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Langues : Santé sans frontières

samedi 13 octobre 2012 à 20:54

“Imaginez que toute information sur la santé ne soit disponible qu'en néérlandais ! ” s'exclame Lori Thicke, co-fondatrice de Traducteurs sans frontières. C'est loin d'être un scénario de science fiction, puisque c'est la situation à laquelle sont confrontées des millions de personnes à travers le monde. C'est une réalité qui affecte particulièrement les populations parlant des langues indigènes ou minoritaires.
De l'Inde au Kenya, les communautés rurales sont ravagées par des maladies qui pourraient être évitées, comme le SIDA, la malaria, ou le choléra. L'absence, ou le manque d'information disponible dans un langage compris de ces populations, ne fait qu'aggraver cette situation. Une récente étude menée par Common Sense Advisory auprès de traducteurs en Afrique a révélé (pdf) que 63 % d'entre eux pensent que l'accès à ces informations traduites aurait pu sauver la vie d'un ami ou d'un parent.
Lori Thicke est une militante infatigable de la défense des langues, particulièrement lorsqu'il s'agit de santé. Elle raconte pour Rising Voices son engagement en faveur d'un meilleur partage de l'information grâce à la traduction, et comment l'association diffuse des contenus numériques, afin qu'ils parviennent jusqu'à ceux qui en ont besoin. Parmi leurs initiatives, beaucoup consistent en la création et le partage de médias citoyens dédiés à la santé, par des experts mais aussi par des citoyens ordinaires.

Combattre la discrimination de la langue

En 1993, Médecins sans Frontières entre en contact avec l'entreprise de Lori Thicke, Lexcelera, pour un projet de traduction. Elle pense alors que faire don de ces traductions permettrait de préserver les fonds de l'aide humanitaire. C'est ainsi que Traducteurs sans Frontières (TSF) est né.
L'organisation à but non lucratif basée aux Etats-Unis, Translators Without Borders, est née de son prédécesseur français au lendemain du tremblement de terre en Haïti en 2010, d'un fort besoin de traductions à but humanitaire. Aujourd'hui, l'organisation lutte contre la barrière des langues, afin de rendre l'information plus disponible aux citoyens qui ne parlent pas forcément couramment la langue “officielle” de leur pays.

Sous-titrer des vidéos pour sauver des vies

L'un des projets de Translators Without Borders, en Inde, consiste à sous-titrer des vidéos traitant de sujets liés à la santé, afin d'en accroître la portée. Lori Thicke décrit ce projet dans une interview par e-mail :

Notre projet le plus marquant avec ces vidéos traitant de santé, est celui que nous menons avec le Mother and Child Health and Education Trust (Association pour l'éducation et la santé mère et enfant) en Inde. Leur projet HealthPhone, a été créé et financé par Nand Wadhwani, qui produit des vidéos sur le thème de la santé, qui sont pré-chargées sur des téléphones portables à travers l'Inde. Les vidéos portent sur des problèmes de santé importants et qui peuvent sauver des vies, tels que l'allaitement maternel, la malnutrition, les soins du nouveau-né et du nourrisson…

Les vidéos ont déjà été sous-titrées en une douzaine de langues indiques, mais ils sont toujours à la recherche de traducteurs vers les langues suivantes : Hindi, Assamais, Bengali, Gujarati, Kannada, Konkani, Malayalam, Marathi, Oriya, Panjābī, Rājasthānī, Sanskrit, Tamil, Télougou et Ourdou. Les vidéos sont disponibles sur dotSUB, une plate-forme de sous-titrage vidéo qui permet de traduire dans n'importe quelle langue.

La santé dans votre langue sur votre téléphone portable

La disponibilité et l'importance du téléphone mobile n'a pas échappé à l'équipe de TWB. Ils profitent du fait que de plus en plus de Kenyans aient accès à un téléphone mobile, et s'en servent pour accéder et créer des informations importantes pour leur santé. Lori Thicke explique :

Nous traduisons aussi l'information médicale disponible sur les téléphones portables. L'un des projets sur lequel nous travaillons pour une association à but non lucratif basée au Kenya, permet aux populations des campagnes d'accéder à des informations sur la santé en swahili, sur leur téléphone portable.
Pour un autre projet, nous traduisons une application mobile qui forme le personnel médical en Afrique de l'Est, qui comportera également une communauté en réseau leur permettant de discuter et partager leurs expériences.

Une grande parie de ce travail se déroule dans le premier Centre de traduction sur la santé de Traducteurs sans frontières, établi à Nairobi, et qui fonctionne via ProZ.com. Le centre permet aux organisations non gouvernementales d'entrer en contact direct avec des traducteurs professionnels bénévoles. Lori Thicke ajoute :

Sur cette plate-forme nous mettons en contact direct les associations avec nos traducteurs professionnels bénévoles. La première plate-forme de ce type, le Translation Workspace (L'espace de traduction) est complètement automatisée, ce qui signifie qu'un plus grand nombre de traducteurs peuvent rassembler leurs compétences, afin d'en faire profiter un plus grand nombre d'associations. Dans sa première année, l'Espace de traduction a vu son volume de mots traduits multiplié par six (entre janvier 2011 et janvier 2012). Nous allons atteindre les cinq millions de mots en 2012, et nous pouvons même faire mieux grâce à notre plate-forme !


Wikiproject Medicine : 80 articles dans 80 langues

Wikimedia Canada et Traducteurs sans frontières ont lancé le Projet Wikiproject Medicine. Son but est de faciliter l'accès au savoir médical grâce à la traduction. Ce qui permettra la plus grande disponibilité d'une information médicale fiable à travers le monde, et de sauver ainsi de nombreuses vies.

Le projet consiste à traduire les 80 articles médicaux les mieux classés -ceux qui totalisent plusieurs millions de lectures par mois en anglais, en plus de 80 langues des pays en voie de développement. Chaque page est soigneusement relue par le Dr James Heilman, le président de Wikimedia Canada, pour en assurer l'exactitude médicale, puis simplifiée par une équipe d'éditeurs de Content Rules. Les articles sont ensuite publiés simultanément sur Simple English Wikipedia et distribués pour être traduits via l'Espace traduction de Traducteurs sans frontières. A ce jour, le projet travaille avec 25 langues différentes.


Un monde où le savoir ne connait pas la barrière de la langue

Voici le message que Lori Thicke aimerait donner à la communauté mondiale des blogueurs :

L'accès à internet ne sert pas à grand chose si ce n'est pas dans votre langue ! On peut changer cela. Nous avons besoin des blogueurs mondiaux pour mettre en avant l'accès à l'information. Les blogueurs et activistes peuvent faire comprendre aux autres que tout le monde ne parle pas l'une des langues principales européennes.
Traducteurs sans frontières rêve d'un monde où la connaissance ne se heurte pas à la barrière de la langue. C'est le message le plus important que nous voulons donner aux gens. Le savoir c'est le pouvoir. Il sauve des vies, ils sort les gens de la pauvreté, permet une meilleure santé et une meilleure nutrition, et aussi d'économiser de l'argent. L'accès à l'information est décisif, et la barrière de la langue peut être fatale.


Découvrez Traducteurs sans frontières sur Twitter, Facebook et YouTube.

Malgré toutes ses réussites, Traducteurs sans frontières ne peut pas atteindre son but sans l'aide de nouveaux traducteurs professionnels. Pour devenir traducteur bénévole, remplissez cette fiche de candidature.

République Tchèque : la lutte se poursuit à Přednádraží

samedi 13 octobre 2012 à 18:01

Přednádraží est une rue d'Ostrava où onze immeubles de brique sont habités par des familles Rom, qui appartiennent à la plus importante minorité ethnique tchèque. Depuis août 2012, elle a été le siège de luttes soutenues contre les expulsions imposées au propriétaire et aux habitants par la Mairie d'Ostrava, au motif d'une prétendue dégradation des immeubles et en particulier de la détérioration des canalisations d'égouts.

Pendant plus dix ans, les autorités municipales d'Ostrava ont laissé le système d'égouts de Přednádraží se détériorer jusqu'à l'état de délabrement atteint au mois d'août. Ils ont alors décidé de “résoudre” le problème en expulsant les résidents et en les rendant responsables, ainsi que le propriétaire des bâtiments, de l'état de dégradation. Pour la plupart des habitants, expulsion signifie déplacement et risque de se retrouver à la rue, car les autorités n'ont proposé aucune alternative de logement à faible loyer et ont orienté les résidents sur des foyers surpeuplés et à des prix prohibitifs. La lutte pour les droits civiques des Roms a fait une avancée historique et décisive, car les habitants et le propriétaire des immeubles se sont réunis avec des activistes tchèques pour résister à la pression des institutions publiques.

Přednádraží, cependant, a dû faire face à plusieurs coups durs au cours du dernier mois.

Environ 50 personnes sont encore sur le site, et occupent un bâtiment connu sous le nom de “numéro 8″. A l'approche de l'hiver ils doivent affronter une pression toujours plus insistante de la part des institutions allant jusqu'à des privations physiques, avec des coupures d'électricité et un seul robinet pour l'approvisionnement en eau de tout l'immeuble.

Le 20 septembre Romea News rapporte que Vzájemné soužití [en tchèque], une organisation associative de travailleurs sociaux pour la défense des droits des Roms, dirigée par Kumar Vishwanathan, qui s'est investie pour soutenir la lutte de Přednádraží, a été expulsée de ses bureaux [en tchèque], bureaux qui leur sont loués par la Mairie d'Ostrava. Aucune raison n'a été donnée pour cette expulsion et Vzájemné soužití envisage une action en justice.

Le 25 septembre, l'activiste tchèque Jakub Polák [en anglais], un fervent supporter de Přednádraží très engagé dans la défense des droits civiques des Roms depuis la révolution de velours, est mort du cancer. Ses amis ont organisé une contre-marche funèbre à Prague en son honneur et portaient des banderoles où l'on pouvait lire “la lutte continue” en tchèque et en romani. L'événement est devenu un bel exemple de la solidarité Tchèques/Roms et a été suivi par bon nombre de militants pour le droit des Roms et de représentantq de la communauté.

Les contre-funérailles de Jakub Polák: la lutte continue. Photo de Saša Uhlová, avec son autorisation.

Deux jours seulement après la nouvelle du décès de Jakub Polàk, le 27 septembre, Romea News a annoncé [en tchèque] que le propriétaire des immeubles de Přednádraží, Oldřich Roztočil, qui avait soutenu les habitants, avait fait une tentative de suicide. M. Roztočil a été l'objet d'un harcèlement constant par les autorités depuis son refus d'exécuter les ordres d'expulsions. Les services de l'équipement de la ville lui ont dressé une amende de 30,000 CZK [en tchèque], lui ont donné l'ordre de procéder aux réparations du bâtiment (réparations inutiles étant donné la situation non résolue des égouts), en enfin lui ont ordonné de démolir l'un des immeubles dans un délai de deux semaines, délai impossible à tenir au vu du coût de l'opération qui s'élève à 28 millions de CZK. M. Roztočil se remet et son état de santé est actuellement stable.

Oldřich Roztočil discute avec les porte-paroles des habitants de Přednádraží et des activistes. Photo de Daniela Kantorova.

Plus récemment, les  services de l'équipement d'Ostrava ont commencé à mettre des scellés sur les immeubles de Přednádraží [en anglais] et à en interdire l'entrée aux résidents. Tous les habitants se sont réfugiés dans l'immeuble “numéro 8″, et ont l'intention d'y rester jusqu'à ce que les fonds nécessaires à la réparation des immeubles et du système d'égouts soient débloqués. Les résidents continuent de subir la pression des travailleurs sociaux qui menacent de leur retirer leurs enfants. Ils ont aussi des raisons de craindre pour leur sécurité car les immeubles abandonnés restants font l'objet de pillages, en particulier les composants métalliques qui peuvent être vendus. Ce type de pillages rend les immeubles abandonnés moins sûrs et de plus accroît le futur coût des réparations ; malgré cela la police d'Ostrava n'a pas prévu de protéger les lieux.

 

L'immeuble n° 8 de Přednádraží. Photo de Daniela Kantorova.

Au fur et à mesure que la pression monte, les alliances se renforcent.

Un nouveau groupe civique, SOS Přednádraží [en tchèque et anglais] a lancé une pétition qui a déjà recueilli 277 signatures, d'individuels pour la plupart, mais aussi de quelques groupes et associations, dont le Comité Tchèque d'Helsinki [en anglais] et Cokovoko un duo de hip-hop.

Lors de la première marche pour la Dignité des Roms [en anglais] qui a eu lieu à Prague le 7 octobre, des membres de SOS Přednádraží ont lu une déclaration de soutien à Přednádraží. Quelques activistes de Prague se sont rendu à Přednádraží  pour surveiller les immeubles. Martin Škabraha [en tchèque], porte-parole de l'organisation des libertés civiques ProAlt, et un professeur de philosophie de l'Université d'Ostrava ont prévu une débat sur Přednádraží à l'université.

En ce moment à Přednádraží, malgré tous ces reculs dramatiques, il y a un vent d'espoir, et la solidarité se renforçant les autorités ne se rendent pas compte d'une chose : l'absurdité de leurs actions devient évidente pour un public de plus en plus nombreux, ce qui, à long terme, renforcera le soutien accordé au mouvement de défense des droits civiques des Roms.

Revue hebdomadaire de Global Voices sur la censure du Net

jeudi 11 octobre 2012 à 20:28

[Les liens sont en anglais]

Chaque semaine, le “Netizen Report” de Global Voices Advocacy apporte à nos lecteurs les informations les plus récentes sur la censure d'Internet au niveau mondial, sur les questions de protection de la vie privée, la réglementation, et d'autres choses encore, à partir d'une variété de sources.

Dans une nouvelle série cependant, nous allons jeter un coup d’œil aussi sur ce qui est rapporté sur Global Voices Online, pour un regard en profondeur sur la façon dont les internautes du monde entier réagissent à la censure croissante d'Internet.

En Ukraine, Veronica Khokhlova raconte que les citoyens protestent contre un projet de loi qui prévoit des peines allant jusqu'à cinq ans de prison pour diffamation. Comme Reporters sans frontières, que cite dans son analyse V. Khokhlova, l'a rapporté :

Le manque de clarté qui entoure la définition de la diffamation, que le projet de loi décrit comme “diffusion de fausses informations, atteinte à l'honneur et à la dignité d'une personne ou dommage à sa réputation”, suscite des craintes d'abus résultant des diversités d'interprétation.

"Defend your right to know. Say no to the defamation law," reads a symbol of protest from Ukraine.

“Défendez votre droit de savoir. Dites non à la loi sur la diffamation”, peut-on lire sur ce symbole de protestation en ‘Ukraine.”

V. Khokhlova partage également une image d'un groupe Facebook qui conteste la loi (ci-dessus), et écrit que beaucoup d'utilisateurs invitent le Parlement à la repousser.

Mong Palatino de Global Voices, plus à l'est, décrit la répression de la dissidence au Vietnam. La semaine dernière, écrit M. Palatino:

Les blogueurs vietnamiens Dieu Cay, AnhBaSG, et Ta Phong Tan ont été reconnus coupables par un tribunal de Ho Chi Minh-ville de violation de l'article 88 du code pénal vietnamien, par la propagation de “fausses nouvelles afin de fomenter la confusion au sein de la population” et la “diffamation de l'administration populaire.”

Néanmoins, comme un blogueur cité dans le billet de Palatino écrit: “le fait que le gouvernement ait annoncé l'interdiction de sites Web, a fait monter en flèche le trafic vers eux “, montrant le manque des capacités nécessaires pour appliquer la censure de l'Internet.

Dans un autre billet, Mong Palatino couvre le nombre croissant de réglementations strictes sur l'utilisation d'Internet en Asie du sud-est, en soulignant dans un récent article sur Global Voices, comme relevé sur d'autres blogs, que, bien que les gouvernements du Sud-Est asiatique apportent des améliorations dans l'accès à Internet, ils adoptent également “des règles plus sévères sur l'utilisation d'Internet que de nombreux analystes croient pourraient être utilisées pour restreindre la liberté des médias. “

En Espagne, une controverse “offline” sur la censure est en cours, que l'auteure Victoria Fioravante décrit comme ayant créé “une vague d'agitation dans la blogosphère.” La controverse tourne autour de la censure d'un programme de satire politique appelé «Carne Cruda» (viande crue) du directeur de la Radio nationale espagnole 3 (RNE3). V. Fioravante signale un message sur Facebook [en espagnol] du directeur du programme, Javier Gallego, niant les raisons avancées pour le retrait de l'émission.

Les “brèves“ de Global Voices peuvent être une riche mine d'informations et cette semaine ne fait pas exception. Un coup d'œil sur les brèves marquées “liberté d'expression” donne un aperçu des événements partout dans le monde, dont certains n'ont pas été signalés dans les médias de langue anglaise :

Vignette : “Censure” par l'utilisateur de Flickr/IsaacMao (CC BY 2.0).

Chine : le premier témoignage d'un médecin sur l'épidémie de VIH

jeudi 11 octobre 2012 à 19:02

Yaxue Cao du blog Seeing Red in China a traduit en anglais le témoignage de la doctoresse Wang Shuping sur la découverte de l'épidémie de VIH dans la province du Henan et sur le fait qu'elle a été empêchée par les autorités  locales et les banques commerciales de sang de divulguer la gravité de la situation. Wang a été  le premier médecin en Chine à alerter sur l'épidémie de VIH.

Russie : Comment faire du caritatif au nom de la publicité

jeudi 11 octobre 2012 à 16:53

Le site «Une minute pour le bien» (1MINUTE.RU) [en russe] a été lancé en novembre 2011. Sur cette plateforme, les utilisateurs peuvent gagner des minutes caritatives qui seront ensuite payées par un annonceur. De cette façon, le temps passé par les bénévoles est converti en don aux organismes caritatifs qui participent au projet.

Le site propose à ses utilisateurs de brefs messages publicitaires que ses animateurs suivent de façon bénévole, et les donateurs font en contrepartie des dons à des organismes caritatifs. Chacun de ceux-ci a sa propre page dédiée, avec une description de la campagne en question, les noms de ses organisateurs et le niveau actualisé des contributions.

L'initiateur du projet «Une minute pour le bien», Alekseï Melnitchek, revient sur les difficultés de l'action caritative virtuelle et les tendances occidentales dans la collecte de fonds.

Alexeï Melnitchek. Photo fournie par lui-même.

Sur la Toile, les plateformes caritatives se comptent par dizaines. La spécificité de Une minute pour le bien», c'est son fonctionnement par levée de fonds. Pourquoi avoir choisi de créer un projet indépendant, au lieu de vous greffer à un déjà existant ?

Alexeï Melnitcheк (А.М.): L'idée de base de notre site est de fournir un outil d'aide simple. Et, il faut insister sur ce point, d'aide non financière. Pour notre équipe, nous l'avons défini comme du bénévolat sur Internet. Sur RuNet, nous n'avons pas trouvé un seul projet auquel nous aurions eu envie de nous joindre. Quand nous avons commencé à travailler sur «Une minute pour le bien», les perceptions de ce qui existait sur la Toile étaient très relatives. Et c'est le problème principal de l'action caritative en Russie : personne n'est au courant. Ce n'est qu'après le lancement du site que nous avons fait connaissance avec d'autres sites et leurs créateurs. Notre projet est très différent des autres sites, et à plus forte raison des fonds. Nous ne demandons pas d'argent à nos utilisateurs. Par contre, ils peuvent offrir de leur temps. Offrir de son temps est significativement plus facile que donner de l'argent, c'est pourquoi notre projet abaisse fortement la barrière que représente la confiance nécessaire pour participer à une action caritative.

La barrière temps est beaucoup plus basse que celle de l'argent, il faut le savoir. Dès que l'internaute voit la possibilité de se joindre à une action à portée sociale, ses chances de rester avec nous s'accroissent.

Quels objectifs étaient les vôtres en lançant ce site ?

А.М.: Le projet est né dans le cadre d'un cours à l'Institut moscovite de physique et de technologie intitulé «Travaux pratiques en innovation», donc la première chose que l'on voulait faire, c'était le réaliser. Nous avons analysé la concurrence occidentale, nous sommes familiarisés sommairement avec le RuNet caritatif, et sommes arrivés à la conclusion qu'il s'agissait d'un segment pratiquement vacant. Sur la Toile, il y a peu de sites qui font dans le social.

L'idée nous a paru très simple : diffuser une pub, et donner l'argent gagné ainsi au caritatif. Mais à un certain moment, nous avons réalisé que nous nous limitions à la vidéo, et qu'il valait mieux nous ouvrir à d'autres formats. En novembre 2011, nous avons lancé le site. Les problèmes étaient nombreux, car nous étions en train de lancer une plateforme Internet par essence dépourvue d'utilisateurs et d'annonceurs. Il fallait combler ce fossé.

D'un point de vue caritatif, «Une minute pour le bien», c'est du fundraising, mais du point de vue de la pub, c'est aussi, par certains côtés, du marketing. Quelle est l'efficacité de votre site en termes de promotion d'un produit publicitaire ?

А.М.: En Occident, on a la notion de cause-related marketing, qui représente un énorme marché. Rien qu'aux Etats-Unis, la circulation des fonds se monte annuellement à environ 2 milliards de dollars. Cela s'est transformé en trend. De nombreux annonceurs participent avec joie à des projets de bienfaisance. En Russie, cette pratique n'est pas très répandue. Il est rare de rencontrer sur Internet une action d'envergure qui soit liée au secteur caritatif. Même si les annonceurs nationaux manifestent un grand intérêt pour ce format. «Une minute pour le bien» représente une solution complexe dans la promotion d'un produit. La compagnie reçoit l'attention de nos utilisateurs, tout en aidant des actions à caractère social. Notre projet représente pour l'annonceur la possibilité de participer à une action caritative sur le compte de ses propres budgets marketing.

Page d'accueil.

Comment avez-vous attiré des partenaires ?

А.М.: Le travail avec des compagnies peut se faire de différentes façons. Nous avons trouvé nos premiers «clients» par relations. Cela nous a aidés pour le lancement. Avec le temps, il est devenu plus facile de travailler avec des annonceurs. Aujourd'hui nous sommes en mesure de proposer une plateforme qui marche, des utilisateurs qui existent. Il faut noter que la plupart des annonceurs sont venus d'eux-mêmes à nous. Avec toutes ces compagnies, nous ne travaillons qu'en direct.

Dans les comptes de la première campagne de «Une minute pour le bien», le nombre d'utilisateurs et de «minutes pour le bien» diverge. Comment est décompté ce temps ?

А.М.: «Les minutes pour le bien» sont un paramètre de pure convention. C'est un indicateur de l'activité des utilisateurs. Pour chaque action d'un utilisateur qui venait sur le site, nous ajoutions une minute. Dans la version actuelle, la quantité de minutes caritatives est fonction de la valeur de l'action et de sa complexité.

«Une minute pour le bien» monétise les actions de ses utilisateurs. Mais il est difficile de pronostiquer l'activité d'un auditoire, encore plus de le contraindre à faire quelque chose. Comment motivez-vous vos utilisateurs pour qu'ils participent au projet ?

А.М.: C'est difficile de motiver les gens quand ils ne savent rien de rien à votre sujet. La première chose à faire est donc de présenter le site aux internautes. En général, quand le public en sait plus sur le projet et qu'il lui plaît, les gens sont prêts à y participer. Pour promouvoir le site, nous avons utilisé les mêmes canaux que pour l'installer (il y a eu quelques articles sur divers sites, des témoignages d'amis et de connaissances). En cours de route, on a noté une tendance sur «Une minute pour le bien» : chaque millier d'utilisateurs que nous avions fait venir par nous-mêmes en attirait deux de plus.

Pour nous, il est crucial que le public comprenne ce qu'on attend de lui. Ainsi, pour la première campagne, nous nous étions contentés de parler de ce que nous voulions. Nous y avons laissé 50 % de notre auditoire. Beaucoup d'internautes n'ont pas compris notre idée et sont partis sur d'autres sites. Nous avons fait une étude, regardé WebVisor, et noté où partait l'internaute, ce qu'il faisait, à quel moment il partait. Ensuite, nous avons optimisé le site à partir de ces données et le taux de rebond (bounce rate) est tombé à 20 %.

Mais nous n'avons pas compris ça tout de suite. C'est un article publié sur Habrahabr, [sorte de Digg russe], qui nous a aidés. On y trouvait des informations sur nous, ce que nous faisons et comment ça marche. Les statistiques des visites de la page faisaient état d'un taux de rebond limité à 10 %. Alors que pour un post pris au hasard sur un site automobile, on arrivait à 80 %. Nous avons compris que la simplicité et l'accessibilité du site sont pertinentes pour le nombre de visites et la participation des internautes.

Nous en avons tiré les leçons pour la deuxième version du site (sortie en juin 2012). Nous avons ajouté une infographie qui montre le principe du site. Dans la dernière version, le modèle d'interaction avec le public a beaucoup changé. Désormais, avant toute chose l'internaute est obligé de s'inscrire. Cette approche a été payante. Aujourd'hui, 35 % de notre public est autorisé.

De plus en plus souvent, les organisations caritatives se servent du business-model des entreprises à but lucratif. Les fonds remplacent les vendeurs, et les donateurs les acheteurs. A quoi est liée une telle tendance ?

А.М.: Dès le tout début, nous nous sommes fixé comme idée directrice de ne pas courir après les chiffres. En définitive, le plus important, ce sont les internautes, leur implication dans le projet. Nous ne sommes pas une ressource financière, nous ne montons pas de campagnes tout seuls. «Une minute pour le bien» recherche des moyens qui s'incarnent dans la vie réelle. Notre projet, en ce sens, est aussi un donneur. Mais il appartient aux fonds de de répartir l'argent et de cibler les problèmes.

Si vous prenez les chiffres du secteur caritatif, que vous regardez le niveau d'implication du public occidental et que vous le comparez avec les indicateurs équivalents pour la Russie et les pays de la CEI, vous voyez tout de suite que plus de la moitié des Européens et des Américains donnent de l'argent au secteur caritatif. En Russie, c'est 5 % de la population. Même si environ 30 % des Russes se disent prêts à aider leurs proches et à faire du bénévolat. De plus, aux Etats-Unis, les sommes issues des dons privés, par exemple, dépassent de très loin les contributions des entreprises.

Le nombre de fonds et d'organismes caritatifs croît à une vitesse invraisemblable. Mais beaucoup cessent leur activité dès la première action ou collecte. A cause d'une absence de financement ou bien d'un manque de compétence des dirigeants de ces organisations ?

А.М.: Il n'est pas facile d'essayer de faire quelque chose d'un peu social sans un financement dédié. Second problème : l'encadrement. Il faut motiver financièrement les professionnels. Ou sinon, il ne faut pas s'attendre à un résultat de qualité. Faire du caritatif muni de son seul enthousiasme est extrêmement compliqué.

Si l'on se base sur votre expérience, est-ce que l'on peut dire que la bienfaisance «virtuelle» va devenir une alternative à la «réelle»?

А.М.: Je le crois. La tendance à la virtualisation s'observe dans toutes les sphères. Le secteur caritatif ne fera pas exception. Que la Russie n'en soit pas encore là est une autre question. Je pense que l'on arrivera à récolter de l'argent sur la Toile et à en faire un système de don efficace. Mais pour le moment, la méfiance envers Internet comme ressource caritative est assez forte, et la plupart des initiatives sur la Toile ont un caractère spontané.

Entretien réalisé par Evgueni Voropaï, dont l'original est disponible sur le site Teplitsa consacré aux technologies sociales.