PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Sourires et rencontres de GV francophone en mai 2018 à Lyon

jeudi 31 mai 2018 à 18:33

Dix membres de Global Voices francophones, contribuant aussi bien à la traduction qu'à l'édition et à l'écriture de posts, se sont réunis pour un meet-up à Lyon les 26 et 27 mai 2018. L'occasion de passer en revue les raisons qui nous rassemblent à Global Voices, celles qui nous poussent à traduire et à écrire, de partager des pratiques et des outils. Comment mieux organiser son temps et son travail, pourquoi écrire et contribuer…

Nous nous sommes réjoui-e-s ensemble du résultat du référendum en Irlande sur l'avortement. Nous avons renouvelé notre indignation concernant le sort des réfugié-e-s aux portes de l'Europe, et à l'intérieur de celle-ci, parlé des actions qui existent dans lesquelles s'impliquer. Nous avons évoqué la grande polémique française de l'écriture inclusive, ce qu'elle implique en termes de traduction et d'écriture, mais aussi de droits des femmes. Nous nous sommes posé beaucoup de questions. Quelques unes ont trouvé des réponses.

Nous avons aussi

- écrit des haïkus, dessiné des portraits

- mangé sénégalais et guinéen

- gouté la saucisse sèche et la bière – locales

- entendu les chants des supporters de rugby, les cris des supporters de foot

- cuisiné ensemble

- apprécié la chaleur de l'été qui s'annonce et évité la pluie et les orages, de justesse

Nous avons pensé fort à celles et ceux qui n'étaient pas avec nous, les francophones bien sur mais aussi tous les autres. Le sentiment d'appartenance à cette famille partagée, diverse, pas toujours d'accord et ouverte 24h sur 24 sur les différents fuseaux horaires du globe reste la motivation première de toutes et tous à continuer à s'engager dans Global Voices.

Voici quelques photos de notre temps en commun, et une playlist des musiques qui nous hantent et que nous souhaitons partager avec vous.

Et merci encore à Élise pour cette excellente initiative, en plus d'une organisation impeccable!

GV francophone, meet up à Lyon (Photo Marie Bohner)

GV francophone, meet up à Lyon (Photo Marie Bohner)

Elise Lecamp, masterchef organisatrice (Photo Marie Bohner)

Élise, masterchef organisatrice (Photo Marie Bohner)

Abdoulaye, le plus photogénique de tous les GVers (Photo Marie Bohner)

Abdoulaye, le plus photogénique de tous les GVers (Photo Marie Bohner)

Thalia, jamais sans son panda (Photo Marie Bohner)

Thalia, jamais sans son panda (Photo Marie Bohner)

Maud, nouvelle venue (Photo Marie Bohner)

Maud, nouvelle venue attentive aux questions judicieuses (Photo Marie Bohner)

Pauline-la-malice-de-la-Suisse (Photo Marie Bohner)

Pauline-la-malice-de-la-Suisse (Photo Marie Bohner)

Ibtihel, une amie tunisienne de GV, de passage au meet-up (Photo Marie Bohner)

Ibtihel, une amie tunisienne de GV, de passage au meet-up (Photo Marie Bohner)

Jade, au milieu des portaits (Photo Marie Bohner)

Jade, au milieu des portraits (Photo Marie Bohner)

Meeting, la suite (Photo Marie Bohner)

Claire, Abdoulaye, Julien : meeting (Photo Marie Bohner)

Julien, skateur et latino de coeur (Photo Marie Bohner)

Julien, skateur et latino de cœur (Photo Marie Bohner)

Suzanne et Abdoulaye, dubitatifs (Photo Marie Bohner)

Suzanne et Abdoulaye, dubitatifs (Photo Marie Bohner)

Après l'effort... (Photo Elise Lecamp)

Après l'effort… (Photo Élise Lecamp)

Suzanne et le street-art lyonnais (Photo Marie Bohner)

Suzanne, toujours connectée + street-art lyonnais (Photo Marie Bohner)

Et pour enchanter vos oreilles pour les semaines à venir, voici une playlist assemblée avec amour par Suzanne en collectant les envies de partage musicaux des mélomanes réunis à Lyon pour l'occasion:

Équateur : Les féministes noires aspirent à l'égalité et à l'équité

jeudi 31 mai 2018 à 12:02

Le projet Histoires recadrées [en] demande à ses participants de réagir aux thèmes dominant la couverture médiatique les concernant. Ces articles se concentrent sur les réflexions de personnes plus souvent représentées dans les médias par d'autres qu’elles-mêmes. La génération de nuages de mots sur la plate-forme de Media Cloud [en], qui effectue des recherches dans des collections de médias d'une région donnée du monde, peut donner un aperçu aux participants de leur représentation dans les médias et leur donner une occasion de l'analyser. Ce projet s'abstient de porter une quelconque conclusion sur les données, mais au contraire, fournit le point de départ d'une discussion sur la forme qu'ils peuvent donner à leur propre représentation dans les médias numériques.

Dayana Zamorano est étudiante à l’Université Luis Vargas Torres [es] d'Esmeralda, dans l'Équateur. Ce qui suit est une transcription de la vidéo de son analyse du nuage de mots basé sur le mot “feminismo” [féminisme, NdT].

Mots dominants dans les 112 articles publiés entre janvier 2017 et avril 2018 mentionnant “feminismo” [féminisme, NdT] parmi deux collections de Media Cloud d'organes de presse équatoriens en langue espagnole. (voir l'image en grand)

Qu'est-ce qui, dans ce nuage de mots, attire le plus votre attention ?

En este taller escogí la palabra ‘feminismo’, Bueno no es tanto que escogí la palabra feminism. Escogí la palabra ‘feminismo negro’, me tocó la de ‘feminismo’ porque al buscar en la nube de palabras, no había absolutamente nada a nivel local ni nacional sobre el feminismo negro.

Pour cet atelier j'ai choisi le mot “féminisme”. En fait, j'ai du prendre ce mot, parce que je voulais d'abord analyser l'expression “féminisme noir”, mais que nous n'avons absolument rien pu trouver sur ce sujet à un niveau local ou national.

D'après ce nuage de mots, comment le féminisme est-il représenté dans les médias ?

(En la nube de palabras salieron términos) como ‘igualdad’, ‘hombres’ y ‘mujeres’, Lo que más me llamó la atención es que saliera la palabra hombres. No le encuentro mucho sentido a que salga la palabra ‘hombres’, o más bien lo ideal sería que existieran más hombres que estén apoyando al feminismo.

[Le nuage comporte des mots] tels qu'égalité, hommes et femmes. Ce qui a le plus attiré mon attention a été la présence du mot “hommes”. Je ne crois pas que ce soit très logique que “hommes” y figure, ou plutôt, je pense que ce serait idéal que plus d'hommes soutiennent vraiment le féminisme.

Comment le féminisme devrait-il être représenté ?

Creo que debía haber estado la palabra ‘equidad’, que creo que es lo que representa un poco más (al feminismo). Cuando busqué y salió igualdad. Buscamos la igualdad, sí, pero más bien sería una equidad.

Je crois que le mot équité devrait y être, car je pense que ce mot représente un peu plus le féminisme. Quand j'ai effectué ma recherche [sur Media Cloud], égalité est apparu, et c'est vrai que si nous recherchons l'égalité, nous visons également l'équité.

Quels mots un nuage sur le féminisme devrait-il inclure ?

Sobre todo a nivel local, (quisiera) que salga ‘feminismo negro’, ‘ ‘empoderamiento’ u ‘poder’.

Tout particulièrement à un niveau local, je voudrais les mots “féminisme noir”, et aussi “autonomisation” et “pouvoir”.

Cet article fait partie de la série Rising Frames développée en proche collaboration avec l'organisation El Churo [es], basée à Quito, dans l'Équateur. Le 4 mai 2018, El Churo a organisé un atelier à Esmeralda, dans l'Équateur, qui a rassemblé des représentants de différents collectifs et groupes pour examiner la façon dont eux-mêmes, ou des questions qui leur tiennent à cœur, sont représentés dans les médias équatoriens et pour réagir en créant leurs récits.

Mónica Bonilla et Belén Febres-Cordero ont aidé à transcrire cette vidéo. La transcription a été éditée et raccourcie pour plus de clarté.

Des Macédoniens font de l'humour sur la grave querelle du nom avec la Grèce

mercredi 30 mai 2018 à 21:59

“Bom, bom…” – Comment le dessinateur Darko Markovikj voit la campagne des nationalistes macédoniens. Publié en 2011 par Citizens for European Macedonia  Utilisation autorisée.

Tandis que la plupart des citoyens de la République de Macédoine (RM) prennent au sérieux la querelle autour du nom avec la Grèce, il y en a qui la traitent par le sourire et la satire.

Depuis longtemps, les Grecs accusent la RM d'amalgame avec les noms des régions grecques voisines de Macédoine et du royaume grec antique de Macédoine.

La querelle du nom a été envenimée par le veto grec à l'entrée de la RM dans l'Union européenne (UE) et dans l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) tant qu'elle n'aura pas modifié son nom pour le différencier de celui des régions administratives de Grèce du Nord. Cela a eu pour effet la montée de la xénophobie dans les deux pays. La plupart des citoyens de la RM considèrent le veto comme un chantage humiliant, tandis que les Grecs sont nombreux à soupçonner des intentions de conquête de la part de leurs voisins.

Les nationalistes des deux pays ont attisé les ressentis d'humiliation et de frustration, exacerbant le problème tout en s'arrogeant au passage l'avantage politique d'un brevet de ‘patriotisme’. Dans les faits, la poursuite de la querelle à bas bruit profite à la stratégie de la Russie d'empêcher la consolidation de l'UE et de l'OTAN dans les Balkans.

Le seul point de consensus dans la querelle du nom entre la Macédoine et la Grèce est qu'il n'y a pas de quoi rire. Dans le dernier quart de siècle, l'existence de contenus satiriques ou humoristiques sur le sujet est négligeable par rapport aux sombres propos ou aux discours de haine. Intentionnellement ou non, la satire a souvent été interprétée à tort comme du discours de haine.

Les meilleurs humoristes macédoniens parlent du nom par la satire

Le caricaturiste Darko Markovikj (aussi orthographié Marković, 1940-2016) a travaillé pour les principaux médias indépendants macédoniens jusqu'à leur cooptation ou fermeture par le gouvernement nationaliste du VMRO-DPMNE (2006-2017), dirigé par l'autoritaire Nikola Gruevski.

Sous la signature DarMar (argot pour ‘pagaille’, ‘chaos’), Markovikj a utilisé caricatures, bandes dessinées et animations pour commenter les événements et l'actualité politique au quotidien. Durant sa longue carrière, il a épousé des positions libérales et démocratiques souvent en contradiction avec le socialisme orthodoxe (avant l'indépendance) et le nationalisme (après).

En 2009, quand Gruevski a incorporé les questions d'identité ethnique et de langue macédoniennes dans les négociations sur le nom, DarMar, lucide, l'a attribué à un désir de pouvoir :

“Je suis pour l'OTAN… Je suis pour l'Union européenne… Mais je refuse de renoncer à mon identité !” – dessin de Darko Markovikj publié par Citizens for European Macedonia. Utilisation autorisée.

La perpétuation de la querelle du nom a eu des conséquences négatives à long terme sur la stabilité internationale et des effets directs sur le niveau de vie des citoyens macédoniens. L’embargo économique grec de 1994-95 et l'impossibilité d'adhérer à l'UE ont sévèrement limité les opportunités de développement économique de la Macédoine.

DarMar a comparé ceci avec la rhétorique nationaliste s'interrogeant si le peuple macédonien moderne a le droit de se réclamer descendants des Macédoniens de l'Antiquité, ou seulement des Slaves du Sud arrivés dans la région il y a 1.600 ans et considérés comme des ‘nouveaux venus’ par les nationalistes grecs :

“Je ne suis plus un Macédonien de l'Antiquité… Je ne suis pas non pus un Slave macédonien..!” – “Qu'est-ce que tu es maintenant ?” – “Maintenant je suis un travailleur macédonien licencié.” Dessin de Darko Markovikj publé par Citizens for European Macedonia. Utilisation autorisée.

Plus récemment, le programme satirique télévisé Fcerasni novosti (Nouvelles de hier) a traité par l'humour la querelle du nom, sous forme de sketches à la Monty Python.

Un sketch se réfère au Vardar, le fleuve qui traverse Skopje, la capitale de la RM, avant de couler vers le Sud pour entrer en Grèce, où il est appelé Axios et se jette dans la mer Égée. Le duo d'humoristes blague que les bouteilles en plastique qui flottent sur le fleuve ne sont pas, en réalité, des détritus mais des ‘messages en bouteille’ dans le cadre “de la pression éco-géo-politique mise sur notre voisin du sud”. Ils poursuivent :

Voyant que les statuts Facebook ne nous aideront pas à protéger notre nom, les citoyens ont décidé de mettre un autre genre de pression sur la Grèce. Ils ont commencé à envoyer des messages dans des bouteilles jetées dans le Vardar, qui flottent en aval vers le voisin méridional précité.

Aco: Une foule de bouteilles en plastique…. Jetza, qu'est-ce que je dois dire, un troupeau ou une harde ?
Jelena: Aucune idée. Tu n'as qu'à regarder le texte. … et ne m'appelle pas Jetza.
Aco: Des milliers de bouteilles ont été vues emportées par le Vardar, entraînées par les pluies pas si fortes. Des écologistes malveillants peuvent appeler cela un génocide de la flore et faune du Vardar et l'expression de notre barbarie. Mais les apparences sont trompeuses.
Bien que ces bouteilles ressemblent à des détritus jetés par un grand nombre de pollueurs insensibles, ou par un unique pollueur insensible, elles font partie de la pression éco-géo-politique mise sur notre voisin du sud. Voyant que les statuts Facebook ne vont pas nous aider à protéger notre appellation, les citoyens ont décidé de mettre un genre différent de pression sur la Grèce. Ils ont commencé à envoyer des messages dans des bouteilles dans le Vardar, le fleuve qui coule vers le voisin méridional précité.
Vous pouvez garder votre calme. Nos nom, identité et langue sont en sécurité tant qu'il y aura assez de citoyens se sentant concernés comme celui-ci.

Les politiciens disputent de noms, les gens plébiscitent les vacances grecques

Pendant que la querelle du nom continue à faire rage, les citoyens ordinaires de la RM sont nombreux à aimer faire de la Grèce la première destination de leurs vacances, le pays qui offre le bord de mer le plus proche avec un ample choix de formules, de luxe ou à bon marché.

Une escapade de shopping d'une journée est considérée comme un signe de statut social, en donnant la possibilité d'acheter des marques indisponibles en RM, avec en prime, ‘un café en bord de mer’ à Thessalonique, à seulement quelques heures de voiture de Skopje.

La semaine dernière, alors que les Macédoniens attendaient avec impatience un pont débutant le 24 mai autour de deux importants jours fériés nationaux, les partis d'opposition ont retoqué la dernière proposition en date des premiers ministres macédonien et grec pour résoudre la querelle du nom. Un utilisateur de Twitter a plaisanté sur les ‘conséquences’ pour les vacanciers :

En signe de protestation, les Macédoniens vont occuper la Grèce.
L'attaque commencera jeudi, et consistera au blocage de tous les postes-frontières. L'opération durera jusqu'à lundi. Le coût de l'opération sera de plusieurs millions d'euros.
Les associations de commerçants et hôteliers grecs ont fait savoir qu'ils n'avaient pas peur, et crient “Venez !”.

Et comme on pouvait s'y attendre, la première journée du long week-end a mis en branle plus de 10.000 citoyens macédoniens qui se sont entassés dans leurs voitures, direction la Grèce, provoquant d'importants retards aux postes-frontières.

“Bocamandja” : L'aventure théâtrale qui renforce la culture équato-guinéenne

mercredi 30 mai 2018 à 13:03

Recadero Sielbo Boturu (à gauche) : “Les rituels traditionnels en Guinée équatoriale sont attachés au théâtre, ou peut-être que c'est le théâtre qui est attaché à tous les rituels. Dans une adaptation, il suffit de faire une petite allusion à tout cela pour obtenir une réaction du public.” Photographie de la compagnie de théâtre Bocamandja, utilisée avec autorisation.

Bocamandja, une compagnie théâtrale de Guinée équatoriale, en Afrique centrale, provoque et suscite des questions dans un pays où les puissants obligent le peuple à supporter tout ce qui leur plaît. Les artistes prennent des risques en racontant des vérités douloureuses tout en faisant se plier de rire le public. Le réalisateur Recaredo Silebo Boturu est l'homme derrière Bocamandja, un poète et dramaturge qui se décrit comme un “artiste indigné [es]“.

Les myriades de facettes de Bocamandja rendent la troupe exceptionnelle. Plein de comédiens et de créateurs talentueux, Bocamandja célèbre quatorze années d'existence de pionnier dans la production de presque toutes les œuvres dramatiques d'auteurs publiés en Guinée équatoriale. La compagnie souligne également l'influence des traditions orales qui caractérisent le théâtre du pays.

L'histoire de la relation de M. Boturu avec Bocamandja est faite d'impulsion et d'inspiration, mais aussi de défi et de lutte. Dans cette conversation avec Global Voices, M. Boturu parle des origines de Bocamandja, de ce qui pousse chacun à continuer, et de l'effet profond que l'art du spectacle a sur ses participants.

Global Voices (GV) : Quand votre connexion au théâtre a-t-elle commencé ?

B: Cuando de niño salí de mi pueblo, Bareso, recuerdo que mi madre me puso la maleta en un saco y me mandó a la ciudad para seguir mi ciclo educativo en una familia de acogida. Ya en Malabo, conocí al novio de una de mis primas (una de las hijas de la señora que me cuidaba),  Liki Loribo, que fue quien me descubrió y me invitó a ver los ensayos de un grupo de artes escénicas (ESA’ A) que, junto a las “Hijas del Sol” , habían formado una agrupación cultural con el objetivo de recrear la cultura Bubi, una de las etnias de Guinea Ecuatorial, mediante el teatro y la danza.

Al principio, fue difícil porque he sido siempre tímido (sé que no lo parece) pero después me enganché y el año siguiente subí por primera vez a un escenario. En 1997, cuando las Hijas del Sol ya estaban en España, los avatares de la vida hicieron que Liki tuviese que emigrar y me dejó a cargo del grupo.

Recaredo Silebo Boturu (RB) : Quand j'étais gamin, j'ai quitté ma ville, Bareso. Je me souviens que ma mère m'a envoyé en ville, avec une valise et un sac, pour poursuivre mes études dans une famille d'accueil. A Malabo, j'ai rencontré le petit ami d'une de mes cousines (une des filles de la dame qui s'occupait de moi), Liki Loribo, et c'est lui qui m'a découvert et m'a invité à assister à une des répétitions d'une troupe de théâtre (ESA'A), avec “Hijas del Sol” (Filles du soleil), un autre collectif artistique, qui avait formé un groupe culturel avec l'objectif de recréer la culture bubi [fr], un des groupes ethniques de la Guinée équatoriale, à travers le théâtre et la danse.

Au début, c'était difficile parce que j'ai toujours été timide (même si on ne le dirait pas), mais plus tard je suis devenu fan et l'année suivante je suis monté sur scène pour la première fois. En 1997, alors que “Hijas del Sol” était déjà en Espagne, les circonstances ont fait que Liki a quitté le pays, et je me suis retrouvé à la tête du groupe.

GV : La création de Bocamandja est liée principalement au mouvement théâtral qui existait sous le parrainage du Centre culturel des Guinéens hispaniques, et plus tard avec le défi de faire revivre cette forme artistique lorsque que le Centre culturel a fermé ses portes :

B: Fue como cenizas llevadas por el viento. Un año después de que cerrasen el Centro todos los grupos teatrales habían desaparecido. Todos. Nuestra persistencia hizo que por fin, en el 2005, pudiéramos crear Bocamandja. El nombre, aunque tenga sonoridad española, es la unión de dos platos típicos del país, el bocao y el mandjaa.

Desde que decidimos crear Bocamandja tuvimos muy claro que no podíamos funcionar bajo el paraguas de ninguna entidad. Teníamos que tener nuestra propia autonomía para no caer en el destino de los otros grupos.

RB : C'était comme si une tornade balayait tout. Un an après la fermeture du Centre [culturel], tous les groupes ont disparu. Tous ! Finalement en 2005, notre persistance nous a permis de créer Bocamandja. Le nom, bien qu'il semble espagnol, est celui de deux plats typiques du pays, le bocao et le mandjaa.

À partir du moment où nous avons décidé de créer Bocamandja, il a été très clair que nous ne pouvions pas opérer sous l'égide d'une autre entité. Nous devions avoir notre propre autonomie pour ne pas finir comme les autres groupes.

Orígenes : Réflexion sur la vie culturelle équato-guinéenne

Le projet multiculturel “Orígenes” (Origines) a été créé en 2008 et est le fruit d'une collaboration entre Bocamandja et la compagnie espagnole L'Om Imprebís, le Centre International du théâtre contemporain, Casa África (Maison de l'Afrique) et les centres culturels espagnols des villes de Bata et Malabo.

Cette collaboration de trois ans s'est concentrée sur la création d'un espace théâtral stable pour unir les artistes des cinq groupes ethniques [es] principaux qui composent la Guinée équatoriale. Elle a comporté plus de cinquante heures de danses, de rituels et de célébrations enregistrées pour un documentaire qui a également inclus des images du processus de formation et de création. Le projet n'a pas atteint tous ses objectifs, mais en tant qu'initiative artistique, il a rappelé aux participants ce qui manquait à la vie culturelle de la Guinée équatoriale :

B: Orígenes supuso, en un país que no tiene escuelas de formación artística, tres años de aprendizaje continuo en interpretación, dicción, ortofonía, coreografía, disciplina y, sobre todo, dio a muchos jóvenes la oportunidad de darse cuenta que ser actor o bailarín podría ser una profesión más.

RB : Dans un pays qui n'a pas d'écoles de formation artistique, Orígenes a offert trois années d'apprentissage continu en interprétation, diction, expression, chorégraphie, discipline, et surtout, il a donné à de nombreux jeunes l'occasion de réaliser que devenir acteur ou danseur était un métier.

GV : Qu'est-ce que la tournée Orígenes a signifié pour un pays dont on parle surtout du point de vue de la politique ?

B: Cuando nos encontramos juntos hablamos de Orígenes con una bonita nostalgia por las posibilidades y la oportunidad perdida por parte de nuestro país para hacerse conocer desde la grandeza de su cultura oral y de la magia del teatro.

Profesionalmente, Orígenes subió el nivel interpretativo. Sin embargo, cuando los proyectos no tienen continuidad se quedan en sueños que pudieron ser. No sé qué repercusión tuvo el proyecto en Guinea porque al final no se quiso apoyar, quizá por no haber intereses económicos de por medio. 

RB : Quand nous sommes ensemble, nous parlons d'Orígenes avec une belle nostalgie pour les possibilités et les occasions perdues de la part de notre pays pour que les gens apprennent à connaître la grandeur de sa culture orale et la magie du théâtre.

Professionnellement, Orígenes a mis la barre des performances plus haut. Cependant, quand des projets n'ont pas de continuité, ils finissent par n'être que les rêves de ce qu'ils auraient pu devenir. Je ne sais pas quelles répercussions le projet a eu en Guinée parce qu'à la fin il n'a pas obtenu de parrainage, peut-être en raison d'un manque d'intérêt économique.

GV : Comment le théâtre se rattache-t-il à la tradition orale africaine et aux différentes villes et groupes ethniques de Guinée équatoriale ?

B: Los ritos tradicionales de Guinea Ecuatorial están ligados al teatro o a lo mejor es el teatro el que esté ligado a los ritos. En una adaptación, basta poner un guiño para ver la reacción del público. Si presencias  una boda tradicional fang, un entierro annobonés, el Bonkó krió o una ceremonia  de presentación de una criatura a la sociedad (el ripuripuri bubi) te darás cuenta de lo que te estoy diciendo.

RB : Les rituels traditionnels en Guinée équatoriale sont associés au théâtre, ou peut-être que c'est le théâtre qui est associé à tous les rituels. Dans une adaptation, il suffit de faire une petite allusion à tout cela pour obtenir une réaction du public. Si vous êtes témoin d'un mariage traditionnel Fang [fr], d'un enterrement à Annobon [fr], de la danse Bonkó krió, ou de la cérémonie qui introduit un enfant dans la société, le Ripuripuri bubi, vous comprendrez ce que je vous dis.

Une compagnie de théâtre, une école, une organisation intrépide

“Nous organisions un spectacle sur une place publique devant plus de trois cents personnes quand, en plein milieu, le maire est venu me dire que le gouverneur nous ordonnait d'arrêter le spectacle : nous ‘heurtions’ les sentiments de l'armée”. Photographie de Bocamandja, utilisée avec autorisation.

Bocamandja est plus qu'une compagnie de théâtre. En tant qu'organisation non gouvernementale, Bocamandja a aidé à produire des œuvres avec des organisations nationales et internationales ayant une mission de justice sociale. Par exemple, la compagnie promeut des campagnes de soutien à la scolarisation des jeunes filles et s'engage dans des projets de défense des droits de l'homme et de lutte contre la violence et la discrimination liées au genre.

Elle a également travaillé sur l'adaptation de textes d'auteurs d'Europe, d'Amérique latine et d'Afrique. Ses productions ont traversé la Guinée équatoriale, l'Espagne et la Colombie.

Bocamandja n'est pourtant pas restée à l'abri de la censure. Une pièce dénoncant les mauvais traitements par l'armée a été interrompue au beau milieu de la représentation :

B: Estábamos representando en la plaza pública ante más de trescientas personas cuando, a mitad de la función, se acercó el alcalde para decirme que el gobernador mandaba interrumpir la representación: estábamos “hiriendo” la sensibilidad de los militares. Lo más curioso es que los aludidos que presenciaban la obra [la] aplaudían efusivamente. Al final, tuvimos que pararla ante la pasividad de todos.

RB : Nous étions en train de monter une pièce sur une place publique devant plus de 300 personnes quand, au milieu, le maire est venu me dire que le gouverneur nous ordonnait d'arrêter la production : nous ‘heurtions’ les sentiments de l'armée. Le plus étrange était que ceux qui, bien que concernés, avaient assisté au spectacle applaudissaient avec enthousiasme. À la fin, nous avons dû arrêter car le public est resté passif.

Dans d'autres cas, le travail de Bocamandjaa a eu un effet plus stimulant grâce aux comédiens traitant de sujets complexes :

B: En el extremo opuesto, recuerdo que tras una representación, en el colegio María Auxiliadora del barrio malabeño de Ela Nguema, de una obra que versaba sobre VIH, un señor vino a felicitarnos y decirnos que gracias a nuestra obra ya no tenía miedo de decir que estaba infectado. Fue una emoción enorme en una ciudad donde las personas que viven con el VIH/SIDA son señaladas y estigmatizadas. 

RB : En revanche, je me souviens qu'après la représentation d'une pièce sur le VIH, à l’école María Auxiliadora de la région d'Ela Nguema à Malabo, un vieil homme est venu nous féliciter et nous remercier, que grâce à notre travail il n'avait plus peur de dire qu'il était séropositif. C'était un sentiment incroyable dans une ville où les personnes vivant avec le VIH et le SIDA sont isolées et stigmatisées.

GV : Qu'est-ce qui vous influence quand vous écrivez une pièce ?

B: En muchos proyectos de sensibilización utilizamos técnicas del Teatro del Oprimido, que es una tendencia sistematizada por el dramaturgo, actor, director y pedagogo teatral brasileño Augusto Boal en los años 60. Según sus palabras, el objetivo del Teatro del Oprimido es “humanizar la humanidad” y “teatralizar” la realidad, [volverla gestos y hacerla comprensible en el lenguaje del teatro] para comprenderla y así poder transformarla. 

RB : Dans de nombreux projets de sensibilisation, nous utilisons les techniques du Théâtre des opprimés [en], une tendance conçue par le dramaturge, acteur, metteur en scène et éducateur théâtral brésilien Augusto Boal dans les années 60. D'après lui, le but du Théâtre de l'opprimé est “d'humaniser l'humanité” et de “dramatiser” la réalité [la rendre aux gestes, et compréhensible dans le langage du théâtre] afin de la comprendre et de pouvoir ensuite la changer.

GV : Quel rôle joue le public dans les productions ?

B: Crucial. No puede haber una representación teatral  sin público, ellos son el juez. 

RB : Crucial. Vous ne pouvez pas avoir une production théâtrale sans public, ce sont les juges.

GV : Vous êtes un dramaturge et vous gérez une compagnie théâtrale, quels changements remarquez-vous chez les comédiens et les comédiennes qui y passent plus de temps ?

B: Es formidable verles aprender a caminar, a hablar, a gesticular, o a vocalizar, pero sobre todo, a darse cuenta de la necesidad de formarse continuamente para enfrentarse a los retos. Cuando pasan cierto tiempo trabajando te das cuenta de que llegan a tener una rebeldía interior que les hacen enfrentarse a las circunstancias. 

RB : C'est incroyable de les voir apprendre à bouger, à parler, à gesticuler et à vocaliser, mais surtout, se rendre compte de la nécessité de s'entraîner continuellement pour pouvoir affronter n'importe quel défi. Quand ils ont passé un certain temps à travailler, vous réalisez qu'ils ont un défi intérieur qui les pousse à affronter les choses de front.

GV : Alors, le théâtre… Est-ce que vous l'aimez ou en avez-vous besoin ?

B: Necesito el teatro para ser yo mismo, sin ataduras, para tener mi manera particular de opinar, de ver el mundo desde otras perspectivas y otros prismas, para estar cabreado e indignado por las injusticias y ser un militante de la defensa de los vulnerables. Necesito el teatro para estar enamorado de la vida jodida.  

RB : J'ai besoin du théâtre pour être moi-même, sans attache, pour avoir ma façon particulière de montrer ma voix, de voir le monde à partir d'autres perspectives ou sous un angle différent, d'être furieux et indigné par les injustices et de militer pour la défense des vulnérables. J'ai besoin du théâtre pour être amoureux de cette foutue vie.

GV : Prochains défis ?

B: Ensayar mañana.

B : Répétition demain.

“Ils ne devraient pas seulement voir les peuples autochtones en termes de développement”

mercredi 30 mai 2018 à 11:40

Le projet Histoires recadrées [en] demandent à des participants de réagir aux thèmes dominant la couverture médiatique les concernant. Ces articles se concentrent sur les réflexions de personnes plus souvent représentées dans les médias par d'autres qu’elles-mêmes. La génération de nuages de mots sur la plate-forme de Media Cloud [en], qui effectue des recherches dans des collections de médias d'une région donnée du monde, peut donner un aperçu aux participants de leur représentation dans les médias et leur donner une occasion de l'analyser. Ce projet s'abstient de porter une quelconque conclusion sur les données, mais au contraire, fournit le point de départ d'une discussion sur la forme qu'ils peuvent donner à leur propre représentation dans les médias numériques.

Dunen Kaneybia Muelas est une animatrice de jeunesse arhuaco [fr] et travaille en ce moment comme secrétaire technique pour la Commission nationale pour les femmes autochtones [es]. Cet article est une transcription de la vidéo ci-dessus, dans laquelle Dunen Kaneybia Muelas analyse le nuage de mots basé sur l'expression “comunidades indígenas” [communautés autochtones, NdT].

Mots dominants les 1.668 articles publiés entre janvier 2017 et avril 2018 mentionnant “comunidades  indígenas” [communautés autochtones, NdT] parmi cinq collections de Media Cloud d'organes de presse colombiens en langue espagnole (voir l'image en grand).

(Siento) inconformidad con las palabras que aparecen acá sobre ‘comunidades indígenas y pueblos’ porque considero que tiene un enfoque económico, ya que utilizan palabras como “proyectos” “zonas”, “ambiental”.

Creo que las comunidades indígenas y los pueblos somos más que eso.

Esta nube de palabras prácticamente no dice ni 1% sobre mi comunidad. Creo que no nos pueden ver a los pueblos indígenas solamente como desarrollo, no nos pueden ver exclusivamente como proyectos.

Creo que el no entender las diversas propuestas que tienen los pueblos indígenas tiene efectos nocivos sobre nuestra permanencia en los territorios.

Je ne suis pas d'accord avec les mots qui apparaissent ici sur les communautés autochtones et leurs peuples parce que j'ai le sentiment que [le nuage] se concentre sur l'économie, en incluant des mots comme “projets”, “régions” et “écologique”.

Je pense que les communautés et les peuples autochtones sont bien plus que ça.

Pour ainsi dire moins de 1% des mots de ce nuage portent sur ma communauté. Je pense qu'ils ne devraient pas seulement voir les peuples autochtones en termes de développement, en termes de projets.

Je crois que ne pas comprendre les initiatives diverses que les peuples autochtones offrent peut avoir des effets néfastes sur notre permanence dans ces régions.

Acá propongo unas palabras que considero que nos representan: “diversidad”, “autonomía”, “sabiduría”, “consulta previa”,“guardianes”, “madre tierra”, “territorios ancestrales”,“derecho”, “mujeres indígenas.

Nos parece muy importante esta iniciativa para que los pueblos y comunidades indígenas podamos resignificar nuestra percepción de Internet, dado que este es un nivel de incidencia importante.

Voici quelques mots qui, je pense, nous représentent : “diversité”, “autonomie”, “sagesse”, “consultation préalable”, “gardiens”, “mère nourricière”, “territoires ancestraux”, “droits”, “femmes autochtones”.

Nous considérons cette initiative très importante pour les communautés et les peuples autochtones parce que nous pouvons revoir notre perception d'Internet, car il apporte un niveau important de défense de nos intérêts.

Quels mots ou quelles expressions devraient être inclus dans un nuage de mots idéal sur les communautés autochtones colombiennes ?

  • Diversidad
  • Autonomía
  • Sabiduría
  • Consulta previa
  • Guardianes de la madre tierra
  • Territorios ancestrales
  • Mujeres indígenas
  • Derechos
  • Minería
  • Colonización
  • Justicia propia
  • Liderazgo
  • Diversité
  • Autonomie
  • Sagesse
  • Consultation préliminaire
  • Gardiens de la mère nourricière
  • Territoires anciens
  • Femmes autochtones
  • Droits
  • Exploitation minière
  • Colonisation
  • Notre propre justice
  • Leadership

Cet article fait partie de la série Rising Frames développée par Mónica Bonilla, qui a organisé et animé un atelier le 18 mai 2018 au Centre Internet et société de l'université Del Rosaria ISUR de Bogotá, en Colombie. Cet atelier a rassemblé des représentants des communautés arhuaco et wayuu dans cette activité de narration numérique.

Mónica Bonilla a aidé à la transcription. Celle-ci a été éditée et raccourcie pour plus de clarté.