PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Des graffeurs capables de “nous nettoyer l'esprit”, ça existe

vendredi 23 janvier 2015 à 23:02

L'écrivain espagnol Eloy Moreno a partagé via son compte personnel sur Twitter un message à propos du rôle social des graffeurs.

Il y a deux sortes de graffeurs: ceux qui s'emploient à salir les rues et ceux qui nous nettoient l'esprit.
Texte du graffiti : “Rien ne va s'il reste un enfant à la rue”

Wikipedia nous apprend que cet auteur de 43 ans est connu pour avoir publié en autoédition son premier roman, “El bolígrafo de gel verde”.

La principale cause de mortalité dans les pays en voie de développement risque de vous surprendre

vendredi 23 janvier 2015 à 16:38
A landfill fire in Fada-Ngourma, Gourma Province, Burkina Faso. Photo by Flickr user lepetitNicolas. CC-BY-NC-SA 2.0

Incendie sur une décharge à Fada-Ngourma, Province de Gourma, Burkina Faso. Photo de lepetitNicolas sur Flickr. CC-BY-NC-SA 2.0

Ce post de Richard Fuller est publié par Ensia.com, magazine qui met en lumière des solutions environnementales internationales en action. Nous le reprennons ici conformément à un accord de partage de contenus.

Quelle est la cause de mortalité la plus importante dans les pays à faible et moyen revenus ?

A.  malnutrition et dénutrition
B.  tuberculose, malaria et sida
C.  pollution

Si vous avez répondu “C”, c'est la bonne réponse. Les expositions à la pollution des sols, de l'eau et de l'air (domestique et ambiante) ont tué 8,4 millions de personnes dans ces pays en 2012.

Une autre statistique vaut la peine d'être mentionnée: 9 millions de personnes dans le monde sont mortes à cause de la pollution en 2012, dont 8,4 millions dans les pays les plus pauvres. Ce n'est donc pas un problème de “pays riche”. C'est un problème qui touche les pays en voie de développement.

Pour illustrer ces chiffres, les statistiques de l'Organisation Mondiale de la Santé font état de 56 millions de personnes mortes en 2012 — il s'agit de toutes les personnes décédées sur la planète, que ce soit des suites d'accidents de voitures, de suicides, de vieillesse, de cancer, d'erreurs médicales, par la foudre, de maladies infectieuses, en parachute, à cause des guerres, ou pour toute autre raison. Ce qui signifie que la pollution a tué près d'1 personne sur 7.

La pollution de l'air extérieur a fait 3,7 millions de morts. 4,2 millions de personnes sont mortes des suites d'exposition à des particules, en intérieur, provenant de cuisinières. Environ 1 million de personnes sont mortes en raison de sols et d'eaux contaminées par des produits chimiques. Et 840.00 sont mortes des suites d'un manque d'hygiène. Tous ces chiffres proviennent des sites et bases de données de l'Organisation Mondiale de la Santé, sauf les statistiques concernant les sols, qui sont plus récentes (et vraisemblablement sous-estimées) et sont données par l’Alliance Globale pour la Santé et la Pollution.

Cette même année 2012, 625.000 personnes sont mortes de la malaria, 1,5 million du sida et 930.000 de la tuberculose. Ceci représente un tiers des morts dues à la pollution, et pourtant ce trio de maladies terribles draine 20 milliards de $ par an provenant des dons internationaux et des états.

Lent et insidieux

Il est important de faire remarquer que la pollution tue rarement directement et rapidement. Au contraire, elle provoque des des maladies cardiaques, des infections pulmonaires, des cancers, des maladies respiratoires ou des diarrhées. La pollution agit comme un catalyseur et fait augmenter le taux de ces maladies au-dessus de la normale. Pour cette raison, l'Organisation Mondiale de la Santé considère la pollution comme un facteur de risque – une menace pour la santé de l'homme similaire l'obésité, le tabac, la malnutrition ou le manque d'exercice. Mais la pollution est la championne des facteurs de risque. Au niveau mondial, ses prognostiques mortels dépassent de beaucoup ceux des autres facteurs de risque, quel que soit le contexte.

On a du mal à imaginer ce que cela représente. Essayez cependant d'imaginer ce scénario:

Chaque matin vous vous réveillez sur le sol sale d'une case que votre famille et vous même avez nettoyé avec force à l'aide de vieux tissus récupérés sur le site voisin d'un hôtel 5 étoiles en construction. Votre mari travaille 70 heures par semaine à trier des produits chimiques dans une usine de pesticides mal gérée. Récemment il est rentré à la maison en toussant et crachant du sang. Il maigrit et est de plus en plus fatigué, et vous voulez lui conseiller d'arrêter, mais comment faire? Le peu qu'il gagne sert à nourrir la famille.

Alors vous vous dirigez vers le point d'eau local avec votre seau en plastique. L'eau que vous puisez dans la mare est marron et sent les excréments, mais vous n'avez rien d'autre à boire. Vous essayez de la filtrer avec une étamine mais cela ne fait pas grand-chose. En même temps, l'usine qui se trouve à côté de votre bidonville, celle que l'administration avait fait fermer il y a peu, s'est remise en route – mais seulement la nuit. Ses cheminées crachent des colonnes d'une épaisse fumée, mais pas moyen de savoir ce qui brûle. La semaine dernière, l'aîné de vos enfants a toussé toute la nuit. Vos autres enfants sont maladifs et ont des difficultés à apprendre, même les concepts de base. Ni vos amis, ni votre famille ne peut vous aider, car, bizarrement, presque tout le monde dans le voisinage a les mêmes problèmes.

Notre économie est globale et il en va de même des polluants qu'elle génère.

Vous êtes l'un de ces pauvres empoisonnés, sans voix et sans espoir. Les lois qui pourraient exister pour combattre ces conditions de vie ne sont jamais appliquées. Vous ne pouvez pas simplement déménager pour une autre ville – il vous a fallu des années pour vous installer là où vous habitez. Et de tout façon, où iriez-vous exactement? Toutes les villes sont dans la même situation. Comme tous les défavorisés du monde, vous êtes devenu de la chair à canon dans la guerre actuelle pour la croissance.

Comment régler ce problème?

Notre économie est globale et il en va de même des polluants qu'elle génère. On peut maintenant mesurer dans d'autres pays l'air contaminé en Chine. On retrouve dans le poisson le mercure qui provient de mines d'or et de mines de charbon et on a trouvé de l'arsenic dans le riz.

Our economy is global and so are the pollutants it generates. Contaminated air from China can now be measured in other countries. Mercury from gold mining and coal plants can be found in fish, and arsenic has been found in rice.

De nombreuses industries hautement polluantes ont été transférées des pays développés vers les pays pauvres qui ont des lois environnementales moins contraignantes et une technologie moins avancée pour la gestion et le maniement des produits chimiques. Les technologies propres et la croissance verte sont possibles dans les économies émergentes et peuvent prévenir des dizaines d'années d'une prochaine contamination qui va nous atteindre tous. Les nations occidentales ont trouvé comment nettoyer la pollution et peuvent transférer leur technologie et financer les pays à faible et moyen revenu.

Inscrire prioritairement la prévention et la suppression des dégâts de la pollution ne sauvera pas seulement des vies, mais atténuera les changements climatiques et réduira les menaces contre la biodiversité. Quand on considère les priorités des programmes des principales organisations internationales, la faible importance donnée à la pollution fait peur, étant donné son impact. On peut en attribuer la raison au manque de prise de conscience ainsi qu'au fait de ne pas savoir par où commencer pour venir à bout de ces problèmes.

Il est primordial de s'assurer que la lutte contre la pollution fait partie des Objectifs de Développement Durable des Nations Unies, qui décrivent les modalités à venir pour un développement durable après l'expiration, cette année, des Objectifs du Millénaire pour le Développement, qui comporte des sujets comme la fin de la pauvreté grâce à une agriculture durable, la mise en place d'une éducation pour tous équitable et bien d'autres sujets. Le projet actuel ne prend pas en compte la pollution en tant que telle, bien que la pollution soit comprise dans les objectifs de santé. Le texte -sous-objectif 3.9- parle de réduire les décès et les handicaps dûs à tous les types de pollution. Il faut que cette phrase soit conservée dans le texte définitif, car les Objectifs de Développement Durable vont déterminer les efforts nationaux et internationaux des prochaines années.

L'Alliance Globale sur la Santé et la Pollution fait levier sur les ressources qui peuvent aider les pays à faible et moyen revenu à régler les problèmes prioritaires en terme de pollution. Outre l'éducation à toutes les formes de pollution, l'Alliance Globale sur la Santé et la Pollution aide les pays à:

La technologie et les connaissances existent dans les pays riches pour répondre à cette menace sur la santé et l'économie. Des solutions peuvent être mises en place dans les pays à bas et moyen revenu pour un coût bien inférieur à ce qui est dépensé dans les pays occidentaux pour régler les séquelles des polluants toxiques provoqués par l'industrialisation.

Ceci veut dire que la pollution n'est pas inévitable. Le problème peut être résolu de notre vivant.

 Richard Fuller est président de Pure Earth (anciennement Blacksmith Institute) et membre fondateur de Alliance Globale sur la Santé et la Pollution. Retrouvez-le sur Twitter @BlacksmithInst.

Mali: AQMI recrute et peaufine sa stratégie

mercredi 21 janvier 2015 à 23:01

Tandis que des représentants de 13 pays africains se consultaient à Niamey, au Niger, le 20 janvier, pour renforcer la coopération militaire face à la menace du groupe fondamentaliste Boko Haram, qui menace la sécurité de toute la région et provoque la fuite de milliers de personnes, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), affine sa stratégie. Alpha Mahamane Cissé, lauréat du premier prix du concours de l'Association des journalistes maliens pour la paix et la non-violence, en 2014, observe que: 

Des recrutements en série dans plusieurs localités du Nord et du Centre du pays, Aqmi veut étendre son réseau. Ce qui commence à lui réussir… Après les tracts envoyés aux populations dans le Nord, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) procède à un vaste recrutement au niveau local. Et la recrudescence des attaques ces derniers temps est la preuve que la nébuleuse n’a pas lésiné sur les moyens pour arriver à ses fins….

En tout cas, cette stratégie d’Aqmi est favorisée par plusieurs facteurs dont l’abandon de l’Etat, car dans certaines localités, le seul symbole visible, c’est bien le drapeau national. Pendant ce temps, les services de sécurité brillent par leur absence.

La facilité par laquelle les attaques de Nampala, Djoura, Ténenkou se sont opérées est une parfaite illustration de cette nouvelle stratégie des éléments terroristes. Car, après avoir échoué dans le Nord en raison de la présence massive des forces, Aqmi veut étendre son emprise sur le Centre du pays dont le terrain semble favorable.

Colombie : un concours de beauté de petites filles fait scandale

mercredi 21 janvier 2015 à 15:35
Little Miss Thong child beauty pageant, January 2015. Image on Flickr by user remolacha.net. CC 2.0.

Concours “Miss String”, janvier 2015. Image sur Flickr de  remolacha.net (CC BY-NC-SA 2.0).

(Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet sont en espagnol.)

La localité de Barbosa, dans le département colombien andin de Santander (fr), a été le théâtre d'un concours de beauté controversé appelé “Miss String” (Miss Tanguita). Les participantes de la compétition, parrainée par la préfecture locale, étaient des fillettes âgées entre six et dix ans, défilant en maillot de bain.  

Les opinions diverses ne se sont pas fait attendre sur les blogs et réseaux sociaux. Le site Web “Evangelizadoras de los apóstoles” (Evangélisatrices des apôtres) s'est opposé au concours :

Resulta que cada año desde hace 25, en el municipio de Barbosa, Santander, niñas entre seis y diez años desfilan en tanga, maquilladas, contoneándose y tirando besos a una audiencia de adultos que ingieren licor.
Miss Tanguita, según la alcaldesa Maryury Rocío Galeano Jiménez, es una tradición de Festi-Río, y nadie en el municipio, ni los padres de familia, ni las empresas privadas que pautan, ni la misma Alcaldía (que invita y promociona), ve nada malo en que las niñas participen en este reinado de belleza. De hecho, la alcaldesa afirma que a las niñas las educan en valores (¿qué valores?) y que se les enseña que su cuerpo es un templo (¿un templo para quién?).

Il s'avère que chaque année, depuis 25 ans, dans la municipalité de Barbosa, Santander, des petites filles âgées entre six et dix ans défilent en bikini, maquillées, se dandinant et envoyant des baisers à un public composé d'adultes s'abreuvant d'alcool.

Miss String, selon la maire Maryury Rocío Galeano Jiménez, est une tradition du Festi-Río, et personne dans la localité, ni les parents, ni les entreprises privées qui l'organisent, ni la municipalité même (qui lance les invitations et en fait la promotion), ne voit pas ce qu'il y a de mal à ce que les fillettes participent à ce concours de beauté. En fait, la maire affirme que les petites filles sont éduquées selon des valeurs (lesquelles ?) et qu'on leur enseigne que leur corps est un temple (un temple pour qui ?).

Le Festi-Río est un évènement très important qui a lieu chaque année à Barbosa et en Colombie en général, et auquel participent de nombreux touristes nationaux et étrangers. 

De son côté, le site Web PedroVisión publie des photos et des vidéos de la compétition y commente:

Lo que en Barbosa, localidad del departamento de Santander, al noroeste de Colombia, consideran una bonita tradición que se remonta a un cuarto de siglo, en Bogotá lo han tachado de espectáculo bochornoso. Y el ICBF, organismo dedicado a proteger la infancia, ya ha anunciado que investigará el singular certamen para impedir que se repita.
Las voces críticas [...] llegan a decir que se podía equiparar a la pornografía infantil. También agregaban que supone fomentar el que las mujeres tengan como aspiración máxima convertirse en modelos y hacer de la belleza, en lugar del estudio, el centro de sus vidas.

Ce qu'à Barbosa, municipalité du département de Santander, au nord-ouest de la Colombie, les gens considèrent une jolie tradition remontant à un quart de siècle, à Bogotá, ils le qualifient de spectacle malsain. Et l'ICBF (institut colombien pour le bien-être de la famille), l'organisme consacré à la protection de l'enfance, a déjà annoncé qu'il allait mener une enquête sur cette compétition singulière pour empêcher qu'elle ne se renouvelle.

Les critiques [...] vont jusqu'à dire qu'on pouvait l'assimiler à de la pornographie infantile. Ils ajoutent en outre que ce type de concours encourage les femmes à avoir comme aspiration maximale devenir mannequin et faire de la beauté, au lieu des études, le centre de leur vie.

Confidencial Colombia, quant à lui, analyse les conséquences que peut avoir ce genre de compétitions : 

¿Qué niña no sueña con ser princesa o reina?”, se pregunta indignada la madre de la miss tanguita 2015.
[...]
Después de que los aplausos y los flashes les llegan por mostrar su cuerpo, no nos extrañemos de ver adolescentes soñando con una operación de tetas o de culo a los 15 años, o consumiéndose en la anorexia y la bulimia, en permanente contradicción con su cuerpo. Después de sexualizarlas desde los 7 años, no nos quejemos del altísimo índice de embarazos adolescentes, primer factor reproductor de la pobreza y la inequidad.

“Quelle petite fille ne rêve pas d'être une princesse ou une reine ?” s'interroge la mère indignée de la miss String 2015.

[...]

Après avoir reçu applaudissements et flashs pour avoir montré leur corps, ne nous étonnons pas de voir des adolescentes de 15 ans rêver d'une opération de la poitrine ou des fesses, ou s'adonnant à l'anorexie et la boulimie, en permanente contradiction avec leur corps. Après les avoir sexualisées dès l'âge de 7 ans, ne nous plaignons pas du nombre important de mères adolescentes, premier facteur de reproduction de la pauvreté et l'iniquité.

Sur Twitter, les internautes donnent également leur avis sur le sujet : 

le concours de #MissString n'est pas mauvais, ce qui est mauvais est l'ambiance dans laquelle il a lieu, s'il y a du rhum on ne peut rien faire avec des enfants.

#MissTanguita existe no porque falten leyes para prohibirlo sino porque nuestra consciencia social lo tolera y aprueba (@DanielSamperO)

— Fabian Mendez (@efmcuiti) enero 16, 2015

#MissString  existe non parce que l'on manque de loi pour l'interdire mais parce que notre conscience sociale le tolère et l'approuve. (@DanielSamperO)

#MissString 

Nous ne pouvons continuer à enseigner aux petites filles que leur valeur réside dans leur beauté physique. Quelles sont les possibilités que nous leur offrons ?

Vous vous indignez avec #MissString mais vous vous réjouissez avec #Diomedizate qui a participé au viol et au meurtre de Doris Niño #colombieestainsi

Le dernier commentaire fait référence à une enquête policière datant de 1997, accusant Diomedes Díaz de l'homicide de Doris Niño García, âgé de 22 ans.

Un internaute médite sur ce qu'il considère une contradiction :

Nombreux s'indignent contre le concours traditionnel colombien de fillettes en bikini #MissString . Ah, mais il n'y a plus personne quand il s'agit des défilés de printemps

Rappelons, qu'il y a un peu plus d'un an, en France, le Sénat a approuvé une loi interdisant les concours de beauté pour les mineurs de 16 ans.

Pourquoi le massacre de Baga n'a pas fait couler autant d'encre que celui de Charlie Hebdo ?

mercredi 21 janvier 2015 à 00:31
Des réfugiés nigérians dans le camp de Gagamari, région de Diffa, Niger. Ils ont traversé la frontière pour fuir les insurgés de Boko Haram qui ont attaqué leur ville, Damassak, le 24 novembre 2014. Photo de l'utilisateur Flickr Commission européenne DG ECHO. CC BY-ND 2.0

Des réfugiés nigérians dans le camp de Gagamari, région de Diffa, Niger. Ils ont traversé la frontière pour fuir les insurgés de Boko Haram qui ont attaqué leur ville, Damassak, le 24 novembre 2014. Photo de l'utilisateur Flickr Commission européenne DG ECHO. CC BY-ND 2.0

Baga, [fr] une ville dans l'Etat de Borno au nord-est du Nigeria, a subi une catastrophe inimaginable récemment quand Boko Haram [fr],les vampires de la mort, ont massacré des habitants innocents de cette ville. Amnesty International [fr] l'a décrit comme l'attaque “la plus meurtrière à ce jour”. La controverse fait rage entre les estimations officielles de 150 décès contre les 2000 présentés par d'autres sources indépendantes.

Cependant, ces nouvelles horribles n'ont pas fait les gros titres au niveau mondial autant que les attentats de Paris qui ont provoqué 17 morts. Alors que de nombreuses raisons abondent pour le silence des médias, dans ce cas, il semble y avoir une combinaison de trois facteurs : l'information de proximité, l'engourdissement de la sensibilité des élites politiques – au pouvoir et dans l'opposition – et les compromissions de la presse locale.

#IamCharlie, Mais #IamBaga aussi !

Baga est une ville reculée dans l'impénétrable Etat de Borno. La plupart des endroits dans le nord-est du Nigeria, aux frontières avec Tchad, le Niger et le Cameroun, sont maintenant contrôlés par Boko Haram. Le chef d’état-major des armées, le maréchal en chef de l'armée de l'air Alex Badeh, avait déclaré plus tôt ce mois que Boko Haram avait occupé la base d'une force militaire multinationale située à la frontière du Nigeria avec le Tchad et le Niger et que celle-ci en avait retiré ses forces.

Cela signifie que ni les journalistes ni les blogueurs n'ont un accès complet à Baga et ne peuvent pas donner l'évaluation exacte de la situation sur le terrain. A l'opposé de l'horreur qui s'est emparée de Paris, une ville facilement accessible pleine d'internautes brandissant des smartphones. Dans un article pour The Conversation, le co-fondateur de Global Voices Ethan Zukerman exposait en outre :

Paris est une ville mondiale hautement connectée avec des milliers de journalistes en activité, tandis que Baga est isolée, difficile et dangereuse d'accès. Les attentats contre Charlie Hebdo ont ciblé des journalistes, et on peut comprendre que les journalistes vont couvrir la mort de leurs camarades. Les attentats de Paris ont été un choc et une surprise, alors que les morts aux mains de Boko Haram sont devenus désespérément banals dans une rébellion qui a coûté plus de 10.000 vies depuis 2009.

Néanmoins ceci n'exonère pas totalement la complicité des médias traditionnels occidentaux. Le correspondant Simon Allison a écrit dans un article pour le site sud-africain d'acualités  Daily Maverick que “les vies africaines continuent à être considérées moins dignes d'information – et partant, de moindre valeur – que les vies occidentales”.

Eh Twitter, est-ce qu'on pourrait maintenant parler de Baga/Nord-Est du Nigeria ?

Des Nigérians sont d'avis que le pays mérite plus d'aide de la communauté mondiale contre les tueries sans fin de Boko Haram. Ainsi, Ignatius Kaigama, l'archevêque catholique de Jos au Nigeria, estime que la solidarité accordée aux violences de Paris devrait être témoignée aussi aux Nigérians. “Nous avons besoin que cet esprit s'étende. Pas seulement quand cela [un attentat] se produit en Europe, mais aussi quand cela se produit au Nigeria, au Niger, au Cameroun,” a-t-il déclaré à la BBC.

‘L'indignation est presque inexistante’

Aussi tentante que paraisse la conspiration mondiale du silence, elle ne rend pas justice à la complexité du massacre de Baga ni n'exonère la direction politique nigériane de son insensibilité.

Pourquoi demandons-nous au monde de nous aider à parler de ce qui s'est passé à Baga ? Pourquoi n'en parlons-nous pas et n'agissons pas nous-mêmes ?

Moins de 24 heures après le massacre de Charlie Hebdo à Paris, le président nigérian Goodluck Jonathan a publié une déclaration condamnant ce “lâche attentat terroriste” mais est resté muet sur un attentat analogue mais plus dévastateur dans son pays.  

Le Président Jonathan du Nigeria a publiquement condamné l'attentat de Paris, mais rien sur le massacre de 2000 [personnes] dans son propre pays.

Néanmoins, environ une semaine après l'incident de Baga, le président s'est rendu dans l'Etat de Borno. Une déclaration de son porte-parole indique que le President Jonathan a dit aux “officiers et soldats de la Division que le pays était très fier d'eux et reconnaissant pour leur dévouement et leur engagement dans la défense de la population civile contre les terroristes et les extrémistes violents”. 

Le Président Jonathan et le Gouverneur Shettima aujourd'hui au camp de personnes déplacées de Pompomari, à Maiduguri.

Quoi qu'il en soit, la critique loin de s'adresser seulement au gouvernement, s'étend aussi aux politiciens de l'opposition qui voudraient engranger des gains politiques à bon compte avec la catastrophe de Baga. 

A ceux qui se servent de Baga pour gagner des points politiques on vous le crie. Nous savons que cela vous tient à coeur. Nous goûtons littéralement votre empathie.

Le Nigeria est en période électorale, ce qui rend les médias locaux plus sensibles aux publicités des politiciens, et plus soucieux de participation et de traitement de leur cortège électoral que d'information factuelle. Les médias nigérians sont tout aussi complices de la chape de silence sur Baga que leurs homologues étrangers. 

Quelque 2000 vies (pas des chiens) perdues à Baga. L'indignation est quasi inexistante. Les médias locaux ne retentissent que des différents rassemblements politiques.

Le gâchis complexe de l'affaire de Baga a été excellemment résumé par ce billet sur Facebook de l'auteur et rédacteur de San Francisco Jeremy Adams Smith :

La première chose qu'on remarque est qu'il n'y a pas une quantité d'articles sur les massacres à Baga et Askira ; dans beaucoup de journaux, c'et totalement passé sous silence et invisible. Pourquoi ce crime n'est pas traité par la presse AU NIGERIA, j'y reviendrai dans un instant. Mais ce qu'on voit bien dans les journaux, c'est un tas d'accusations et de rage contre le gouvernement du Nigeria ; évidemment, on est en pleine saison électorale. C'est le boulot de ce gouvernement de protéger son peuple, et le gouvernement ne fait pas son boulot. [...] Le gouvernement du Nigeria ne veut pas qu'on sache, n'est pas transparent, et ne secourt pas ceux qui souffrent. En fait, il y a un déni généralisé dans tout le Nigeria de ce qui se passe–un déni qui s'étend à la presse.

#IamBaga ne sera sans doute pas tendance comme #JeSuisCharlie pour toutes ces raisons. N'empêche, des preuves aveuglantes ont beau exister d'un silence médiatique mondial sur Baga, cela ne signifie pas que le gouvernement nigérian est exempt de tout reproche. Dans le même temps, la presse locale ne peut être sanctifiée. Au total, c'est par la combinaison de tous ces éléments que l'injustice du massacre de Baga glace le sang.