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Civilisations, dictatures et soulèvements : l'histoire du monde racontée par une Colombienne

mercredi 12 octobre 2016 à 18:41
Uribe en uno de sus programas de historia. Fotografía compartida en Google con permiso para republicación.

Diana Uribe dans l'un de ses programmes d'histoire. Photo partagée sur Google, reproduite avec autorisation.

Grace à de nombreux followers, les programmes réalisés par la journaliste et historienne Diana Uribe pour Radio Caracol [Radio Escargot] sont accessibles depuis la plateforme Ivoox.

Ces programmes revisitent l'histoire ancienne et contemporaine : chacun d'eux contient presque une heure de récits, de musiques, et de personnages historiques et attachants. Dans chaque épisode, Diana Uribe choisit une région du monde, et fait le lien entre son actualité et l'histoire qui a mené aux faits tels que nous les connaissons aujourd'hui. La narration, ludique et sensible, connecte aussi des régions du monde en apparence séparées dans le temps et l'espace.

Les épisodes qui concernent l'Amérique latine font l'objet d'une attention particulière ; les musiciens et écrivains qui marquèrent les périodes les plus dures et décisives y sont mis en avant. Dans ces épisodes, Diana Uribe fait aussi la connexion avec les événements et les questions politiques d'aujourd'hui. Voici par exemple un extrait du programme dédié à l'histoire de l'immigration en Argentine, dans lequel Diana Uribe raconte les origines de l'identité multiculturelle de ce pays et le lien avec les problèmes que pose actuellement l'immigration :

[En las épocas de las migraciones desde Europa a Argentina] había oportunidades, para todo el mundo. Hoy por hoy, cuando los migrantes atraviesan el mediterráneo, huyendo exactamente de lo mismo, del hambre, de las guerras, de las guerras que muchas veces son producto de las decisiones europeas en la época de la repartición del Imperio Otomano, o de la manera como crearon frontera artificiales. Hoy, cuando estos migrantes atraviesan el Mediterráneo, provenientes de Siria […] provenientes del África, después del reparto del colonialismo y de todo lo que les ha pasado, después de todas las guerras que se han creado, después del 11 de septiembre, después de toda la geopolítica convulsiva que se han hecho para ellos no hay nada, para ellos no hay tierra, no hay oportunidades, no hay recepción, no hay campos.

[A l'époque des migrations d'Europe vers l'Argentine] il y avait des opportunités, pour tout le monde. De nos jours, des migrants traversent la Méditerranée, fuyant exactement la même chose : la faim, les guerres, des guerres qui sont d'ailleurs souvent une conséquence de décisions européennes prises à l'époque du démembrement de l'Empire ottoman, ou qui résultent de la manière dont des frontières artificielles ont été créées. Aujourd'hui, les migrants qui traversent la Méditerranée viennent de Syrie […], d'Afrique. Après la dislocation des empires colonial et tout ce qui s'est passé, toutes les guerres que ça a créé, après le 11 septembre, après toute l'agitation géopolitique qu'il y a eu, pour eux, il n'y a rien, pour eux il n'y a pas de terres, pas d'opportunités, pas d'accueil, pas de champs.

Elle continue :

Para ellos hay deportaciones […] Para ellos hay desprecio, hay xenofobia […] Los europeos fueron ayudados por el mundo entero. 40 millones de Europeos fueron recibidos por la América. Y ahora, cuando de Europa se pide la ayuda, Europa responde con barreras, responde con mallas, con muros de papel o de alambre. Con divisiones y separaciones para no darle la mano en la historia a pueblos que […] en otra época se la dieron a ella. Ésa es la diferencia de los emigrantes que estaban poblando la Argentina a los migrantes que hoy han convertido al Mediterráneo en una fosa común.

Pour eux, il y a des expulsions […] Pour eux il y a du mépris, de la xénophobie […] Les Européens ont été aidés par le monde entier. 40 millions d'Européens ont été reçus en Amérique. Et maintenant, quand on sollicite l'aide des Européens, ils répondent avec des barrières, des filets, des murs, des murs administratifs ou des murs de barbelés. On divise et on sépare pour ne pas tendre la main à des peuples qui en d'autres temps l'ont tendue. La voilà, la différence entre les migrants qui peuplent l'Argentine et les migrants qui ont aujourd'hui transformé la Méditerranée en une fosse commune.

Les programmes sont aussi visibles sur Youtube, sur une chaîne dédiée. D'autres travaux de Diana Uribe sont référencés dans l'article Wikipedia qui lui est consacré :

En 2008 presentó su primer audiolibro, La historia de las civilizaciones, donde hace un recorrido por algunos momentos de la historia de la humanidad. En 2009 publicó el segundo, llamado La historia de las independencias, enfocado en la independencia latinoamericana en el siglo XIX. En 2011 sacó el tercero, La historia en los viajes, que trata sobre Rusia, Turquía y Sudáfrica. En 2013 publicó la aplicación El juego de la historia.

Uribe es especialista en los movimientos de contracultura de los años 1960. También se interesa por la permanencia de los mitos y leyendas en los imaginarios contemporáneos, en particular en la literatura oral.

En 2008, elle publie son premier livre audio, La historia de las civilizaciones [Histoire des civilisations, non traduit en français], où elle livre sa vision de quelques moments de l'histoire de l'humanité. En 2009 elle publie le second, appelé La historia de las independencias [Histoire des indépendances], qui traite des indépendances sur le continent latino-américain au 19e siècle. En 2011 elle publie le troisième, La historia en los viajes [L'histoire en voyages], qui parle de la Russie, de la Turquie et de l'Afrique du Sud. En 2013, elle publie l'application El juego de la historia [Le Jeu de l'histoire].

Diana Uribe est une spécialiste des mouvements de contre-culture des années 1960. Elle s'intéresse aussi à la permanence des mythes et légendes dans les imaginaires contemporains, en particulier dans la tradition orale.

 

Le club de football et ses joueuses en hijab, un espace pour la diversité dans le sud de la Thaïlande

mercredi 12 octobre 2016 à 13:26
Buku FC teammates at their first practice. Photo by Fadila Hamidong, courtesy of Prachatai

Les joueuses du Buku FC lors de leur premier entraînement. Photographie de Fadila Hamidong, avec l'autorisation de Prachatai.

Cet article, écrit [thaï] par Thaweeporn Kummetha et publié par Prachatai, un site d’informations indépendant thaïlandais, est reproduit par Global Voices dans le cadre d’un accord de partage de contenu.

Note aux lecteurs: la majorité de la Thaïlande est bouddhiste, tandis que l’Extrême Sud, que quelques groupes cherchent à transformer en Etat autonome, est principalement composé d’une population malaise musulmane.

La seule chose que la plupart des gens connaissent du sud de la Thaïlande, appelée « Patani » par ses habitants, est le conflit qui a emporté plus de six mille cinq cent vies ces douze dernières années. Afin de lutter contre la violence, l'Etat et des fonds privés soutiennent la région à travers la mise en place d’un processus de paix.

Toutefois, Anticha Saengchai et Daranee Thongsiri, militantes LGBT et propriétaires de la librairie Buku Books & More Pattani Bookstore, insistent sur le fait que Patani souffre de nombreux autres problèmes sociaux qui nécessiteraient d’être débattus, telle que l’égalité des sexes. Anticha et Daranee affirment que les femmes et la communauté LGBT doivent avoir leur mot à dire dans le processus de paix pour s'assurer une place dans le futur de Patani.

Pour faire avancer leur cause, Anticha et Daranne ont ainsi créé un club de football, le Buku FC, qui fournit aux femmes de la région et à la communauté LGBT un espace d’expression. Dans une interview accordée à Prachatai, Anticha évoque ce projet :

Football is seen as a male sport, and a space for men. Women often go to football fields with the role solely as spectator, cheering on men who are playing. But in actuality anyone, regardless of sex, can kick a round ball. By starting a football club and encouraging women to join, we are saying to Patani society that women can do the same things men do. We want to convey to the women who come to play with us is the idea that they really can do things they may have thought they couldn’t, such as self-expression and leadership. We believe that the simple activity of football will affect other parts of their lives.

Le football est perçu comme un sport masculin et comme un espace pour les hommes. Les femmes se rendent souvent à des matches de football comme spectatrices, encourageant les hommes qui jouent. Mais en réalité, n'importe qui, indépendamment de son genre, peut taper dans un ballon. En créant un club de football et en exhortant les femmes à s’y inscrire, nous montrons à la société de Patani que les femmes peuvent faire les mêmes choses que les hommes. Nous voulons faire passer le message auprès des femmes qui viennent jouer avec nous qu'elles peuvent vraiment faire des choses qu'elles ne croyaient pas possibles ou auxquelles elles n'avaient pas pensé, comme de s'exprimer et de diriger. Nous croyons que le simple fait de jouer au football changera d'autres aspects de leurs vies.

Alors que le Buku FC sollicite les femmes et la communauté LGBT à rejoindre le club, tout le monde peut intégrer l’équipe, quel que soit son sexe, genre, religion, croyances ou opinions politiques. Le seul pré-requis est d’avoir une compréhension du genre.

We intend the football field to be a microcosm of society, where people of any gender can coexist equally with respect for each others’ bodies and spaces. If it’s possible for that to happen in society at large, then we believe that it’s possible for our little rectangular football field, too. We want to demonstrate that whether man, woman, LGBT, or people with different levels of skill, we can all play the same game with the same set of rules, without the big people bullying the little people.

Nous souhaitons que le terrain de football devienne le microcosme de la société, où des personnes de tout genre puissent coexister dans le respect de chacun et de leurs espaces. S’il est possible que cela arrive dans la société en général, alors nous croyons qu’il est possible que cela se produise aussi sur notre petit terrain rectangulaire. Nous voulons démontrer que n’importe quel homme, femme, LGBT, ou personnes aux différents niveaux de compétences peuvent jouer avec les mêmes règles, sans que personne ne les harcèle.

Le Buku FC s’est entraîné pour la première fois le 13 août dernier au Victory Stadium, dans le district de Mueang, situé dans la province de Patani, avec le slogan « le Football pour la paix et l’égalité ». Vingt personnes, dont dix-sept femmes et trois hommes, ont pris part à l’entraînement. La majorité des joueurs étaient étudiants à l’Université du Prince de Songkla. Tous semblaient excités à l’idée de jouer dans un véritable stade – surtout les femmes, qui pour la plupart, jouaient pour la première fois au football.

Waeasmir Waemano and Sawani Mama, students at the Pattani campus of Prince of Songkla University, say that they want society to see that women can play football, and do so even while wearing hijabs. Photo by Fadila Hamidong, courtesy of Prachatai

Waeasmir Waemano et Sawani Mama, étudiantes sur le campus de Patani de l'Université du Prince de Songkla, veulent que la société voie que les femmes peuvent jouer au football, même en portant des hijabs. Photographie de Fadila Hamidong, avec l'autorisation de Prachatai.

Hijabs et Football ? Compatibles !

Waeasmir Waemano, une étudiante en quatrième année à la Faculté de sciences politiques de l’Université du Prince de Songkla, explique à Prachatai :

People often view football as being a man’s sport, so women think that it is inappropriate to play football, and they don’t dare. In the Deep South, people think that it’s not appropriate for women to play football because it’s a sport that requires you to raise your legs to kick. However, the world is changing and society in the Deep South must keep up.

Les gens voient souvent le football comme un sport d’hommes, les femmes pensent donc qu’il est inapproprié pour elles d’y jouer, et elles n’osent pas. Dans le Sud, les gens croient qu’il est incorrect qu’une femme joue au football car il s’agit d’un sport qui nécessite de lever les jambes. Néanmoins, le monde change et la société du Sud doit en faire de même.

Bien que Waesmir fasse régulièrement du sport depuis qu’elle a intégré l’équipe de football en salle à l’université, elle continue d’être réticente à l’idée de jouer en dehors de la faculté, au Victory Stadium, à côté d’un terrain de football réservé aux joueurs masculins.

If I play sports outside the university, I get strange looks from people, as they think ‘Huh, a Muslim woman playing football.’ People in the Deep South are concerned about the body and they feel it is inappropriate [for women to play football], because when we run, parts of our body shake.

Si je fais du sport en dehors de l’université, je subirai des regards étranges de la part des gens, comme s’ils se disaient «Quoi, une musulmane qui joue au football». Les habitants de l’Extrême Sud se sentent concernés par notre corps, et pensent qu’il est inconvenant que les femmes jouent au football car lorsque nous courons, certaines parties de notre corps bougent.

Sawani Mama, étudiante en troisième année dans le même département que Waeasmir, a exprimé ses inquiétudes quant à son corps en lien avec le sport. Elle craignait ainsi le jugement des autres, car il est inapproprié pour elle de courir durant un match de football. Par conséquent, elle a résolu ce problème en portant deux chemises amples et un hijab recouvrant sa poitrine.

Sometimes I still worry that while I run, my breasts will heave, or something like that. But I’m wearing loose shirts, a hijab, and even lipstick to play football. So I feel that all of these things go together, no problem.

Parfois, je m'inquiète encore que lorsque je cours, mes seins bougent ou quelque chose comme ça. Mais je porte des chemises amples, un hijab, et même du rouge à lèvres pour jouer au football. Du coup, je sens que toutes ces choses peuvent aller ensemble, il n’y a pas de problème.

Les deux femmes s’accordent à dire que jouer au football est une activité qui promeut leur expression personnelle, et qu’il s’agit d’une façon de dire à la société que les femmes peuvent pratiquer les mêmes sports que les hommes.

Afin que les joueuses de l’équipe se sentent plus à l’aise lorsqu’elles jouent, Anticha explique que les hommes n’ont pas encore participé à un match mixte. Ils s’entraînent toutefois ensemble, les hommes menant les exercices ou occupant le poste de gardien de but. Quand tout le monde comprendra les règles, se respectera et respectera les différences corporelles entre hommes et femmes, nous pourrons ouvrir un espace pour les deux sexes afin qu’ils jouent ensemble, détaille Anticha.

Buku FC team-mates warm-up before playing football. Photo by Fadila Hamidong, courtesy of Prachatai

Les joueuses du Buku FC s'entraînent avant de jouer au football. Photographie de Fadila Hamidong, avec l'autorisation de Prachatai.

Pour les femmes de l’Extrême Sud, pas d’espaces pour s’entraîner et prendre soin de leur santé

Anticha affirme que les femmes de l’Extrême Sud ne bénéficiaient pas de nombreuses opportunités pour s’entraîner. Cela s’explique en partie par les rôles occupés par les deux sexes, les femmes devant prendre soin de leur maison, de leurs époux et de leurs enfants. Les adolescentes doivent quant à elles aider leurs mères à la maison, et il est aussi moins acceptable pour elles que pour les jeunes garçons de s’entraîner en public.

De plus, les entraînements nécessitent généralement que les femmes portent des pantalons et bougent leurs bras dans les mêmes lieux que les hommes, ce qui dissuade les musulmanes du Sud. Bien sûr, cette restriction ne s’applique pas aux hommes et aux jeunes garçons, déclare Anticha. Les parcs publics et les terrains de jeux sont presque entièrement occupés par les hommes.

Anticha souhaiterait davantage d'aide pour créer des espaces d’entraînement dans le Sud, comme des piscines pour les femmes, ce qui procureraient à celles-ci une certaine tranquillité d’esprit lorsqu’elles s’entraînent.

Cet article, écrit [thaï] par Thaweeporn Kummetha et publié par Prachatai, un site d’informations indépendant en Thaïlande, est reproduit par Global Voices dans le cadre d’un partage de contenu.

En Tanzanie, exprimer une opinion politique sur les médias sociaux est de plus en plus dangereux

mercredi 12 octobre 2016 à 11:10
Le signalement d'un café Internet en Tanzanie. La Tanzanie est l'un des 10 premiers pays ayant le d'utilisateurs d'Internet en Afrique. Photo Creative Commons par l'utilisateur Flickr Aslak Raanes.

Un café Internet en Tanzanie. La Tanzanie est l'un des 10 premiers pays ayant le plus d'utilisateurs d'Internet en Afrique. Photo sous licence Creative Commons par l'utilisateur Flickr Aslak Raanes.

Cinq citoyens tanzaniens, Dennis Temu, Suleiman Nassoro, Shakira Makame, Juma Mtatuu et Dennis Mtegwa, ont comparu devant un tribunal tanzanien le 14 septembre accusés d'avoir insulté le président John Magufuli sur les médias sociaux. Tous les cinq ont nié les accusations.

L'accusation soutient que les cinq ont partagé un contenu offensif ciblant le président et la police entre le 24 et le 30 août de cette année, en violation de l’ article 118 (a) de la Electronic and Postal Communications Act No. 3 [loi sur l'électronique et les communications postales n ° 3] de 2010.

Cette section condamne à une sanction pénale toute personne qui :

sciemment fait, crée, sollicite ou initie la transmission de tout commentaire, demande, suggestion ou autre communication considérée obscène, indécente, fausse, menaçante ou à caractère offensant avec l'intention de perturber, menacer ou de harceler une autre personne …

Parmi les cinq accusés, les procureurs de l'Etat allèguent que M. Mtegwa a publié un commentaire abusif et offensant dans un groupe WhatsApp appelé DSM 114U Mouvement en kiswahili. Traduit approximativement, le commentaire en question se lit :

Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête de JPM [le Président John Pombe Magufuli Tanzanie] … Il ne sait même pas comment s'excuser. Nous sommes à ce stade à cause d'une personne qui croit que ce qu'elle pense est toujours juste … il doit comprendre que la politique n'est pas un ressentiment et que l'opposition n'est pas une ennemie … il devrait apprendre à rivaliser avec l'opposition sur la base du débat, et non de la force.

Dans une autre affaire récente, Oscar Magava, un maître de conférences à la Faculté de l'éducation de l'université Mkwawa dans la région d'Iringa, a été arrêté pour avoir prétendument insulté le président.

Le chef de la police régionale, Julius Jengi Gava, a déclaré le 15 septembre que son service avait reçu des rapports selon lesquels le professeur utilisait les réseaux sociaux pour insulter le président. Il n'a pas précisé quel réseau social il utilisait et ce que M. Magava avait exactement dit à propos du président.

Depuis que le président John Magufuli a remporté l'élection présidentielle en octobre 2015,  déjà 14 personnes ont été arrêtées et inculpées pour insulte au président sur les médias sociaux. Jusqu'à présent, un seul citoyen, Isaac Abakuki Emily, a été reconnu coupable. Il a été condamné en juin 2016 pour insulte au président tanzanien John Magufuli sur sa page Facebook par la Arusha Resident Magistrate’s Court [Cour du magistrat résident d'Arusha].

Le citoyen tanzanien Leonard Mulokozi a été accusé le 22 juin sous la Loi électronique et des postes et communications de la Tanzanie pour un message sur WhatsApp que les autorités considèrent “déplacé” envers le président tanzanien, John Magufuli.

En octobre 2015, deux Tanzaniens sont devenus les premières victimes de la nouvelle loi. Benoît Angelo Ngonyani, un étudiant de 24 ans à l'Institut de technologie de Dar es Salaam, a été inculpé pour la publication d'informations “fausses ou non vérifiées par les autorités compétentes”. Il est allégué qu'il a publié un message sur Facebook affirmant que le chef des Forces de défense de la Tanzanie, le général Davis Mwamunyange, avait été hospitalisé après avoir mangé de la nourriture empoisonnée.

En novembre 2015, quatre Tanzaniens – Leila Sinare, Godfrey Soka, Deo Soka et Monica Gaspary Soka – ont été inculpés en vertu de l'article 16 de la loi sur la cybercriminalité pour la publication sur WhatsApp d'informations fausses liées aux élections. Les procureurs allèguent que les accusés ont audio-publié des informations dans un groupe WhatsApp appelé le “Soka Group”, qui étaient destinées à tromper le public pendant les élections générales tanzaniennes d'octobre 2015, entachées d'accusations de fraude.

La plupart de ces citoyens ont été inculpés en vertu de la relativement nouvelle et controversée Loi sur la cybercriminalité. Les autorités considèrent ce texte comme un outil important pour la lutte contre la pornographie enfantine, la cyber-intimidation, l'usurpation d'identité, la publication de contenus racistes et xénophobes en ligne ainsi que de messages non sollicités (spam), l'interception illégale de communications et la publication de fausses informations.

La loi controversée a été promulguée par l'ancien président Jakaya Kikwete en mai 2015, malgré les critiques des leaders de l'opposition, des utilisateurs des médias sociaux et les militants des droits de l'homme.

Ethiopie : un massacre pour intimider les Oromos

mercredi 12 octobre 2016 à 10:54
Une capture d'écran d'une vidéo publiée sur Facebook par Jawar Mohammed sur la bousculade pendant Irreecha, dans lequel les forces de sécurité regardent des gens qui fuient. On peut entendre les tirs alors qu'une fumée monte de la scène.

Capture d'écran d'une vidéo publiée sur Facebook par Jawar Mohammed sur la bousculade pendant Irreecha : les forces de sécurité regardent des gens qui fuient. On peut entendre les tirs alors qu'une fumée monte de la scène.

Une combinaison de bombes fumigènes et de balles réelles tirées par les forces de sécurité à l'occasion du plus grand rassemblement pour la fête d'Irreecha dans l'Etat éthiopien d'Oromia a provoqué une bousculade meurtrière dimanche, 2 octobre. Au moins 52 personnes ont été tuées, selon le gouvernement, mais un important mouvement activiste a déclaré que le nombre de morts pourrait atteindre 600 personnes [amharique].

Par ailleurs, un nombre indéterminé de personnes ont été tuées dans de nombreuses autres villes à travers l'Oromia, le plus grand Etat éthiopien, pendant qu'on signalait de récentes manifestations, selon le groupe militant [amh] et des centaines d'autres arrestations au cours du week – end.

Des manifestations ont lieu avec une fréquence régulière en Oromia [en] depuis novembre 2015, pour demander une plus grande autonomie ainsi que la liberté et le respect de l'identité ethnique du peuple oromo, qui a connu une marginalisation systématique et la persécution au cours du dernier quart de siècle. Les autorités ont utilisé une force meurtrière [fr] contre les manifestants à plus d'une occasion.

Qu'est-ce qui a déclenché le mouvement de foule lors des célébrations de l'Irreecha ?

L'incident sanglant de dimanche s'est déroulé au lac Hora [fr], lieu de pèlerinage, dans la ville appelée Bishoftu, à environ 48 km au sud-est d'Addis-Abeba, la capitale éthiopienne. On estime que des centaines de milliers de personnes provenant de tous les coins de l'Ethiopie se sont réunies, non seulement pour la fête d'Irreecha, un jour férié qui marque le début de la nouvelle saison des récoltes en Oromia, mais aussi pour organiser une manifestation pacifique.

Les rues de Bishoftu et les terrains autour du lac Hora étaient bondés de milliers de personnes qui attendaient pour placer l'herbe verte et des fleurs sur la rive du lac, un rituel de l'Irreecha qui marque le début de la nouvelle saison. Dans le même temps, il y avait aussi une forte présence des forces de sécurité en tenue anti-émeute avec des masques à gaz, de longues matraques et des canons sur des véhicules militaires. Certains participants scandaient des slogans en se déplaçant partout, croisant leurs bras en forme d'X – un signe utilisé par le peuple oromo pour protester contre la répression du gouvernement éthiopien.

Quand un représentant du gouvernement a essayé de prononcer un discours devant la procession, les manifestants l'ont accueilli par une chahut [amh] Une vidéo montre un manifestant prenant la parole pour faire scander au public “À bas, à bas TPLF”. Le TPLF est le Front de libération populaire du Tigré, le principal parti de la coalition au pouvoir en Ethiopie.

Ensuite, une série de coups de feu a retenti [amh] sur les lieux. Pendant ce temps, un hélicoptère tournait au-dessus du rassemblement. Le chaos s'est produit lorsque les manifestants ont fui pour se mettre à l'abri. “Les gens ont commencé à fuir dans toutes les directions en criant “ils tirent en provoquant la chute d'un grand nombre de personnes du haut d'une falaise” m'a dit un survivant qui était sur les lieux.

Pourquoi Irreecha ?

Irreecha est la fête la plus populaire en Oromia, connue pour sa valeur culturelle et religieuse pour le peuple oromo, le plus grand groupe ethnique éthiopien. C'est ainsi que la célébration biannuelle de l'Irreecha est étroitement liée à la signification politique de ce que veut dire être Oromo.

En outre, depuis de nombreuses années, l'opposition des militants oromos exprime explicitement son mécontentement du système politico-économique éthiopien lors des célébrations d'Irreecha. Même autrefois, en des temps politiquement plus calmes, les participants aux célébrations d'Irreecha en Oromia ont ouvertement manifesté leur allégeance à des partis politiques oromos interdits tels que le Front de libération Oromo. Faire des déclarations politiques lors des célébrations d'Irreecha révélait les sentiments de marginalisation et de dépossession vieux de décennies.

Cependant, les célébrations d'Irreecha 2016 ont été encore plus ressenties que d'habitude parce qu'elles ont eu lieu à un moment de deuil pour ceux qui sont morts dans des manifestations au cours des onze derniers mois. En quelques chiffres, au moins 700 personnes ont été tuées en relation avec des manifestations au cours de 2016. Depuis novembre 2015, les informations que quelqu'un a reçu des balles, a été arrêté ou soumis à un harcèlement violent de la part des forces de sécurité sont devenues  quotidiennes.

Dimanche, le peuple oromo avait transformé le pèlerinage pour l'Irreecha en un moment de célébration de son identité, mais aussi d'expression de ses griefs. La violence qui s'y est vérifiée a secoué l'Ethiopie, car elle semble être la première répression par les forces de sécurité d'une manifestation culturelle et religieuse importante du peuple oromo, mais aussi la plus violente répression [amh] jamais perpétrée spécifiquement contre l'identité oromo. Elle devait probablement servir à intimider [en] les organisateurs des protestations récurrentes dans cet Etat ainsi que dans celui d'Amhara, pour montrer que le gouvernement éthiopien était fort et que quiconque ose contester son autorité en pâtirait.

USA – Russie : Quand l'ours sort de son hibernation, c'est la glaciation bilatérale

mardi 11 octobre 2016 à 18:15
Photo: Flickr / Jim Nix / Edited by Kevin Rothrock

Photo: Flickr / Jim Nix / montage de Kevin Rothrock

Au débat électoral américain des vice-présidents la semaine dernière, entre leçons de morale et coupures de parole, le candidat républicain Mike Pence a poursuivi la tendance inusitée de cette campagne : parler de la Russie. M. Pence a ânnoné à l'auditoire ce qu'il a présenté comme un “vieux proverbe” : “L'ours russe ne meurt jamais, il ne fait qu'hiberner”. Le dicton se prétendait une image de la menace latente qu'est la Russie pour les Etats-Unis.

Aussi saisissant qu'ait pu sonner ce proverbe à des oreilles américaines vierges, il est en réalité absent de la culture russe. De fait, il n'est apparu qu'une fois : dans un entretien accordé par M. Pence à la National Review en 2014. “L'Histoire montre que les ambitions de l'ours russe ne meurent jamais : elles entrent seulement en hibernation” déclarait-il au journaliste John Fund.

Quoi qu'il en soit, s'il y a quelque chose que l'Internet russe adore, ce sont les erreurs, malentendus et les gens qui disent des bêtises. Peu après le débat, la porte-parole du Ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, s'est payé la tête de Pence sur sa page Facebook. Mme Zakharova, qui ne dédaigne pas partager ses poèmes patriotiques sur Facebook, s'est même donné la peine d'écrire en anglais :

“Contrairement au grizzly” a ajouté Maria Zakharova
Votre attention s'il vous plaît ! Aujourd'hui je fais mon coming out !
Bonjour tout le monde ! Je suis l'éternel ours russe qui ne meurt jamais mais hiberne de temps à autre. Je ne suis pas seul. Il y a des tas d'ours russes comme moi. Je suis même marié à une congénère et nous avons une petite oursonne velue. Je mange du miel et j'essaie de faire rire.
Et je vous aime de tout mon coeur d'ours russe !

Si le “proverbe russe” semble être l'invention de Pence, il n'en reflète pas moins les tensions toujours montantes entre Washington et Moscou. Après la confusion initiale fin septembre sur qui avait bombardé un convoi de l'ONU livrant de l'aide humanitaire à la ville syrienne assiégée d'Alep, les responsables publics occidentaux disent que les preuves mettent en cause les forces armées russes.

Les 20 morts confirmés et les nombreux volontaires et civils grièvement blessés ont fait dire dire au représentant de l'ONU Jens Laerke que cet acte pouvait être considéré comme un crime de guerre. Un coordinateur de l'équipe de Secours d'Urgence de l'ONU a confirmé que l'attaque serait qualifiée crime de guerre s'il pouvait être établi que les travailleurs humanitaires avaient été ciblés délibérément.

Depuis cette attaque, tous les convois d'aide de l'ONU pour la Syrie sont suspendus.

Dans les semaines qui ont suivi la frappe aérienne, Moscou a nié avec véhémence son implication, allant jusqu'à accuser les USA de l'avoir menée, en affirmant que le renseignement russe avait détecté un drone Predator américain à Alep dans les minutes précédant l'attaque.

L'équipe d'enquête open-source “Bellingcat” a pourtant publié de nouvelles preuves indiquant l'implication russe. Dans les décombres, des sauveteurs ont découvert les restes d'un OFAB-250-270, une bombe sans guidage de fabrication russe. Selon Bellingcat, “L'usage de cette bombe par les aviations syrienne et russe est largement documentée dans les frappes aériennes en Syrie. Ces bombes ne sont pas utilisées par l'aviation de l'OTAN, en particulier les drones de type Predator”.

Tandis que les responsables à Washington parlaient ouvertement d'ouvrir une enquête contre la Russie et la Syrie pour crimes de guerre, le Président Vladimir Poutine suspendait un traité sur l'élimination du plutonium signé il y a plus d'une décennie. Avant d'annuler, le 5 octobre, un autre accord nucléaire avec les USA sur la coopération dans la recherche et développement scientifique sur le nucléaire dans l'énergie.

Le Kremlin se dit prêt à reprendre les accords de coopération nucléaire si les Etats-Unis consentent à une série de conditions, qui sont : la fin des sanctions économiques contre la Russie en raison de son intervention militaire en Ukraine, le paiement d'indemnités pour les dommages causés par les sanctions aux entreprises russes, et la réduction de la présence militaire américaine dans les pays de l'OTAN frontaliers de la Russie.

Selon Moscou, la suspension de ces accords était une riposte nécessaire aux “actes inamicaux” des Etats-Unis. Le Kremlin a remisé le premier accord nucléaire à peine quelques heures avant l'annonce par la Maison Blanche de la rupture des discussions de cessez-le-feu avec la Russie dans la guerre en Syrie. Les USA et la Russie continueront cependant à communiquer à propos des frappes aériennes visant les positions de l'EI dans la région, pour éviter toute interférence ou accident.

“L'administration Obama a fait tout ce qui était en son pouvoir pour détruire le climat de confiance qui aurait pu encourager la coopération”, a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué officiel après la suspension du traité. “Nous voulons que Washington comprenne qu'on ne peut pas, d'une part introduire des sanctions contre nous là où elles sont indolores pour les Américains, et de l'autre poursuivre une coopération sélective dans les domaines qui leur conviennent”.

Alexeï Pouchkov, un sénateur de l'Assemblée de la Fédération de Russie et ancien président de la Commission des Affaires étrangères à la Douma d'Etat, a écrit sur Twitter que la confiance dans les Etats-Unis était épuisée depuis longtemps :

Hier, à l'antenne, j'ai proposé que nous n'abordions plus jamais les “bonnes intentions” et l'innocence supposée des USA. Elle est perdue depuis longtemps et irrécupérable.

Les opposants au Kremlin, qui à leur habitude critiquent leur gouvernement qui fait des Etats-Unis le bouc émissaire des problèmes intérieurs, s'amusent de ce que Moscou réclame maintenant des dédommagements pour des sanctions occidentales dont les responsables s'échinent depuis des années à expliquer qu'elles sont en réalité une aubaine pour l'économie russe.

Alexeï Navalny, l'activiste anti-corruption qui a monté une impressionnante campagne pour sa candidature à la mairie de Moscou il y a trois ans, a incendié les exigences du Kremlin :

Poutine exige des dédommagements pour les pertes dues aux sanctions et contre-sanctions. Etonnant : deux ans que les experts disent à la télévision qu'elles n'ont rapporté que des avantages

Le journaliste d'opposition et ancien combattant de la guerre de Tchétchénie Arkadi Babtchenko a aussi ironisé, en rappelant la mode depuis deux ans des T-shirts illustrés d'images de matériel militaire russe avec le slogan “Sanctions ? Ne fais pas rire mes [missiles] Iskander !” Au vu des efforts tout neufs de Moscou pour récupérer les pertes des sanctions supposées “risibles”, ce sont plutôt les T-shirts qui le sont devenus.

Poutine exige des USA une indemnisation des préjudices résultant des sanctions, y compris “les pertes dues à l'introduction de nécessaires contre-sanctions.”
Vous avez bien rigolé ?
Bonne nuit.