PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Le Japon, ses néons et ses montagnes brumeuses sur Twitter avec ‘Aesthetics Japan’

vendredi 6 avril 2018 à 20:57
Osaka, Japan

Osaka, Japon” par l'utilisateur Flickr Pedro Szekely. Licence image: CC BY-SA 2.0

Les comptes de réseaux sociaux dédiés à la publication de magnifiques photos du Japon ne sont pas rares. Le photographe de rue Lee Chapman documente sa vie de tous les jours au Japon à travers des photos, et sur son compte Instagram Tokyo Camera Club. Le compte partage des instantanés spectaculaires de Tokyo et au delà, et est suivi par plus de 400.000 personnes. Parallèlement sur Twitter, le compte Aesthetics Japan publie des photos variées de paysages, d'art et de nourriture du Japon, afin d'encourager les abonnés à apprécier la beauté de l'archipel. 

Voici une sélection des photos du Japon publiées sur son compte Twitter :

Pagode de Yasaka | par yorozuya.yoh sur Instagram

Tokyo sous la pluie | par @torataroo11

Le compte a été créé en 2016 et compte plus de 93.000 abonnés à ce jour.

Le détenteur du compte s'occupe aussi d'un site d’ e-commerce pour les fans d'animes, et souhaite rester anonyme. Dans une interview avec Global Voices par l'intermédiaire de messages instantanés sur Twitter, l'auteur confie avoir ouvert ce compte afin de partager son amour du Japon, un intérêt qui lui est cher depuis l'enfance : “L'architecture traditionnelle de l'ère Edo et la nature m'ont séduit. Pus tard, ce sont les néons de Tokyo qui m'ont refait tomber amoureux du Japon.”

Vie quotidienne à Tokyo | par Takashi Yasui

Nuits de Shibuya  | par moto_ph0t0 sur Instagram

Durant l'interview, l'auteur a très rapidement déclaré que ces photos n'étaient pas les siennes. Les photos sont sélectionnées et proviennent de Flickr, Twitter ou d'autres sources.
Le compte oppose souvent la vie nocturne animée japonaise aux paysages naturels, ceci afin de montrer les différentes facettes du pays. Des photos nocturnes de Tokyo, Osaka et Kyoto y prédominent.

L'allée du souvenir | par @liamwong

Shizuoka, Japon | par cww44 sur Instagram

Lever de soleil| par @st1☀9721

Le site inclut aussi des photos de mets variés, comme des plats mignons dans des cafés à thème anime, ainsi que de jolies boîtes à bento.

L'art du café au lait du Reissue Cafe

Les raviolis Shiba Inu (みたら柴)

Les abonnés semblent apprécier le travail, qui leur fait se rappeler ce qu'ils ont connu au Japon, pendant que d'autres sont simplement impressionnés par la qualité des photos choisies.

C'est trop joli

Pister les interférences de la Russie sur l'internet, et en tirer des leçons pour améliorer la qualité de l'information

vendredi 6 avril 2018 à 20:21

Images de profils d'un large réseau de comptes Twitter pro-Kremlin. Image par Lawrence Alexander.

[Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais]

Après la mise en accusation par le FBI américain de 13 Russes pour ingérences dans l'élection présidentielle de 2016 aux USA, Global Voices (GV) s'est replongé dans ses recherches extensives sur les interférences en ligne de la Russie, qui soulignent l'importance des data et recherches open-source pour en comprendre l'impact.

RuNet Echo, une initiative de Global Voices, a commencé dès 2011 à couvrir les bots automatisés, les trolls et blogueurs rémunérés cherchant à influencer l'information sur internet, les discussions et campagnes politiques de la Russie. Le but principal de RuNet Echo est “[d’]étendre et approfondir la compréhension de l'Internet russe (RuNet [FR]) et des communautés en lignes qui y sont liées.”

GV a été le premier à publier des preuves qu'existent des réseaux de trolls et des fermes de bots opérant de façon coordonnée pour déformer le discours public, ce qui a établi le cadre d'une grande partie du traitement de l'information depuis.

Grâce aux recherches de Lawrence Alexander, GV a été le premier à démontrer, à l'aide d'outils open source tels que NodeXL et Gephi, qu'il existait des réseaux dédiés de bots sur Twitter, liés à la ferme de trolls dirigée par l’ Internet Research Agency (I.R.A., en français Centre de Recherche d'Internet) qui opère de manière coordonnée et depuis une localisation déterminée, et attachée à des comptes particuliers pour perturber et influencer le discours en ligne.

Un aperçu qui a ouvert les yeux du public sur les données et outils de la recherche et frayé la voie à d'autres chercheurs pour pousser l'enquête plus loin.

Un article du Washington Post de décembre 2017 est revenu sur les recherches d'Alexander et leur impact sur la compréhension par le Département d’État des États-Unis des activités russes :

Frustrated U.S. officials concluded that the best information on Russia’s social media campaign in Ukraine wasn’t coming from U.S. intelligence agencies, but from independent researchers [like Alexander]. 

Des responsables américains ont conclu avec mécontentement que les meilleures informations sur la campagne de médias sociaux de la Russie en Ukraine ne venait pas des services de renseignements américains, mais de chercheurs indépendants [comme Alexander].

Le responsable du numérique au Département d’État, Macon Phillips, est même allé voir Alexander à Brighton, au Royaume-Uni, en juin 2015 pour se faire expliquer en détail ses méthodes.

Le travail de Global Voices a anticipé de plusieurs années l'apparition de l'affaire en une du New York Times et d'autres médias traditionnels. Notre couverture a conduit à plus de recherches par des journalistes et des enquêteurs, et a finalement contribué à établir le dossier des activités de la Russie autour de l'élection présidentielle de 2016 aux USA. Nous espérons que les entreprises de la Silicon Valley auront aussi profité de ces éléments pour poursuivre leurs propres investigations sur la manipulation de leurs plateformes par l'I.R.A.

Pister l'interférence russe sur Internet, dès le début

En 2011, GV s'est intéressé aux attaques par déni de service (DDoS) contre LiveJournal. Des articles comme celui d'Alexey Sidorenko, “Russia: Distributed Denial of LiveJournal,” indiquent que les attaques par déni de service contre les plateformes utilisées pour du discours politique remontent à au moins 2007.

Ce thème est devenu un sujet de recherche récurrent à GV, s'étendant à partir des attaques DDoS aux enquêtes sur les guerres de fuites de données menées par le Kremlin [en 2011, à l'occasion des élections en Russie], les attaques contre des forums internet populaires [idem], et le phénomène [FR] des faux comptes Twitter en janvier 2012.

Sidorenko explique :

The first Russian fake Twitter users appeared long before other well known faux accounts…have developed their own particular ironic styles and have become integrated into the socio-political landscape of the Russian blogosphere.

Les premiers faux usagers de Twitter russes ont plusieurs longueurs d'avance sur d'autres faux comptes célèbres… Certains ont développé un style d'ironie propre et se sont intégrés au paysage socio-politique de la blogosphère russe.

Alors que ces faux comptes étaient une contre-attaque d'auteurs indépendants, ils prouvent l'échelle et l'impact des fausses identités dans l'espace internet russe.

En février 2012, GV a observé les systèmes de rémunération [FR] de blogueurs populaires à fins de modeler l'opinion publique russe. RuNet Echo a continué à suivre à la trace et à raconter les successions d'attaques DDoS, les comptes parodiques, et le monde émergent des faux comptes Twitter, les campagnes coordonnées de désinformation, et l'apparition de réseaux de bots pour influencer l'information publique à l'échelon des sociétés.

GV a suivi ces attaques dans leurs glissements de cibles : d'abord les opposants et activistes russes, ensuite les Ukrainiens après l'invasion de 2014, et enfin les attaques contre les médias, personnalités, figures politiques et systèmes des USA et de l'Occident, également en 2014.

Autour de 2014, les rédacteurs de RuNet Echo Kevin Rothrock et Andrey Tselikov rapportaient les attaques persistantes [FR] sur Twitter contre politiques et porte-paroles étasuniens, documentant les collectifs de taupes comme Shaltay Boltay (Anonymous International). Au même moment, nous suivions les actions en cours en Russie pour restreindre l'accès à Twitter et à d'autres réseaux de médias sociaux, et pour réguler les blogueurs.

L’article sur Buzzfeed du journaliste Max Seddon en juin 2014, décrivant l'attaque de l'Amérique par une armée de trolls russes a utilisé comme source notre auteur Alexey Sidorenko.

En novembre 2014, le contributeur de GV Aric Toler a été le premier à écrire en anglais sur l'existence, l'identité et la localisation physique du bâtiment de l'I.R.A. au 55 rue Savouchkina à Saint-Pétersbourg, devenu le point focal des inculpations du FBI en 2018. Les données de localisation des fermes russes de trolls avaient été publiées dans les médias russes dès septembre 2013 par Novaïa Gazeta, ainsi que par Delovoi Petersburg en novembre 2014.

En avril 2015, Alexander publiait la première analyse de réseaux sociaux à dévoiler de façon définitive l'ampleur de l'opération bots sur Twitter du Kremlin. Dans ces articles, commandés à l'origine par la contributrice de Global Voices Tetyana Lokot, Alexander rassemblait les preuves d'un réseau de pas moins de 20.500 comptes Twitter, synchronisant leur activité dans un effort concerté pour propager la désinformation. Il démontrait que ces comptes étaient composés essentiellement de bots, et relevaient d'une localisation et d'un établissement précis. Les découvertes d'Alexander ont aussi été largement rapportées par des médias d'information comme Tjournal.

Les leçons du pistage et des publications open-source

Ce travail a donné aux journalistes et enquêteurs les outils, méthodes et éléments de données pour identifier où se trouvaient ces comptes Twitter et leurs propriétaires. L'enquête d'Alexander en data open-source nous apprend que ces comptes laissent sur l'internet des empreintes digitales faciles à relever. Sa rétro-ingéniérie du code de Google Analytics a aussi contribué à identifier les faux sites d'information destinés à inonder les agrégateurs d'information en Russie à destination des audiences russes.

Ces techniques de recherche ont révélé que les Russes achetaient des annonces sur Google pour influencer et désinformer sur des sujets allant de la guerre dans l'est de l'Ukraine à la politique américaine et européenne.

D'autres journalistes et chercheurs ont bâti sur ce travail en examinant de plus près le trollage à la russe. En juin 2015 Adrian Chen a écrit son premier article sur le sujet dans la presse générale américaine, pour le magazine du dimanche du New York Times. Son travail ne comportait pas d'analyse avec des techniques ou des données open-source, mais proposait une enquête menée en personne dans l'immeuble de l'I.R.A.

Deux ans plus tard, ce travail fournit un cadre pour plus d'investigations sur les opérations russes. GV continue à traiter le sujet avec des dizaines d'articles en rapport.

Si cette recherche par les journalistes et enquêteurs judiciaires avaient été plus précoce et mieux soutenue, les preuves apportées auraient pu aboutir à une réduction des dégâts, ou du moins à une meilleure prise de conscience des agissements russes pour faire dérailler à grande échelle les processus démocratiques.

De la rébellion dans la littérature classique chinoise

mercredi 4 avril 2018 à 21:28

Estampe d'Utagawa Kuniyoshi (1798-1861) représentant Li Kui, un rebelle de “Water Margin”. Illustration du domaine public issue de Creative Commons.

Alors que la Chine a supprimé la limite des deux mandats de la présidence de sa constitution, les spéculations vont bon train quant à deviner si le pays va retourner à un fonctionnement dynastique, comme quand l'empire était dirigé par de puissantes familles.

La nature autoritaire des dynasties a engendré le stéréotype d'un peuple chinois obéissant et soumis. Ce préjugé ne réussit pas à expliquer le fait que, bien qu'une grande partie de l'histoire de la Chine ait été dominée par un cycle dynastique, celui-ci fut en réalité ponctué de renversements d'empereurs puissants par des révolutions populaires ou des coup d'état militaires, qui ont conduit le pays au chaos avant qu'une nouvelle dynastie soit instaurée.

La première révolution civile des annales chinoises eut lieu en 221 av. J.-C. Elle a été menée par Liu Bang, jusqu'alors un petit agent de patrouille : il a créé la dynastie Han. Il n'a pas été le seul empereur civil. Le fondateur de la dynastie Ming, Zhu Yuanzhang, était lui aussi issu d'une famille paysanne pauvre. Wu Zetian, l'impératrice la plus célèbre de l'histoire chinoise, était la fille d'un homme d'affaires et a d'abord joint la famille royale en tant que concubine.

L'esprit rebelle des chevaliers errants

En d'autres termes, l'histoire des dynasties chinoises est aussi une histoire de rébellions, et cet esprit rebelle est incarné dans la littérature classique chinoise sous la forme du chevalier errant. Sima Qian et Li Bai font partie des écrivains qui ont adopté cet esprit rebelle.

Sima Qian était un historien du début de la dynastie Han (206 av. J.-C-220). Il a consacré un chapitre de ses célèbres “Mémoires du grand historien” aux chevaliers errants, qu'il décrit comme des civils qui tiennent leurs promesses, prompts à réagir aux besoins du peuple, et rendant justice selon leurs termes. Il leur a exprimé son admiration même quand ils agissaient en dehors de la loi car ils adhéraient à une forme de justice approuvée par le peuple.

LiBai

Dessin de Li Bai, le poète génial, par Liang Kai (1140-1210). Illustration du domaine public issue de Creative Commons.

Li Bai était un poète généralement qualifié de génial et qui se décrivait lui-même comme un chevalier errant. Il a servi l'empereur pendant une courte période, mais a passé la plupart de sa vie à errer et se faire des amis. Dans son célèbre poème “Amenez le vin” [en] (en fait une chanson à boire), il exprime son amour pour la liberté et l'amitié et son mépris pour l'argent et le statu quo sociétal.

When we are happy,
Shan't we fully enjoy ourselves?
Drink up the golden chalices, my friends
[Bring in the wine]
Never let them empty to the moon
Life has its own meaning
[So never worry about money]
No matter how much I spend [on the wine]
It will eventually come back to me[…]
A luxury life is not my dream
My dream is to drink and drink and never wake up
All men of virtue are lonely
Only the drinkers are remembered

Quant nous sommes heureux,
Ne nous réjouirons-nous pas pleinement ?
Videz les calices d'or, mes amis
[Amenez le vin]
Ne les présentez jamais vides à la lune
La vie a sa propre signification
[Ne vous inquiétez donc jamais de l'argent]
Peu importe combien je dépense [en vin]
Tout me reviendra à la fin […]
Une vie de luxe n'est pas mon rêve
Mon rêve est de boire, boire, et ne jamais me réveiller
Tous les hommes vertueux sont solitaires
On ne se souvient que des buveurs

Le film primé du réalisateur Ang Lee “Tigre et dragon” est considéré en Occident comme un film d'arts martiaux. Dans le monde sinophone cependant, on parle de film “Wu-Xia“, où “wu” signifie les arts martiaux et “xia” se réfère à l'esprit des chevaliers errants. Quand on garde cette signification en tête, on peut alors apprécier la dimension culturelle du film autant que ses fantastiques prouesses d'arts martiaux.

On croit généralement que les empereurs dynastiques chinois avaient un pouvoir absolu, mais ce n'était pas le cas. Ils régnaient sur la base de la volonté de dieu, mais “Dieu” est une idée vague en Chine, qui n'a jamais eu de religion nationale unique.

Cette idée est également comprise dans le proverbe chinois selon lequel “l'eau porte le bateau, l'eau coule le bateau”. Tiré d'un important document historique, le bateau de ce proverbe se réfère à l'empereur et l'eau à ses sujets. Quand l'empereur a perdu le cœur de ses sujets, dit le proverbe, ceux-ci et les chevaliers errants deviennent la même force qui peut soulever une rébellion.

Les rebelles de la littérature classique chinoise

Le roman de rébellion le plus célèbre de Chine, “Au bord de l'eau”, est attribué à Shi Nai'an. Il raconte l'histoire de 108 rebelles, dont 3 femmes, issus de différentes origines et qui se rassemblent sur le mont Liang pour y confronter les autorités corrompues. Les rebelles sont des chevaliers errants, tous talentueux et courageux. Leur mission, se mesurer à une dynastie, les rend encore plus romantiques et héroïques que Robin des bois. La classe ouvrière chinoise adore ce roman pour son esprit de rébellion : il n'est donc pas surprenant qu'il ait été interdit [en] par les dynasties Ming et Qing, les deux dernières dynasties impériales.

Mao Zedong, qui pendant la guerre civile chinoise mena le Parti communiste chinois à la victoire et devint le père fondateur de la République populaire de Chine, appréciait [zh] beaucoup “Au bord de l'eau”. Il avait l'habitude de dire que lui-même et ses camarades avaient été obligés par le Kuomintang corrompu d'aller au mont Liang, comme les 108 rebelles du roman.

wukon

Estampe de Sun Wukong, le personnage principal de “La pérégrination vers l'ouest” par Yashima Gakutei (1786-1868). Image du domaine public, Creative Commons.

Sun Wukong, le Roi des singes, est un autre rebelle célèbre de la littérature chinoise. Personnage principal du roman de Wu Cheng'enLa Pérégrination vers l'ouest“, Wukong est un singe né d'une pierre. Il ne se conforme pas aux règles de la société et malgré son apparence de singe, sa force physique rivalise avec celle de la Chose, le héros des comics de Marvel. Wukong symbolise généralement la liberté d'esprit, la force et la volonté de se mesurer aux dieux.

Ce roman fut plus tard adapté au cinéma par le metteur en scène hongkongais Derek Kwok. Les critiques [zh] ont qualifié le film de conte pour le Hong-Kong de l'après-révolution des parapluies, dans lequel certains ne se soumettent jamais à leur destin et continuent de se battre pour leur liberté.

Enfin, Fa Mulan est un autre personnage chinois légendaire, courageuse et indépendante. Elle est connue de nombreux Occidentaux grâce au film d'animation de Disney “Mulan”. Mulan se déguise en homme pour aller à la guerre. Distinguée sur le champ de bataille, l'empereur l'invite à travailler pour le gouvernement, mais elle décline l'offre et préfère retourner au sein de sa famille.

Bien que Mulan remette en cause le rôle des femmes dans la société patriarcale chinoise, elle demeure un caractère bien-aimé, peut-être parce qu'elle choisit d'obéir à l'empereur et de devenir une guerrière, mais plus important encore, parce qu'elle n'aspirait pas au pouvoir.

Peu d’œuvres littéraires chinoises et de légendes de rébellion se terminent aussi paisiblement que Mulan. Le chevalier errant le plus exceptionnel et respecté des “Mémoires du grand historien” est exécuté par la dynastie. Les rebelles de “Au bord de l'eau” finissent par se rendre et meurent à la guerre. Dans “La pérégrination vers l'ouest”, Wukong est capturé par les dieux et plus tard contrôlé par un anneau d'or placé sur sa tête, d'une façon similaire aux coiffes de la trilogie “les Tripodes”. L'impératrice Wu Zetian elle-même a été qualifiée de prostituée, et ses réalisations longtemps ignorées parce qu'elle avait osé exercer du pouvoir sur des hommes.

Malgré leurs fins tragiques, ces récits sont toujours transmis de génération en génération, car ils incarnent un esprit de désobéissance et de rébellion, source éternelle d'inspiration pour le peuple chinois.

Processus de paix en Colombie : un transfert de la violence en Équateur voisin ?

mercredi 4 avril 2018 à 18:59

“#3NousManquent. Nous sommes avec vous” Photo de la rédaction du journal El Comercio, largement partagée en ligne, dans le cadre de la campagne NosFaltan3.

L'enlèvement d'une équipe de journalistes par un groupe dissident des FARC (acronyme des Forces armées révolutionnaires de Colombie) à la frontière avec l’Équateur ajoute une complication supplémentaire au chemin de la paix en Colombie après plus de cinquante ans de conflit armé.

Le processus de paix s'est traduit par la restitution de plus de 9.000 armes à feu et le taux d'homicides le plus bas en trente ans (24 homicides pour 100.000 habitants). Toutefois, l'accord de paix n'a pas fait l'unanimité des membres des FARC. Des groupes se sont formés, non seulement avec des guérilleros refusant le processus de démobilisation, mais aussi avec des bandes de narcotrafiquants.

En ce début de 2018, quatre bombes et deux voitures piégées ont déjà explosé en Équateur. En janvier 2018, le président équatorien Lenín Moreno a déclaré l'état d'urgence dans plusieurs parties du pays à la suite d'un attentat à San Lorenzo, une ville de la province d'Esmereldas limitrophe de la Colombie, qui a fait 14 blessés et d'importants dégâts matériels dans un poste de police.

Enlèvement d'une équipe de journalistes

Tandis que le gouvernement équatorien faisait le bilan des dégâts, les médias sociaux et la presse ont sonné une autre alarme : deux journalistes et leur chauffeur du journal El Comercio ont été enlevés le matin du 26 mars dans la petite ville de Mataje, aussi dans la province d'Esmeraldas.

Le jour même où le ministre de l'Intérieur César Navas confirmait l'information, il a rencontré, en présence du ministre de la Défense, du Procureur général, du Défenseur du peuple, et des hauts responsables de l'armée et de la police, les représentants légaux du journal et les familles pour les informer de la procédure à suivre en pareil cas.

Lors de la conférence de presse où Navas avait officiellement annoncé l'enlèvement, il avait aussi mentionné la probabilité que les séquestrés se trouvent en Colombie.

Selon le commandant en chef des forces armées colombiennes, le général Alberto Mejía, le commanditaire de l'enlèvement serait le chef des dissidents des FARC dans le sud-est de la Colombie, Walter Patricio Artízala Vernaza, surnommé “Guacho”. Le général a déclaré à RCN Radio que ses informations avaient permis d'établir que c'étaient le guérillero et les hommes sous ses ordres qui détenaient les Equatoriens depuis le 27 mars.

Le ministre de l'Intérieur César Navas a déclaré à une radio locale que les opérations de surveillance et les coups de filet sur la frontière incommodaient les groupes dissidents des FARC hors-la-loi, et que les auteurs de l'enlèvement “n'étaient pas en quête d'argent et [n'avaient pas] demandé de rançon”.

Dommage collatéral d'un processus de paix ?

César Cedeño, un expert en opérations militaires, a analysé les implications de ces incidents. Il explique que l'exemple du Salvador est utile pour comprendre l'importation de la violence en territoire équatorien : ceux présents dans la zone frontalière seraient des “hybrides d'organisations criminelles et insurrectionnelles” :

En la guerra civil salvadoreña pasó lo mismo: las maras [o pandillas] que hoy día son tan famosas por su incidencia en la seguridad ciudadana de América Central y Estados Unidos, fueron producto de ese proceso de paz. Exguerrilleros del Frente Farabundo Martí para la Liberación Nacional que no se desmovilizaron, usaron sus habilidades de combate para dedicarse a actividades criminales. Eso son las maras.

Il s'est passé la même chose dans la guerre civile salvadorienne : les maras [ou gangs] qui aujourd'hui sont si célèbres pour leur incidence sur l'insécurité citoyenne en Amérique centrale et aux États-Unis, ont été le produit de ce processus de paix. Les ex-guérilleros du Front Farabundo Martí de libération nationale qui ne se sont pas démobilisés ont usé de leurs compétences de combat pour se consacrer à des activités criminelles. Ce sont les maras.

Il poursuit :

Ese caso muestra que, en efecto, esto es lo que puede estar pasando en el proceso de paz colombiano. Es probable que estos remanentes de las FARC hayan tomado una decisión simplemente racional para no desmovilizarse: un cálculo de utilidades esperadas versus costos esperados. Si se mantenían en la insurgencia, los retornos podían ser muy importantes en términos del comercio de estupefacientes y armas. El costo es el que ya tenían: el acoso constante del ejército y la policía colombiana.

Cet exemple montre qu'en effet, c'est ce qui peut se passer avec le processus de paix colombien. Il est probable que ces restes des FARC aient pris une décision simplement rationnelle de ne pas démobiliser : un calcul bénéfices-coûts attendus. S'ils se maintiennent dans l'insurrection, les retours pourraient être très importants en termes de trafic de stupéfiants et d'armes. Le coût, ils le connaissent déjà : le harcèlement constant de l'armée et de la police colombiennes.

#NosFaltan3 (3 nous manquent)

Après l'annonce de l'enlèvement, des journalistes de médias en tous genres se sont rassemblés le soir du 27 mars pour une veillée sur la Plaza Grande de Quito pour réclamer la libération de leurs confrères. Ils ont demandé au gouvernement de tout faire pour assurer que les deux journalistes et leur chauffeur d'El Comercio rentrent dans leurs familles sains et saufs.

Sur les médias sociaux, le mot-dièse #NosFaltan3, signifiant “Trois nous manquent”, a été le plus utilisé pour évoquer le sujet :

Le ministre de la Défense, Patricio Zambrano, à la veillée sur la Plaza Grande de Quito

Une veillée silencieuse, triste… ressentie du fond du cœur. Ce soir, journalistes et amis des trois confrères enlevés nous réunissons sur la Plaza Grande

Pensant aux conséquences plus larges, le romancier et journaliste équatorien Eduardo Varas a évoqué une discussion avec des étudiants en journalisme sur l'impact possible de l'incident, non seulement sur le droit à la paix et à la sécurité en Équateur, mais aussi pour les aspirants-journalistes :

Hablamos sobre que el mejor periodista es el que duda y el que busca resolver esa duda a través de la investigación. Y me dijeron que eso también significaba que ejercer el oficio nos expone como personas. No lo había pensado así. No en ese nivel. La realidad más cercana no nos daba razones para verlo de esa manera. ¿Se puede enseñar periodismo en estas circunstancias? ¿Cómo quitar el temor en el rostro de jóvenes que te miran como si no pudieran creer lo que está pasando? No lo sé.

Nous discutions de ce que le meilleur journaliste est celui qui doute et qui cherche à résoudre ce doute par l'investigation. Et ils m'ont dit que cela signifie aussi qu'exercer ce métier nous expose en tant qu'individus. Je ne le voyais pas ainsi. Pas à ce niveau. La réalité immédiate ne nous donnait pas de raison de le voir de cette manière. Peut-on enseigner le journalisme en telles circonstances ? Comment ôter la peur du visage de jeunes qui vous regardent comme s'ils ne pouvaient croire ce qui est arrivé ? Je ne le sais pas.

Nouvelle tragédie humaine au Liban à cause du système de la kafala

mardi 3 avril 2018 à 22:45

Une employée de maison éthiopienne raconte les abus qu'elle subit

Lensa Lelisa Tufa (à gauche) aux côtés de sa tante Ganeth (à droite). Photographie partagée sur les réseaux sociaux par les amis de Lensa et utilisée avec autorisation.

Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Quand Lensa Lelisa Tufa, une jeune employée de maison de 21 ans, et une autre compatriote éthiopienne (pas encore identifiée) ont décidé de fuir la maison beyrouthine de leurs employeurs le 11 mars, elles n'ont pas vu d'autres alternatives que de sauter depuis le balcon situé au deuxième étage.

Seulement, Lensa Tufa fut la seule à sauter. L'autre femme s'est rétractée au dernier moment, craignant de se blesser quand elle a vu l'état de Lensa.

Quand elle fut admise à l'hôpital avec ses deux jambes cassées, la jeune femme profita de l'aide de sa tante Ganeth pour enregistrer une vidéo de 5 minutes afin de partager son histoire.

La vidéo, en amharique et sous-titrée en anglais, a ensuite été mise en ligne le 26 mars sur la page Facebook de “This is Lebanon” [C'est le Liban, NdT], un collectif qui expose les abus auxquels sont confrontés les employées de maison immigrées au Liban. À l'heure de la rédaction de cet article, la vidéo avait déjà été regardée par plus de 100.000 personnes.

Dans cette vidéo, on peut ainsi l'entendre témoigner :

[…] From the very beginning they were abusing me […] They tortured me and I couldn't do anything to save myself. They beat me everyday with an electric cable and wrapped my hair around their hands and dragged me around the room. They smashed my head into the walls. […] There were four of them abusing us. […] They took turns abusing us. […] He was pushing his fingers into my eyes. […] I said to myself, ‘How long can I carry on?’ […] There was another Ethiopian girl with me and the same things were happening to her. She decided to jump from the balcony with me.

[…] Ils m'ont maltraitée dès les premiers instants […] Ils m'ont torturée et je ne pouvais rien faire pour m'échapper. Tous les jours, ils me battaient avec un câble électrique et ils me traînaient à travers la pièce par les cheveux. Ils cognaient ma tête contre les murs. […] Ils étaient quatre à nous maltraiter. […] Ils y allaient chacun à leur tour. […] Il enfonçait ses doigts dans mes yeux. […] Je me suis dit : “Combien de temps vais-je tenir ?” […] Il y avait une autre fille éthiopienne avec moi et le même sort lui était réservé. Elle a décidé de sauter du balcon avec moi.

Très rapidement, il est apparu que les employeurs de Lensa Tufa dirigent une entreprise de haute couture, Eleanore Couture.

Afin de mobiliser l'attention, “This is Lebanon” a organisé une manifestation devant les portes de l'entreprise à Jdeideh, dans le nord du Grand Beyrouth. Une quarantaine d'activistes y ont participé.

Selon la journaliste libanaise Anne-Marie El Hage, qui couvre cette histoire [fr] pour le quotidien francophone L'Orient Le Jour, la tante de Lensa Tufa n'a d'abord pas eu le droit de rendre visite à sa nièce, mais seulement suite à une pression exercée sur les réseaux sociaux.

Lensa Tufa fait partie de ces nombreux travailleurs domestiques ayant immigré au Liban, obligés de vivre et de travailler dans des conditions pénibles sous le régime de la kafala, le célèbre système de “parrainage” en vigueur, entre autres, au Liban.

L'une des nombreuses personnes ayant mis en ligne une photo d'elle-même avec le hashtag #IAmLensa, (Je suis Lensa)un geste en soutien de la travailleuse éthiopienne Lensa Lelisa. Source : This is Lebanon. Utilisée avec autorisation.

Comme l’explique l'organisation de défense des droits Migrant-Rights.org, la kafala rend ces travailleurs vulnérables aux abus :

Kafala is a system of control. In the migration context, it is a way for governments to delegate oversight and responsibility for migrants to private citizens or companies. The system gives sponsors a set of legal abilities to control workers: without the employer’s permission, workers cannot change jobs, quit jobs, or leave the country. If a worker leaves a job without permission, the employer has the power to cancel his or her residence visa, automatically turning the worker into an illegal resident in the country. Workers whose employers cancel their residency visas often have to leave the country through deportation proceedings, and many have to spend time behind bars.

La kafala est un système de contrôle. Dans un contexte d'immigration, c'est une façon pour les États de déléguer la supervision et la responsabilité des migrants à des citoyens et aux compagnies privées. Le système confère aux sponsors un panel de compétences juridiques afin de contrôler les travailleurs : sans la permission de l'employeur, les employés ne peuvent pas changer d'emploi, démissionner ou quitter le pays. Si un employé démissionne sans permission, le parrain a le pouvoir d'annuler son visa de résidence, faisant de facto de la personne un résident illégal dans le pays. Les travailleurs qui voient leurs visas de résidence annulés sont très souvent forcés de quitter le pays à la suite de procédures d'expulsion, et nombre d'entre eux passeront du temps derrière les barreaux.

Un manifestant brandit une pancarte devant le magasin “Eleanore”. La traduction du slogan est explicite : “Abolissez la kafala !” Photographie de l'auteur.

Les travailleurs domestiques immigrés ont demandé à de nombreuses reprises l’abolition de la kafala ainsi que la ratification de la convention 189 de l'Organisation mondiale du travail. Cette convention assure le respect des droits humains pour tous les travailleurs domestiques.

D'après des statistiques de l'agence de renseignement libanaise obtenues par l'agence humanitaire d'analyse et d'information IRIN, deux travailleurs domestiques immigrés décèdent chaque semaine.

À lire (en Anglais) : “Nous ne sommes pas des esclaves, nous voulons nos droits”: Au Liban, les employés domestiques issus de l'immigration battent le pavé pour la Fête du travail

C'est sans surprise que Lensa Tufa a déclaré vouloir changer d'employeurs, mais la fille de ces derniers l'a menacée de la renvoyer en Éthiopie si elle essayait. El Hage a rapporté l'échange entre les jeunes femmes :

« Si je peux marcher de nouveau, une fois guérie, je veux changer d’employeur et travailler au Liban. » Réponse à laquelle la fille de son employeuse a rétorqué : « Je suis prête à la renvoyer chez elle, alors. »

Et comme El Hage l'explique, il y aurait eu de nombreuses tentatives pour étouffer cette affaire :

Pour ce faire, il aura fallu le laisser-faire de tous : celui de l’hôpital, de la gendarmerie, du médecin légiste, du bureau de recrutement dont nous avons uniquement le nom et les coordonnées d’une employée éthiopienne, de l’ambassade d’Éthiopie aussi, qui ont lâché la jeune femme aux mains d’employeurs abusifs et fermé les yeux sur les dangers qu’elle encourt aujourd’hui.

Lensa Tufa a même dû nier le fait d'avoir sauté lors d'une audition en présence de ses employeurs :

Ils se sont contentés de prendre acte de sa déposition, donnée en présence de ses employeurs et visiblement dictée par ces derniers : « J’ai glissé, en étendant du linge » et « Non, je n’ai pas besoin d’aide ». Même le médecin légiste a certifié qu’il n’y avait pas de contusions, alors que les photos montrent une jeune femme sévèrement blessée, couverte d’ecchymoses.

La jeune femme a encore un mois et demi de convalescence recommandé par les médecins devant elle, mais l'hôpital l'a déjà renvoyée chez ses agresseurs.