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L'époque soviétique, un âge d'or du dessin animé

lundi 2 mai 2016 à 12:20
Bats! Screenshot from YouTube clip of 'Hedgehog in the Fog', uploaded by the user Russian Animation.

Effrayantes chauves-souris ! Capture d'écran du clip ‘Le hérisson dans le brouillard’, chargé sur YouTube par Russian Animation.

Pris entre confrontation géopolitique mondiale et appareil de censure omniprésent, certains des artistes-animateurs les plus illustres de l'ex-Union Soviétique ont choisi de creuser leurs propres sillons vers la gloire. Avec de superbes résultats.

Le cinéma d'animation soviétique a connu une expansion dès les années 1930, quand le pouvoir créa avec la compagnie “Soyuzmultfilm” un monopole de fait pour développer cette industrie. Mais ce n'est qu'après la deuxième guerre mondiale et la “bataille contre Disney” (bor’ba s disneevshinoi) que les artistes se sont mis à tourner le dos aux contenus et techniques de l'Occident capitaliste et à faire le grand plongeon.

Au départ, les artistes, scénaristes et réalisateurs adhérèrent presque universellement au répertoire d'animation d'oncle Walt, avec ses dessins d'animaux dotés de caractéristiques humaines comme la parole. Des personnages qui ressemblaient de façon suspecte à leurs homologues occidentaux.

Quand la guerre froide s'est installée, le schéma a subi une transformation majeure. Les années 1960 et 1980 en particulier sont associées avec un bond en avant créateur de la part des animateurs soviétiques. Apparemment pour court-circuiter les censeurs soviétiques, toujours prêts à dire une oeuvre d'art idéologiquement sans principes, les artistes se sont aventurés toujours plus loin dans la sécurité d'un monde abstrait.

Voici quelques résultats surprenants de cette démarche. Les adultes seront séduits.

Un corbeau en pâte à modeler (Пластилиновая ворона), 1981.

Dans cette suite, (à partir de 3:58), le conteur semble chanter une chanson sur la fable “Le Corbeau et le Renard” adaptée d'Esope par le poète  Ivan Krylov, mais sans se souvenir des paroles.

La morale originelle de l'histoire — “il est dangereux de se fier à la flatterie” — a été déformée pour se réduire à des conseils de prudence à certains moments du film. Les personnages se transforment d'un animal en un autre dans la suite des scènes.

Certains personnages semblent sortir du poème fantastique de Pouchkine “En Loukomorie” (У лукоморья), pendant que d'autres sont peut-être là seulement pour contribuer à la pagaille générale.

Le Hérisson dans le brouillard (Ёжик в тумане), 1975.

Ce film d'animation culte de Youri Norstein a reçu les honneurs suprêmes en Union Soviétique et collectionné les louanges de la critique internationale.

Norstein lui-même en a dit : “Il n'y a pas d'intrigue dans l'action, ni de progression dramatique. Le Hérisson dans le brouillard semble avoir été un moment de bonheur dont tous les éléments ont juste coulé de source”.

D'accord, ou pas d'accord avec cette affirmation ? A vous de juger sur pièce.

Il neigeait l'an dernier (Падал прошлогодний снег), 1983.

Ce court métrage d'animation (la deuxième partie est ici) raconte l'histoire d'un homme sot, paresseux et glouton, parti en forêt chercher un arbre de Noël mais qui en chemin tombe dans le puits de ses fantasmes de richesses illimitées.

Quand finalement il ressort avec l'arbre, le printemps est arrivé et il doit le rapporter dans la forêt.

Le mythique réalisateur Alexandre Tatarsky a raconté que cette animation “avait failli lui donner une crise cardiaque”, à cause des attentions de la censure.

“Ils ont dit que j'avais manqué de respect au peuple russe. Ils ont dit : ‘Vous avez un unique personnage  — un homme russe — et c'est un imbécile'”, se souvient Tatarsky.

Le film a pourtant reçu le visa.

Qui racontera une histoire ? (Кто расскажет небылицу?), 1982.

‘Qui racontera une histoire ?’ est un des nombreux dessins animés arméniens appréciés pour leur fantaisie débridée. L'histoire est celle d'un tsar qui s'ennuie et demande à son conseiller de lui proposer des idées de distractions.

Le conseiller annonce un concours où les participants raconteront des histoires au tsar. Si celui-ci dit, “Je n'y crois pas, ce n'est pas vrai !” il devra donner au conteur la moitié de son royaume.

Par contre, s'il devait dire qu'il croit l'histoire, le tsar recevrait alors la fortune de son sujet.

Les histoires elles-mêms sont bizarres et pleines d'imagination, tandis que le personnage du tsar reste étrangement familier aux citoyens de nombreuses républiques ex-soviétiques.

Oh là là un poisson qui parle ! (Ух ты говорящая рыба!), 1983.

Notre sélection se termine avec un autre chef-d'oeuvre d’ “Armenfilm”, dont l'inventivité n'aurait pas déparé s'il avait été projeté à Woodstock en 1969.

Le script part du célèbre conte de Pouchkine ‘Le Pêcheur et le poisson d'or’, avec pour morale qu'un bienfait est toujours rendu. L'euphorie ambiante est cependant quelque peu compromise par les apparitions intempestives d'un monstre à double gueule et fumeur de pipe, nourricier mais menaçant, qui répond au nom de Ah !.

Le Parlement irakien envahi par des manifestants, l'état d'urgence est proclamé

dimanche 1 mai 2016 à 13:06
Iraqi protestors outside the Parliament earlier today where they staged a sit-in before storming the building. Photo credit: @AlFayth (Twitter)

Les manifestants devant le parlement irakien en début de journée hier, s'installent pour une occupation après avoir pris d'assaut le bâtiment. Crédit photo : @AlFayth (le journaliste indépendant irakien Methaq Al-fayyadh/Twitter)

Des centaines de manifestants ont envahi le bâtiment du Parlement, dans la Zone Verte fortifiée de Bagdad, pour protester contre l'impossible approbation d'un nouveau gouvernement. L'état d'urgence a été déclaré, ajoutant encore aux crises multiples où est empêtré le pays.

Les manifestants, partisans du leader chiite Moqtada Al Sadr, ont pénétré dans le bâtiment après que les députés eurent échoué à se réunir en séance pour un vote, faute d'atteindre le quorum. Al Sadr pousse à ce que le premier ministre irakien Haïdar Al Abadi remplace les ministres actuels par des technocrates non affiliés à des partis, ce que refusent les puissantes factions politiques du parlement. Les manifestants, qui défilaient en début de semaine vers la Zone Verte, le quartier des lieux de pouvoir et des ambassades, considéré comme la partie la plus sécurisée de Bagdad, ont ensuite quitté le bâtiment et installent à présent un sit-in du côté de l'Arc de Triomphe, également dans la zone verte.

Une crise politique qui couvait depuis des mois, pour culminer dans l'escalade de hier qui amena les contestataires dans la zone verte, inaccessible aux Irakiens ordinaires. Des milliers d'entre eux manifestent depuis l'été dernier, contre l'absence de services publics, la pauvreté et un gouvernement corrompu. L'Irak, déjà dans un bourbier politique, est au prises avec une grave instabilité, entre guerre contre l'EI d'un côté, et économie à bout de souffle de l'autre. M. Abadi était supposé désigner hier un nouveau gouvernement pour apaiser la contestation.

Les internautes irakiens ont rendu compte sur les médias sociaux des incidents au fur et à mesure de leur déroulement. Des manifestants en liesse ont envahi le parlement en brandissant des drapeaux et en scandant des slogans. Selon certains récits, des parlementaires se sont fait agresser et frapper par des manifestants en colère, alors que d'autres tentaient de les retenir et de les calmer.

Le blogueur irakien Haidar Hamzoz tweete :

Les manifestants disent “Nous sommes le Parlement”

Le Parlement irakien rendu au peuple irakien

Cette vidéo, partagée sur Facebook et déjà vue plus de 340.000 fois, montre les manifestants à l'intérieur du parlement.

Hamzoz partage des photos sur lesquelles on voit les manifestants nettoyer le parlement avant de partir :

Les manifestants ont commencé le ménage dans le Parlement avant de partir

Journaliste basé à Washington, Zaid Benjamin partage cette vidéo du sit-in dans la zone de l'Arc de Triomphe :

Manifestants irakiens autour de l'Arc de Triomphe

Hayder Al Shakeri partage cette vidéo :

Au coeur de la Zone Verte, la place Ihtifalat remplie de manifestants.

Mustafa Salim écrit que c'est la première fois depuis longtemps que des Irakiens ordinaires se rassemblent autour de l'Arc de Triomphe.

Pour la première fois depuis 13 ans, il y a du monde sur la place des fêtes.

Depuis Londres, le blogueur irakien Sajad Jiyad note que ce qui a mis en marche ces manifestations, c'est “la perte de tout espoir en la classe politique” :

[La manifestation faiblit lentement. Une journée importante et qui fera bouger les choses, mais pas sûr combien ça aidera vraiment les gens] Pas une révolution, juste une une explosion de colère et de désespoir devant une classe politique avertie depuis l'été

Tandis que l'humoriste libanais Karl Sharro ajoute son grain de sel :

C'est comme ceci qu'on est candidat au parlement en Irak.

Les manifestations de hier vont-elles impulser un changement bénéfique pour les Irakiens, ou fragiliser encore davantage la situation sécuritaire de l'Irak ?

Syrie: ce que pardonner ne veut pas dire

samedi 30 avril 2016 à 16:49
Aleppo, Syria. Photograph shared by IHH Humanitarian Relief Foundation on Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

“J'aimerais qu'un seul partisan du “pardonne et oublie” puisse garantir que ce pardon épargne la Syrie de la folie dans laquelle elle se trouve et ne soit pas une sorte  de récompense pour les assassins,” écrit Marcell Shehwaro. Enfants dans les rues d'Alep, en Syrie. Photo partagée par la Fondation IHH pour l'aide humanitaire sur Flickr (CC BY-NC-NC 2.0)

Ce billet fait partie d'une série spéciale d'articles par la blogueuse et militante Marcell Shehwaro, qui décrit la vie en Syrie pendant la guerre qui se poursuit entre les forces loyales au régime actuel, et ceux qui veulent le renverser.

Au début tout était superbe, et j'étais portée par la beauté puissante de la révolution, par la certitude que nous étions là pour apporter le changement, que la haine ne pourrait jamais changer les choses, et que nous n'avions pas d'autre choix que d'attendre que les autres brisent les murs de silence et d'humiliation pour nous rejoindre. Nous pensions que chacun avait son propre parcours et qu'il fallait attendre que chacun renaisse et prenne conscience. Et nous avons attendu.

Nous avions suffisamment de confort, de luxe, de clairvoyance, pour absorber la douleur. Je suivais régulièrement les photos des militaires du gouvernement tués qui se répandaient sur les réseaux sociaux. Et j'étais choquée par les gens qui se moquaient  de ces morts. Je lisais les commentaires des mères, des frères, des soeurs, des amis, des fiancées. Les morts étaient de beaux jeunes gens dans la vingtaine. Cela m'obsédait tellement que je visitais leurs pages personnelles pour en apprendre plus sur la personne qui se cachait derrière le visage de la victime, ou de l'assassin, ou des deux.

“Nous avions suffisamment de confort, de luxe, de clairvoyance, pour absorber la douleur. Je suivais régulièrement les photos des militaires du gouvernement tués qui se répandaient sur les réseaux sociaux. Et j'étais choquée par les gens qui se moquaient  de ces morts. Je lisais les commentaires des mères, des frères, des soeurs, des amis, des fiancées.”

Certains avaient été conditionnés. Ils nous prenaient pour des voyous ou des casseurs soutenus par Israël, envoyés pour troubler la sécurité du pays. Ils pensaient que le pays devait lutter contre ses ennemis grâce à la sagesse de M. le Président, qu'ils étaient persuadés être irremplaçable. Ils étaient si obsédés par la sécurité du pays qu'ils le détruisaient.

D'autres étaient envahis de discours sectaires qui dégoulinaient de peur et de haine. Ils pensaient que nous allions tous les massacrer et que notre objectif n'était pas la démocratie, mais que notre méchanceté à leur égard et à l'égard de leurs familles et leurs sectes dirigeait notre action. Méchanceté qu'ils pensaient capable de les anéantir s'ils ne nous anéantissaient pas les premiers.

D'autres encore -dont les pages étaient les plus difficiles à parcourir- étaient surexcités avant qu'ils ne meurent. Ils comptaient les jours qui les séparaient de leur départ, date que leurs mères ne devaient pas connaître, elles qui attendaient patiemment les promesses d'une démobilisation de l'armée qui n'est jamais venue.

A cette époque, je pouvais les voir comme nous, victimes d'un régime qui nous obligeait à descendre dans la rue pour le renverser, et les obligeait à nous tuer pour sauvegarder le siège présidentiel.

Petit à petit la liste est devenue trop longue pour que je puisse suivre tous leurs profiles et leurs renoncements. Prisonniers et martyrs. J'allais d'un enterrement à l'autre. Ils tuaient trop de monde parmi les nôtres, et le poids de ces morts devenait trop lourd à porter pour moi. La pauvreté et l'endoctrinement n'étaient plus des excuses suffisantes. La peur n'était plus une raison suffisante de se transformer en machine à tuer impitoyable. Pour moi, ils commençaient à se superposer au meurtrier, son visage, son travail et tout ce qui le concernait. Ils sont tous devenus Bachar Al Assad, et plus uniquement ses victimes. Petit à petit il reculait, réfugié à l'abri de son palais, alors que la réalité de son régime c'était le bourreau dans les prisons, le soldat sur le terrain, l'hélicoptère dans le ciel.

Il nous restait peu d'énergie, et pas assez pour nous battre contre nous-mêmes et lutter contre la notion facile de ne les considérer que comme des ‘assassins’. L'effort pour les considérer comme nous devenait épuisant, au fur et à mesure que nous leur ressemblions –en devenant des meurtriers–  plus qu'ils ne nous ressemblaient — en tant que victimes.

“Pour moi, ils sont tous devenus Bachar Al Assad, et plus uniquement ses victimes. Petit à petit il reculait, réfugié à l'abri de son palais, alors que la réalité de son régime c'était le bourreau dans les prisons, le soldat sur le terrain, l'hélicoptère dans le ciel..”

Ils étaient celui qui peut aimer torturer quelqu'un à mort. Ils étaient celui qui donne l'ordre d'utiliser des armes chimiques, ou de poignarder un enfant à mort à Houleh à Homs. Un massacre qui nous a retiré toute possibilité de lutter contre la haine. Notre haine a fait partie de notre combat pour l'existence. On avait besoin de colère pour survivre, pour comprendre que la violence que nous ressentions n'était pas “normale” ou “banale”. On avait besoin de colère pour libérer nos vie et refuser la mort. “La vie vaut la peine d'être vécue”, certes, mais dans cette vie-là il n'y a plus assez de bonté pour permettre à l'assassin et à la victime de vivre ensemble.

A partir de ce moment-là, devoir les tuer n'était plus un problème pour nous.

Après, il a été logique qu'ISIS surgisse de notre haine. Avec leur arrivée la peur s'est à nouveau emparée de nous dans les zones où nous pensions avoir versé assez de sang pour les reconquérir. En Syrie, rien n'est gratuit, tout a un prix, en particuliers nos droits. Retour au point de départ, on tente de sympathiser avec ce nouvel ennemi. Cette fois je me justifiais en disant qu'ils étaient victimes de violence et détestés. Victimes et forts d'une cause défendable contre un monde qui les avait ignorés, eux et ce qu'ils avaient subi.

Certains étaient radicalisés, et à leurs yeux nous représentions des infidèles soutenus par les Etats Unis pour détruire le Levant. D'autres étaient mobilisés par la haine, la peur et la colère, et pensaient qu'ils étaient les seuls à protéger l'Etat Islamique. D'autres étaient fascinés par les photos de combattants étrangers lourdement équipés, comparé à leurs armes désuètes et à des approvisionnements hasardeux. C'étaient des adolescents qui croyaient que ISIS était un jeux de Counter Strike dans la vraie vie. Certains étaient encore hier avec nous, des victimes, jusqu'à ce qu'ils en aient assez de jouer ce rôle de victimes et qu'ils comprennent que d'un côté comme de l'autre ils étaient morts, alors ils décidaient qu'ils ne voulaient pas mourir en victimes mais en tueurs.

” D'autres étaient mobilisés par la haine, la peur et la colère, et pensaient qu'ils étaient les seuls à protéger l'Etat Islamique. D'autres étaient fascinés par les photos de combattants étrangers lourdement équipés, comparé à leurs armes désuètes et à des approvisionnements hasardeux. C'étaient des adolescents qui croyaient que ISIS était un jeux de Counter Strike . . .”

Avec le temps –mais plus rapidement cette fois– je me suis habituée au cycle victime/assassin. J'ai perdu ma sympathie envers eux et la culpabilité qui me faisait me demander s'il y avait quelque chose à faire pour les empêcher de devenir encore plus fous.

Ils étaient devenus nos ennemis et je n'avais plus la force de les plaindre. Le peu de force qui me restait ne suffisait pas pour les centaines de victimes qui mourraient tous les jours même s'ils n'avaient tué personne. Et une obsession me hante aujourd'hui sur ce qui est considéré comme juste? Comment décider qui est victime de l'oppression d'un régime, local ou universel, et qui est à l'origine de ce régime et de ses prophètes? Quelle est la juste punition pour un pion dans le jeu du pouvoir, de l'argent et de la peur?

J'aimerais que l'esprit de la révolution ait été assez fort pour leur pardonner à tous, tout au moins “au tribunal de mon cerveau”.

J'aimerais qu'un seul partisan du “pardonne et oublie” puisse garantir que ce pardon épargne la Syrie de la folie dans laquelle elle se trouve et ne soit pas une sorte de récompense pour les assassins.

J'aimerais que ce pardon ne soit pas complicité de notre part et oubli des droits de ceux qui sont partis, les droits des victimes parce qu'elles sont plus faibles. J'aimerais pouvoir haïr le régime 1000 fois et trouver 1000 excuses à ses anges de la mort. J'aimerais pouvoir haïr ISIS à mort et trouver des milliers d'excuses à ses soldats adolescents.

Mais je suis en proie à la colère, j'enrage d'avoir survécu. J'enrage de mon incpacité à changer ce qui a été et ce qui sera.

On peut pleurer d'un côté ou d'un autre, quelque soit le degré de chagrin ou d'hypocrisie. Que ce soit sur celui qui se bat encore pour le régime, ou sur celui qui a fait allégeance à ISIS. On peut même pleurer sur les deux si on a encore les épaules assez solides. Mais on ne peut plus jouer sur le cycle victime/assassin et se laisser enfermer dedans. On ne peut plus se laisser mettre la pression au point d'oublier qui nous avons été et ce que nous avons perdu. Nous obliger à pardonner et à oublier. On ne peut pas subir tout cela sans que l'on nous prouve, pour une fois, que ce pardon empêchera l'histoire de se répéter.

On ne peut pas subir tout cela sans que l'on nous dise comment notre position, à égale distance de tous les partis, pourrait garantir un petit peu de justice, seulement un petit peu.

L'Union européenne critique fermement la Chine après l'enlèvement de cinq libraires hongkongais

samedi 30 avril 2016 à 13:34
Causeway Bay Books. Kris Cheng / HKFP.

Causeway Bay Books. Kris Cheng / HKFP.

Cet article écrit par Kris Cheng est initialement paru sur Hong Kong Free Press le 26 avril 2016. La version ci-dessous est publiée sur Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat.

L'Union européenne a déclaré que l'affaire des libraires disparus [en] représentait la « remise en cause la plus grave » du droit constitutionnel hongkongais et du principe « un pays, deux systèmes » – le compromis qui stipule que la ville est sous autorité de la Chine communiste, mais jouit d'une grande liberté dans la gestion de ses affaires politiques et économiques depuis la rétrocession par le Royaume-Uni de l'ancienne colonie de Hong Kong à la Chine en 1997.

Dans son rapport annuel [fr], l'Union européenne a exhorté Pékin à rétablir la confiance des habitants de Hong Kong et de la communauté internationale dans les arrangements portant sur l'autonomie de la ville.

Cinq libraires hongkongais qui vendaient des livres sensationnalistes et critiques à l'égard du gouvernement chinois se sont volatilisés en Thaïlande, en Chine et à Hong Kong en 2015 et ont finalement tous réapparu en Chine continentale, affirmant qu'ils coopéraient de leur plein gré à l'enquête officielle. Deux des personnes disparues étaient citoyennes d'un pays de l'Union européenne. Le rapport précise que:

The case involves a serious violation of human rights and fundamental freedoms and raises grave concerns about the rule of law under the ‘one country, two systems’ principle and the mainland authorities’ application of [People's Republic of China] laws to acts carried out by Hong Kong residents on Hong Kong soil.

L'affaire suppose une grave violation des droits humains et des libertés fondamentales, et soulève de profondes inquiétudes concernant l'Etat de droit en vertu du principe « un pays, deux systèmes » et l'application par les autorités continentales du droit [de la République populaire de Chine] aux activités exercées par les habitants de Hong Kong sur le sol hongkongais.

Le rapport annuel a été rédigé par la Commission européenne et le Service européen pour l'action extérieure le 25 avril.

Il y est dit que Lee Bo, ressortissant britannique qui a disparu à Hong Kong, «semble avoir été enlevé»:

Despite repeated requests for information and explanation by top officials of the Hong Kong [special administrative region] as well as by the EU and other members of the international community, the [People's Republic of China] authorities failed to provide any credible explanation.

Malgré des demandes répétées d'informations et d'explications de la part de hauts dirigeants de la région administrative spéciale de Hong Kong ainsi que de l'Union européenne et d'autres membres de la communauté internationale, les autorités de la République populaire de Chine n'ont pas pu fournir d'explications crédibles.

Ce n'est pas la première fois que l'UE publie un communiqué sur la question – le premier, publié en janvier, demandait l'ouverture d'une enquête. Le Parlement européen a également adopté une résolution en février dans laquelle il exprime une « vive préoccupation » concernant les disparitions.

Processus de réforme électorale

L'UE a en outre ajouté dans le rapport qu'elle espérait que Hong Kong aurait la possibilité de reprendre le processus de réforme électorale et de parvenir à un accord en faveur d'un système électoral démocratique, juste, ouvert et transparent:

Universal suffrage would give the government greater public support and legitimacy for its efforts to reach Hong Kong’s economic objectives and tackle social challenges, such as the socioeconomic and generational divides in Hong Kong society.

Le suffrage universel donnerait au gouvernement un plus grand soutien populaire et davantage de légitimité dans sa démarche vers la réalisation des objectifs économiques de Hong Kong et dans son combat face à des défis de société tels que les divisions socioéconomiques et générationnelles au sein de la société hongkongaise.

Le programme de réformes politiques du gouvernement, qui proposait que les candidats qui souhaitent devenir chef de l'exécutif, comme est appelé le plus haut responsable politique hongkongais, soient approuvés par un comité de nomination, a été rejeté en juin 2015 par le conseil législatif.

Liberté dans l'enseignement supérieur

Le rapport fait également mention du rejet de la nomination du professeur de droit et libéral Johannes Chan Man-mun comme pro-vice-chancelier de l'université de Hong Kong par le conseil d'administration «en raison de ses liens avec des groupes d'opposition»:

This practice threatens independent university governance and could in the long run harm academic freedom in Hong Kong. […] The controversy prompted calls for the removal of the Chief Executive as ex officio Chancellor of all universities in Hong Kong.

Cette pratique menace la gouvernance indépendante de l'université et pourrait à long terme porter préjudice à la liberté dans l'enseignement supérieur à Hong Kong. […] La polémique a entraîné des appels à la révocation du chef de l'exécutif en tant que chancelier d'office de l'ensemble des universités de Hong Kong.

Le rapport a mis en lumière d'autres défis qui attendent Hong Kong, dont la difficulté à recruter des juges, la pénurie d'assistants dans les tribunaux et les honoraires faibles payés aux avocats dans les dossiers d'aide juridique, en particulier pour les affaires criminelles.

Un porte-parole du gouvernement a déclaré à la radio publique locale RTHK que la loi fondamentale, qui fait office de cadre constitutionnel à Hong Kong, et le principe d'un pays, deux systèmes fonctionnent bien depuis que Hong Kong est devenue une région administrative spéciale de la Chine, et que les gouvernements et législateurs étrangers ne devraient pas s'immiscer dans les affaires intérieures hongkongaises.

Cinq ans après le tsunami au Japon, un film sur la survie d'un village de pêcheurs

samedi 30 avril 2016 à 11:44
Video about Japan tsunami

“Je reviens, Peu importe ce que font les autres” Capture d'écran du film Funakoshi, par Estelle Hebert.

La cinéaste canadienne Estelle Hebert a réalisé un documentaire d'une heure sur la lutte pour la survie d'un village japonais après le tsunami qui a dévasté une grande partie du Japon le 11 mars 2011.

En guise d'introduction de son documentaire Hebert déclare :

[…] Beaucoup de survivants pensaient qu'il serait plus simple et pratique pour eux de se reloger en zone urbaine avec des amis ou des membres de la famille. Rentrer à la maison signifiait retourner vers des parcelles de terre vides et des tas de gravats, ne sachant ni quand ni si le soutien de l'administration ferait à jamais son chemin vers des zones moins peuplées.En conséquence, des centaines de petits villages le long de la côte Est ont été laissés à l'abandon.

Pour Funakoshi, village de pêcheurs de 350 âmes avant la catastrophe, l'histoire est légèrement différente. Une poignée de locaux ont décidé qu'il n'était pas question pour eux de laisser leur village natal à l'abandon mais d'œuvrer à sa renaissance.

Funakoshi suit l'exemple du leader de la communauté, le pêcheur Koichi Nakasato qui veille sans arrêt à la survie de son village natal aux côtés d'un groupe de résidents dévoués malgré les difficultés de chacun à faire face aux séquelles de la tragédie.

Le documentaire est entièrement disponible sur Vimeo en version originale sous-titrage anglais et francais.


Estelle Hebert, qui a participé en tant que professeure au Programme d'Échange et d'Enseignement du Japon, dit avoir mesuré l'ampleur des dégâts lorsqu'elle a visité la préfecture de Miyagi en tant que volontaire après la catastrophe.

C'est alors que nous nous éloignions de Funakoshi que je me suis mise à penser que ça pourrait être une histoire poignante, de celles qui méritent d'être documentées, de celles qui ne doivent pas être oubliées. Vous n'entendez presque jamais parler dans les médias des projets de rétablissement/reconstruction à long terme après des catastrophes naturelles. Comment ces gens y font-ils face ? Combien de temps leur faut-il pour retrouver un semblant de normalité dans leur vie ? De quel type de soutien bénéficient-ils sur le long terme ? Funakoshi sera-t-il jamais reconstruit ? Comment les pêcheurs gèrent-ils après avoir tant perdu ?

Hebert dit être allée dans le village de Funakoshi au cours de l'année dans le but de “documenter ce qui s'y passe [s'y passait], afin de fournir aux téléspectateurs un regard personnel, intime et profond sur les membres de cette petite communauté japonaise qui essayent de se reconstruire une vie en dépit des destructions qui les entourent”.