, Facebook.

D'autres ont manifesté plus publiquement leur soutien : le blogueur Nikolaï Danilov est allé protester sous le Kremlin, où il a été interpelé par des policiers, qui lui ont dit qu'il enfreignait les règles de manifestation de la Place Rouge en arborant de la peinture verte sur son visage. Danilov a expliqué au site d'information Meduza :

Мне сказали, что со мной провели уважительную беседу, я сказал, что тоже уважаю их мнение, но я 40 минут потратил на то, чтобы покраситься в зеленый цвет. Я вел себя абсолютно нормально, не выкрикивал лозунгов — просто хотел сделать несколько фотографий. Мы нашли в итоге компромисс — я возвращаюсь на ту же точку, где меня забрали, и продолжаю делать несколько фотографий. Что я и сделал

Ils m'ont dit qu'ils avaient eu avec moi un dialogue respectueux, et je leur ai dit que je respectais leur opinion, mais que j'avais passé 40 minutes à me peindre le visage en vert. Je me suis conduit tout à fait normalement, n'ai pas crié de slogans—je voulais juste prendre quelques photos. Nous avons fini par trouver un compromis—Je retourne à l'endroit où ils m'ont interpelé et je continue à prendre quelques photos. Et c'est ce que j'ai fait.

Attaques contre Navalny

Navalny, qui a annoncé en décembre son intention de défier Vladimir Poutine à l'élection présidentielle de mars 2018, rencontre des obstacles à chaque étape de sa campagne. Il a été reconnu coupable de détournement de fonds en décembre et s'est vu infliger une condamnation à cinq ans avec sursis, ce qui interdit juridiquement sa candidature. En janvier, les régulateurs fédéraux ont fait pression pour que Yandex.Money, l'homologue russe de PayPal, refuse les dons individuels, éliminant ainsi une des sources les plus importantes de financement de la campagne de Navalny.

Navalny a déjà été victime d'agressions physiques dans le passé : entre autres incidents, en février 2016, un manifestant l'a entarté, et un mois plus tard, deux individus non identifiés ont lancé sur lui des tartes et des préservatifs emplis d'un liquide blanc. En mai de l'an dernier, Navalny et ses supporters ont été rossés à l'aéroport d'Anapa, une ville de Russie du sud. Et récemment, les adversaires de Navalny lui ont lancé des oeufs à Oufa, Samara, Nijni-Novgorod, Kemerovo, et Novossibirsk.

Navalny n'est pas le seul homme politique à avoir été arrosé de vert : le mois dernier, un individu non identifié a projeté à l'aide d'une seringue de la teinture verte dans les yeux du l'homme politique d'opposition Mikhaïl Kassianov. La romancière Liudmila Oulitskaïa et Igor Kaplian, président du Comité russe pour la Prévention de la torture, ont également été agressés avec diverses substances vertes, bien qu'on ignore si la couleur verte a une quelconque signification.

En Russie, le leader de l'opposition offre à des milliers de manifestants une protection de la Cour européenne des droits de l'homme

jeudi 23 mars 2017 à 12:18

Alexeï Navalny, aspergé de colorant vert par un détracteur qui a ensuite pris la fuite. Photo : Instagram

Figure de proue du militantisme anti-corruption, candidat pressenti pour l'élection présidentielle de 2018, et peut-être plus bruyant détracteur de Poutine en Russie, Alexeï Navalny gagne du terrain. Au début du mois, comme elle l'avait fait à plusieurs reprises les années précédentes, la Fondation Anti-corruption de Navalny a rendu publique une enquête accablante sur la corruption à haut niveau au sein du gouvernement.

La cible du rapport le plus récent de Navalny est le Premier Ministre Dimitri Medvedev, qui siège au sommet d'un vaste réseau de biens immobiliers acquis illégalement, selon la Fondation Anti-corruption. La vidéo de présentation du rapport a atteint près de 11 millions de vues sur YouTube.

Ce dimanche 26 mars, Navalny organise une manifestation nationale contre la corruption dans les hautes sphères du gouvernement. Au moment d'écrire cet article, des manifestations sont prévues dans 100 villes russes et dans deux villes hors de Russie, Londres et Prague. D'après les confirmations de présence sur les médias sociaux, le week-end promet de donner un bon aperçu des capacités mobilisatrices de Navalny, et d'être un test pour la popularité de son message anti-corruption auprès des Russes.

Un problème, toutefois : dans la plupart des villes russes, les responsables politiques ont refusé l'autorisation de manifester aux activistes locaux organisant les rassemblements.

Les gens sollicitent une autorisation de manifester spécifiant l'heure, le lieu, et le nombre de participants, mais les autorités refusent et ne proposent aucune alternative.

Pour Navalny, ceci est illégal, et il est bien décidé à faire bouger les choses.

 

A post shared by navalny4 (@navalny4) on

<script async defer src="//platform.instagram.com/en_US/embeds.js">

Navalny lors d'un meeting pour la campagne présidentielle à Kazan le 5 mars 2017.

Voici “RosEuroSud” (Cour européenne russe), le tout nouveau projet de Navalny, qui a vocation à faciliter les recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Dans un post publié sur son blog mercredi, Navalny a annoncé que ce service pourrait être utilisé par toute personne qui serait arrêtée lors des manifestations anti-corruption de ce dimanche qui, comme il le souligne, sont des rassemblements légaux, bien que les responsables locaux aient refusé de proposer des alternatives aux manifestants et aient rejeté les autorisations de manifester.

“Si nous devons déposer une centaine d'appels, nous déposerons une centaine d'appels. Si nous devons déposer un millier d'appels, nous solliciterons les avocats et les procureurs de la Fondation anti-corruption auprès des organisations des droits de l'homme, et nous rédigerons et déposerons un millier d'appels”, a-t-il écrit mercredi.

Ce service est mis à la disposition de quiconque sera arrêté, poursuivi en justice et condamné. Les particuliers doivent d'abord faire appel de la condamnation devant un tribunal russe (une procédure de routine, d'après Navalny), et RosEuroSud se charge du reste.

Le groupe affirme qu'il a dans le passé déposé 55 appels devant la CEDH, remporté 12 affaires, 29 étant encore en cours. Navalny a personnellement gagné plusieurs de ces appels et a reçu des milliers d'euros de la part du gouvernement russe en compensation des dommages moraux et des frais de justice.

Citant un appel remporté par RosEuroSud concernant l'activiste Igor Tarassov, Navalny a laissé entendre que manifester ce dimanche contre la corruption pourrait rapporter pas moins de 10 000 euros pour chaque personne injustement détenue et condamnée.

“Si vous êtes détenu, vous allez vous faire de l'argent”, a-t-il carrément promis dans un message à ses sympathisants.

“Il n'y a pas de raison d'avoir peur”, a-t-il ajouté. “Seuls les lâches ont peur.”

Le Parlement jeunesse de la Douma russe veut un Wikipédia plus patriotique

mercredi 22 mars 2017 à 21:31

Montage de Kevin Rothrock à partir d'une photo tirée du site Pixabay/

Au mois de mars a débuté en Russie une campagne passablement maladroite, sous l'intitulé «Front virtuel» et sous la direction des membres du Parlement jeunesse de la Douma d’État. Objectif : rendre la version russe de Wikipédia plus «véridique et patriotique».

L'idée à la base de ce projet vient du Parlement jeunesse de la Douma d’État (un organe fondé au début de la première mandature présidentielle de Vladimir Poutine pour promouvoir une jeunesse ambitieuse et intéressée par le travail législatif) est la suivante : actuellement Wikipédia ne contient pas assez d'informations sur «l'histoire, les figures historiques et les dirigeants» de la Russie.

D'après Maria Voropaïeva, vice-présidente de ce Parlement jeunesse, pour cultiver le patriotisme russe, il est indispensable que les jeunes Russes améliorent leurs connaissances sur ces sujets. Elle se prononce aussi pour la suppression de certains contenus de Wikipédia, faisant valoir qu'un portail internet ne doit pas publier de citations d'extrémistes ou de militants.

Au cours de l'année, Maria Voropéïeva a supervisé un autre projet du Parlement jeunesse, intitulé «Chaque jour je suis fier de la Russie !». Une poignée de vidéos ont été publiées sur YouTube, dans lesquelles des jeunes gens de tous pays déclament de courtes déclarations patriotiques. Des vidéos tournées dans le même style que le «Front virtuel» : elles appellent les Russes à se battre contre un monde hostile qui ne comprend pas leur pays.

«Chaque jour il y a plus d'ordures sur Internet», dit une jeune fille face caméra dans la vidéo la plus vue parmi celles que diffuse «Chaque jour je suis fier de la Russie !». «La Russie est l'agresseur. Nous sommes les envahisseurs. On nous menace. Les gens, que se passe-t-il ?».

«Pourquoi qui que ce soit dans le monde aurait-il le doit de rire impunément de notre malheur ? N'y a-t-il pas de limites dans la course à l'argent ?» questionne une autre fille de façon peu claire, faisant vraisemblablement référence au vol Metrojet 9268 de la compagnie aérienne Kogalymavia (l'avion russe qui s'est écrasé en Egypte en octobre 2015).

«Celui qui nous approche avec une épée périra par l'épée», énonce sombrement un garçon.

Face à la menace des ordures de l'internet, aux ricanements sur ses souffrances et à l'épée, le Parlement jeunesse a décidé de riposter avec cette campagne qui ajoute 1.000 articles au Wikipédia russe.

Après avoir entendu parler du «Front virtuel», Roustam Nouriev, l'un des leaders de Wikipédia en Russie, a posé cette question sur Facebook : «Pourquoi si peu [d'articles] ?»

En fait, le Wikipédia actuel compte plus de 1,3 million d'articles en russe, dont plus de 2.000 apparus en une semaine depuis l'annonce de l'action du «Front virtuel».

A compter de sa mise en route en mars, le «Front virtuel» n'aura rien d'un mouvement social horizontal : les idées d'articles pour Wikipédia devront être envoyées à un conseil de coordination composé de dizaines d'enseignants et de fact-checkeurs issus de tout le pays. Une fois l'article approuvé, il sera revu par le comité directeur à Moscou.

Ксения Селезнева, координатор Виртуального фронта, в Думе. Фото: Инстаграм.

Xenia Selezneva, coordinatrice du Front virtuel, à la Douma. Photo: Instagram.

Le Parlement jeunesse de Moscou ne dévoile pas comment sera financé ce projet d'envergure, mais ce processus byzantin d'écriture de nouveaux articles pour Wikipédia — ce que tout un chacun peut faire tout seul de son côté — est censé en produire 10.000 d'ici à septembre.

Pourquoi toutes ces contraintes dans une campagne qui aurait eu davantage de portée si le Parlement jeunesse s'était contenté d'encourager ouvertement et sans bureaucratie les fiers citoyens de Russie à écrire plus d'articles pour Wikipédia ?

Question de «contrôle qualité», pourrait-on répondre au premier abord, mais la vraie raison est politique, si l'on en juge par la conférence de presse du 17 février, où les organisateurs font part de la naissance du «Front virtuel».

Lors de cette conférence de presse, une jeune fille s'est levée et a demandé comment la campagne prévoyait de contrer «divers mouvements libéraux tels que la “cinquième colonne” qui désinforment les gens sur les réseaux sociaux».

Le député de la Gosdouma et ataman de la communauté cosaque Viktor Vodolatski a alors déclaré :

Если люди привыкли пить из бочки с грязной и мутной водой, они не перестроятся на бочку с хрустальной родниковой водой. Уже привыкли, адаптировались к грязной воде. Поэтому «пятая колонна» имеет свое сообщество, которое читает, что они пишут. Наша задача сегодня — хрустальной чистой водой вымывать всю эту грязь.

Si les gens ont pris l'habitude de boire dans un baril d'eau sale et boueuse, ils ne vont pas aller chercher un baril avec une eau de source cristalline. Ils se sont habitués, adaptés à l'eau sale. C'est pourquoi la «cinquième colonne» a ses adeptes, qui lisent ce qu'ils écrivent. Notre problème aujourd'hui est de nettoyer toute cette saleté avec de l'eau propre et pure.

Comme l'écrit le site d'opposition Rublacklist.net, les rédacteurs de Wikipédia ne prêtent pas grande attention au «Front virtuel». Ils voient d'un bon œil la production d'une grande quantité d'articles, mais précisent que les modérateurs écarteront tout ce qui fera preuve de partialité politique pour respecter les règles d'objectivité du site.

Malgré le grand manque de préparation dont a fait preuve le Parlement jeunesse dans son approche de Wikipédia, son initiative représente un progrès par rapport à une directive du Premier ministre Dmitri Medvedev publiée en août dernier, visant à créer un groupe de travail pour améliorer toutes les nouvelles alternatives à Wikipédia créées en langue russe.

La tentative de Medvedev a fait long feu, et le «Front virtuel» peut faire figure de nouvel appel (légèrement moins inepte) au patriotisme sous le contrôle du gouvernement russe dans le monde des encyclopédies en ligne.

Sous les pluies et les inondations, le Pérou résiste uni dans une seule et même force #UnaSolaFuerza

mercredi 22 mars 2017 à 20:22

Capture d'écran de la vidéo partagée par Carlo Paredes sur YouTube “Evangelina Chamorro: Lutte et courage”.

Depuis début mars, différentes villes du Pérou ont été affectées par une série apparemment interminable de pluies, d’inondations, de glissements de terrains, de coupures de routes et dernièrement même de fermetures d'écoles, qui avaient repris quelques jours avant. Tandis que le nombre de victimes augmente et que les Péruviens rassemblent leurs efforts, les réseaux sociaux, dans le pays et à l’extérieur, ont fait circuler histoires, initiatives et encouragements par le hashtag #FuerzaPerú et #UnaSolaFuerza.

Les incidents sont liés au phénomène Niño côtier. Au jeudi 16 mars, le bilan était de 62 morts et 62 000 sinistrés au Pérou. Aux dernières nouvelles, l’Equateur a aussi été affecté par le phénomène.

Deux présentoirs d’un kiosque à journaux le samedi 18 mars. Pratiquement toutes les unes font référence aux pluies. Photo de l’auteure, publiée avec autorisation.

Le président Pedro Pablo Kuczynski a utilisé son compte Twitter pour envoyer des messages aux Péruviens, listant ses actions face au désastre et les recommandations pour la population en général :

J’ai fait en sorte de distribuer 4,4 milliards de soles (environ 1,3 milliard de dollars) pour les gouvernements locaux, régionaux et national afin de commencer la reconstruction des zones en état d’urgence.

Nous sommes organisés et prêts à faire face à l'urgence. Restons tous calmes et obéissons aux autorités.

Cette urgence passera mais nous devons être prudents. Ne prenons pas des risques inutiles comme traverser des routes inondées ou des ponts fragilisés.

Différentes institutions et entreprises récoltent des dons pour envoyer dans les zones les plus affectées. Il y a eu beaucoup de rumeurs et des fausses alertes qui ont fait peur à la population, déjà effrayée par les nouvelles quotidiennes. Mercredi 15 mars, les personnes faisaient la queue dans les supermarchés pour s'approvisionner en eau, en raison des coupures de service afin d'éviter que l'eau polluée n'affecte les installations.

Les habitants de Lima vont au centre commercial Megaplaza pour effectuer des dons.

Queues pour remplir les seaux d'eau. Il en est de même dans toute la ville. Avenue Parinacochas, La Victoria – Lima

Eau en bouteille épuisée supermarchés queues interminables, prévenir SI – Ne tombons pas dans la psychose L'approvisionnement en nourriture est garanti.

Evangelina Chamorro, symbole de la résistance

La vedette de la semaine a été Evangelina Chamorro, qui littéralement a surgi de la boue mercredi 15, après qu'un huayco [terme quechua pour une énorme coulée de boue causée par les pluies torrentielles] a détruit le quartier de Lima de Punta Hermosa, où elle vivait avec sa famille.

Evangelina Chamorro, 32 ans, a échappé à la mort suite à l'huayco de Punta Hermosa et est devenue le symbole de la tragédie au Pérou.

Evangelina a réussi à sortir de la boue après beaucoup d'efforts. De là, elle a été transférée à un hôpital où elle se remet de ses nombreuses blessures mais qui ne mettent pas en jeu son pronostic vital.

Horreur ! [Huaycos et débordements de rivières causent la panique à Lima]

Ceci est la une de notre édition d'aujourd'hui, jeudi 16 mars 2017.

Son histoire a inspiré l'artiste colombien Humberto Álvarez, connu comme Alter Eddie, auteur du site web Je vous l'explique avec de la pâte à modeler. Álvarez a réinterprété l'image déjà devenue iconique d'Evangelina avec des mots de soutien pour le Pérou :

Debout le Pérou !

Evangelina Chamorro, tout un exemple de lutte et de courage

Au sein des défis, le pays se souvient du grand historien péruvien Jorge Basadre qui a prononcé une des phrases les plus répétées ces derniers jours : « Le Pérou est plus grand que ses problèmes ».

De son toit de banlieue au grand écran : l'histoire d'un gamin brésilien gay et noir devenu cinéaste

mercredi 22 mars 2017 à 19:25

Valter Rege sur la terrasse où sont filmés les vidéos de la chaîne YouTube  ‘Energia positiva’. Photo: Vagner Vital/Agência Mural, publication autorisée.

Cet article, publié à l'origine par Agência Mural, est republié ici dans le cadre d'un partenariat entre Global Voices et Agência Mural. Reportage de Vagner Vital.

A six ans déjà il savait que sa vie ne serait pas facile. Au milieu des insultes de « singe » et « femmelette », il eut plusieurs dents cassées quand il tomba la tête la première sur le bord du trottoir, après avoir été poussé par d'autres garçons. Il comprit, face aux coups qu'il recevait, qu'être gay et rester en vie serait un défi, même sans connaître le véritable sens des surnoms qu'on lui donnait au lieu de l'appeler par son prénom.

Condamné pour ce qu'il était, Valter Rege trouva grâce à sa caméra un instrument pour s'exprimer et lutter. Il créa sur YouTube la chaîne ‘Energia Positiva’, devise qu'il a aussi tatouée sur son bras droit, et où il débat notamment de l'émancipation des noirs. La terrasse de dalles, sur laquelle il a enregistré ses vidéos, n'est que l'une des nombreuses du quartier pauvre de Villa Clara, situé au sud de São Paolo, et qui lui fait office de studio à ciel ouvert.

Les vêtements étendus et les citernes à eau montrent l'une des autres utilités de cet espace. « Je n'ai pas honte de filmer ici et de montrer l'endroit où je vis. C'est ma réalité et ça représente aussi la banlieue de cette ville, non ?»

À 32 ans, le jeune de 1m62 et au sourire contagieux, partage son temps entre les enregistrements pour lsa chaîne YouTube et la réalisation d'un autre de ses rêves. Avec le soutien de collaborateurs, il a écrit un scénario, qui est en cours d'évaluation par le Ministère de la Culture (MinC) pour la production d'un court métrage. Le film Preto no Branco (Noir sur Blanc), qui demeure pour le moment sans date de sortie, est le premier travail professionnel de la carrière du cinéaste.

Dans l'intrigue, un jeune noir, interprété par l'acteur Marcos Oliveira, est accusé de vol après avoir renversé une femme à la sortie d'un centre commercial. On l'emmène au commissariat, où son innocence est mise en question, à cause de la haine raciste et de la discrimination.

Dans l'une de ces coïncidences où la vie imite l'art, un jour qu'il descendait du bus sur le chemin de son travail, et après avoir écrit le scénario de son film, Valter fut arrêté par une dame qui criait « Voleur, voleur ! Il m'a volé mon téléphone portable ! ». Effrayé et sans comprendre ce qui était en train de se passer, il répondit qu'il n'avait volé aucun téléphone, tout en continuant à marcher vers son lieu de travail.

« J'aurais aimé la regarder dans les yeux et lui dire qu'elle ne pouvait pas accuser les gens comme ça sans raison, mais j'avais peur. Les gens ont peur de se faire frapper, ils ont peur que la police fasse preuve de malhonnêteté », raconte-il. La femme a appelé la police qui, peu de temps après est venu toquer à la porte de l'entreprise de Valter. Par chance, la personne chargée de la sécurité n'a pas pu l'identifier avec les critères donnés par la police, et la femme et la police ont dû partir.

« A cette époque, les justiciers étaient à la mode. Ma peur était de me retrouver seul et que quelqu'un me fasse du mal », dit-il. « C'est très triste d'être passé par là étant petit et de voir qu'en grandissant, les choses sont toujours les mêmes », dit-il.

Lors de l'enregistrement du court métrage ‘Preto no Branco’. Photo: Archive personnel, publication autorisé.

Pendant son enfance, il vivait dans un bidonville avec ses parents et ses deux sœurs, au milieu des grandes demeures du quartier de Moema, où le prix des terrains au mètre carré est l'un des plus chers de la ville. Lui et sa famille partageaient les deux seules salles de bains du bidonville avec 30 autres familles.

A 10 ans, il ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait pas jouer avec les autres enfants des riches demeures alentours, où les femmes passaient la plupart de leur journée à travailler. Sa famille a dû déménager à Villa Clara à cause de l'augmentation du coût de la vie dans cette zone. L'adaptation n'a pas été aisée. Le magnétoscope et la télévision sont devenus ses amis inséparables.

Il a commencé à s'identifier comme noir à l'adolescence, après ses premiers contacts dans l'audiovisuel. « Là-bas à Moema, lorsque je voyais une personne noire, je traversais la rue. Le cinéma m'a fait sortir connaître mon nouveau quartier, et m'a permis de voir d'autres personnes noires et de me reconnaître », dit-il.

Dans l'une des vidéos de sa chaîne YouTube, Valter revient dans la rue où il vivait à Moema, et nous montre les principales différences entre les deux quartiers et l'importance de construire son estime de soi et d'être fier de l'endroit où on vit.

Son premier scénario, écrit à l'âge de 13 ans, a commencé à devenir réalité avec les vidéos bricolées avec une caméra 8mm, achetée avec le salaire de son premier emploi de coursier. Il a été coursier dans une librairie et a servi dans l'armée de l'air jusqu'à ce qu'il obtienne une bourse pour étudier radio et télévision à l'université des Beaux-Arts. C'est là qu'il a fait ses premiers pas vers la professionnalisation, en lançant sous licence Je veux être Beyoncé, un court-métrage sur l'émancipation des femmes, montré au Centre Culturel Banco do Brasil (CCBB).

Peu de temps après, il a écrit le livre Amis pour toujours, édité par Multifoco, qui raconte l'histoire d'Eduardo, un jeune homosexuel qui découvre sa sexualité et apprend à l'affronter et l'accepter.

« Avec ce livre j'ai voulu montrer l'importance d'être ce que nous sommes vraiment et inciter les parents à lire ce livre afin qu'ils comprennent que l'homosexualité n'est pas un choix », dit-il. « Je cherche toujours à trouver le côté positif des mauvaises expériences. C'est ça l'énergie positive pour moi », raconte-il.

Le garçon a qui l'on a cassé plusieurs dents à cause de sa couleur de peau et de son homosexualité, quand il était petit, ne croit pas en la méritocratie. Du haut de son toit, entre les cordes à linge et les réservoirs d'eau, ou dans les salles de cinéma, il souligne l'importance de l'émancipation avec fierté, au sens strict du terme. « Nous qui sommes noirs, gays et de la banlieue, nous devons être plus forts. Et on l'est », rajoute-il.