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Mozambique : “Les citoyens seront contrôlés jour et nuit”, avance un journal

mardi 5 juillet 2016 à 18:06
Primeira página do jornal Canal de Moçambique. Foto: Dércio Tsandzana

Une du journal Canal de Moçambique. Photo: Dércio Tsandzana

Selon l’un des journaux les plus fiables du pays, le Canal de Moçambique, 450 caméras de surveillance ont été installées dans les villes de Maputo (la capitale) et Matola. Cette initiative s’inscrit dans le projet d’Ordonnance nationale d’interception des informations, qui inclut des « écoutes téléphoniques » présumées mises en place par le gouvernement du Mozambique dans le but « d’espionner ses citoyens ». Un présage entrevu par Global Voices en mai dernier, et qui semble désormais prendre forme.

Le journal dénonce le fait que le projet ait été confié – sans appel d’offres – à Msumbiji Investiment Limited, l’entreprise du fils de l’ex-président du Mozambique, Armando Guebuza, qui a à son tour fait appel à l’entreprise chinoise ZTE pour exécuter le projet en question.

Egídio Vaz, éminent analyste et militant des réseaux sociaux, s’est indigné de cette situation :

(…) Há mais de dois meses que temos vindo a ler notícias sobre os grandes negócios destes laboriosos filhos do herói da pátria. O meu estado de espírito piorou. Isto é mau. Mas existe uma cura para mim. ESQUECER.

(…) Depuis plus de deux mois, nous lisons des informations concernant les grands business des fils laborieux du héros de la patrie. Mon humeur empire. Ceci est de mauvais augure. Un seul remède à cela. OUBLIER.

Schauque Spirou évoque les conséquences qui pourraient surgir de l’installation de ce type d’équipements et cite un exemple survenu au Brésil :

Estamos a acordar aos poucos ou estamos a ser sonecados e não sabemos…mas que o Big Brother esta em ação, não parece haver dúvida… a noticia avançada pelo Canal de Moçambique sobre as câmaras de vigilância, penso que não são de se levar ao de leve: fora a “adjudicação” da mesma…
No Brasil, já se fala de indústria de multas, pois as câmaras de vigilância nas avenidas de São Paulo, são usadas para flagrar “motoristas da FORMULA1″….mas o dinheiro que geram tais multas esta a criar desconfiança dos mais avisados.

Soit nous nous réveillons un peu, soit nous fermons les yeux et nous ne savons rien… mais il ne fait aucun doute que Big Brother est en action… suite aux informations fournies par le Canal de Moçambique sur les caméras de surveillance, je pense qu’il ne faut pas prendre cela à la légère : sauf “adjudication” du même acabit…
Au Brésil, on parle actuellement d’une industrie des contraventions, car les caméras de surveillance présentes dans les avenues de São Paulo sont utilisées pour interpeller des « pilotes de FORMULE 1 »… mais l’argent que génèrent toutes ces amendes est en train de susciter la méfiance des plus avertis.

Entre-temps, le même journal admet que l’Etat mozambicain peut invoquer des questions de sécurité pour justifier l’achat et l’installation de ces équipements sans appel d’offres, c’est-à-dire en recourant à une adjudication directe, comme le prévoit l’alinéa f) de la section 3 de l’Article 9 de la Loi d’ « Acquisition » mozambicaine. Toutefois, il n’aura pas à justifier le recours à l’entreprise du fils d’Armando Guebuza pour l’acquisition de ce matériel, malgré une éventuelle situation de conflit d’intérêts.

Brexit : Quelles conséquences possibles pour les Africains ?

lundi 4 juillet 2016 à 18:04
Affiches de la campagne pour les deux camps à Londres. Photo publiée sous licence Creative Commons par l'utilisateur Wikipedia Philip Stevens.

Affiches de la campagne pour les deux camps à Londres. Photo publiée sous licence Creative Commons par l'utilisateur Wikipedia Philip Stevens.

52% des électeurs en Grande-Bretagne ont choisi lors d'un spectaculaire référendum de quitter l'Union européenne (UE) le 23 Juin 2016.

Après la publication des résultats officiels, beaucoup de monde à travers l’ Afrique, où plusieurs pays ont été colonisés par la Grande – Bretagne et sont actuellement membres  du Commonwealth, une organisation intergouvernementale qui regroupe pour la plupart des colonies de l'ancien empire britannique, se demandent si la décision de quitter l'UE aura un effet  quelconque pour ​​eux.

Analysant ce que ce Brexit signifie pour l’ Afrique, Grieve Chelwa a relevé sur le blog africasacountry.com (l'Afrique est un pays) qu'une récession économique au Royaume-Uni à la suite du référendum est l'une des façons dont les économies africaines pourraient être touchées. Cependant, il conclut que l’ Afrique s'inquiète davantage de la récession en Chine :

Quelle est l'importance du commerce entre le Royaume-Uni et l'Afrique ? Pas grand-chose, en réalité. En combinant les données de l'Office for National Statistics (ONS) du Royaume-Uni avec celles de 2014 de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), la dernière année pour laquelle elles sont comparables, nous avons calculé que les exportations de l'Afrique vers le Royaume-Uni représentaient environ 5% des exportations totales de l'Afrique. L'Afrique est plus préoccupée par un ralentissement économique en Chine, qui est de loin son plus grand partenaire commercial.

Il a tiré une conclusion semblable sur l'importance des investissements britanniques en Afrique :

Le Royaume-Uni n'a pas la même influence sur le continent qu'il y a quelques décennies. Et le Brexit en sera une preuve de plus. Si le Royaume-Uni éternue, l'Afrique dira .. “A vos souhaits” et continuera son chemin.

Ida Horner a exprimé son désaccord avec ceux qui affirment que les agriculteurs africains allaient gagner avec la sortie de la Grande-Bretagne car celle-ci serait la voix des agriculteurs africains en Europe :

En ce qui concerne les agriculteurs africains, une question a été posée, à savoir si la Grande-Bretagne serait plus efficace dans la lutte pour les droits des agriculteurs africains en ne faisant plus partie de l'Union européenne (UE). Je ne crois pas que ce sera le cas. La raison est que les agriculteurs britanniques auront perdu leurs subventions de l'UE dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Les conséquences ne sont pas encore claires, mais je suppose que la Grande-Bretagne donnera la priorité aux agriculteurs britanniques par rapport aux agriculteurs africains.

Richard Dowden, directeur de Institut royal pour l'Afrique, estime que le rôle de la Grande – Bretagne comme soutien à l'Afrique dans les organisations internationales diminuerait avec le Brexit :

Beaucoup de gens sur le continent voyaient la Grande-Bretagne comme une voix importante pour l'Afrique à Bruxelles et à l'ONU, à New York. Mais maintenant, l'Angleterre et le Pays de Galles – hors de l'UE et dirigées par les petits Anglais – verront l'influence britannique diminuer encore plus dans le monde. La Grande-Bretagne ne risquerait-elle pas même se voir poussée hors du Conseil de sécurité des Nations unies?

Le Brexit pourrait également avoir une incidence négative sur les étudiants africains, les réfugiés et d'autres types d'immigrants, a-t-il soutenu :

Le Brexit renforcera également le racisme en Grande-Bretagne. Il y a peu de doute que la plupart de ceux qui ont voté pour la sortie étaient effrayés par l'immigration et voulaient empêcher les étrangers de venir en Grande-Bretagne. Les Africains – plus visibles que les Européens – en seront sans aucun doute la cible principale.

Mais Ida Horner explique que les changements dans le contrôle sur l'immigration pour les Africains sont difficiles à prévoir :

En effet, la Grande-Bretagne ne peut pas contrôler l'immigration en provenance de l'UE et, par conséquent, afin de réduire l'immigration globale, l'accès des citoyens du Commonwealth sera limitée. La perception de ceux qui sont en faveur de la sortie, est que si la Grande-Bretagne devait quitter l'UE, cette situation serait inversée.

Dans quelle mesure cette affirmation est vraie pour les pays africains fait débat et est ouverte au débat, il faudrait examiner les chiffres existants, par exemple, du nombre d'Africains ayant réussi à obtenir le visa de deux ans Commonwealth Youth (Jeunesse du Commonwealth) ou Ancestry (ascendance) dans le passé et actuellement, comparé à celui des Canadiens, des Australiens voire des Sud-Africains blancs.

Écrivant sur le portail web du groupe de médias Financial Nigeria International, Martins Hile a examiné l'impact du Brexit sur ​​le Nigeria, le deuxième plus grand partenaire commercial de la Grande-Bretagne en Afrique après l'Afrique du Sud :

En tant que membre du Commonwealth britannique, le Nigeria a des liens étroits avec la Grande-Bretagne. Après l'Afrique du Sud, le Nigeria est le deuxième partenaire commercial de la Grande-Bretagne en Afrique, avec un volume de 6 milliards de livres sterlings (environ N2.4 milliards, soit 8,52 milliards de $) l'année dernière. En décembre 2014, le Département britannique pour le développement international avait un portefeuille de 40 projets au Nigeria avec un budget prévu de 232 millions de livres sterlings pour 2014/2015, qui comprennent des subventions aux organisations sans but lucratif, l'assistance technique et en partenariat avec d'autres agences de développement. Une économie plus faible et plus petite au Royaume-Uni aboutirait à une réduction de ses investissements dans des projets de développement au Nigeria, même si c'est de manière temporaire.

Il a averti que le Brexit pourrait avoir une forte influence sur les sentiments sécessionnistes au Nigeria :

Si la Grande-Bretagne, qui a construit l'ensemble nigérian commence à se replier sur elle-même, des agitateurs pour l'indépendance de certains groupes ethniques nigérians trouveraient ce mauvais exemple digne d'émulation. En dernière analyse, comme pour la Grande-Bretagne, les conséquences du Brexit sur le Nigeria seraient moins graves sur le plan économique mais pourraient avoir des implications politiques plus profondes.

Le premier Brexit a eu lieu… en 1947, et c'était en Inde

lundi 4 juillet 2016 à 10:12
The Hindustan Times, August 15, 1947 edition. Public domain.

The Hindustan Times,  numéro du15 août 1947. Domaine public.

Le 23 juin 2016, les électeurs du Royaume-Uni ont pris part à un référendum historique pour trancher s'ils voulaient rester ou non dans l'Union Européenne (UE). Après des mois de campagne longue et tumultueuse des camps du maintien (Remain) et de la sortie (Leave), le parti pour l'Indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Nigel Farage a prévalu : 52% des votants ont choisi de quitter l'UE.

La campagne Leave s'est surtout centrée sur les inquiétudes quant à l'immigration, plutôt que sur un programme, Farage propageant l'idée que l'afflux massif des réfugiés au Royaume-Uni grâce aux frontières ouvertes de l'UE allait produire un pic de criminalité et de terrorisme et l'abandon de l'identité nationale britannique.

Le Royaume-Uni est le premier Etat à avoir jamais quitté l'Union, et les répercussions de ce vote se sont fait sentir — au Royaume-Uni comme sur les marchés mondiaux — quasi instantanément. La livre est tombée à son plus bas en 31 ans, pendant que les investisseurs retirent leurs capitaux de Grande-Bretagne saisis de doutes sur son avenir financier.

Alors que le monde continue à s'interroger avec anxiété sur la signification du Brexit pour l'avenir de l'économie européenne, et sur la manière dont cette décision monumentale réorganisera les échanges pour le reste de la planète, beaucoup de pays ont réagi à la nouvelle du Brexit de manières remarquablement différentes. Malgré des craintes d'un référendum similaire pour l'indépendance de Delhi, les Indians ont été nombreux à trouver comique la nouvelle de la sortie britannique de l'UE, qui leur rappelle un Brexit du même genre, celui de 1947 dans leur pays.

Le Brexit d'origine

1948 :: Le Comte Mountbatten, dernier vice-roi, quitte l'Inde

Des Indiens ont trouvé la menace perçue par les Britanniques pour leur identité nationale et souveraineté furieusement hypocrite, à considérer tous les pays, dont l'Inde, sur lesquels la Grande-Bretagne a régné dans son histoire. Le Brexit India a nécessité deux siècles de révoltes et de manifestations ; le mouvement non-violent conduit par le Mahatma Gandhi a forcé les Britanniques à accorder l'indépendance à l'Inde en 1947 et à en partir peu après.

Les Indiens sont allés sur Twitter pour expliciter le paradoxe né du vote Brexit, et essayer de comprendre la fibre patriotique sur la sécurité de leurs frontières de la majorité des Britanniques qui ont voté “Leave”. Un utilisateur de Twitter a résumé la commotion qu'est pour l'Inde la simplicité du vote Brexit :

Pendant ce temps l'Inde est juste abasourdie que vous puissiez faire sortir la Grande-Bretagne par un vote

Rohan, un humoriste indien vivant à Mumbai, a mis en garde l'UE que la Grande-Bretagne était susceptible d'agir comme elle l'avait fait en quittant l'Inde : en emportant les richesses :

Chers amis de l'UE, si la Grande-Bretagne a de vos bijoux, c'est le moment de les récupérer

D'autres, comme Derek Simon, n'arrivaient pas à saisir en quoi les Britanniques pouvaient s'inquiéter de l'immigration alors que c'étaient d'habitude eux les immigrants :

Je ne peux pas penser au Brexit sans penser à ça. [Envahit 90 % du monde – Se plaint des immigrants]

Le journaliste Manu Joseph s'est contenté de résumer d'un tweet les sentiments de l'Inde sur le vote Brexit :

Le plus beau Brexit était en 1947

Sans surprise, c'est ce que ressentent aussi de nombreux Indiens, qui trouvent le vote de la Grande-Bretagne non seulement sans précédent, mais hypocrite au vu du passé d'oppression et de violence de ce pays.

Charu Sharma s'essaie à prédire l'impact qu'aura le Brexit sur l'Inde :

Le Royaume-Uni est la plus grande source de chiffre d'affaires pour les sociétés indiennes. Un maximum d'entreprises indiennes choisissent d'installer leurs bureaux pour l'Europe au Royaume-Uni, pour gagner à la flexibilité des conditions de travail dans le Royaume-Uni et profiter des avantages de rester en Europe. La disparition de cette porte d'entrée sera problématique pour les entreprises indiennes au Royaume-Uni, qui pourraient décider de relocaliser et de faire des investissements directs ailleurs.

Si la Grande-Bretagne commence à se préparer à la crise économique qui pourrait surgir dans le sillage du Brexit, l'Inde s'attend à ses propres ennuis. Malgré tout l'humour avec lequel les Indiens ont accueilli le vote, les informations se multiplient de retournements économiques dans la région en conséquence directe du Brexit et il est même question du Cachemire — le territoire âprement disputé entre l'Inde et le Pakistan par le passé — qui voudrait lancer son propre référendum d'indépendance d'avec ses deux pays tuteurs.

A première vue le Brexit peut paraître comique ou ironique, mais ses effets — autant en Inde que dans le reste du monde — sont susceptibles de refaçonner la géopolitique mondiale telle que nous la connaissons.

La guerre du ‘nettoyage des toilettes’ entre Kirghizistan et Kazakhstan n'en finit pas de rebondir

dimanche 3 juillet 2016 à 13:42
Most people can agree, there isn't anything wrong with cleaning one of these. Creative commons.

La plupart des gens admettent qu'il n'y a rien de mal ou de honteux à être payé pour nettoyer ceci. Sauf les ministres kazakhs, apparemment. Creative commons.

Tout a commencé par la remarque malséante d'un ministre avant d'emprunter la voie diplomatique, les proclamations sur vidéo et les décorations nationales. Et ça n'est pas encore fini.

Avant que Global Voices vous emmène dans les méandres d'un esclandre bilatéral entre deux deux pays-frères de l'Asie Centrale ex-soviétique, qui a débuté en mai et entre dans son troisième mois, comprenez bien une chose : malgré des cultures largement similaires, des histoires nationales et des relations mutuelles généralement coopératives, le Kazakhstan est le grand frère, et le Kirghizistan le petit frère.

Les deux frères ont le même âge — presque 25 ans — mais le Kazakhstan est immense, trois fois plus peuplé que le Kirghizistan  et riche en pétrole. Comme beaucoup de grands frères, il est aussi plus autoritaire et a un complexe de supériorité, tandis que le Kirghizistan, qui a connu deux révolutions en 14 ans, est plus démocratique et querelleur. Et veut toujours avoir le dernier mot.

Voilà comment s'est déroulée la dernière en date de leurs disputes.

1. Le ministre de la culture du Kazakhstan déclare que c'est mal pour les filles kirghizes d'avoir à nettoyer les toilettes à Moscou pour gagner de l'argent.

Dans un discours lors d'un événement public au Kazakhstan le 24 mai, et citant Tchinguiz Aïtmatov — le célèbre écrivain kirghize — le ministre kazakh des sports et de la culture Aristanbek Mukhamediuly a saisi l'occasion pour rappeler aux Kazakhs que tout n'est pas pour le mieux chez leur voisin plus pauvre et plus démocratique.

Voici ses paroles, rapportées par RFE/RL :

Aïtmatov voulait empêcher son peuple d'agir […] inconsidérément. Et de fait il a prévu ces événements négatifs que nous avons observés au Kirghizistan. Quand je vais à Moscou, il m'est pénible de voir que des jeunes filles kirghizes doivent y nettoyer les toilettes publiques. Comme il n'y a pas de travail, pas de perspectives dans leur pays, les Kirghizes sont obligés de partir.

Ses propos ont été vigoureusement contestés sur les médias sociaux kirghizes. L'historienne kirghize Ainura Arzymaytova a rétorqué :

Je suppose que l'allusion de ce responsable kazakh à ses concitoyens était… ‘Voyez ce qui est arrivé aux Kirghizes après leurs révolutions […] C'était une sorte de manoeuvre pour distraire les Kazakhs de leurs problèmes en leur donnant en pâture les nôtres à discuter.

Et les problèmes, ce n'est pas ce qui manque en ce moment au Kazakhstan. Après une décennie de croissance économique ininterrompue, la chute mondiale des prix du pétrole secoue ce pays de 18 millions d'habitant et excite une humeur contestataire qui a culminé avec les projets du gouvernement d'étendre les locations de terres aux étrangers.

Ces derniers mois, alors que fleurissait le mécontentement social, les médias pro-gouvernement du Kazakhstan ont utilisé l'histoire sanglante récente du Kirghizistan — plus de 500 morts dans les soulèvements du pays en 2010 — pour dissuader les rassemblements politiques.

Women in Kazakhstan. Wikipedia image.

Femmes au Kazakhstan. Photo Wikipedia.

2. Le Kirghizistan en fait un incident diplomatique.

Le lendemain, le ministre kirghize des affaires étrangères convoquait l'ambassadeur du Kazakhstan pour des explications sur ces propos, notant avec irritation, selon Reuters, que ces remarques étaient dans le ton du traitement négatif reçu par le Kirghizistan dans les médias kazakhs dans les derniers temps. Et vlan !

3. Les femmes kirghizes qui nettoient les toilettes à Moscou disent son fait au ministre kazakh.

 

La première femme de la vidéo dit :

Oui, nous nettoyons peut-être les toilettes, mais c'est un travail honnête. Nous ne vendons pas notre corps. Nous ne faisons que nourrir nos familles et nous contribuons grandement à l'économie du Kirghizistan [par l'argent que nous envoyons]. Je tiens à dire au ministre kazakh que je ne suis pas d'accord avec ce qu'il a dit. C'est faux. Nous ne sommes pas là pour la bonne vie, mais parce que nous devons nous nourrir d'une façon ou d'une autre. En fait il y a aussi des Kazakhes parmi nous et elles nettoient aussi des toilettes. Il n'y a pas de quoi avoir honte. Nous nettoyons les toilettes et les bureaux. Depuis dix ans que je suis [à Moscou] nous avons scolarisé deux de nos filles et avec l'aide de Dieu nous pourrons refaire et moderniser notre maison. Nous nettoyons les toilettes ici mais quand nous rentrons chez nous nous sommes respectées.

4. Le ministère des sports et de la culture présente des excuses et dit que les propos du ministre ont été sortis de leur contexte.

Mais bien sûr

A family in Kyrgyzstan. Wikipedia image.

Une famille au Kirghizistan. Photo Wikipedia.

5. Le ministre des Affaires étrangères du Kazakhstan s'en mêle, parce que ça commence à déraper.

Alors que les nerfs étaient toujours à vif au Kirghizistan, le ministre kazakh des Affaires étrangères Erlan Idrissov déclare près d'un mois plus tard, le 20 juin :

То, что мы видели в блогосфере, это в основном эмоциональные всплески отдельных кыргызских граждан. Ни в коем случае наш министр не намеревался, не хотел, да и не мог никак умалить самый близкий нам народ Центральной Азии.

Ce que nous avons vu dans la blogosphère est en fait une flambée émotionnelle de certains citoyens kirghizes. Notre ministre n'a en aucun cas entendu, ni voulu, ni ne pourrait amoindrir notre plus proche voisin d'Asie Centrale

Incident clos, non ? Eh bien, non !

6. Le président du Kirghizistan décore les nettoyeuses kirghizes de toilettes qui ont dit leur fait au ministre kazakh !

Le Président Almazbek Atambayev, qui semble goûter la bagarre verbale dans les échanges diplomatiques, les a récompensées de leur “civisme actif”.

Kyrgyz President Almazbek Atambayev. Russian presidential press service. Available for reuse.

Le président kirghize Almazbek Atambayev. Service de presse de la présidence russe. Reproduction libre.

7. Le président du Kirghizistan ne lâche toujours pas prise.

Dans son discours du 1er juillet lors d'une cérémonie où il remettait des “diplômes d'or” à des collégiens méritants, M. Atambayev a paru réserver une nouvelle pointe voilée au ministre kazakh de la culture :

Ни в какой работе нет ничего зазорного. Лучше быть уборщицей или дворником, чем вором-министром, который ставит себя выше других. Никогда не стесняйтесь ни одной работы. Любая работа — большая честь.

Dans aucun travail il n'y a la moindre honte. Mieux vaut être femme de ménage ou concierge que ministre-voleur se croyant supérieur aux autres. Ne reculez devant aucun travail. Tout travail est un grand honneur.

8. La balle est dans le camp du Kazakhstan.

Terminé ? Enfin ?

Le Facebooker kazakh Rinat Balgybayev estime que la querelle bouge encore :

Теперь кто-то из наших должен ответить президенту Кыргызстана что быть министром-вором вообще не зазорно

Il faut maintenant qu'un des noôtres réponde au président du Kirghizistan qu'il n'y a pas de honte non plus à être ministre-voleur…

A Taïwan, la première grève du secteur aérien pourrait inciter d'autres travailleurs à défendre leurs droits

samedi 2 juillet 2016 à 20:26
China Airline strike

Grève des personnels navigants commerciaux de la compagnie China Airlines à Taipei le 24 juin. Crédit photo : Brian Hioe. Reproduction de Global Voices autorisée.

Le 24 juin, Taïwan a connu pour la première fois de son histoire une grève dans le secteur aérien. Des milliers d'hôtesses et stewards de China Airlines (CAL) [fr] opposés à un changement de leurs conditions de travail se sont dans un premier temps rassemblés devant le siège de la succursale de Taipei. La grève s'est ensuite étendue de manière spectaculaire à l'occupation de Nanjin East Road dans le centre-ville [où se trouve le siège de la compagnie]. Le mouvement social a provoqué l'annulation de 122 vols vendredi 24 et samedi 25 juin ; près de 10.000 passagers ont été affectés.

La grève a pris fin le même jour lorsque les personnels navigants de China Airlines ont obtenu d'importantes concessions de la compagnie. Et leur succès n'est pas passé inaperçu auprès des travailleurs taïwanais d'autres secteurs.

L'élément déclencheur de la grève a été la décision unilatérale de la direction de China Airlines de modifier le lieu où les hôtesses et stewards doivent s'enregistrer sans en avoir discuté au préalable avec eux. Cela a des répercussions sur le calcul de leurs heures de travail, réduit le temps pour se présenter à leur poste avant le décollage de 140 à 90 minutes et leur temps de récupération après le vol de 60 minutes à 30 minutes seulement.

En diminuant les horaires de travail, la compagnie peut caser davantage de vols dans l'emploi du temps des personnels navigants sans leur donner droit à un temps de récupération normal entre les vols. Autrement dit, la changement prive les salariés d'une partie de leur temps de récupération. Par ailleurs, un nouveau contrat que l'entreprise les a récemment contraints de signer fait passer leur temps de travail de 174 à 220 heures par mois.

Les tensions entre les personnels navigants et l'entreprise taïwanaise majoritairement publique se sont accrues au fil des ans. China Airlines a été critiquée pour ses heures de travail à rallonge et les faibles rémunérations de celles et ceux qui travaillent les vacances et jours fériés.

Des manifestations de moindre ampleur se sont déroulées ces deux dernières années. En septembre 2014, des hôtesses de l'air et stewards ont protesté contre l'augmentation des vols de nuit et la réduction des personnels navigants sur les vols. En réaction, la direction de la compagnie a émis un avertissement à leur encontre pour avoir protesté et leur a suggéré d'évoquer le sujet lors de négociations plutôt que par la contestation.

En janvier 2015, les employés de China Airlines ont de nouveau exprimé leurs revendications concernant les salaires et les bonus. La direction n'a pas répondu à leur attente, mais les a pénalisés en transférant leur travail au service client et en les obligeant à suivre une formation de reclassement.

Suite à une manifestation très suivie d'employés de la compagnie fin mai, les dirigeants ont licencié deux membres du syndicat des techniciens. Dans le même temps, le syndicat des personnels navigants commerciaux s'est prononcé en faveur d'un mouvement social qui pourrait forcer la direction à les prendre au sérieux. Cette fois-ci, 2.535 des 2.638 membres du syndicat ont voté pour la grève.

Après cinq heures de négociations, la compagnie a accepté sous la pression du gouvernement de revenir à l'ancien système de calcul du temps de travail, de mener une concertation avec les représentants syndicaux concernant les futurs changements de politique interne, de garantir des congés suffisants, et d'augmenter les indemnités journalières des personnels navigants sur le lieu de destination. La grève s'est achevée le 24 juin tard dans la soirée.

L'un des manifestants a déclaré sur Facebook que :

今天華航員工被資方壓榨,其實只是全台灣勞工的縮影
台灣的經濟成長率幾乎年年為正,請問你的薪水有漲嗎?[…]
就算企業賺錢,打工仔還是領最低薪資、老闆還是給你差不多的薪水,剩下的錢通通進到他們口袋
社會資源都大集團壟斷、勞資越來越不平衡,也難怪年輕人看不到未來,怎麼拼都還是條魯蛇
所以,就讓我們開革命的第一槍吧!

Aujourd'hui, le personnel de China Airlines est exploité par les dirigeants, et c'est seulement un exemple parmi tant d'autres auxquels les travailleurs sont confrontés au quotidien à Taïwan. La croissance du PIB est dans le vert presque tous les ans à Taïwan, mais votre salaire a-t-il augmenté ? […]

Même quand les entreprises gagnent beaucoup d'argent, les employés payés à l'heure gagnent seulement le salaire minimum, et le patron vous verse pratiquement le même salaire [que les salariés payés à l'heure]. Et il empoche le reste.

Les ressources sociales sont monopolisées par les grandes entreprises, et les relations entre les travailleurs et la hiérarchie sont de plus en plus asymétriques. Pas étonnant que les jeunes ne puissent pas se projeter dans le futur, ils sont condamnés à être des perdants quelle que soit la quantité de travail qu'ils fournissent.

Alors tirons le premier coup de feu de cette révolution.

« Personne ne devrait trimer comme un esclave quel que soit son métier »

Les mesures mises en place par la direction de China Airlines à l'origine du mouvement social ne sont pas un cas isolé. Le milieu entrepreneurial taïwanais a récemment fait du lobbying auprès des législateurs dans le but d'introduire de nouveaux amendements à la loi sur les normes au travail, ce qui empêcherait le gouvernement d'assurer la protection des travailleurs concernant leurs heures de travail et permettrait aux entreprises d'augmenter le volume horaire des travailleurs autant qu'elles le veulent.

Lors d'une audition publique portant sur le temps de travail dans le Yuan législatif [Parlement taïwanais] le 21 juin, le directeur exécutif de la Chambre générale de commerce, une organisation qui défend les intérêts des entreprises, a proposé d'étendre à 60 heures par mois la limite supérieure des heures supplémentaires car « c'est bon pour la santé et les revenus des travailleurs. »

Si le monde des affaires continue de plaider pour une augmentation du nombre d'heures travaillées, il ne serait pas surprenant qu'il rencontre de plus en plus d'opposition de la part des employés, surtout dans la foulée du succès des hôtesses et stewards de China Airlines. De fait, la grève dans le secteur aérien a incité des travailleurs d'autres corps de métier à mener une réflexion sur leurs droits au travail et à envisager une future action collective afin d'améliorer leurs conditions de travail.

Le comité préparatoire du syndicat hospitalier de la ville de Taipei a indiqué sur sa page Facebook :

空服員在刻板印象總是年輕、漂亮、語言能力佳等小資階級特質[…] 但願這非單一階級的勝利,而能將這勝利延伸到更多其他不美、不年輕、不優勢的階級群眾。

Les hôtesses de l'air et les stewards sont toujours perçus comme étant jeunes, beaux, s'exprimant bien, etc, ces aspects « petit-bourgeois ». […] Aujourd'hui, les personnels navigants de China Airlines ont écrit une nouvelle page dans l'histoire des mouvements sociaux à Taïwan. J'espère que ce succès ne se limitera pas à cette catégorie de travailleurs, et qu'il pourra être étendu à d'autres catégories moins belles, moins jeunes et moins privilégiées.

Les personnels de santé taïwanais se plaignent de leurs conditions de travail depuis des années, mais connaissent des difficultés particulières pour faire grève. Dans la loi, la direction doit approuver la grève ; toute autre action serait considérée comme illégale. La loi vise à protéger les patients, mais de plus en plus de travailleurs du secteur de la santé affirment que leurs droits rejoignent l'intérêt des malades :

看到有人提出如果護理師罷工,病人死掉誰來負責的說法
我想問的是,那如果醫護人員超時工作過度疲勞造成給藥錯誤開錯刀醫錯病,為什麼這種情況造成病人死亡時就要醫護人員買單!?我們有準時下班的選項嗎?沒有!那為什麼我們活該被告!?
沒有什麼職業天生應該被當奴才一樣的存在,沒有什麼職業應該要燒光自己只為點亮別人,不要再說醫護本來就是高道德標準的工作

J'ai entendu des gens demander qui devrait être tenu pour responsable si des patients meurent lorsque les infirmières sont en grève.
Ce que j'aimerais savoir, c'est pourquoi les personnels de santé devraient assumer la responsabilité des erreurs qu'ils commettent quand ils sont trop fatigués à cause des horaires à rallonge. Avons-nous la possibilité de quitter notre travail à l'heure ? Non ! Alors pourquoi devrions-nous être attaqués en justice pour ce genre d'erreurs !?

Personne ne devrait trimer comme un esclave quel que soit son métier. Personne ne devrait rendre les autres joyeux tout en en se consumant soi-même quel que soit son métier. Par pitié, ne dites pas que les personnels de santé devraient avoir des exigences morales plus élevées.

La grève des hôtesses de l'air et stewards représente en quelque sorte un avertissement pour les travailleurs taïwanais dans d'autres secteurs qui pourraient être concernés par la proposition de révision de la loi sur les normes au travail. Les parlementaires qui avaient approuvé la révision sont maintenant sous pression après ce qui s'est passé avec la grève. Le 27 juin, le milieu des affaires, sentant que ses intérêts étaient menacés par le succès de l'action syndicale menée par les employés de China Airlines, a décidé de suspendre toute négociation avec le gouvernement et les travailleurs en ce qui concerne de futurs textes de loi portant sur les jours fériés et le temps de travail.