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A l'approche des élections en Turquie, Erdogan s'enfonce dans le déni

lundi 24 mars 2014 à 20:49
Protest in Istanbul, June 2013. Photo by Eser Karadag via Flickr (CC BY-SA 2.0)

Manifestation à Istanbul, juin 2013. Photo de Eser Karadag sur Flickr (CC BY-SA 2.0)

[Sauf indication contraire les liens dirigent vers des pages en anglais.]

Berkin Elvan est mort après 269 jours de coma. C'est une bombe lacrymogène tirée par la police anti-émeute turque qui l'a tué. Il avait 15 ans, un enfant. Mais pour le Premier Ministre Erdogan, ce garçon était un terroriste. Le traiter de terroriste est facile, c'est une façon d'éviter des condoléances ou des excuses pour un crime commis par la police, sur son ordre. Peut-être que dans le “monde parallèle ” d'Eerdogan, Berkin Elvan était un terroriste. Mais pour les autres c'était un enfant. Pour sa famille, ses amis, et les centaines de milliers de Turcs qui ont manifesté calmement le jour de l'enterrement du jeune Berkin il restera l'enfant parti acheter du pain et non un terroriste.

Le parc

Quand le Premier Ministre a ordonné la démolition d'un parc du centre d'Istanbul, il y a un peu moins d'un an, il ne savait pas ce qui allait se passer. Quand des manifestations d'ampleur nationale ont eu lieu, il les a traitées de complot (orchestré par un “groupe d'intérêts”) visant à le renverser et à discréditer le parti au pouvoir. Il en a rapidement rejeté la responsabilité sur des facteurs “extérieurs” et traité les manifestants de tous les noms. Tout le monde, partout, en portait la responsabilité sauf le Premier Ministre lui-même. Sa réaction, et sa rhétorique de division, ont stigmatisé le pays.

Erdogan n'a pas vu dans les manifestations contre le parc Gezi autre chose qu'une poignée de gens en colère contre la suppression de quelques arbres. Il n'a pas compris la signification profonde de ces manifestations – une accumulation de reproches contre son gouvernement. Tous ceux qui sont descendus dans la rue l'été dernier n'étaient que des hooligans, de la racaille, ou des casseurs, qui voulaient détruire ce que son gouvernement avait construit au cours des 11 dernières années.

Plus de 8000 personnes ont été blessées, 5300 arrêtées et 11 tuées l'été dernier. L'usage excessif de la force par la police anti-émeutes turque, la fumée pénétrante des lacrymogènes (et les bombes elles-mêmes), et les impacts douloureux des balles en caoutchouc, se sont traduits pour 14 personnes par la perte de leurs yeux.

L'hiver arrive

L'un des slogans les plus populaires utilisé pendant les manifestations de l'été était “Tayyip, l'hiver arrive” pour citer la série TV populaire “the Game of Thrones”. Parmi ceux qui avaient lancé le slogan, peu se doutaient que l'hiver arrivait vraiment et devait poser de sérieux problèmes au gouvernement en place. Depuis décembre 2013,  le Parti de la Justice et du Développement au pouvoir est embourbé dans un scandale de corruption. Les fils de trois chefs de cabinets ministériels, un magnat du bâtiment et un maire du parti AKP, impliqués dans des affaires, ont été arrêtés à Istanbul et à Ankara. Plusieurs conversations téléphoniques, dont des conversations entre le Premier Ministre et son fils [turc] — concernant un retrait d'un milliard de dollars déposés en espèces dans la maison familiale — ont été révélées et largement diffusées (le premier Ministre et son fils prétendent que ce sont de faux enregistrements et qu'il s'agit d'une nouvelle tentative du “monde parallèle” pour discréditer l'honnête parti AKP). D'autres enregistrements ont été révélés dont un appel d'Erdogan à une chaîne d'information locale HaberTurk  pour lui demander de censurer un leader de l'opposition et un reportage critique sur la réforme du système de santé — le journaliste et le rédacteur en chef de ce reportage ont rapidement été licenciés. Selon Erdogan ceci est normal- “nous devons dire [aux médias] ce qu'ils doivent faire,” dit-il lors d'une conférence de presse.

Tear gas shells in Turkey, May 2013. Photo by Birhanb via Wikimedia Commons (CC BY 3.0)

Grenades de gaz en Turquie, Mai 2013. Photo de Birhanb sur Wikimedia Commons (CC BY 3.0)

Dans une autre conversation téléphonique, le Premier Ministre demande à son Ministre de la Justice de s'occuper d'un procès contre Aydin Dogan, directeur de médias, pour évasion fiscale. Le Ministre lui répond qu'il n'allait pas lui être possible d'intervenir sur le jugement, étant donné les références du juge qui présidait le tribunal qui est de la communauté Alevi (minorité religieuse de Turquie souvent en désaccord avec le parti au pouvoir). Reconnaissant l'existence de cette conversation téléphonique, Erdogan a dit que sa demande était naturelle. “Tout pour le pays et la nation,” a-t-il ajouté.

Après ces affirmations, il n'est pas surprenant de constater une nouvelle mesure pour réprimer la liberté d'expression de la part d'Erdogan, qui a fermé Twitter le 20 mars. “Nous allons le supprimer” s'est écrié Erdogan lors d'une réunion électorale à Bursa. Douze heures plus tard, aux environs de minuit, les internautes n'avaient plus accès à Twitter. Le gouvernement a tenu ses récentes promesses de bloquer l'accès aux principaux médias sociaux en cas de nécessité. Alors qu'il est assez facile de faire pression sur ceux qui l'entourent comme les ministres ou les directeurs de chaînes d'information par un simple coup de téléphone, traiter avec des plateformes internationales telles que Twitter n'est pas si simple. Ainsi pour éradiquer cette “menace pour la société”, surnom donné aux réseaux sociaux par Erdogan pendant les manifestations de l'été, il aura fallu quatre décisions de justice pour obliger tous les fournisseurs d'accès internet, dont l'opérateur GSM, à appliquer l'interdiction. En fermant Twitter, Eerdogan a ajouté qu'il n'attachait aucune importance à ce que pouvait penser la communauté internationale.

Et Erdogan ne s'est pas excusé quand Berkin Elvan, le jeune de 15 ans, est mort. Le jour de l'enterrement, la police est à nouveau intervenue violemment contre les manifestants. Dans 15 villes des manifestants se sont soulevés contre la police. Le Premier Ministre a choisi de se taire le jour de l'enterrement alors que le Président Gul et d'autres responsables politiques ont tout de suite exprimé leur sympathie à la famille Elvan. L'ancien Ministre des Affaires Européennes, Egemen Bagis, a traité les manifestants de “nécrophiles” dans un tweet rapidement effacé après sa parution.

Erdogan n'a rompu son silence sur le décès du jeune homme que lors d'une réunion électorale à Gaziantep, où le Premier Ministre l'a traité de terroriste au lieu d'exprimer ses condoléances.  Il a aussi fait huer la mère du garçon, Gulsum Elvan,  par la foule quand elle a dit “L'assassin de mon fils est le premier ministre!” Avoir avec soi un lance-pierre et des “billes” est considéré comme porter une arme et signifie que Berkin appartenait à un groupe terroriste.

Le groupe Taksim Solidarity — organisateur des manifestations du Parc Gezi — cherche à obtenir justice pour la mort d'Elvan et a lancé une campagne de financement en ligne pour payer une pleine page nécrologique dans le New York Times.

Les droits fondamentaux en jeu

Il y a plus de journalistes en prison en Turquie qu'en Chine. Avec les manifestations de l'année passée, l'arrestation de manifestants a battu tous les records du pays. Les deux lois contestées récemment votées au Parlement — sur le Conseil Supérieur des Juges et des Procureurs et sur la réglementation d'Internet — sont la preuve du tour de vis du gouvernement sur les activités judiciaires et sur internet. Et la préoccupation est grandissante sur le contrôle d'internet et l'impact potentiel que cela aurait sur la liberté d'expression en Turquie, déjà très fragilisée.

Quand Berkin Elvan est sorti de chez ses parents le 13 juin, il ne se battait pas pour la liberté d'expression. Mais neuf mois plus tard, quand il a perdu la vie, le gens qui accompagnaient sa famille dans son deuil, et qui défilaient dans la rue et étaient confrontés la résistance de la police, combattaient pour leur droit à se réunir et à s'exprimer. Des élections nationales vont avoir lieu en Turquie le 30 mars. D'une certaine manière, pendant qu'il laisse les personnes en deuil suffoquer sous les gaz lacrymogènes et qu'il reste insensible à leurs revendications, Tayyip Erdogan en appelle à des élections démocratiques dans un Etat démocratique. Cependant la Turquie est loin d'être la terre promise d'une démocratie libérale.

Le supposé “Plan d'annexion de l'Ukraine” de Poutine publié sur Internet

lundi 24 mars 2014 à 20:37
Putin "eyes" Ukraine? Images mixed by author.

Poutine “lorgne” l'Ukraine ? Montage photographique de l'auteur.

Katya Gortchinskaya, rédactrice en chef adjointe du journal KyivPost, a publié sur Facebook des photographies (voir ci-dessous) d'une note que les journalistes appellent le “plan d'annexion de l'Ukraine” de Poutine. Le document fuité n'est pas daté—et bien entendu, rien ne permet d'en identifier la source ni même le destinataire—mais le texte laisse deviner qu'il a été rédigé vers la fin de décembre 2013. Intitulé “De la crise en Ukraine,” le document esquisse un plan en six points pour déployer les troupes russes dans toute “l'Ukraine russe” (y compris la capitale du pays, Kiev) afin de mettre fin aux “fascistes-bandérovistes et autres éléments extrémistes.” Le plan prévoyait que le (maintenant ex-) Président Victor Ianoukovitch demande l'intervention de la Russie en guise de prétexte juridique pour les forces de maintien de la paix russes. En mars 2014, l'ambassadeur de la Russie à l'ONU a révélé que Ianoukovitch avait finalement lancé cet appel à Moscou. Mais à ce moment, il avait déjà été renversé.

Quelques extraits du document posté par Mme Gortchinskaya.

[...] только полное вхождение территорий российских областей Украины, а именно Крыма, Луганской, Донецкой, Запорожской, Днепропетровской, Черниговской, Сумской, Харьковской, Киевской, Херсонской, Николаевской, Одесской областей в РФ может гарантировать мир, безопасность и процветание их населению, а также надежную защиту интересов России.

[...] seule l'entrée complète des territoires des régions russes de l'Ukraine, c'est-à-dire de la Crimée, Lougansk, Donetsk, Zaporoje, Dniepropetrovsk, Tchernigov, Soumi, Kharkov, Kiev, Kherson, Nikolaev et Odessa, dans la Fédération de Russie peut garantir la paix, la sécurité et la prospérité de leur population, ainsi que la protection fiable des intérêts russes.

Обеспечить реализацию этой задачи можно лишь установив контроль над матерью городов русских, столицей Украины, городом- героем Киевом. Анализ событий 1994 (предательство Л.Кучмы), 2004 (т.н. Оранжевая революция) и 2013 (бунт молодчиков в г.Киеве, свидетельствует, что надежные гарантии такого контроля можно получить только путем использования Вооруженных сил , правоохранительных органов и спецслужб РФ.

Assurer la réalisation de cette tâche ne se peut qu'en établissant le contrôle sur la mère des villes de Russie, la capitale de l'Ukraine, la ville-héros Kiev. L'analyse des événements de 1994 (la trahison de Léonid Koutchma), 2004 (la soi-disant révolution Orange), et 2013 (les émeutes de voyous à Kiev) atteste que des garanties sûres d'un tel contrôle ne peuvent être obtenues qu'au moyen du déploiement de forces armées, des organes de maintien de l'ordre et des services de renseignements de la Fédération de Russie.

Необходимо обеспечить нейтрализацию наиболее видных представителей бандеровской оппозиции; весь мир, в том числе и Киев, должны увидеть истинное лицо украинского фашизма. Для этого следует обеспечить сбор и документирование фактов зверств и бесчинств молодчиков и партии “Свобода”, а также экстремистской группы “Правый сектор”.

Il est nécessaire d'effectuer la neutralisation des représentants les plus en vue de l'opposition bandériste ; le monde entier, y compris Kiev, doit voir le véritable visage du fascisme ukrainien. Pour cela, il convient d'effectuer la collecte et la documentation des excès et atrocités commises par les émeutiers et le parti Svoboda, ainsi que par le mouvement extrémiste Secteur de Droite.

Page 1 of Putin's so-called "plan" to annex Eastern Ukraine.

Page 1 du “plan” de Poutine pour annexer l'Ukraine orientale.

Page 2.

Page 2.

Page 3.

Page 3.

Les pénuries d'eau en Malaisie sont des catastrophes d'origine naturelle et humaine

lundi 24 mars 2014 à 19:51

Des pénuries d'eau ont été signalées en Malaisie à Selangor, Johor, Negri Sembilan et à Kedah. Le Sin Chew Daily décrit la cause du problème :

 [...] La sécheresse et les pénuries d'eau sur la péninsule sont des catastrophes d'origine à la fois humaine et naturelle. Il est incontestable que le gouvernement et la population en partagent la responsabilité.

Le développement poursuivi à l'excès tout en ignorant la protection de l'environnement a mené à de telles catastrophes d'origine humaine et a dévoilé les faiblesses d'un mauvais système de gestion des ressources. Une gestion appropriée permettrait de réduire les inondations et d'éviter les pénuries d'eau. 

Erdogan veut ‘éradiquer’ Twitter en Turquie

lundi 24 mars 2014 à 15:39

La Turquie a coupé Twitter, ainsi que le service DNS public de Google [explication en français ici], destiné à contourner le blocage. L'initiative du gouvernement turc pour censurer les voix dissidentes semble avoir été contre-productive, puisque les tweets affluent de plus belle de Turquie.

L'interdiction de Twitter, qui affecterait quelque 10 millions d'usagers en Turquie, a fait suite à la publication de documents qui exposeraient la corruption dans le premier cercle du Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan.

La presse indique que M. Erdogan a promis d’ “éradiquer Twitter” ajoutant qu'il ne se souciait pas de ce que disait la communauté internationale.

Juan Cole trouve ”maladroite” la tentative d'Erdogan de bloquer le service de micro-blog :

La tentative maladroite d'Erdogan de censure internet a immédiatement été un échec total. La jeunesse turque n(ignore rien de l'usage de Tor et des VPN de contournement, et la twittersphère a été reconstituée à une telle vitesse qu'elle a sans doute donné le vertige à Erdogan.

Erik Meyersson ajoute :

Les twittos de Turquie ont découvert le projet Tor l'an dernier, pas étonnant que les gens continuent à tweeter malgré le blocage de Twitter en Turquie.

La chercheuse turque Zeynep Tufekci est tout sourire que les utilisateurs turcs de Twitter continuent à faire entendre leurs voix malgré l'interdiction :

:-) “malgré” = “à cause de” RT @mashable : Ouah, 1,2 million de tweets envoyés en Turquie, malgré l'interdiction

Elle va plus loin :

Un blocage de DNS, suivi par un blocage incomplet d'IPS, ensuite quoi encore. La Turquie avance dans la compétence high-tech. Prochaine étape, les grand-mères sur Tor.

En Turquie, Engin Onder décrit comment les utilisateurs de turcs de Twitter se passent le mot pour contourner le blocage :

Twitter bloqué en Turquie ce soir. Les mecs peignent les numéros de dns google sur les affiches du parti au pouvoir.

Le manifeste de la contestation taïwanaise traduit à l'attention du monde

lundi 24 mars 2014 à 13:51
Against Black-box Cross-Strait Trade Agreement. Protest icon from CSSTAtranslategroup.

Contre l”accord commercial dans une boîte noire. Source image : groupe Facebook CSSTAtranslategroup.

Les contestataires de Taïwan sont entrés dans l'histoire le 18 mars en occupant [anglais] le siège du Yan Législatif (le Parlement taïwanais) en signe de protestation contre l'Accord inter-détroit sur le commerce des services, (CSSTA). Le parti au pouvoir a approuvé cet accord controversé sans l'avoir examiné clause par clause, comme il l'avait promis. 

Le soutien aux manifestants [anglais] a afflué de mouvements variés. Les manifestants ont reçu le soutien de divers groupes.  Des centaines de traducteurs s'organisent sur le groupe Facebook  #CSSTAtranslategroup pour traduire des récits de l'affaire. Le groupe décrit ainsi ses objectifs :

1. Objectif à court terme : distribuer le communiqué de presse, qui a été traduit en plusieurs langues, à des médias internationaux et des services gouvernementaux ;

2. Objectif à moyen terme : surveiller de près la prochaine manoeuvre des gouvernements chinois et taïwanais et traduire les informations à venir en anglais et en d'autres langues.

Les articles traduits seront publiés sur le blog ‘Taïwan, pas à vendre’. Le texte intégral du communiqué de presse est maintenant disponible en chinois, anglais et allemand. Il y a aussi une version danoise en résumé.

Pour attirer l'attention du monde sur la protestation, l'activiste étudiant Yeh Marion Tyng a traduit le message suivant en 31 langues différentes sur son profil Facebook :

Des citoyens de Taïwan occupent maintenant le Yuan(l'Assemblée législative), pour s'opposer à l'approbation injuste de l'accord sur l'échange des services avec la Chine continentale. Les policiers se rassemblent à l'extérieur du bâtiment et se préparent à disperser les manifestants.

Ce moment est crucial pour l'avenir de Taïwan et pour sa démocratie, nous avons besoin de l'attention du monde. S'il vous plaît, partagez l'information avec tous ceux que vous connaissez et traduisez-la en d'autres langues. (SVP, postez la traduction dans le commentaire de ce post, je vais l'ajouter). Dieu bénisse Taïwan.

Son post a reçu plus de 9 000 ‘likes’ et il a été partagé plus de 15 000 fois.