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Une artiste kirghize invite les filles à ‘créer leur liberté” dans une chanson au succès fracassant

mercredi 19 septembre 2018 à 15:33

Arrêt sur image de la vidéo de Zere'Kyz’.

La jeune artiste Zere Asylbek a déboulé dans la vie publique du Kirghizstan avec une chanson qui défend le droit des femmes à disposer à leur guise de leurs corps.

Ce faisant, elle a aussi imposé sa marque dans un débat à hauts risques de dimensions autant nationale que mondiale.

La chanson Kyz, (“Fille” en langue kirghize) est la première enregistrée par Zere. Interrogée par le service en kirghize de RFE/RL le 16 septembre, Zere a dit qu'elle ne se voyait pas comme une musicienne en soi, mais plutôt comme une “créatrice au sens le plus libre”.

Kyz, dit-elle, veut souligner que si chaque personne a sa propre vocation, “les vocations des autres doivent être acceptées, ou au moins reconnues”.

[Note : la vidéo doit être visionnée sur YouTube ; le lien apparaîtra en cliquant sur la flèche, ci-dessous]

Voici la traduction brute de la chanson de Zere :
Je voudrais que le temps passe, je voudrais qu'un temps arrive
Où ils ne me prêcheraient pas comment vivre ma vie
Où ils ne me diraient pas “Fais ci” “Ne fais pas ça”
Pourquoi je dois être comme vous [me] voulez, ou comme la majorité [me] veut,
Je suis un humain – c'est ma liberté de parole.
Je te respecte, tu me respectes.

Toi et moi,
Ma chère, viens avec moi,
Nous créerons notre liberté.

Le temps passera, un temps viendra,
Personne ne me dira “Ne mets pas ça”, “Ne fais pas ça”,
Ne me crie pas dessus ainsi
Pourquoi je dois être comme vous [me] voulez, ou comme la majorité [me] veut,
Je suis un humain – c'est ma liberté de parole.
Je te respecte, tu me respectes.

Pourquoi cette chanson ?

Au Kirghizstan, l'habillement des femmes est depuis un certain temps un sujet brûlant, sur lequel s'écharpent conservateurs et défenseurs de la laïcité inquiets de l'influence croissante de l'islam alors que bouillonnent les batailles de société autour de l'avenir de ce pays ex-soviétique.

L'ex-président Almazbek Atambayev a versé de l'huile sur le brasier en 2016 lorsqu'il a avalisé une série de banderoles qui interrogeaient “dans quelle direction va (le peuple kirghize)?”

Les banderoles imprimées par un mouvement patriote confrontaient une inclination plutôt récente pour le niqab dans certaines parties du pays avec le costume traditionnel kirghize.

Un affichage accueilli par la suite par une riposte ironique sous forme de bannières posant la même question alarmiste, mais montrant des femmes kirghizes vêtues de mini-jupes et de shorts à la place de celles en niqabs.

Atambayev a qualifié les auteurs de la seconde bannière de “smarty-pants” (“gros malins” ; aussi un jeu de mot intraduisible sur pants, culotte)

“Nos femmes portent la mini-jupe depuis les années 1950, et ça ne leur serait pas venu à l'idée de mettre une ceinture d'explosifs”, a dit Atambayev.

Ses propos désinvoltes sur la tenue islamique ont été repris par des politiciens d'ailleurs, dont l'ex-Secrétaire d’État aux affaires étrangères britannique Boris Johnson récemment.

Une bannière controversée appelant les femmes à désavouer le niqab comme non-national a été installée par un mouvement patriote à Bichkek, puis dans tout le pays, après avoir obtenu l'accord de l'ancien dirigeant Almazbek Atambayev. Quelques-unes ont été lacérées ou brûlées. Photo par Sputnik.kg. Utilisation autorisée.

La riposte aux bannières originelles. Photo par Kaktus Media. Utilisation autorisée.

L'union fait la force

De façon saisissante, la vidéo de la chanson de lancement de Zere montre des femmes dont les vêtements correspondent à la diversité du Kirghizstan. Et bien entendu, le message n'a pas plu à tout le monde.

La vidéo a été visionnée 120.000 fois en quatre jours [167.000 avec un jour de plus], un nombre phénoménal sachant que le Kirghizstan a à peine 6 millions d'habitants et que les paroles sont en kirghize et non dans la seconde langue de la république, le russe.

Lors de l'écriture de cet article, le clip comptait 2.000 “j'aime” et 5.500 “je n'aime pas” [respectivement 2.700 et 7.000 le 19 septembre]. De nombreux commentaires sur les statuts Facebook reprenant la vidéo expriment de la répulsion voire de la haine contre la chanteuse de 19 ans.

Sujet brûlant au Kirghizstan ce week-end : une chanteuse de 19 ans publie une vidéo en soutien-gorge et veste avec un message à la “ça n'est pas de vos affaires”. Chacun juge et dit “ouais, bonne chanson, mais quand même ç'aurait été mieux d'être habillée autrement”. Hé, ça n'est pas de vos affaires.

Écrivant sur Facebook peu après la publication du clip, le père de Zere Asylbek, Asylbek Zhodonbekov, a dit avoir reçu un mélange de félicitations et de regrets de ses amis et connaissances.

M. Zhodonbekov a relevé que Zere s'est trouvé des affinités avec le militantisme politique depuis qu’une victime d'enlèvement de la mariée a été tuée par son ravisseur à l'intérieur d'un bureau de police alors qu'elle attendait pour écrire sa déposition contre lui en mai.

Le crime choquant avait provoqué des manifestations contre la négligence des forces de l'ordre dans un pays où des milliers de jeunes filles sont enlevées chaque année et “a eu un puissant effet sur elle”, a-t-il expliqué.

Certains des messages reçus par M. Zhodonbekov étaient particulièrement durs. Une connaissance a même comparé Zere à Baba Yaga, un personnage de sorcière du folklore russe. “Elle est vraiment votre fille ?” a demandé l'individu.

“Oui, Zere est ma fille”, a écrit M. Zhodonbekov dans son billet. “Une fille à la pensée libre d'un Kirghizstan libre.”

Onze personnes devant la justice belge : les poursuites pour ‘délits de solidarité’ se multiplient en Europe

mardi 18 septembre 2018 à 16:48

Le procès, le 6 septembre, de 11 personnes qui ont aidé des migrants en Belgique a attiré de nombreux manifestants. Photo: Melissa Vida. Utilisation autorisée.

Onze personnes arrêtées et inculpées de trafic d'êtres humains en octobre 2017 ont comparu en justice à Bruxelles le 6 septembre, première audience d'un procès qui, aux dires des militants n'est qu'un cas de plus de “criminalisation de la solidarité” en Europe.

Les prévenus auraient aidé 95 migrants sans-papiers, dont 12 mineurs, à se rendre de Belgique au Royaume-Uni l'année dernière, soit en les hébergeant à leurs domiciles, soit en leur prêtant des téléphones, ce qui leur avait indirectement facilité la traversée de la Manche.

Le jour de l'audience, trois cents personnes ont manifesté devant le tribunal, dénonçant un procès politique visant à dissuader les gens d'aider les migrants en instaurant un précédent judiciaire propre à les intimider.

Les prévenus sont deux journalistes belges, une travailleuse sociale belgo-marocaine et un Tunisien résident belge régulier, ainsi que sept migrants sans-papiers. Huit des prévenus sont en détention depuis leur arrestation.

La loi belge dispose qu'une transaction monétaire doit être présente pour qu'un acte soit qualifié de trafic d'êtres humains, que les prévenus dénient totalement. Toutefois, la relation entre les migrants et ceux qui les aident semble tomber dans une zone grise légale, ce qui fait craindre une extension injuste de la loi pour s'en prendre aux militants.

Myriam Berghe, une des deux journalistes, a indiqué dans un entretien à la RTBF (le service public de radio-télévision belge) qu'elle a reçu de l'argent pour le compte d'un migrant qu'elle hébergeait. Le migrant en question avait été destinataire d'un versement de l'étranger par Western Union, détaille Mme Berghe, mais n'avait aucun moyen de l'encaisser en l'absence de pièce d'identité. Ce qui pour Berghe était un simple petit service est devenu aux yeux des autorités un paiement à un passeur.

Dans le même entretien, elle explique que si certaines des personnes qu'elle a hébergées étaient bien des passeurs, elle ne les voyait pas comme des “trafiquants d'êtres humains” :

Oui, j’ai hébergé des passeurs. Mais il faut voir de quelle réalité on parle. Les douze personnes interpellées dans ce dossier n’ont rien à voir avec ce que le droit appelle des “trafiquants d’êtres humains”. Ce sont des jeunes paumés qui essaient de survivre en devenant de petits passeurs, le temps de se payer eux-mêmes un passage.

Myriam Berghe et Anouk Van Gestel, la deuxième journaliste, ont écrit une lettre ouverte au Premier ministre belge. Dans cet extrait, elles disent leur consternation devant l'état actuel de la démocratie en Belgique :

Est-il acceptable que, dans un pays qui se dit être une démocratie, deux citoyennes se retrouvent inculpées d'association criminelle et de trafic d'êtres humains avec la circonstance aggravante qu'il s'agit de mineurs, parce qu'elles ont ouvert leur porte à des personnes en état de détresse absolue?

Le jour du procès, Selma Benkhelifa, une des avocates de la défense, a rappelé comment le ministre de l'Intérieur Jan Jambon a rendu responsables de l'occupation du parc Maximilien, squatté par des centaines de migrants à Bruxelles, les gens qui leur viennent en aide :

C’est un procès éminemment politique. Jan Jambon a déclaré que la situation au parc Maximilien était la responsabilité des hébergeurs. On entend d’abord ces déclarations très provocantes et derrière on constate effectivement des poursuites qui vont dans ce sens.

Ceci n'est que le dernier épisode en date des dispositifs de contrôle des frontières qui ont un profond impact sur la politique européenne ces dernières années.

A Bruxelles, 10.000 personnes ont défilé en février contre les politiques anti-migrants. En mai, la mort d'un demandeur d'asile kurde de 4 ans aux mains de la police belge a causé une large indignation. Plus récemment, la réouverture par les autorités d'un centre de détention pour les familles sans-papiers a également soulevé les critiques des défenseurs des droits humains.

Des personnes qui ont aidé des migrants sans papiers ont également été traînées en justice dans d'autres pays européens.

En France, l'assistance aux migrants en situation irrégulière était illégale jusqu'en juin 2018. En Italie, une association caritative espagnole de secours aux embarcations de migrants en détresse en mer fait l'objet d'une enquête, tandis qu'en Suisse un pasteur a été condamné à une amende de 1.112 € pour avoir hébergé dans son église un migrant togolais sans-papiers.

En Espagne, la militante des droits humains et chercheuse Helena Maleno a été inculpée de trafic d'êtres humains après avoir aidé à secourir des canots en Méditerranée. Selon Mme Maleno, il y a en ce moment 45 procès en cours devant différents tribunaux d'Europe, où des gens sont poursuivis pénalement après avoir aidé des migrants sans papiers. Mme Maleno quant à elle est sous enquête des autorités marocaines.

Les autorités hongkongaises peinent à suivre la prolifération des espaces virtuels de harcèlement sexuel

lundi 17 septembre 2018 à 20:32

Photographie Hong Kong Free Press. Utilisée avec autorisation.

Cet article a été originellement écrit par Jennifer Creery et publié par Hong Kong Free Press (HKFP) le 8 septembre 2018. La version ci-dessous est reproduite par Global Voices dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

C'est une kyrielle de messages sur un canal Telegram de 10 000 utilisateurs, où se partagent des images explicites de femmes sans leur consentement, qui a mené l'activiste Emilia Wong à passer à l'action.

Mme Wong est une cyber-militante qui tient un “blog sur le genre”, où elle publie des articles sur l'autonomie corporelle. Après 6 mois d'une discrète observation du groupe Telegram, elle divulgue alors une série de captures d'écrans accablantes sur son site. Il s'en est suivi un tollé médiatique qui a déclenché un intense débat sur les protections juridiques accordées aux victimes de crimes sexuels liés aux smartphones.

Ce canal Telegram, “Street Shooting Valley @callginhk” (Littéralement : vallée des photos de rue), fonctionnait sur l'application de messagerie depuis un an et avait amassé une communauté fidèle de voyeurs qui publiaient plus de 100 photos explicites par jour. Le nom est une référence à cette pratique (NdT : le “upskirting”) qui consiste à prendre furtivement des photo sous les jupes des femmes dans la rue et de les partager ensuite sur le net. Sauf que leurs images incluent également des images de nus dont certaines, d'après Emilia Wong, appartiendraient à des mineures. Elle a ainsi déclaré :

Their values are really twisted…They treat women as extremely sexual objects. They think that a woman’s worth is solely invested in her sexuality and how appealing she is to men.

Leurs valeurs sont vraiment tordues…Ils traitent les femmes comme des objets extrêmement sexuels. Ils pensent que la valeur d'une femme n'est investie que dans sa sexualité et la façon dont elle plaît aux hommes.

En vertu de l’article 161 de l'Ordonnance sur les délits, toute personne reconnue coupable “d'accéder à un ordinateur à des fins criminelles ou malhonnêtes” (smartphones inclus), est passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans. Cependant, les poursuites ont été suspendues jusqu'à que la cour de dernier ressort clarifie le droit suite à un dossier contesté présenté l'année prochaine.

D'après Amy (un nom d'emprunt), qui a rejoint le groupe après avoir été molestée en juillet, ce retard a été applaudi par les utilisateurs de @callginhk. Elle explique :

I was on the MTR and a man tried to follow me, like a detective…He was obviously taking photos of me, because his phone was at his stomach or knee area, in quite a low position… I was frightened and thought he might have mental problems.

J'étais dans le métro et un homme a essayé de me suivre, comme un détective…Il prenait manifestement des photos puisque son téléphone était à la hauteur de son ventre ou de ses genoux, dans une position très basse…J'étais effrayée et j'ai pensé qu'il avait peut-être des troubles mentaux.

Peu après, une amie d'Amy lui a signalé que ces images pouvaient être retrouvées sur un soit-disant groupe pour voyeurs sur Telegram, une application mobile devenue populaire auprès de la communauté pour son cryptage sécurisé. Amy a réussi à trouver le nom du canal par le biais de son amie et l'a rejoint :

When I entered, there were so many members…I was shocked and afraid because I thought Hong Kong was a safe space, but now I doubt its safety.

Quand j'ai rejoint le groupe, il y avait tant de membres…j'étais choquée et effrayée car j'ai toujours cru que Hong Kong était un endroit sûr, mais aujourd'hui j'en doute.

The Asian Feminist, une plate-forme de médias sociaux représentative des droits des femmes, a dit à HKFP que la médiocre protection par la loi des femmes dans la cité rend celles-ci vulnérables :

Hong Kong generally has lagged behind in tackling violence against women, from domestic violence to upskirting. There is currently no law specifically to tackle upskirting, and from what we read from media reports about the crime, the punishment tends to be light, like the 18-month probation given to a doctor who took upskirting photos of hospital patients.

De la violence domestique au “upskirting”, Hong Kong est en général à la traîne pour s'attaquer aux violences contre les femmes. À l'heure actuelle, il n'existe aucune loi qui condamne spécifiquement la pratique du “upskirting” et d'après les récits des médias sur ce délit, la sanction tend à être légère, comme ces 18 mois avec sursis à ce médecin qui prenait des photos sous les jupes de patientes de l'hôpital.

Ceux qui sont arrêtés pour avoir pris des photos indécentes sont pour l'heure poursuivis sous diverses lois, dont le “trouble dans les lieux publics” et “vagabondage” font partie. Cependant, une représentante de Rainlily, un groupe de soutien contre la violence à caractère sexuel, a déclaré à HKFP que ces lois ne permettaient pas de criminaliser la nature sexuelle du délit.

“Ils pensent être des héros”

Les captures d'écran de @callginhk dépeignent un portrait impitoyable de ses utilisateurs : narcissiques, dans leur droit et grossiers. Emilia Wong a partagé ses observations :

They think they are heroes…If a woman is not physically attractive to them, then she is basically worthless. They only treat them as pieces of meat, It’s quite degrading.

Ils pensent être des héros…Si une femme n'est pas physiquement attirante à leurs yeux, alors elle ne vaut rien, tout simplement. Ils les traitent comme de simples morceaux de viande. C'est totalement dégradant.

Elle a rapporté que les utilisateurs considèrent comme un honneur pour une femme de voir des photos prises par eux, puisque cela montre leur appréciation envers elle.

Mme Wong est elle-même une militante de l'autonomie corporelle qui publie des nus non-explicites sur un petit groupe en ligne :

I would post more revealing pictures and say that women have the right to wear what they want and still be respected.

Je publierais des images plus révélatrices et dirais que les femmes ont le droit de s'habiller comme elles le veulent tout en étant toujours respectées.

Mais dans un monde où la communication est omniprésente, les mots (ou les images) vont vite, et rapidement ses photos se sont retrouvées sur le groupe Telegram, où les utilisateurs ont fustigé son apparence : “Signalons tous les publications de la grosse pute” a exhorté Thomas Chan, alors qu'un autre utilisateur, Kit Hey, a déclaré : “Il y a probablement des milliers de personnes qui détestent la grosse pute.” Un internaute sur Facebook avançait même une théorie comme quoi elle était une prostituée à temps partiel.

Son activisme a conduit à un flot d'insultes sur Internet, y compris des menaces de mort et des courriels envoyés à ses professeurs et employeurs. Cela n'a en rien ébranlé sa détermination. Elle a déclaré vouloir mettre en place un système en ligne pour signaler les insultes et les utilisateurs fautifs :

It’s like a balancing strategy, to make them feel like they are not as safe in those groups.

C'est une stratégie d'équilibrage. Pour leur faire se sentir moins à l'abri dans ces groupes.

Une technologie accessible

Sur Taobao, un site marchand populaire appartenant à Alibaba, caméras-espions prenant la forme de stylo ou de clés de voitures se vendent pour à peine HK$160 (17,50€). Il n'y a pas de restrictions sur qui peut en acheter, ce qui en fait un outil accessible pour les pervers qui prennent des photos sous les jupes. D'après Emilia Wong :

In [@callginhk] they have discussed how to take these pictures better. They talk about the cameras that are hidden in glasses, in your specs, in zippers, in shoes…They ask whether anyone has bought these cameras, and are these cameras usable…From some of the pictures, you can see that the angle is really weird, as if there’s a camera in someone’s shoes, because it’s impossible for the angle to be that low if you’re holding a normal camera or your phone – so I think someone has bought it and is using it in Hong Kong now.

Sur [@callginhk] ils discutent de la façon de prendre de meilleurs photos. Ils parlent d'appareils photos cachés dans les lunettes, les verres, les fermetures éclair, les chaussures…Ils demandent si quelqu'un a déjà acheté ces appareils et si ces derniers sont utilisables…Sur certaines photos, on peut voir que l'angle est vraiment étrange, comme s'il y avait un appareil photo dans la chaussure de quelqu'un, parce que c'est impossible d'obtenir un angle si bas si on tient un appareil classique ou son téléphone. Je pense donc que quelqu'un l'a acheté et l'utilise actuellement à Hong Kong.

Un problème rencontré par les autorités qui luttent contre le harcèlement sexuel en ligne, c'est la rotation rapide de groupes tels que @callginhk. Dès que l'un d'eux est mis en lumière, il est rapidement supprimé et remplacé par un autre portant un nom différent. D'après Emilia Wong, “Telegram est la plateforme la plus extrême du moment du fait du sentiment de sécurité ressenti par l'agresseur.”

Mme Wong a expliqué que ses efforts pour dénoncer le groupe à la police avaient été balayés :

I have contacted the police, but I think their actions are rather slow… only after these things were exposed to the media that they really did their follow-up. Before, they didn’t really reply [to] me…I don’t think the police can really adjust to the fast-changing environment of social media and the internet era.

J'ai contacté la police, mais je trouve qu'ils sont plutôt lents à agir…c'est seulement après que les faits ont été exposés aux médias qu'ils ont vraiment commencé un suivi. Avant ça, ils ne me répondaient pas vraiment…je ne pense pas que la police puisse réellement s'adapter à l'ère d'internet et à l'environnement en rapide mutation des réseaux sociaux.

Dans un communiqué à HKFP, la police a déclaré qu'elle enquêtait actuellement sur cette affaire :

The Police remind the public that the cyber world of the internet is not a virtual space beyond the law. Under the laws of Hong Kong, most of the ordinances stipulated in the real world may also apply for the cyber world.

La police rappelle que le cybermonde d'Internet n'est pas un lieu virtuel au dessus des lois. En vertu des lois de Hong Kong, la plupart des dispositions établies pour le monde réelles peuvent également s'appliquer au cybermonde.

Telegram n'a pas répondu aux multiples sollicitations de HKFP. @callginhk ne fonctionne plus comme avant, les administrateurs ont désormais banni le contenu de nus et les photos sous les jupes, mais les utilisateurs peuvent toujours accéder à des dizaines de liens vers des groupes de pornographie et de prostituées. Avec pléthore d'autres groupes à travers lesquels naviguer, cette situation ne semble pas avoir d'épilogue clair à l'horizon.

Les Cubains invités à débattre de leur nouvelle constitution sur des plateformes numériques

lundi 17 septembre 2018 à 19:50

De jeunes Cubains profitent du service d'accès public au wifi sur une place de la Havane. Photo par “Kaldari”. Diffusée sous la licence Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication.

La nouvelle constitution cubaine est actuellement le sujet d'un débat populaire soutenu par le gouvernement à travers l'ensemble du pays. Afin d'encourager une plus grande participation des citoyens, plusieurs nouveaux outils en ligne invitent les Cubains de tous horizons, et notamment ceux qui vivent à l'étranger, à partager leurs opinions et idées autour des propositions de réformes constitutionnelles.

Le débat populaire a été lancé le 13 août dernier et se poursuivra jusqu'au 15 novembre prochain, après quoi les idées de modifications pertinentes feront l'objet d'un vote.

Parmi les points clés de ce projet, on compte notamment la disparition du communisme comme source principale de l'idéologie de l’État, ainsi que l'article 68, qui définit le mariage comme l'union de deux personnes dotées de la pleine capacité juridique. Ce dernier point ouvre notamment la voie à l'union légale entre des personnes du même genre, interprété par beaucoup comme étant le feu vert pour l'égalité d'accès au mariage.

“Nation et émigration”

Parmi les outils disponibles en ligne, on retrouve notamment un espace dédié sur le portail web “Nation et émigration“, mis en place par le Ministère des Affaires étrangères de Cuba.

Capture d'écran de l'espace en ligne dédié au partage des opinions et observations via la plateforme du gouvernement. La page contient le projet de réforme de la constitution et l'image montre un lien qui donne accès à un document d'aide pour rentrer ses données et partager son opinion.

La plateforme numérique a été lancée au début du mois de septembre. Ce site contient différents articles et documents permettant de guider les utilisateurs, ainsi qu'un formulaire en ligne dans lequel il est possible d'indiquer ses commentaires et observations. Toutefois, la société civile, qui ne souhaitait pas attendre que cette section soit mise en ligne, s'est tournée vers les réseaux sociaux afin de lancer le débat sur des pages internet hébergées par Facebook, ou à travers des articles publiés sur des médias en ligne, tels que Granma or Cubadebate, tous deux détenus par le gouvernement cubain.

Le projet Postdata Club

De son côté, le professeur d'université et docteur en sciences Yudivian Almeida, ancien blogueur et participant au projet Bloggers Cuba, a développé un outil en ligne qui facilite la publication organisée des commentaires aux articles de la proposition, offrant ainsi un espace commun à l'ensemble des échanges informels.

Cet outil se trouve sur le site du projet Postdata Club, dirigé par Almeida, et qui fonctionne avec Disqus, un outil d'hébergement et de gestion des commentaires sur les blogs et communautés en ligne.

Dans une interview réalisée par Milena Recio pour Oncuba Magazine, Almeida explique que la majorité du contenu disponible sur le site est supporté par des technologies qui s'appuient sur des services d'hébergement en ligne, ce qui signifie que les utilisateurs peuvent y avoir accès sur leurs appareils numériques, même lorsqu'ils ne sont pas connectés à internet. Il ajoute que ce paramètre s'avère très utile aux Cubains qui ont un accès limité à internet à l'intérieur des terres, et rend le projet unique en permettant à ces derniers d'accéder au texte de la nouvelle Constitution et de le comparer avec l'actuelle.

Capture d'écran du site PostData, dédié au débat sur le projet de réforme de la Constitution. Sur la gauche, les utilisateurs ont accès à différents articles qu'ils peuvent lire au milieu de la page. Le débat, alimenté par Disqus, peut être suivi en bas de l'image. Chaque article présente un nouvel espace de discussion, semblable aux espaces réservés aux commentaires sur les blogs ou autres outils web 2.0.

Par ailleurs, l'outil peut être utilisé aussi bien par des personnes vivant sur le territoire national que par ceux qui résident en dehors de l'île. Pour de nombreuses personnes qui participent déjà aux échanges en ligne, la participation au processus de consultation des Cubains résidant à l'étranger est susceptible de leur ouvrir la voie vers le droit de vote.

Almeida explique également que c'est un outil simple, qui n'est pas destiné à remplacer les échanges encouragés par le gouvernement et qui continuera d'évoluer avec ses utilisateurs :

En un espacio como este no hay que pedir la palabra, no existe un horario para debatir. Se puede ir argumentando en la medida en que se le ocurran respuestas, interrogantes, o planteamientos. Se sale de las condiciones físicas y temporales que tiene la consulta popular.

Dans un espace comme celui-ci, personne n'a besoin de demander pour prendre la parole, et les débats peuvent se faire à toute heure. Quiconque a en tête des solutions, des questions ou bien des propositions, peut prendre part au débat. Cela permet de s'affranchir des contraintes de lieu et de temps fixées par une consultation publique.

Ce projet de réforme de la Constitution cubaine est en préparation depuis 2013. Une commission désignée par l'Assemblée nationale du pouvoir populaire, sous l'actuelle législature, a présenté la version examinée par les députés lors de la séance ordinaire de l'Assemblée nationale des 21 et 22 juillet dernier.

L'éprouvant périple d'un Syrien vers la liberté

dimanche 16 septembre 2018 à 21:26

Firas dans le nord de la Syrie après son déplacement. Utilisation autorisée.

Par une nuit tiède de juillet, un jeune Syrien s'est hasardé dans l'obscurité avec l'espoir de s'échapper de ce qui était jadis chez lui. Il a traversé d'un pas lourd vallons et champs, escaladé montagnes et murs, portant son frère cadet dans ses bras. Documenter les horreurs de la guerre et voyager à travers des plaines enténébrées où les hyènes hurlaient au loin, telle est l'histoire de Firas Al Abdullah.

Firas est originaire de Douma, une ville syrienne dans la région de la Ghouta, située au nord-est de la capitale. Une région qui a connu quelques-unes des atrocités les plus inimaginables pendant le cours de la guerre qui dure maintenant depuis sept ans.

Après deux offensives rebelles qui avaient chassé les forces du régime, le pouvoir Assad, avec l'appui de l'Iran et du Hezbollah, contre-attaqua et assiégea la Ghouta orientale en 2013.

Au nombre des villes assiégées se trouvait la ville d'origine de Firas, Douma. La Commission d'enquête de l'ONU sur la Syrie a qualifié le siège de ‘barbare et moyenâgeux’. De nombreux crimes de guerre et crimes contre l'humanité furent commis pendant les cinq années de siège, allant de l'utilisation d'armes prohibées jusqu'à l'organisation de la famine comme méthode de guerre.

Après les moments d'intense bombardements plus de 100 missiles ont été lâchés par le régime Assad sur les quartiers civils de Douma, Ghouta orientale

L'incident individualisé le plus meurtrier contre les civils de la région a été l'attaque chimique du 21 août 2013. Cette attaque a aussi constitué l'usage le plus meurtrier d'armes chimiques en 25 ans.

Un rapport de l'ONU a confirmé que l'attaque avait été effectuée à l'aide de fusées remplies à hauteur de 60 litres de l'agent neurotoxique sarin. Selon une estimation préliminaire des autorités américaines, l'attaque a coûté la vie à plus de 1.400 personnes, dont au moins 426 enfants.

Si le rapport de l'ONU n'a pas pu désigner de responsable de l'attaque, plusieurs sources indépendantes ont indiqué qu'elle avait été exécutée par le régime syrien. Peter Bouckaert, un spécialiste des armements à Human Rights Watch, a expliqué que le système de fusées identifié dans le rapport de l'ONU était connu pour faire partie de l'arsenal des forces armées syriennes.

Au début de 2018, les attaques constantes sur la Ghouta orientale se sont intensifiées. Une publication de Médecins Sans Frontières (MSF) a décrit la situation comme étant “une terrible et interminable catastrophe médicale.”

Le rapport publiait les données médicales compilées par les installations soutenues par l'organisation pendant les deux premières semaines de l'offensive militaire. Elles font ressortir que du 18 février au 3 mars, 71 personnes en moyenne étaient tuées chaque jour.

Moments en enfer, la ville de Douma en feu par le terrorisme d'Assad et de la Russie contre les civils de la Ghouta orientale. C'est la Shoah de 2018.

A la fin de mars, Douma restait la dernière enclave rebelle.

Le mois suivant, un baril d'explosif comportant du sarin fut lâché sur la ville, et tua au moins 70 personnes. Le personnel médical sur place rapporta que les symptômes des gens soignés correspondaient à ceux provoqués par l'exposition à l'agent neurotoxique.

L'attaque a été attribuée au régime syrien par les militants locaux, les travailleurs humanitaires et bon nombre de pays. La Russie, allié essentiel du régime, prétendit qu'aucune attaque n'avait eu lieu et que la preuve par vidéo était une mise en scène du renseignement britannique.

Tout au long des cinq années du siège, Firas parcourut avec ses compagnons les rues pleines de décombres en faisant des vidéo-reportages sur les nombreux massacres commis, qu'il publiait ensuite sur ses comptes de médias sociaux.

Après une impitoyable campagne militaire, Firas et sa famille furent déplacés de force dans le nord de la Syrie dans le cadre de l'accord d'évacuation du 1er avril. Dans un entretien avec Global Voices, Firas a fait un récit franc de tout ce qu'il a vécu.

“La vie dans le nord était très difficile. On apprenait régulièrement les assassinats et enlèvements, surtout de militants. Alors c'était très dur pour moi là-bas.” Résultat, sa famille a pris la décision de partir en Turquie. Il explique : “Nous voulions continuer à vivre, mais évidemment, ça ne veut pas dire que nous voulions oublier. On ne peut pas oublier la révolution… ce serait laisser tomber tous ceux qui ont été martyrs, tous ceux qui sont encore enfermés, chacun.”

Voilà les tombes dans lesquelles les civils de la Ghouta orientale vivent aujourd'hui. Ces familles vivent ici depuis 72 heures. Les gens ici souffrent du manque de nourriture, de réserves d'eau. Impossible de chauffer, et en plus des mauvaises conditions sanitaires ils vivent ici dans des abris, ce qui cause de graves problèmes de santé. La plupart dans les abris sont des femmes et des enfants.

Firas et sa famille se mirent d'accord avec un passeur pour atteindre la Turquie. Leur périlleux voyage commença dans la nuit du 21 juillet par une marche à travers les vergers de Deir Sawwan. Les hurlements des hyènes n'affaiblirent pas leur détermination. Ils se reposèrent sous un olivier en attendant le signal du passeur que la voie était libre.

Tard dans la nuit, ils arrivèrent enfin au mur frontalier, perché sur montagne. Firas, comme ses parents et sa fratrie marchèrent à la queue leu leu sur le sommet du mur, à peine large de 15 centimètres : pas de place pour poser un pied vers la gauche. Plus ils marchaient le long de cette crête étroite, plus ils s'élevaient loin du sol. Regardant en contrebas, Firas se vit au-dessus d'un dénivelé de 30 mètres.

Muhammad, le frère cadet de Firas, a le même âge que la guerre. Firas lui a dit avant de partir, “tu seras heureux en Turquie, tu pourras sortir de la maison et jouer dans des rues propres et agréables.” Pendant qu'ils continuaient à avancer sur l'arête longue d'un kilomètre, le pied de Muhammed dérapa soudain vers la gauche. Tout au juste au moment où il allait tomber, Firas le saisit au vol par le poignet.

Parmi les 20 kilos d'objets dans le sac à dos porté par Firas il y avait les clés de sa maison, lourdement endommagée par les frappes aériennes.

Au petit matin, la famille Al Abdullahs atteignit enfin le bout du mur, dont la construction n'était pas terminée. En descendant de l'arête, ils firent leurs premiers pas sur le sol turc.

Leur épuisant voyage continua par trois heures de marche par monts et par vaux, au milieu des rochers. A un moment, Firas dut porter Muhammed pour sauter au-dessus d'une rivière. Sa mère se fatiguait aussi, il la porta donc tour à tour avec son frère. “C'était une course extrêmement éprouvante, dans l'obscurité. La lune éclairait trop peu”, raconte-t-il.

Après plus de 5 kilomètres à pied depuis avoir quitté le mur-frontière, ils arrivèrent dans la ville turque de Kilis. Déshydratés et épuisés, ils furent emmenés par un taxi travaillant avec le passeur dans un appartement pour un court repos. Peu après, un autre taxi les embarqua pour seize heures de route jusqu'à Istanbul où leurs proches les attendaient. Ils arrivèrent à Istanbul à 22h30 le 22 juillet.

Quand je lui ai demandé ce qu'il avait ressenti en arrivant à Istanbul, il a répondu qu'il “[s'est] senti  sous le choc pendant à peu près une semaine, et incrédule d'être parti [de Syrie] pour se trouver maintenant dans un endroit où les gens vivent normalement.” “J'avais atteint le ‘monde réel’ – c'est comme ça que je l'appelle – le monde réel où tout le monde vit mais dont nous étions exclus sur le compte de la brutale oppression que nous devions endurer sous le régime syrien. [Le régime] nous a fait vivre dans une sorte d'âge rétrograde, barbare à l'intérieur de ce ‘monde réel plus large’.”

Il a dit son ravissement à la vue de lampadaires pour la première fois en sept ans. “Pour la première fois depuis des années, on voyait des rues qui n'étaient pas endommagées par les missiles, des trottoirs qui n'étaient pas défigurés par les éclats d'obus, et des murs qui n'étaient pas tachés par la guerre”, s'émerveille-t-il.

Mais les terreurs que Firas a vécues en Syrie le poursuivent dans son nouveau pays.

“A la seconde où un avion de ligne ou un hélicoptère nous survole, nous rentrons automatiquement la tête dans les épaules et sommes submergés par la peur. Il me vient instantanément à l'esprit d'avertir les autres que les avions militaires sont au-dessus de nous, comme si j'étais encore dans la Ghouta”, explique Firas. Il a un petit rire : “Ça peut paraître fou, mais il nous faudra du temps pour oublier l'horreur que nous avons vécue.”

Et de conclure, “C'est mieux ici, bien sûr, surtout pour ma famille. Et ma famille est ce qui compte pour moi.”

La liberté pour toujours… Levons notre fierté jusqu'au ciel. “Hasta la Victoria Siempre”