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Avec une afro-descendante pour vice-présidente, le Costa Rica fait un pas en avant dans la lutte contre le racisme

lundi 9 avril 2018 à 18:36

Epsy Campbell Barr lors de sa campagne pour les élections de 2018, candidate à la vice-présidence de la République du Costa Rica. Photo par MadriCR, partagée sous licence Creative Commons (Attribution-Share Alike 4.0 International).

Les dernières semaines avant les élections présidentielles costariciennes ont créé le suspense. Un fossé séparait les deux candidats arrivés au second tour : Carlos Alvarado du Parti d'action citoyenne (le parti au pouvoir) et Fabricio Alvarado du Parti Restauration nationale.

Parmi les deux candidats, Fabricio Alvarado a mis les défenseurs des droits de l'homme et la communauté LGBTQI en alerte en refusant de défendre les droits des minorités sexuelles et de genre et en promettant un gouvernement qui soutiendrait les “valeurs fondamentales” du Costa Rica comportant une vision traditionnelle de la famille et les idéaux du christianisme évangélique.

Cependant, Carlos Alvarado est arrivé en tête. Sa victoire a été célébrée au-delà du Costa Rica parce que la vice-présidente était Epsy Campbell Barr, une économiste de profession et militante pour les droits des Afro-descendants.

Cela signifie que Campbell Barr est maintenant la première femme afro-descendante vice-présidente, non seulement au Costa Rica, mais dans les Amériques.

Les manifestations de soutien ont été massives, en particulier de la part des mouvements afro-colombiens latino-américains, qui considèrent l'élection de Campbell Barr comme un triomphe important dans la lutte pour accéder aux espaces de pouvoir et créer des politiques d'inclusion pour les personnes d'ascendance africaine, qui peuvent atteindre 30 % de la population sur le continent.

Discrimination “invisible”, luttes globales

Le racisme est répandu en Amérique latine, mais la manière dont il est structuré a évolué au fil des ans et n'est pas toujours évidente. La sensibilisation à ces systèmes et à leurs conséquences fait partie du travail d'un grand nombre de groupes militants et d'associations de défense des droits de l'homme.

À cet égard, le site argentin Emergentes a souligné l'importance que les communautés afro-descendantes aient une représentation dans le gouvernement et a discuté de la victoire de Campbell Barr dans le contexte de la mort de Winnie Mandela, une militante anti-apartheid sud-africaine bien connue.

Emergentes a rapporté des témoignages de différentes personnalités (dont l'une des auteures de cet article) ainsi que des incidents récents de racisme qui ont été couverts par les médias, pour souligner la nature globale et complexe du problème :

…flagelos como la segregación, racismo y discriminación si bien no se muestran en las formas antiguamente conocidas, ahora mutaron y se diversificaron, adoptando posturas modernas que no distinguen entre sus practicantes a grandes o chicos.

… des fléaux tels que la ségrégation, le racisme et la discrimination, bien qu'ils ne se manifestent plus comme autrefois, ont maintenant muté et se diversifient, adoptant des positionnements modernes qui ne distinguent pas entre leurs auteurs, grands ou petits.

Dans l'article, Jenniffer Mayren Urrutia Briñez, une publiciste internationale ainsi que fondatrice de A-fro, un site d'informations et de style de vie destiné aux lecteurs afro-descendants, a souligné l'impact considérable qu'a eu l'élection de Campbell Barr à la vice-présidence :

Ha sido un camino difícil para la comunidad afrolatinoamericana para abrirse espacio en la política, así que el hecho de que una mujer afrodescendiente llegue a ocupar este cargo, se ha convertido hoy en día en un hecho inolvidable

Le chemin a été difficile pour la communauté afro-latino-américaine pour s'ouvrir un espace en politique, de sorte que le fait qu'une femme d'ascendance africaine ait atteint ce poste est devenu aujourd'hui un événement inoubliable.

Elle ajoutait :

Este momento lo estamos esperando hace mucho, ya que es una forma de reivindicar no sólo a la comunidad negra costarricense, sino a toda la comunidad negra de América Latina. Es la forma de visibilizar nuestra existencia, las raíces afrodescendientes, la multietnicidad y multiculturalidad que existe en nuestros países, además de la importancia de la valoración a nuestra contribución en este continente.

Nous attendions ce moment depuis longtemps, car c'est une façon de réhabiliter non seulement la communauté noire du Costa Rica, mais toute la communauté noire d'Amérique latine. C'est le moyen de rendre visible notre existence, les racines afro-descendantes, la multi-ethnicité et le multiculturalisme qui existent dans nos pays, en plus de l'importance de valoriser notre contribution sur ce continent.

Sur Twitter, l'universitaire Cristina Burneo a convenu de l'importance de lier l'élection de Campbell Barr à d'autres endroits de la région où l'activisme, le service public et la lutte pour les personnes d'ascendance africaine ont subi des pertes tragiques comme au Brésil [fr] et en Equateur.

Au Brésil, ils ont assassiné [l'activiste des droits humains] Marielle Franco. En Équateur, ils ont assassiné [la directrice de la prison pour femmes], Gavis Moreno. Au Costa Rica, Epsy Campbell Barr gagne. Les femmes d'ascendance africaine vivant aujourd'hui honorent la mémoire des femmes assassinées.

Mali : des élections déterminantes en 2018

lundi 9 avril 2018 à 17:01

Opération Barkhane en contact avec la population dans le Sud du Mali par TM1972 – CC-BY-4.0

Un nouvel affrontement entre les forces Barkhane (l’opération de maintien de la paix par les forces françaises) et un groupe jihadiste dans le nord du Mali lors du weekend pascal met en lumière l’insécurité durable qui s’est installée dans le pays, à quelques mois d’élections déterminantes.

« Pas de trêve pascale au Mali » titrait Ouest France. Et pour cause, de violents affrontements ont opposé des djihadistes et combattants pro-régime ce weekend. Une opération de reconnaissance et de contrôle menée conjointement par les forces françaises et des miliciens du MSA-GATIA, un groupe armé qui soutient le gouvernement de Bamako à la frontière entre le Mali et le Niger a ainsi mené à l’élimination de 30 membres d’un groupe armé terroriste. Aucun soldat français de l’opération Barkhane n’a été tué ou blessé, lors des affrontements.

Des inquiétudes persistantes

La réussite de cette opération – comme la plupart des opérations récentes – prête à un certain optimisme, et pourtant, loin de s’apaiser la situation au Nord-Mali stagne depuis des années. Depuis 2013 les groupes djihadistes ont été éparpillés, chassés du nord du Mali. Mais des zones entières du pays échappent encore au contrôle des autorités – malgré le soutien déterminé de l’armée française. En outre, profitant du chaos laissé par les affrontements, le banditisme a aussi sensiblement progressé comme l’a souligné l’assassinat récent d’un caporal par des inconnus en plein Tombouctou.

Plus grave, le confit déborde désormais sur les pays voisins, en particulier le Burkina Faso et le Niger. Si bien que l’ONU a mis en garde contre l’insécurité qui :« continue à se développer et gagne de façon progressive le centre du pays » dans un récent rapport. Avec comme crainte plus globale une implantation durable de l’Etat islamique dans le Grand Sahara. L’ONU souligne:

 Des pertes de contrôle territorial, ajoutées à une fragmentation croissante des groupes armés [loyalistes] en fonction de leurs ethnies ce qui mène au développement de groupes armés non-signataires. Ces divisions croissantes représentent aujourd’hui la plus grande menace à l’application de l’accord d’Alger de 2015 et plus largement pour la paix.

Ce texte, signé par l’état malien et l’alliance de groupes armés rebelles touareg et arabes, était censé accompagner la dé-escalade des violences. Seulement, d’après le témoignage d’un diplomate s’exprimant sous couvert d’anonymat, la situation n’avance pas non plus sur ce plan. Et les retards actuels sont imputables à « toutes les parties ».

Des élections déterminantes 

Une des portes de sorties envisagées au blocage actuel sont les élections présidentielles prévues dans quatre mois. Si elles ont le potentiel d’apaiser certaines de ces tensions, elles pourraient aussi envenimer la situation encore un peu plus si le scrutin n’est pas crédible. Du fait de la situation du pays, il demeure en effet des incertitudes – en premier lieu, le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta va-t-il se présenter à sa propre succession ? Au-delà des questions politiques, il existe aussi des difficultés techniques : comment procéder à l’identification des près de 7 millions d’électeurs ? Comment procéder à une collecte puis une transmission non contestable des résultats ?

Le comité de pilotage des élections a promis « la mise en place d’un système d’authentification biométrique de la carte d’électeur », mais ce projet s’est attiré les critiques de la part de l’opposition, qui l’estiment cher (54 millions d’euros hors taxe) et difficilement réalisable dans les temps.

L’offre retenue me semble difficile, sinon impossible, à mettre en place à quatre mois du scrutin sur un territoire où la couverture Internet et d’électricité reste faible.  On pourrait tout aussi bien s’orienter vers une solution peu coûteuse avec l’usage d’encre indélébile et la signature de registres, comme en France.

 concède un proche conseiller du premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga.

Le printemps en Afghanistan apporte comme chaque année joie et douleur

lundi 9 avril 2018 à 10:11

Photo gracieusement fournie par Hazara World. Des habitants de la province de Daikundi en Afghanistan assistent à une cérémonie à l'occasion de Noruz.

Pour de nombreux habitants de la partie de l'Eurasie où prédominent les langues persanes et turciques, les festivités de Norouz qui débutent le 21 mars ne marquent pas juste le début du printemps, mais le Nouvel An.

En Afghanistan cependant, on ne le fête pas partout, et ses racines païennes sont un sujet de divergence entre différentes parties de la population.

En outre, le retour des températures plus clémentes apporte aussi la traditionnelle recrudescence des violences insurrectionnelles.

Cette année, le président afghan Ashraf Ghani a tenté de contenir l'offensive annuelle par une offre de paix renouvelée et enhardie aux talibans. Mais rien ne montre encore que ceux-ci soient prêts à s'engager dans des pourparlers.

Ton Norouz n'est pas mon Norouz

Les pages des médias sociaux ont été inondées de vœux et d'espoirs de paix et de stabilité quand Norouz (aussi écrit Nawruz ou Nowruz) est arrivé le mois dernier. Les célébrations de l'équinoxe de printemps pratiquées par les anciens Zoroastriens débordent largement en avril.

C'est formidable de voir ses concitoyens arriver depuis le sud du pays pour norouz, danser et pratiquer les sports traditionnels sur les places de la ville à Mazar (à 22h), avec d'autres qui font voler des lanternes célestes. Que la nouvelle année couvre ce pays de paix, de sécurité, d'empathie et de solidarité

Que l'année qui vient vous emmène sur le chemin de la gloire où tous vos accomplissements deviennent glorieux et votre vie devient un exemple de réussite. Heureux Norouz

NawRuz Mubarak, NawRuz Peroz. Heureuse nouvelle année à tous ceux qui fêtent le premier jour du printemps comme le premier jour de la nouvelle année.

Voilà l'Afghanistan qui pourrait être – un Afghanistan de couleurs, musique et sourires.
Ceci est un village de Daikundi, célébrant Norouz.
(Photos de Hazara World)

Cependant, les religieux radicaux n'ont pas la tête à la fête, et Facebook a été une fois de plus la plateforme d'où observer les fractures du pays tout comme sa convivialité.

Dans ce message très lu, la figure du conservatisme Hiatu Adden Sahebi a imploré les habitants de Mazar-i-Sharif dans les termes les plus vigoureux de ne pas fêter Sizadabar, le 13ème jour de Norouz, le 2 avril.

سنت سیزده به‌در همان کار گوسفندان در چراگاه است. دشت شادیان مزار را به مکان فحشا و شراب‌خوری مبدل نسازید تا در غضب الهی گرفتار نشوید. از مولویان شهر خواهش می کنم بیاید دست به دست هم داده از فحشا جلوگیری کنیم

Célébrer  Sizdabadar c'est comme être un mouton qui erre en liberté dans les prairies. Ne transformez pas le désert de Shadyan à Mazar en centre de dépravation et ne vous empêtrez pas dans la colère divine. Je demande aux mollahs de la ville de [Mazar-i-Sharif] d'empêcher une telle dépravation.

Ce qui n'a pas empêché les familles de profiter comme à leur habitude du retour de la chaleur pour pique-niquer dans les collines et festoyer.

Encore une année difficile qui s'annonce

Cette année Norouz a été terni par la tragédie, quand un kamikaze s'est fait exploser près d'un sanctuaire chiite à Kaboul le 21 mars, faisant au moins 32 morts et des dizaines de blessés.

Même à Norouz, des Afghans innocents ont été ciblés, qui essayaient en le fêtant de vivre une vie simplement normale, malgré tout le chaos, la violence et la pauvreté qui leur sont imposés. Les victimes plus nombreuses que ce qu'on dit ici, merci aux talibans pour leur rôle direct ou indirect dans cet attentat et tant d'autres.

L'organisation terroriste État islamique a revendiqué la responsabilité de l'attentat, affirmant qu'il visait les chiites.

Le printemps est aussi la saison où les talibans intensifient leurs attaques contre le gouvernement soutenu par l'Occident, avec les civils souvent pris dans les tirs croisés.

A la fin de février, le président afghan a tendu la main aux talibans avec une offre de paix sans précédent comportant la possibilité pour le mouvement de former son propre parti politique.

L'offre de paix était “sans conditions préalables” et promettait la sécurité aux talibans et à leurs familles en contrepartie d'un désarmement.

Les membres des talibans verraient aussi leurs noms retirés des listes noires tenues par l'ONU et les États-Unis dans le cadre de l'accord proposé.

Mais le mouvement qui contrôle des pans entiers de l'Afghanistan malgré ses divisions n'a toujours pas donné de réponse officielle à l'offre du président Ghani.

Des médecins nés à l'étranger, hautement formés et éduqués, ne peuvent toujours pas exercer aux États-Unis

dimanche 8 avril 2018 à 12:58

Le docteur Michelle Bholat (à gauche) en compagnie des docteurs Luis Zúñiga (au centre) et Félix Argueta (à droite), participant au Programme international des diplômés en médecine de l'UCLA en juin 2017. Le dr. Bholat est l'une des cofondatrices du programme. Les médecins nés à l'étranger Zúñiga et Argueta doivent faire partie du programme de résidence en 2019 et travailler pendant quelques années dans des régions mal desservies. Crédit: Avec l'aimable autorisation de UCLA Health

Ce billet de Joey Peters, paru à l’ origine sur PRI.org le 28 mars 2018, est republié ici dans le cadre d'un partenariat entre PRI et Global Voices.

Consuelo López de Padilla présente le profil d'un médecin avec une formation médicale de haut niveau.

Elle a passé 15 ans dans son Venezuela natal à étudier la médecine et à travailler comme médecin. En 2001, elle a quitté les collines andines de son pays natal pour les plaines glaciales du sud du Minnesota pour passer trois ans à faire de la recherche dans l'un des centres de santé les plus prestigieux au monde, la Mayo Clinic.

Mais après avoir fondé une famille aux États-Unis, elle n'est jamais revenue au Venezuela. Il ne lui a jamais non plus été possible de travailler comme médecin.

Même si elle a mené à bien au Venezuela il y a des années les procédures pour obtenir la résidence aux États-Unis, López de Padilla doit recommencer si elle veut pratiquer la médecine familiale ici. Pendant des années, elle a eu du mal à trouver un autre programme.

“J'aimerais ne pas avoir à le faire, mais à ce stade, c'est le système”, a-t-elle dit.

Selon la coalition Massachusetts Immigrant and Refugee Advocacy (Plaidoyer pour les immigrants et les réfugiés du Massachusetts), il y a au moins de 65 000 médecins formés à l'étranger non munis de la licence pour être autorisés à exercer aux États-Unis. Pendant ce temps, de nombreuses organisations prévoient des pénuries de médecins dans les années à venir. Une étude de 2017 de l'Association des collèges médicaux américains, par exemple, prévoit un déficit de 100 000 médecins d'ici 2030. Comme les régions mal desservies continuent de croître, certains États constatent que les médecins formés à l'étranger sans licence d'exercer sont essentiels pour résoudre le problème.

À Los Angeles et au Minnesota, des programmes aident des médecins comme López de Padilla à franchir les obstacles de la pratique de la médecine – à passer des examens pour l'obtention d'une formation en internat. En retour, les participants s'engagent à fournir des soins dans les communautés mal desservies. Le Massachusetts et d'autres États considèrent ces programmes comme des modèles visant à faciliter l'insertion des médecins formés à l'étranger tout en atténuant la pénurie en personnel médical.

Alors que neuf étudiants en médecine sur dix formés aux États-Unis sont acceptés en internat, seulement la moitié des diplômés en médecine formés à l'étranger comme López de Padilla le sont, selon le National Resident Matching Program. Dans le même temps, le nombre de postes d'internat américains n'a augmenté qu'au compte-gouttes depuis que le Congrès a plafonné leurs niveaux de financement il y a plus de 20 ans.

Les médecins formés à l'étranger rencontrent souvent trois problèmes principaux. Premièrement, les programmes d'internat recherchent généralement des médecins diplômés au cours des cinq dernières années. Deuxièmement, les internats américains exigent des candidats au moins une année d'expérience clinique dans le pays, sans tenir compte de celle acquise à l'étranger. Troisièmement, ils doivent étudier et obtenir des notes élevées dans plusieurs tests d'examen de licence médicale aux États-Unis.

Toutes ces étapes existent parce qu'aucun organisme international n'accrédite les écoles de médecine à travers le monde.

“La qualité de la formation médicale varie d'un pays à l'autre”, a déclaré Joe Knickrehm, porte-parole de la Fédération des commissions médicales d’État.

López de Padilla, qui travaille actuellement comme assistante de recherche au laboratoire de thérapie génique musculo-squelettique de la Mayo Clinic, a reconnu que ces exigences existent parce que les intervenants de la santé étasuniens se préoccupent de entre dans le système. Mais elle s'interroge aussi sur la limite du réapprentissage.

“Refaire la même formation, à mon avis, est une perte de temps et non la meilleure utilisation des ressources”, a-t-elle déclaré.

Les programmes en Californie et au Minnesota tentent d'aider les médecins nés à l'étranger à naviguer dans ce système. Au cours de la dernière décennie, le programme International Medical Graduate (IMG) de l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA) a permis d'intégrer 117 médecins formés à l'étranger dans des programmes d'internat en médecine familiale.

Patrick Dowling, qui a co-fondé le programme de l'UCLA en 2007, a déclaré qu'environ cinq millions de Californiens manquent de maîtrise de l'anglais et que 15 millions d'Hispaniques vivent dans l’État. La demande pour plus de médecins hispanophones est pressante depuis longtemps.

Dans le même temps, Dowling et ses collègues ont connu des médecins nés à l'étranger qui avaient des qualifications mais qui ont été relégués à travailler dans d'autres secteurs.
“Nous avons trouvé un large groupe de [médecins formés à l'étranger] travaillant dans des emplois subalternes, dans les métiers du bâtiment, la restauration chez McDonald's, le gardiennage d'immeubles, le nettoyage”, a déclaré Dowling.

La fondation soutient financièrement le programme IMG de l'UCLA. Il est sélectif – Dowling estime qu'il accepte environ 12 sur 100 à 150 candidats chaque année, qui doivent tous être des résidents permanents.

Mais Dowling estime que la récompense pour les inscrits est l'expérience pratique dans les cliniques communautaires et les lettres de recommandation que leur vaut le programme. Dans de nombreux cas, les médecins formés à l'étranger suivent des praticiens pour obtenir l'expérience clinique d'un an nécessaire dans leur candidature à l'internat, au lieu de traiter directement les patients. Dans ces cas, les médecins formés à l'étranger sont contraints à suivre d'autres collègues parce qu'ils ne sont pas autorisés à travailler sur des patients. En comparaison, ceux qui ont des diplômes américains peuvent traiter les patients dès la sortie de l'école de médecine et n'ont besoin que d'un internat pour exercer de façon indépendante.

Le programme International Medical Graduate du Minnesota a débuté en 2015 et a aidé des médecins nés à l'étranger à suivre une formation médicale et à se préparer aux examens de commission. Le programme géré par l'État a également financé quatre postes d'internat pour les médecins formés à l'étranger dans la région de Minneapolis-St. Paul.

Yende Anderson, qui coordonne le programme, a déclaré que le nombre de postes d'internat passera à six cet été. Après l'internat, chaque médecin devra passer cinq ans à pratiquer dans l'une des régions mal desservies de l'État, où les pénuries de médecins sont nombreuses. À ce jour, aucun étudiant n'a terminé son internat.

López de Padilla, pour sa part, a reçu de l'aide du programme du Minnesota pour s'inscrire à trois rotations dans des cliniques communautaires. Elle prépare actuellement les examens et pratique chez un médecin dans une clinique de santé communautaire.

Face à ces obstacles de taille, certains médecins formés à l'étranger abandonnent. C'est ce qu'a fait Afsaneh Moradi après presque dix ans d'essais. Elle est arrivée dans la région de Boston en provenance d'Iran en 2007 pour rejoindre son mari et sa famille. Elle totalisait alors sept ans d'expérience à la faculté de médecine et comme médecin à Qom, à 129 km au sud-ouest de Téhéran.

Après avoir déménagé à Boston, Moradi a dit avoir passé environ cinq ans à étudier et à passer des examens obligatoires. Pendant les quatre années suivantes, elle a postulé à des centaines d'internats. À l'origine, elle se concentrait sur les internats en médecine interne, mais elle s'est rapidement diversifiée vers d'autres domaines comme la psychiatrie.

“Je postulais littéralement pour tout et n'importe quoi”, dit Moradi.

Elle a également observé autant de médecins qu'elle a pu ; à un moment donné, pendant six mois elle se rendait à Worcester (Massachusetts), trois heures de trajet journalier, pour faire du bénévolat à l'hôpital Saint-Vincent.

Aujourd'hui, elle jongle avec trois emplois à temps partiel de formatrice pour assistants médicaux, de chercheuse en médecine à la Cambridge Health Alliance et travailleuse sociale à la bibliothèque publique de Somerville.

Épuisée et frustrée par ses quatre années de demande d'internat, Moradi a abandonné l'année dernière et ne compte pas recommencer à essayer. Elle attribue la majeure partie des refus qu'on lui a opposés à un faible nombre de postes d'internes américains qui ne correspondent pas à la demande des étudiants en médecine.

“Combien de refus faut-il essuyer ?” dit-elle. “Ça n'a pas de sens”.

Mais elle a également raconté son histoire au sénateur de l'État du Massachusetts, Jason Lewis, un démocrate [fr] qui représente la région nord du Grand Boston. Lewis a parrainé un projet de loi créant une commission d’État pour étudier les barrières et les voies pour les médecins formés à l'étranger.

“Au Massachusetts, même si nous avons un système de soins de santé de classe mondiale, nous avons encore de nombreuses lacunes avec des patients qui ont des difficultés ou une longue attente pour consulter un médecin”, explique Lewis.

Créer des passerelles pour les médecins sans licence formés à l'étranger pourrait atténuer ces problèmes, dit Lewis.

Pour le moment, le Sénat de l’État a adopté une version du projet de loi de Lewis. Si le texte est approuvé par l'assemblée législative et promulgué, la commission aura un an pour formuler des recommandations à présenter au parlement de l'État.

Ce processus prendra inévitablement du temps, mais Amy Grunder, directrice des Affaires législatives de la coalition MIRA, a déclaré qu'une commission similaire avait donné naissance au programme IMG du Minnesota. Elle a souligné que les parties prenantes du secteur de la santé comme les commissions d'octroi des licences de santé de l’État voudront se faire entendre sur les changements futurs.

“On veut avoir autour de la table des gens qui ne seraient pas du même avis”, a dit Grunder, ajoutant qu'ils vont alors “explorer ensemble comment traiter le problème”.

Morandi, pour sa part, a dit qu'elle espérait que son pays d'adoption trouverait des moyens d'alléger le fardeau des médecins formés à l'étranger, même si cela ne résoudra pas ses propres problèmes.
“Il ne s'agit pas d'abaisser les normes ; ce n'est pas ce que nous voulons”, a-t-elle dit. “Il s'agit de tirer profit des personnes déjà qualifiées.”

Une vidéo de rap financée par l'Union européenne peut-elle dissuader les jeunes Guinéens de migrer ?

samedi 7 avril 2018 à 21:38

La vidéo ignore le fait que rester comporte aussi des risques, disent deux chercheurs.

Ceci est une traduction en français de la version anglaise par Ida Sophie Skriver Olsen de son reportage original en danois pour Globalnyt, une agence internationale d'informations ayant son siège au Danemark. Le texte est adapté et publié avec l'autorisation de l'auteur.

“Ne pars pas, ça va aller.” Tel est le message d'un clip musical réalisé avec le soutien de l'Union européenne, qui vise à dissuader les jeunes Guinéens d'entreprendre comme migrants sans papiers le voyage vers l'Europe.

Dans la vidéo, qui a fait tendance sur YouTube, le populaire groupe afro-rap et afro-reggae guinéen Degg J Force 3 [‘La vérité force 3′ en wolof] s'adresse aux jeunes avec le message répété : “Ne pars pas, ça va aller”. La chanson a pour titre  “Falé,” ce qui veut dire “pont” en soussou, une langue locale de Guinée, dans le but de décourager les jeunes de tenter le voyage périlleux des migrants sans papiers à travers le désert du Sahara et la mer Méditerranée.

Ces quatre dernières années, un afflux de gens fuyant la guerre et la précarité économique a débarqué en Europe. Au moins 16.000 ont péri ou disparu dans leur tentative de traversée de la Méditerranée, selon les chiffres du Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU. Depuis janvier 2017, la Guinée se classe au troisième rang des pays d'origine des arrivants, après la Syrie et le Nigeria.

La Guinée fait actuellement face à de nombreuses difficultés politiques et sociales qui font que le pays peine à retenir sa jeunesse. Les infrastructures urbaines se désintègrent sous la pression d'une population en augmentation et du changement climatique. Les menaces épidémiques comme Ebola ne sont jamais totalement éradiquées dans la région et le système de santé demeure fragile.

La vidéo “Falé” montre deux jeunes hommes qui s'en vont de chez eux, en direction de l'Europe dans l'espoir d'y trouver la prospérité qui leur permettra de soutenir leurs familles. Les jeunes gens font connaissance dans le désert et une discussion s'en suit sur où aller.

L'un décide de rester, et revenu dans sa ville natale, il s'agenouille et  embrasse le sol. L'autre décide de persévérer, et la vidéo se termine sur l'image de son gilet de sauvetage échoué sur une plage de la mer Méditerranée.

“Ne pars pas. La mer te tuera, c'est la mort qui t'attend”, exhorte la chanson pour dissuader les migrants en puissance d'entreprendre le voyage vers le nord. Une approche très émotionnelle combinée avec un message invoquant le devoir civique : “Entreprends et réussis chez toi.”

La vidéo est financée par l'U.E. et distribuée par le bureau local de l'organisation des Nations Unies pour les migrations, l'OIM. Le lancement de la vidéo le 16 février a coïncidé avec le début de la tournée du groupe musical Degg J Force 3 à travers la Guinée, entreprise en collaboration avec l'OIM dans le but de sensibiliser la jeunesse guinéenne aux risques de migrer en Europe sans visa.

“Il faut un changement de mentalité chez les jeunes. Nous devons souligner qu'ils peuvent tout faire chez eux et réussir”, explique Ablaye Mbaye, un des chanteurs du groupe musical, dans un communiqué de presse de l'OIM sur la tournée.

Doutes sur le potentiel de “profond impact” pour la vidéo

Et certes, se pose la question : cela aura-t-il un effet ? Ce clip vidéo va-t-il faire baisser le nombre de jeunes quittant la Guinée ? Deux chercheurs danois sur les migrations disent que la réponse est probablement non.

“J'ai du mal à voir comment cette vidéo pourrait avoir un profond impact”, dit Line Richter, une doctorante en anthropologie à l'Université de Copenhague, dont les recherches portent sur la migration vers l'Europe de jeunes Maliens.

Une appréciation que partage Nauja Kleist, chercheur principal à l'Institut danois des études internationales (DIIS) : “La vidéo sera un succès d'audience, mais je ne pense pas qu'elle empêchera qui que ce soit d'émigrer”.

Selon les deux chercheurs, plusieurs raisons vont à l'encontre d'un quelconque impact profond de la vidéo sur les choix des jeunes Guinéens.

Musique et migration, rien de nouveau

Si les producteurs de la vidéo pensaient innover en créant un morceau de rap sur le thème de la migration et du voyage mortel vers l'Europe, ils se trompent. “Ce sont des sujets qui ont déjà une place importante dans la culture populaire de l'Afrique de l'Ouest”, dit Richter.

Les jeunes se servent de la musique pour discuter des sujets qui les concernent, et puisque la migration fait partie de la vie quotidienne, ce sujet est déjà reflété dans la culture populaire.

Exemple avec cette chanson du groupe malien Van Baxy, “Tounka”, remontant à 2011 déjà :

“Tounka” est le mot bambara pour lieu étrange ou inconnu. Le bambara est la langue la plus largement parlée au Mali. La vidéo montre trois jeunes gens quittant leurs familles, et leurs mères en pleurs, à la recherche de lieux inconnus.

Le clip a été vu plus de 250.000 fois sur YouTube, et les jeunes continuent à laisser en-dessous des commentaires sur leurs expériences. Il y a un an, une jeune femme écrivait : “Cela me rappelle l'enfer que j'ai connu en Libye” . A quoi un jeune homme a répondu : “Dieu merci tu es enfin une Européenne”.

En trois semaines à peine, la version de “Falé” chargée sur YouTube par le groupe Degg J a dépassé les 190.000 vues. Celle postée par l'OIM et l'UE n'en a eu que 234 dans le même temps. On peut donc se demander si les jeunes spectateurs s'aperçoivent seulement que l'OIM et l'UE ont participé à la création de la vidéo.

Les commentaires sous la vidéo montrent aussi comment les jeunes utilisent la musique pour faire partager leur vécu et s'en accommoder. Un jeune homme a écrit : “C'est vous les meilleurs. J'ai pleuré en regardant le clip et je me suis rappelé mes souffrances en Libye. 22 personnes sont mortes. Que leurs âmes reposent en paix. Maintenant je suis en Italie”.

“Chacun connaît les risques associés au voyage”

La deuxième raison pour laquelle la vidéo aura probablement un effet limité est que les images qui y sont montrées, de cadavres dans le désert et d'un gilet échoué, n'ont rien de neuf pour les jeunes Africains de l'Ouest.

Grâce à l'usage de l'internet et des réseaux sociaux, les jeunes ont déjà vu des images réelles de ce qu'ont trouvé d'autres migrants lancés sur la route. Richter le dit : “le monde réel est filmé avec les téléphones, et il n'est pas beau. On peut trouver des clips documentaires du désert jonché de gens en train de mourir”.

A l'opposé, “Falé” a une production soignée et même léchée, presque hollywoodienne. Il y a dedans de l'art dramatique et des tableaux esthétiques. “C'est presque une esthétique de la souffrance”, dit Richter.

Les jeunes gens qui décident de migrer sont pour la plupart bien informés sur les conditions de leur futur voyage. “Chacun connaît les risques associés au voyage”, dit Richter, qui poursuit :

Les gens ne sont pas naïfs. Ils se tiennent au courant par différents types de médias et de plateformes et se dirigent selon leurs informations. C'est visible avec le nombre déclinant de gens passant par la Libye en raison des circonstances (les migrants vendus comme esclaves). Les jeunes ne vont pas se dire, “Tiens, j'ai appris quelque chose de nouveau” en voyant la vidéo. Ils savent déjà.

Les campagnes ne changent pas l'évaluation des risques par les jeunes

La troisième raison de la possible redondance de la vidéo est que les campagnes de ce genre ne sont pas perçues comme assez crédibles pour modifier la tolérance au danger des jeunes.

Les campagnes de l'UE contre l'immigration irrégulière en Europe s'efforcent généralement d'informer leur public des dangers associés à ce type de migration. Mais des études montrent que ces campagnes laissent inchangée l'évaluation des risques et la tolérance au danger des migrants. Selon le document de 2015 du DIIS, “Les campagnes de mise en garde contre les risques sont basées sur des hypothèses erronées”.

Ceci est dû, entre autres, au manque de crédibilité attribué aux campagnes.

“La question n'est pas l'accès des migrants à l'information mais plutôt leur confiance dans l'information donnée”, dit le document. “Dans la mesure où les campagnes d'information sont perçues comme faisant partie d'un plan général pour empêcher les migrants d'atteindre l'Europe, leur crédibilité peut être limitée”.

Une notion à mettre en rapport avec les grands dangers à rester chez soi.

“Si les conditions de vie locales sont désespérées et précaires, l'information sur les risques peut être perçue comme non pertinente. […] Avec peu de canaux d'émigration régulière, les campagnes d'information centrées exclusivement sur les risques paraissent peu crédibles à un auditoire qui se considère déjà désavantagé et en danger dans son pays d'origine”, conclut le texte.

Les recherches de Richter au Mali montrent les mêmes tendances, elle ne croit donc pas que “Falé” aura un impact, expliquant :

Il faut prendre en compte en premier pourquoi les gens partent. C'est à cause de la pauvreté, du manque d'opportunités pour les jeunes, et de l'absence de confiance dans le changement là où ils se trouvent et dans un avenir mesurable. La plupart des jeunes ont des emplois informels. Autrement dit, même s'ils travaillent aujourd'hui, ils ne peuvent jamais être sûrs que ce sera aussi le cas demain. Voilà pourquoi les jeunes trouvent plus risqué de rester chez eux. Ils disent : “Plutôt mourir en mer que de rester ici. S'il y a 100 personnes sur un bateau qui coule dans la mer Méditerranée, et qu'il y a un survivant, pourquoi ça ne serait pas moi ?’

L'emploi est loin de chez soi

Raison finale du faible effet potentiel de la vidéo : la migration, malgré tous ses dangers, est une stratégie installée de survie. En d'autres termes, ce n'est pas une vidéo émotionnelle de rap qui suffira à changer une pratique déjà ancrée assurant la survie de familles.

L'opinion générale en Europe sur les migrations est souvent que les jeunes Africains de l'Ouest sont déterminés à venir particulièrement en Europe. Mais ce n'est pas ce qu'il semble vu du côté des jeunes Africains de l'Ouest eux-mêmes. En divers endroits, en particulier en Afrique de l'Ouest, la migration est établie dans ce que Kleist appelle “une stratégie de moyens de subsistance”.

Pour beaucoup, la migration est considérée comme une stratégie normale pour trouver du travail, “que ce soit la migration interne vers d'autres endroits dans le pays, la migration vers des pays voisins – la forme la plus fréquente de migration, surtout en Afrique de l'Ouest – ou aller encore plus loin”, explique Kleist.

Ainsi, l'Europe n'est pas toujours la destination des migrants. Kleist écrit :

Souvent ces déplacements n'ont pas un endroit particulier pour destination finale. On peut arriver à mi-chemin et y rester quelque temps pour travailler et mettre un peu d'argent de côté. Puis on continue pour rester peut-être quelque temps à un autre endroit. Ou on peut se faire expulser du pays où on est arrivé. C'est plus un mouvement d'avancées et de reculs que les lignes évidentes vers l'Europe qu'on nous décrit souvent.

Sans emplois ou possibilités de revenus dans leurs communautés locales, partir en quête de meilleures perspectives est considéré comme la décision la plus responsable. Et surtout pour une personne jeune, le choix de partir est aussi celui de la dignité. “C'est l'espoir de pouvoir faire ce que fait l'adulte responsable : prendre en charge sa famille et soi-même. On attend souvent des jeunes qu'ils soutiennent leurs parents et d'autres membres de la famille”, dit Kleist.

Richter approuve : “Il s'agit d'améliorer la situation à la maison. Dans la jeunesse au Mali il y a un discours de faire quelque chose pour son pays. Il y a un doute fondamental que le système politique agisse pour la jeunesse”.

Pour faire ce qui est attendu d'eux et assumer les responsabilités de l'âge adulte, les jeunes cherchent l'espoir hors de leur pays. Tant que les situations de leurs pays ne changeront pas, les jeunes continueront à aller vers l'ailleurs, vers les “tounka”.

“Ça va aller” – qui le dit ?

Dans “Falé,” les jeunes Guinéens sont encouragés à rester au pays avec le message : “Ça va aller”. Mais à la lumière de ce qu'on vient d'exposer, qui peut garantir que la situation actuelle va s'améliorer ?

La vidéo, comme beaucoup d'autres campagnes de l'UE, se concentre exclusivement sur les dangers associés à la migration et reste vague sur les opportunités offertes aux jeunes chez eux. Le constat de Kleist : “Si on voulait insister sur le message qu'il faut rester au pays, il fallait montrer quelques-unes des opportunités trouvées sur place”.