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#JeSuisCharlie: les musulmans n'ont pas à s'excuser

samedi 10 janvier 2015 à 13:20
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Capture d'écran de la page Facebook du journaliste Ahmed Shihab-Eldin.

Je soutiens la campagne #JeSuisCharlie et je continuerai à soutenir toute action, d'où qu'elle vienne, entreprise pour défendre l'importance de la liberté d'expression.

Je n'ai jamais été très fan de Charlie hebdo, mais le droit de publier ce que l'on veut, pour moi, ne se discute pas. Si quelque chose vous dérange, écrivez sur le sujet, ‘plaignez-vous', faites quelque chose -c'est votre droit. Peu importe que vous pensiez que dessiner un Messie ou un Prophète (M et P majuscule sont intentionnels) est un outrage. Etre outragé n'est pas un droit, c'est un choix.

Outre cet attentat monstrueux, ce qui me perturbe le plus ce sont les milliers de personnes qui demandent “pourquoi les musulmans ne condamnent-ils pas l'attentat?”

La réponse c'est que, vous ne le savez probablement pas, comme tout le monde – sauf les néo-nazis qui s'en réjouissent -, ils ont condamné le terrorisme dès le premier jour, et le premier jour pour la plupart des Occidentaux, c'est le  septembre 11 septembre 2001.

Comment peut-on être musulman ici ? Si vous êtes musulman, je comprends que ce soit une nécessité pour vous étant donné l'environnement dans lequel vous vivez. Chaque fois qu'un musulman pète quelque part en Occident, il y a toujours d'autres ‘correligionaires musulmans', de préférence en Occident ou au Moyen-Orient, pour le condamner selon un scénario réservé aux musulmans, mais qui ne s'applique pas aux chrétiens ou aux juifs. Comment pouvons-nous ‘nous’ entendre avec le “monde musulman”? Pourquoi le “monde musulman” n'est-il pas plus tolérant? Prenez le temps de réfléchir à ces questions, à leur formulation.

Cela suffit.

Il n'y a pas de monde musulman, comme il n'y a pas de monde chrétien ou de monde juif ou de monde bouddhiste. Il y a une quantité incroyable de communautés musulmanes dans le monde, qui ont en commun d'être des êtres humains qui partagent la même religion, mais qui se différencient par leur nationalité, leur culture et leur personnalité. Il y a des islamistes australiens, des islamistes français, des islamistes saoudiens et des islamistes malaisiens. Et il y a même des islamistes chinois (ce n'est pas une blague…) – anecdote : Aladin était un islamiste chinois. Quelle discussion peuvent avoir un Turc soufi, un Saoudien wahhabite et un Iranien chiite duodécimain ? Déjà il leur faudrait un interprète, et je peux vous assurer que moi, athée, j'aurais plus à échanger avec le soufi ou le chiite duodécimain que le soufi et le chiite duodécimain avec le wahhabite ou même entre eux. En fait, j'ai l'impression que le wahhabisme saoudien, qui est répandu là où les Occidentaux trouvent leur réserve de pétrole favorite, est l'idéologie la plus décriée de l'histoire de l'islam. Peut-on assister quelque part à des débats sur ‘le wahhabisme est-il une menace pour la civilisation’ ?

Dois-je m'excuser du soutien au terrorisme d'Etat de la communauté athée à laSam Harris et Christopher Hitchens ? Est-ce que les théistes me demandent “pourquoi ne les condamnez-vous pas” ? Combien de chrétiens ont dû s'excuser pour les actions terroristes de l'Armée de Résistance du Seigneur en Ouganda ‘au nom de la chrétienté'? Combien de chrétiens on dû s'excuser pour la fusillade du temple sikh dans le Wisconsin (le terroriste les croyait des musulmans) ? Pourquoi les chrétiens peuvent-ils dire ‘c'est politique pas religieux', et pas les musulmans?

Cela fait bander Netanyahu quand le terrorisme frappe l'occident – il sait comment en faire de la hasbara (diplomatie officielle) – et commence toujours par “nous en tant que juifs” quand il annonce que les enfants de Gaza vont se faire massacrer. Plus de 500 enfants ont été tués en 50 jours à Gaza l'été dernier – ce qu'il a qualifié de “faire du bruit“. Est-ce que Ben Laden s'est justifié du 11 septembre par un ‘faire du bruit'? Est-ce que j'envoie des messages à mes amis juifs américains chaque fois que ce néo-nazi par excellence fait un discours raciste (autant dire tous ses discours)? Est-ce que j'envoie des messages à cet Ougandais que j'ai rencontré en voyage pour lui demander de parler au nom des chrétiens ougandais?

C'est absurde. C'est une farce collective. C'est une sanction collective et une agression collective pour 1,6 milliards de personnes qui adhèrent à la foi islamique. Cela représente beaucoup de monde quoiqu'en disent les partisans du #KillAllMuslims (Tuons tous les musulmans) (remarque: il semble que la plupart sont Américains et non Européens). Pourquoi avons-nous des débats sur le thème “L'Islam est-il une religion pacifique?” – débats auxquels ne participent même pas les musulmans. Que veut dire cette question? Avez-vous essayé d'y répondre? Le seul dénominateur commun de ces débats n'est pas l'Islam mais la haine des musulmans.

Et le caractère diffamatoire des discussions à l'égard de cette religion ancienne et hétérogène, non-historique, est une évidence. Imaginez ciomme il doit être insultant d'entendre le terme ‘Musulmans Modérés’ pour parler de presque tous les musulmans du monde comme s'ils étaient une minorité dans un océan de folie. Imaginez juste un instant ce que cela représente d'être musulman en Occident après le 11 septembre.

Je me souviens du jour où cette ordure dénomée Anders Behring Breivik a assassiné 77 personnes [fr] le 22 juillet 2011. Je venais d'atterrir à Madagascar pour monter un programme avec Eirik, un Norvégien de Bergen. On ne parlait pas des dangers des chrétiens norvégiens -Breivik est chrétien- pour la civilisation. On l'a pris pour ce que c'était : du terrorisme pur et simple, qui répondait à la logique d'un être dérangé. Un crime d'une indescriptible ampleur que l'on a pas demandé aux “Chrétiens Modérés” de condamner – on n'a pas demandé non plus à notre ami kényan ‘Chrétien Modéré’ de s'excuser ! Avez-vous lu les ‘revendications’ de Breivik ? Personnellement (et malheureusement) je les ai lues et c'est un mélange de sionisme d'extrême droite, d'islamophobie et d'anti-marxisme, aucunement ‘chrétien'. L'Europe a été envahie par l'Islam ! Combien d'Européens croient les paroles de ce psychopathe ? Faites le tour des vidéos qui parlent de l'Islam sur YouTube et vous verrez les commentaires qui sont  faits sur les musulmans. Oh, mais il est facile d'oublier Breivik ! Les musulmans ce n'est pas si facile. Tous les jours on leur rappelle qu'il y a quelqu'un quelque part que l'on appelle Musulman et qui fait quelque chose au nom de l'Islam. Dieu merci je ne m'associe pas non plus avec ces athées fous, on n'en finirait pas.
 

Breivik a tué 77 personnes en Norvège et personne ne m'a demandé à moi, blanc nordique d'éducation chrétienne, si je ressentais le besoin de le condamner.

Soyons clair. Ce n'est pas une défense de l'Islam et ce n'est pas non plus une critique de l'Islam. Ces deux options sont des concepts très vagues décontextualisés et dénués de toute signification. Des mots comme ‘terreur’ et ‘tolérance’ n'ont de signification que quand ‘l'autre’ est identifié, pas quand on parle de ‘nous'. Quel Islam devrais-je défendre/attaquer? L'Islam de qui ? L'Islam du XXIème siècle ? L'Islam de l'Europe ? de France ? d'Arabie Saoudite ? d'Egypte ? de Turquie ? de Malaisie ? de Chine ? d'Australie ? L'Islam de Tariq Ramadan ? de Mehdi Hassan ? d'Abdul-Aziz ibn Abdullah Al Ash-Sheikh ? de Rahmi Yaran ? Peut-on faire des catégories ? Peut-on mettre 1,6 milliards de personnes dans une seule catégorie? Je n'ai aucune idée de ce qu'il faut faire, et pourtant je dois lire tout article écrit par n'importe qui. L'Islam existe dans la société, avec son contexte particulier, sa temporalité propre, ses détracteurs et ses partisans.

Ceci est la critique d'un jeu très dangereux qui ne profite qu'aux très riches à l'abri des répercussions de la haine aveugle. C'est le petit vendeur de rue qui va être attaqué, pas le grand Mufti saoudien – celui-ci peut bien faire ce qu'il veut (répétez après moi : pétrole). C'est le pauvre immigrant tunisien musulman qui va être touché, pas le riche ‘investisseur’ musulman du Qatar. Ce jeu très, très, très dangereux -je n'insisterai jamais assez- de l'Altérisation ne finit jamais bien, et c'est exactement ce que souhaitent les néo-nazis. Comme disait hier soir un commentateur français de télévision non musulman, assis à côté d'un mufti musulman local : “ce n'est pas seulement un attentat, c'est un piège”. Et ne tombons pas dans le piège. Cet attentat terroriste est un attentat terroriste, point. Condamnez les auteurs, demandez-leur des explications, demandez-leur des excuses.

Basé au Liban, Joey Ayoub couvre la Palestine, le Liban et le Moyen-Orient pour Global Voices. Il tient un blog HummusForThought, où ce post a été publié. Il souhaite inciter les athées à s'exprimer sur toutes les discriminations, et en particulier sur les discriminations religieuses. Il tweete sur @JoeyAyoub

Charlie Hebdo : “Sans humour, nous sommes tous morts”

vendredi 9 janvier 2015 à 14:59
republique

Je pense à l'homme si doux qu'était (le caricaturiste) Cabu et je pleure. #CharlieHebdo

— Le Monsieur Poireau (@Le_M_Poireau) 7 Janvier 2015

marianne pleure

Le mercredi 7 janvier, ce matin, dans une allée calme de Paris, 12 personnes ont péri à l'arme de guerre, 4 autres sont grièvement blessées. Les circonstances, celles d'un attentat prémédité contre un journal sous menaces extrémistes depuis plusieurs années, ont fait “12 morts, et 66 millions de blessés” résume une pancarte dans un des rassemblements qui ont constellé le soir de l'attentat, dans la France aux 66 millions d'habitants. 

En France, plus particulièrement, s'ajoute au choc  d'une guerre à l'arme lourde contre la liberté d'expression le chagrin de perdre ce qui était depuis quatre décennies une habitude de Français, prise un peu vite comme immuable, comme les lilas en mai ou le défilé du 14 juillet : les tontons salaces, grossiers et jubilants de Charlie-Hebdo, une institution. Les caricaturistes-maison allaient toujours trop loin, avec jubillation surtout contre la religion, d'abord le catholicisme, puis, crânement, contre . Charb, Cabu, Wolinski, Tinious. Charb était sous protection policière. Son garde du corps est mort avec lui.

charb citation 2012

Anti dieux, anti prophètes, anti religions:

Charlie Hebo a souvent été montré du doigt pour le contenu iconoclaste et anti-religieux de ses satires. L'islam n'a pas toujours été le plus visé par les caricatures sans retenue du magazine. 

charlie hebdo et le catholicisme

c'est dur d'être aimé par des cons

 

charlie hebdo pic oenedessin de cabu

 

B6w1Np5CAAAWtxg

Dans le dernier numéro de Charlie-Hebdo, Charb avait publié cette caricature:
dernier cartoon charlie

 

Les réseaux sociaux en France débordent d'hommages en dessins.  Le crayon a bien été l'arme de choix pour continuer leur luttes contre les extrémistes:  

4 dessinateurs au paradis

4 dessinateurs au paradis, Mahomet et Jésus consternés … #CharlieHebdo pic.twitter.com/lOqY4sVLoT

— NOiD (@noid_gb) 7 Janvier 2015 

 

 

ceci n'est pas une religion

arlesienne

L'Arlésienne en deuil, portant une bannière ‘Je suis Charlie’

 crime contre la liberté

je suis charlie radio canada

Manifestation de solidarité des journalistes de Radio Canada

 

Pour rendre hommage à ces dessinateurs qui ont marqué l'histoire des médias français par leurs manières de lutter contre l'extrémisme par la dérision, le mot de la fin revient à leur ami dessinateur Chappatte qui signe son dessin en hommage aux disparus dans le New York Times: “Sans humour, nous sommes tous morts”.

Antidote à l'oppression montante en Turquie, le Musée virtuel des délits d'opinion de Şanar Yurdatapan

vendredi 9 janvier 2015 à 14:29

Sanar Yurdatapan présente son Musée des Délits d'opinion en Turquie. Capture d'écran de la vidéo de présentation produite par Antenna, l'organisme qui héberge ce projet en ligne.

Dans les turbulentes années 1970, Şanar Yurdatapan n'avait que sa musique et ses mots pour combattre l'oppression et la censure en Turquie. Son militantisme lui a coûté sa nationalité turque et l'a contraint à quitter son pays pendant plus de dix ans. Aujourd'hui le chanteur-compositeur est toujours à la pointe de la lutte pour la liberté d'expression en Turquie, de plus en plus menacée par la domination intérieure du Parti pour la justice et le développement (AKP) du Président Recep Tayyip Erdoğan.

Yurdatapan vient de passer la vitesse supérieure dans son combat — toujours fondamentalement pacifique — et l'a porté dans le monde virtuel, où il coordonne le tout nouveau Musée des Délits d'opinion (sur Twitter @dusuncesucumuze), une ressource en ligne disponible en turc et anglais.

Global Voices s'est entretenu avec Şanar pour en savoir plus sur ce projet créé il y a deux ans, qui vise à documenter toutes les violations commises par le pouvoir contre les activistes pro-démocratie en Turquie.

Global Voices (GV) : Şanar, vous êtes vous-même exilé et dépouillé de votre nationalité depuis un bon bout de temps. Le dernier en date de vos projets ne vous met-il pas à nouveau en danger ? 

Şanar Yurdatapan (SN) : C'est possible, mais pourquoi pas ? J'ai 73 ans et je ne risque que la prison. J'ai l'habitude. Et l'Etat sait parfaitement qu'il devra affronter un scandale international s'il me remet en prison. C'est un privilège, non ? Un tel privilège comporte une responsabilité. Si je ne peux courir le risque, qui le pourra ?

GV : Avez-vous déjà reçu des menaces ou des avertissements ? Si oui, comment les gérez-vous ?

SN : Pas encore. Le musée a un aspect enfantin, probablement du fait de sa structure de type bande dessinée, et n'a pas l'air de menacer l'ordre établi. Mais après le 1er avril 2015 –point de départ de la muséification de personnalités en raison de leurs déclarations stupides — et l'installation de leurs bustes dans le corridor principal — nous nous attendons à toutes sortes de rétorsions.

GV : Le site web est-il hébergé en Turquie ? Est-il accessible de là-bas ?

SN : Il n'est pas hébergé en Turquie. Nous n'avons pas de garantie qu'un hébergeur turc puisse résister à des demandes d'informations voire un arrêt des serveurs par la police. Le site est librement accessible en Turquie pour le moment. Mais après le 1er avril 2015, quand les bustes des dirigeants politiques commenceront à apparaître dans le corridor principal, je suis certain que [le site] sera interdit et prohibé. Ce n'est pas un problème. De nombreux groupes sociaux [en Turquie] savent accéder aux sites interdits par des proxies. Les jeunes ont appris quand YouTube et Facebook étaient interdits. Les hommes d'affaires ont appris quand Google était interdit et qu'ils ne pouvaient pas accéder à leurs documents professionnels dans le ‘cloud’.

Une promotion du musée virtuel sur la chaîne Youtube Channel de l’Initiative pour la Liberté d'Expression. Antenna, qui chapeaute le musée, est membre d’IFEX, un parapluie pour beaucoup d'artistes, journalistes, activistes et organisations des Droits humains de Turquie.

GV : Vous dites dans un des entretiens que votre but est de créer un réseau de projets similaires en France, Grèce, au Chili… avez-vous déjà commencé ? Avez-vous connaissance de projets similaires hors de Turquie ? (Il y en a un au Liban qui s'appelle le “Musée virtuel de la Censure)

SN : Lors de la dernière assemblée générale d'IFEX (Echange International de la Liberté d'Expression, l'organisation internationale parapluie qui couvre les organisations similaires à travers le monde, au Liban la Fondation Mahabat) qui s'est tenue à Phnom Penh au Cambodge, j'ai eu l'opportunité de parler aux autres participants [du projet] et les réactions ont été très positives. Nous avons tenu notre promesse, et déclaré que ce musée est ‘à code ouvert’ c'est-à-dire que nous sommes prêts à envoyer les codes de programme du musée à toute organisation souhaitant créer son propre musée. Pour le moment avons reçu une seule réponse, de la Media Foundation of West Africa — basée au Ghana. Nous savons que le plus important n'est pas d'ouvrir des musées similaires, mais comment garder vivante [l'idée] : sa durabilité.

La section du Musée virtuel turc dédiée à ceux qui ont perdu la vie, assassinés ou sous la torture ou de toute autre manière, en essayant de faire de la Turquie un pays démocratique. Capture d'écran du site web du Musée Virtuel

SN : L'Initiative pour la Liberté d'expression (créée le 23 janvier 1995) a maintenant presque vingt ans. Depuis 2000, nous publions un annuaire, ce qui nous donne une bonne archive pour aider au projet de musée.

GV : Le projet est-il ouvert au crowd-sourcing ? 

SN : Il est ouvert à la contribution publique. Quiconque possède des documents/preuves/témoignages sur les violations de la liberté d'expression peut les proposer pour prendre place dans lemusée. Pour éviter de probables conflits, nous avons un ‘comité éditorial’ composé de sept personnalités respectées de groupes sociaux variés qui décide quelles nouvelles contributions peuvent prendre place dans le musée.

GV : Vous dites aussi que “toutes les opinions peuvent s'exprimer librement sauf si elles incitent à la discrimination” : pouvez-vous donner un exemple, avez-vous déjà censuré un texte ?

SN : Non, je suis fier de pouvoir dire que ça ne nous est pas encore arrivé. Mais si un tel problème devait apparaître (la frontière entre liberté d'expression et insulte est très mince), nous avons un autre comité, composé d'avocats éminents (le comité juridique) pour décider de l'admission ou non de ce document dans le musée.

GV : Le site est interactif mais peut-on trouver une liste complète avec des catégories si on veut un accès rapide à l'information, ou les visiteurs doivent-ils parcourir toutes les sections ?

SN : Nous avons des plans du musée, que vous trouverez gratuitement au comptoir du guide, dans le hall d'entrée.

GV : Les événements en Syrie ont-ils des effets sur l'état de la censure dans votre pays ?

SN : Oui, dans une certaine mesure. Des interdictions ont été prononcées pour empêcher la circulation des informations concernant le soutien secret de l'Etat turc aux forces d'opposition en Syrie. Mais elles ont échoué.

GV : Le projet a-t-il changé d'orientation depuis ses débuts ? Quelles ont été les réactions et comment voyez-vous l'avenir ?

SN : Nous ne pouvons pas encore faire largement connaître le musée, faute d'avoir complètement résolu les problèmes techniques et administratifs du musée, mais le principal a été fait. Pour célébrer le 20ème anniversaire [de l'Initiative pour la Liberté d'Expression] nous mettons sur pied à l'Université Bilgi d'Istanbul un forum d'une demi-journée pour débattre des 20 dernières années en Turquie. A l'issue de cet événement (qui aura lieu pendant le deuxième week-end de février) nous ferons une brève présentation du musée au public. 

#CharlieHebdo : ‘Je suis désolé, mais ça ne passe pas’

vendredi 9 janvier 2015 à 12:03

Sur le blog de tech Minimachine.net, Pierre a publié son témoignage à vif (Merci à Samy Boutayeb du lien):

Je suis désolé, mais ça ne passe pas 

“Je sais, je sais, on est sur un petit blog qui parle de petites machines. Cette incursion d’un fond noir avec un message sans rapport avec les sujets habituels peut vous faire bizarre mais je n’ai pas le choix, ça ne passe pas.

Je n’ai pas le choix, je ne peux pas faire autrement. J’ai essayé de suivre encore un peu le CES, de farfouiller dans les soldes, de trouver un truc à écrire mais rien ne vient. Je pense que tant que je n’aurais pas partagé ces mots rien n’avancera aujourd’hui.

En apprenant la nouvelle, l’attaque des locaux de Charlie Hebdo, locaux qui avaient été précédemment incendiés, par des hommes armés . J’étais déjà très mal. L’idée que l’on puisse s’en prendre à quelqu’un physiquement parce qu’il écrit quelque chose m’est insupportable. Mais qu’on cherche à tuer aveuglément des hommes et des femmes pour un dessin ou une opinion me sidère littéralement. Je suis glacé d’effroi.

Je ne connaissais pas les personnes qui sont tombées, j’ai bien croisé 2 d’entre eux par le passé mais sans vraiment les connaitre. Par contre, je connaissais très bien leur travail, celui d’Hara Kiri avant et celui de Charlie Hebdo après.

J’ai chanté Mon Beauf de Renaud tout môme, à gorge déployée, avec en tête le gros visage bête du Beauf de Cabu. Visage qui apparaissait alors souvent en filigrane dans la société de l’époque. J’adorais le grand Duduche et sa timidité maladive, son grand corps qu’il ne savait pas toujours bien gérer et le trait de son père. Cabu a été le premier vrai dessinateur de presse que j’ai pu reconnaître du premier coup d’oeil. Cabu a vraiment marqué ma jeunesse.

Et puis j’ai lu Cavanna qui nous a quitté il y a peu. Tomber tout marmot sur Les Ritals est un régal d’une rare jubilation. L’homme était brillant, intelligent et vif, ce fût le pilier de Hara Kiri et de Charlie pendant longtemps.

Et puis j’ai suivi Charb qui a été un de mes pions au Lycée, je ne me souviens plus vraiment pendant combien de temps on a vu son blouson élimé arpenter les couloirs du bahut mais assez longtemps pour en garder un bon souvenir. Et de découvrir que ce type très Duduchien alors était LE type qui signait ses dessins dans Charlie après. Grande découverte et grande émotion.

“Je me souviens encore avoir eu quelques posters de Charlie sur mes murs de bureau au boulot, je me souviens de tellement de Unes, d’être en accord avec leurs prises de positions ou être totalement contre. Mais de toujours être absolument résolu au fait que ce journal, poil à gratter de la presse française, un des derniers satiriques, un des derniers sans pub, existe.

Apprendre qu’ils sont morts, brutalement bêtement, lâchement, les 4 figures du journal mais aussi tous les autres et évidemment les policiers qui ont tenté de les protéger, me révulse. Je ne suis personne mais toutes mes pensées vont aux proches de toutes ces victimes, mortes ou blessées, par des balles de haine et d’obscurantisme.

Je suis un Athée tatoué, un pur et dur mais de la même manière que je défends la liberté de la presse, je défendrais toujours la liberté de chacun à adopter une religion. C’est un de nos droits les plus fondamentaux, et si une personne veut croire en quelqu’un, je ne vois pas qui peut lui interdire pas plus que l’on peut interdire à d’autres de ne pas y croire.

Aujourd’hui, j’ai mal au coeur mais c’est surtout demain qui me fait peur. Je sais que tirer sur des journalistes ou des dessinateurs ne change rien à l’affaire. Que la violence est peine perdue, le Chili ou l’Algérie par exemple nous l’on largement montré. Mais je sais aussi que dans l’intervalle d’une crise à sa résolution, beaucoup vont souffrir des actes imbéciles d’un groupuscule.

Les semaines qui viennent vont probablement déterminer beaucoup de choses pour l’avenir des gens qui vivent en France. Nous venons d’être propulsés, probablement volontairement, à un carrefour. J’espère que nous choisirons la bonne voie.

Je suis Charlie ce soir et je pleure.”

#CharlieHebdo : Rachid, “je suis Français, et le hasard a fait que je sois d’origine arabe, et de culture musulmane. Aujourd’hui, je suis triste et apeuré.”

vendredi 9 janvier 2015 à 11:37

Sur Kombini, un jeune Français qui se définit comme ‘d'origine arabe et de culture musulmane” “par hasard”, a publié son témoignage, écrit dans la nuit suivant l'attentat de Charlie Hebdo.

l’auteur dessiné par Raphael Choyé

“Je suis Français, et le hasard a fait que je sois d’origine arabe, et de culture musulmane. Aujourd’hui, je suis triste.

Triste, de constater la réalité que nous subissons. Triste, au nom de la liberté. Souvent, je n’ai pas été d’accord avec la ligne éditoriale de Charlie Hebdo ; mais aujourd’hui, Je Suis Charlie. Il faut accepter la liberté de chacun. La liberté de partager un avis, ou la liberté d’être contre. Personne n’a le droit de mourir pour s’être exprimé.

Triste, de voir à quel point certains extrémistes salissent une religion qui ne prône en aucun cas, en aucuns termes, leurs convictions et leurs actes. Ces criminels ne représentent en rien une grande majorité d’arabes, une grande majorité de musulmans. Ils prétendent tenir entre leurs mains maculées de sang un Coran qui dit pourtant que tuer une seule personne revient à tuer l’humanité tout entière. Ces barbares ne sont pas l’islam ; ils sont le fardeau de l’islam.

Je suis triste, de devoir subir les conséquences de leurs agissements. Triste de voir la tournure prise par les événements. Triste, de devoir me justifier. Triste, de devoir me défendre pour un crime que je n’ai pas commis. Triste, d’observer des mentalités tomber dans le piège de l’amalgame. Quand un arabe devient un ennemi. Quand un musulman devient un terroriste.

Triste, d’essuyer certaines remarques, d’entendre quelques réflexions. Des mots, des regards, captés jusque sur une place symbolique, celle de la République à Paris, lors du rassemblement en hommage aux victimes. “De toute façon, que veux-tu faire avec ces gens de banlieue”, ces jeunes des quartiers, des cités.” Lire le post en entier sur Kombini.