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Adrien, manifestant étudiant en Hongrie : ‘Je ne veux pas aller en prison pour quelque chose que je n'ai pas fait’

dimanche 23 décembre 2018 à 14:16
Adrien Beauduin. Photo Szabolcs Nagy / Index. Used with permission

Adrien Beauduin. Crédit photo Szabolcs Nagy / Index. Utilisation autorisée

Note de la rédaction : l'auteure de cet article est étudiante en troisième cycle à l'Université d'Europe centrale (CEU). 

On l'a surnommé l'”ennemi idéal du régime Orbán“, mais le Belgo-Canadien Adrien Beauduin dit que ce n'est qu'un malentendu. Beauduin, un doctorant en Études de Genre à l'Université d'Europe centrale (CEU) de Budapest, a été arrêté pendant une manifestation la semaine dernière sur la place du Parlement, et est à présent inculpé de “violences contre un représentant de l'ordre” — une charge qui peut lui valoir entre deux et huit années en prison.

Les manifestations contre le gouvernement très à droite du premier ministre hongrois Viktor Orbán ont commencé le 8 décembre en réaction à ce qu'on a appelé la “loi esclavagiste” qui prétend élever à 400 heures le plafond annuel d'heures supplémentaires que les employeurs peuvent exiger de leurs salariés, et à une autre loi qui facilite la mise en place dans des tribunaux administratifs de juges favorables au gouvernement Orbán.

Depuis son accession au pouvoir en 2010, M. Orbán est accusé d'éroder les libertés démocratiques par un contrôle progressif des médias et du pouvoir judiciaire, ainsi que par une réduction des libertés académiques au moyen de l'amendement de la loi sur l'enseignement supérieur qui expulse l'Université d'Europe centrale hors du pays.

Global Voices s'est entretenu avec Beauduin sur le campus de la CEU à propos de son militantisme étudiant en Hongrie, de la nuit de manifestation, et de la manière dont il compte prouver son innocence.

Global Voices (GV): Tu as été un membre actif du collectif militant étudiant Students4CEU (Étudiants pour l'Université d'Europe centrale. Quelles ont été tes activités ?

Adrien Beauduin (AB): Je me suis engagé dès le début, nous nous mobilisons depuis fin octobre. Nous tentons d'attirer l'attention sur la question de la liberté académique en Hongrie, pas seulement avec la CEU, mais aussi la question au sens large, comme l'interdiction des études de genre [en Hongrie], les cas de censure universitaire, ainsi que les coupes budgétaires et les projets de privatiser [l'université] Corvinus. Notre objectif était d'aller à la rencontre de tous les étudiants de Hongrie et de travailler ensemble sur tous ces sujets. Il nous a fallu longtemps pour construire des liens avec d'autres étudiants dans les universités hongroises ; le premier événement auquel nous nous sommes joints était commun avec des étudiants d'ELTE (l'Université Eötvös Loránd) et de l'Université Corvinus. Nous sommes allés soutenir la grève de l'information d'ELTE le 14 novembre. C'était essentiellement sur les études de genre, mais aussi sur les libertés académiques en général. Nous avons coorganisé une grande manifestation le 24 novembre qui a été suivie par l'occupation pendant une semaine de Kossuth tér, la place devant le Parlement hongrois. Nous avons planté des tentes, et malgré la pluie, le froid et la neige, nous avons tenu toute une semaine. Nous avons tenu toutes sortes d'événements, des concerts, des conférences en hongrois et en anglais. Plus de la moitié des événements n'étaient pas en lien avec la CEU, nous avons donc réussi à en faire un événement plus large sur la célébration de la liberté académique en Hongrie.

GV: Les manifestations étudiantes étaient passées lorsque la date limite du 1er décembre a expiré et que la CEU a pris sa décision finale de [quitter la Hongrie et] créer un campus à Vienne. Est-ce que tu as été actif depuis ?

AB: Pendant notre occupation, d'autres thèmes ont surgi. Il y a eu cette ‘loi esclavagiste’ qui expose les salariés à travailler jusqu'à 400 heures supplémentaires payées trois ans seulement après le travail terminé. Nous avons décidé de témoigner notre solidarité avec eux [les travailleurs] parce que nous nous rendons compte que ça n'a pas de sens qu'un pays ait des universités libres quand il n'y a même pas de travailleurs libres. Nous avons estimé important d'utiliser l'espace que nous avons pour apporter de l'attention sur cette question. Nous avons commencé à être actifs sur ce front, ce qui nous a aussi amenés à être présents sur un barrage étudiant à la manifestation des syndicats le 8 décembre. Depuis les choses se sont encore intensifiées. Certains d'entre nous sont allés barrer une route avec les syndicats à Szolnok pour montrer là aussi notre solidarité. J'y étais, et cela a été reçu très positivement par les travailleurs qui ont vu les étudiants de la CEU et ont compris que nous étions à leurs côtés. Ensuite le mercredi [12 décembre], nous y étions aussi, dès l'après-midi quand la loi des esclaves a été votée, pour protester avec le barrage étudiant. Dans la soirée je suis retourné sur la place après avoir été à la bibliothèque. C'est alors que j'ai été arrêté.

GV: Mercredi (12 décembre) tu étais à la bibliothèque…

AB: Oui… J'étais d'abord à la manifestation, et je suis ensuite allé à la bibliothèque dans la soirée, J'avais un article à finir. J'avais même mes patins à roulettes avec moi parce que je voulais aller patiner le soir. Telle était mon intention. Je ne savais pas qu'il y aurait une grosse manifestation. Autour de 21h30 ou 21h45 j'ai appris que quelques-uns de mes amis y étaient, alors j'ai pris mes affaires après avoir envoyé mon article, et je me suis rendu sur la place.

Christmas tree at the Parliament square

Arbre de Noël et policiers anti-émeutes sur la place du Parlement le 13 décembre 2018. Crédit photo Marietta Le.

GV: Qu'est-ce qui s'y passait, il y a eu des discours ?

AB: Pas à 22 heures, la foule a commencé à se mouvoir vers l'entrée sud [du bâtiment du Parlement], et la police anti-émeutes devenait plus active. Des gens se sont assis et ont barré l'entrée sud. La police s'est mise à utiliser massivement les aérosols au poivre. Je me suis fait asperger. Au bout d'un moment, la foule a reflué vers la place. A 23h45 environ j'allais rentrer chez moi, c'était déjà plus calme. Puis des gens ont commencé à mettre le feu à un traîneau [il y a un cercle de traîneaux autour d'un immense sapin de Noël sur la place]. Les policiers ont alors décidé de charger dans cette direction, je ne sais pas vraiment pourquoi. Apparemment, ils voulaient éteindre les flammes mais j'ai été entraîné dans cette charge parce que j'étais précipité vers le feu, les gens tombaient [à terre] c'était plutôt effrayant. J'ai essayé de tenir bon, il fallait que je retrouve l'équilibre, puis j'ai été poussé en avant et en arrière, et j'ai fini par me retrouver derrière le cordon de police et ils m'ont ramassé.

GV: Est-ce qu'ils ont ramassé d'autres gens ?

AB: Je ne l'ai pas vu tout de suite, mais là où on m'a emmené, sous les arcades du Parlement, il y avait quatre autres personnes avec moi. Qui étaient avec moi au commissariat de police et chez le procureur. Nous avons été accusés tous les cinq exactement de la même chose : violences en réunion contre un représentant de l'ordre. Nous avons littéralement les mêmes inculpations. À ce que m'ont dit les autres dans la cellule, nous sommes accusés tous les cinq  d'avoir frappé du bras gauche et donné des coups de pieds vers la police. Ça serait bien étrange que soudain nous ayons décidé tous les cinq de frapper du bras gauche et de donner des coups de pied… Mais c'est un délit très grave ici en Hongrie, et probablement partout. Ça vaut de 2 à 8 ans en prison, et mon avocat que si je suis reconnu coupable il n'y a guère de chance d'éviter l'incarcération.

GV: Est-qu'il y a une possibilité pour toi de contester cela ?

AB: Mon cercle d'amis, toutes les personnes avec qui j'étais se mobilisent pour rassembler des preuves. Ils ont été formidables, pendant que j'étais enfermé ils ont commencé très vite à rassembler toutes les vidéos, photos et témoignages. C'est très bien qu'il y ait une vidéo qui me montre juste avant et pendant la charge, je suis là tout à fait pacifique, on voit plusieurs fois mon visage, je ne frappe pas de policiers ni ne donne de coups de pied. Je suis juste là. On peut aussi voir mes jambes pendant la charge, je suis seulement attrapé par le policier et mes deux jambes sont sur le sol. Ce n'est pas si mal, mais j'aurais souhaité avoir des images directes complètes de tout, je dormirais plus tranquille. J'espère que les images de la police iront dans mon sens, mais à ce qu'on voit maintenant il ne semble pas y avoir eu de caméra de la police à ce stade. Je garde l'espoir que ça puisse aider.

Adrien Beauduin. Photo Szabolcs Nagy / Index. Used with permission

Adrien Beauduin. Crédit photo Szabolcs Nagy / Index. Utilisation autorisée

GV: Que conseillerais-tu à des personnes en pareille situation ? On a l'impression que cela pourrait arriver à n'importe qui dans n'importe quelle ville de Hongrie en ce moment.

AB: C'est vraiment bien d'avoir des caméras en quantité à la manifestation, d'avoir des gens qui filment. Et collez plus à vos amis, car j'étais avec de nombreux amis mais je ne me suis éloigné que quelques minutes et maintenant c'est plus difficile de trouver les témoins. Malheureusement, on ne peut être sûr de rien.

GV: Je sais que la réponse à cette question n'est pas simple, mais que penses-tu des événements de ces derniers jours ?

AB: Les gens dont je partageais la cellule ne sont pas politisés. Ce sont seulement des jeunes exaspérés de devoir travailler avec des horaires de fous pour des salaires très bas. Je pense qu'il y a énormément de frustration dans la société [hongroise] sur différents sujets. J'espère que tout va se résoudre de façon pacifique.

GV: Comment se passe ta fin de trimestre ?

AB: Très difficilement, en plus de ne pas avoir beaucoup de temps, c'est vraiment dur de se concentrer; Auparavant j'étais déjà très actif, et à présent, j'ai de temps en temps des frayeurs. Je ne veux pas aller en prison pour quelque chose que je n'ai pas fait. Ça n'est vraiment pas mon projet pour la nouvelle année.

Au procès du cardinal George Pell pour agressions sexuelles, la justice australienne tente en vain de cacher le ‘secret le plus mal gardé du pays’

samedi 22 décembre 2018 à 14:04

Le cardinal George Pell dit la messe aux Journées mondiales de la jeunesse 2011 à Madrid 2011. Image publiée avec l'aimable autorisation du compte Flickr Catholic Church England and Wales (CC BY-NC-SA 2.0).

Le cardinal australien George Pell, troisième dans la hiérarchie du Vatican, a été reconnu coupable d'agressions sexuelles par un tribunal du Victoria le 12 décembre 2018.

Pourtant, les médias australiens restent muets sur le procès et son issue. Malgré le statut prééminent de Mgr Pell dans l’Église catholique et sa personnalité publique, son procès s'est tenu dans le secret, en application d'un ordre de silence émis par un tribunal de comté du Victoria applicable dans l'Australie entière. L'ordre a été imposé après que le tribunal a admis [l'argument] que la connaissance de l'identité du prévenu dans le premier procès pouvait nuire à un procès ultérieur prévu en mars.

L'accusation a sollicité l'ordonnance originelle de silence en mai 2018 “pour prévenir un risque réel et substantiel de préjudice à une bonne administration de la justice.” Il n'est pas rare que des ordres de silence s'appliquent à des procès séparés si les informations sur le premier sont susceptibles d'affecter les suivants.

Les journalistes encourent des peines de prison s'ils enfreignent une ordonnance judiciaire de silence, et les poursuites peuvent même s'étendre aux nouveaux médias.

L'ordonnance n'a pas empêché les informations sur le verdict de filtrer. Le Daily Beast a été le premier à en parler, suivi par le magazine des Jésuites America Media. L'agence indépendante Catholic News, basée aux États-Unis, a traité l'affaire avant de bloquer l'accès à ses lecteurs situés en Australie. Les médias traditionnels ont été lents à se saisir du sujet malgré les railleries sur les médias sociaux. De nombreux articles aux titres peu subtils en unes de journaux ont évoqué le procès, mais sans en révéler le verdict.

Dans un texte titré “Pourquoi vous ne pouvez pas lire ce que vous voulez”, Le Guardian expliquait que les ordres de silence étaient souvent imposés pour protéger des témoins, garantir un procès équitable, ou encore dans l'intérêt de la sécurité nationale.

“Ils peuvent être étendus, stopper presque toute – et parfois toute – information sur un procès, ou limités, obscurcissant seulement le nom d'une personne”, précise l'article. Dans le cas présent, l'ordre est relativement large. Alors que l'ordre aurait pu être restreint de façon à protéger seulement les identités de particuliers affectés par l'affaire et/ou par la procédure judiciaire, il est appliqué de façon plus étendue.

Le magistrat principal du tribunal de comté Kidd a ouvertement exprimé sa colère contre la couverture médiatique du procès. Le 14 décembre, les procureurs ont sollicité du tribunal de comté un nouvel ordre de silence sur toute couverture médiatique du procès ou des documents associés. L'interdiction devant s'étendre à “tout site web ou autre format électronique ou audiovisuel accessible en Australie.”

Chris Graham du média en ligne indépendant New Matilda a écrit que l'ordre était si large que “s'il était accordé, il aurait également pour effet d'interdire toute information sur l'interdiction elle-même.”

Interdiction ou non, les internets sont loquaces

La confidentialité autour du verdict règne depuis sur les médias sociaux australiens, et le nom de George Pell s'est hissé dans les sommets des tendances Twitter en Australie pendant que les Wikipédiens mettaient à jour l'article sur George Pell pour prendre en compte le verdict. L'effet de l'ordonnance de silence a d'abord été d'accroître la connaissance publique de l'affaire sur l'internet.

Le débat en ligne fait ressortir de nombreux aspects de l'ordonnance de silence existante. Le journaliste d'investigation Jess Hill a tweeté :

Il y a des jours où on devient des guerriers contre la censure de la presse. Aujourd'hui n'en fait pas partie. L'ordonnance de silence n'est pas de la censure, elle est là pour protéger la procédure judiciaire en cours et empêcher les faux-fuyants des avocats de la défense. Ce n'est pas de nous qu'il s'agit.

D'autres ont mis en garde contre les conséquences possibles de passer outre :

L'ordonnance de silence qui aurait été prise en rapport avec un procès de haut vol d'un tribunal du Victoria s'applique à tout le monde, et pas seulement aux entreprises de médias et aux journalistes. Si vous partagez des liens vers des articles de médias étrangers, vous commettez potentiellement un outrage au tribunal. Ne le faites pas.

Mais beaucoup sur Twitter ont été indignés par ce qu'ils ont ressenti comme une dissimulation :

Ça me dégoûte que l'histoire de George Pell ne soit pas rapportée en Australie. Jamais je n'aurai cru qu'une censure à cette échelle pourrait exister ici. Pourquoi ce monstre mérite-t-il d'être protégé de l'examen public ? Je suis désolé, mais ce pays part en couille.

L s'inquiète que là où la vérité est absente, ce sont les mensonges qui vont remplir le vide.

La supposée ordonnance de silence sur George Pell permet aux infox, rumeurs et spéculations de prendre la place des sources d'information fiables. Le résultat sera un mélange de vérités et de mensonges qu'il sera difficile de séparer.

La couverture internationale s'est rapidement étendue aux médias traditionnels à grande diffusion. Commentant les implications d'intérêt général de l'ordonnance de silence, la chroniqueuse médias du Washington Post Margaret Sullivan a écrit :

The secrecy surrounding the court case — and now the verdict — is offensive. That’s especially so because it echoes the secrecy that has always been so appalling a part of widespread sexual abuse by priests…

Steven Spaner, Australia coordinator from the Survivors Network of Those Abused by Priests told the Daily Beast he felt frustrated and left “in the dark” because of the suppression of news about Pell.

Le secret entourant la procédure devant le tribunal, et désormais le verdict, est insupportable. Et d'autant plus qu'elle renvoie au secret qui a toujours été un élément si effroyable des abus sexuels généralisés des prêtres…
Steven Spaner, le coordinateur pour l'Australie du Réseau des survivants des abus des prêtres a déclaré au Daily Beast qu'il était en colère et laissé “dans le noir” à cause de la suppression des informations sur Pell.

Le point de vue de Sullivan a été critiqué par certains :

Votre article amalgame l'ordonnance judiciaire de silence avec la dissimulation par l’Église des abus sexuels. Ce qui est totalement faux. L'ordonnance de silence a été prise pour protéger l'intégrité d'autres affaires en cours, et non pour dissimuler les abus.

Les ordonnances de silence sont de plus en plus polémiques en Australie pour toutes sortes de raisons. On s'est inquiété de leur usage excessif, ce qui a conduit le gouvernement du Victoria à lancer une refonte de la législation correspondante en vue de “renforcer la présomption en faveur d'une justice ouverte et de la divulgation des informations dans les tribunaux du Victoria”.

Et puis la couverture mondiale de l'actualité et les médias sociaux à l'âge de l'internet ont rendu les ordonnances de silence obsolètes. En outre, pour d'autres, elles mettent en danger la liberté d'expression et la transparence de la justice. Le directeur du Centre for Advancing Journalism Andrew Dodd détaille les enjeux du “secret le plus mal gardé de la nation” :

The rules are now clearly a farce. They are overly paternalistic and the public does have a right to know. But people also have a right to a fair trial and the media can and does trample on the process. I would hate to think that media reporting on this case meant the next trial could not proceed because it’s impossible to find an untainted jury.

Les règles sont aujourd'hui une farce évidente. Elles sont excessivement paternalistes et le public a un droit de savoir. Mais les gens ont aussi droit à un procès équitable, et les médias peuvent fouler aux pieds la procédure et ne s'en privent pas. Je ne voudrais pas que le traitement par les médias de ce procès ait pour effet que le prochain ne puisse pas avoir lieu par impossibilité de constituer un jury impartial.

Ce qui pourrait placer les tribunaux dans une impasse quant à leurs efforts pour protéger les droits des accusés comme des victimes en leur garantissant un procès équitable.

Le cardinal est actuellement en congé de son poste de péfet du Secrétariat à l’Économie au Vatican et de ses autres fonctions. En lien avec cela, le pape François a démis Pell de son Conseil des Cardinaux. La décision semble avoir été prise antérieurement au verdict du jury.

Lire aussi :

Le cardinal George Pell va être jugé en Australie pour agressions sexuelles présumées

Le cardinal George Pell, numéro trois du Vatican, mis en accusation pour agressions sexuelles en Australie

Le journaliste russe ayant simulé sa mort parmi les personnalités de l'année du magazine Time

vendredi 21 décembre 2018 à 16:31

Arkadi Babtchenko (deuxième par la gauche) rencontre le président ukrainien Petro Poroshenko, le chef du SBU Vasil Hrytsak et le ministre de la justice Yuri Lutsenko après la mise en scène de son assassinat à Kiev, Ukraine // President.gov.ua, partagé sous CC4.0

(Article d'origine publié le 14 décembre 2018) Arkadi Babtchenko, le journaliste russe ayant travaillé avec le gouvernement ukrainien afin de simuler son propre assassinat en mai 2018, a vu son histoire diffusée et critiquée internationalement. Cette semaine, il a été nommé une des “personnalité de l'année” de Time Magazine.

Plutôt que de choisir une individualité, le journal américain a décidé d'honorer des journalistes du monde entier pour leurs efforts lors de cette année particulièrement éprouvante. Baptisée “Les Gardiens et la Guerre à la Vérité”, la sélection inclut Djamal Khashoggi, le Saoudien conseiller devenu journaliste assassiné dans l'ambassade saoudienne en Turquie, ainsi que l'équipe du journal américain Capital Gazette, dont les collègues ont été tués lors d'une attaque dans leurs bureaux plus tôt dans l'année.

Deux Russes se trouvent également dans la liste : Tatiana Felgengauer, qui a échappé de peu à la mort lors d'une violente attaque au couteau, ainsi que Arkadi Babtchenko, l'homme qui a mis en scène son propre meurtre, avec l'appui des autorités ukrainiennes en mai 2018. L'idée était d'exposer un supposé complot des services de sécurité russes pour assassiner Babtchenko et 30 autres exilés politiques russes en Ukraine et ailleurs.

Néanmoins il n'y a toujours aucune preuve concrète de l'existence d'un tel complot. De nombreuses organisations internationales tel que l'OSCE et Reporters sans frontières ont critiqué l'opération comme étant injustifiable, irresponsable et nuisant à la confiance du public aux médias en général.

L'inclusion de Babtchenko dans la liste de Time Magazine est aussi controversée pour ceux qui n'y figurent pas. Beaucoup ont pensé aux trois journalistes russes tués en juin 2018 lors de leur mission en République Centrafricaine.

Liusya Shtein, membre du conseil de la ville de Moscou, a développé cette critique :

Parmi les journalistes de la “Personnalité de l'Année” de Time se trouve Arkadi Babtchenko de sa mère, qui passe le plus clair de son temps à se plaindre, raconter des merdes sur Facebook, et mendier qu'on lui paye ses bières, mais pas Sacha Rastorgouyev qui a été tué pendant son investigation sur la livraison d'armes russes en République Centrafricaine.

Rastorgouyev et ses collègues Orkhan Dzhemal et Kirill Radchenko enquêtaient sur la livraison d'armes russes au gouvernement centrafricain, ainsi que sur l'implication d'un contractuel russe – une milice privée – dans la guerre civile.

Si Time voulait réellement honorer les journalistes travaillant dans des conditions risquées voir même mortifères, c'est un curieux oubli de leur part. Inclure la mise en scène d'un meurtre rend cette décision d'autant plus contestable.

D'autres journalistes prennent aussi Time à partie :

Hmm. Décision intéressante de Time d'inclure Arkadi Babtchenko dans ses personnalités de l'année pour traiter de la “guerre à la vérité.” Pour rappel c'est le journaliste ayant mis en scène sa propre mort en Ukraine avec l'aide des controversés services de sécurité du pays, lequel n'a pas été dit toute la vérité sur l'opération

Simon Shuster, le reporter de Time qui a recueilli l'interview de Babtchenko pour l'occasion, répond aux accusations de ses collègues, ajoutant plus de nuances que les 280 caractères qu'un tweet ne permet. Il écrit :

Among the central questions of that debate was this one: Exactly how inviolable is a journalist’s commitment to the truth? Should Babchenko have been willing – as he had already been so many times while reporting from war zones in Georgia and Ukraine – to sacrifice his life for it? Or was he justified in deceiving the public in order to save his own skin? In other words, as a reporter, was it his duty to find some other way to stay alive, one that would not have required him to produce a piece of fake news so sensational, and so believable, that it risked discrediting not only him but his entire profession?

Parmi les questions centrales de ce débat existe celle ci : A quel point exact l'engagement d'un journaliste pour la vérité est-il inviolable ? Babtchenko aurait-il dû être prêt – comme il l'a été de si nombreuses fois en investiguant les zones de guerre de Géorgie et d'Ukraine – à se sacrifier pour la cause ? Ou est-ce justifiable de tromper le public pour sauver sa vie ? Autrement dit, pour un journaliste, était-ce son devoir de trouver une autre manière de rester en vie, une qui ne lui aurait pas imposé la production d'une fausse information si sensationnelle, mais tellement plausible, afin d'éviter de discréditer non seulement lui-même, mais l’entièreté de sa profession ?

Il va également plus loin dans la définition de “Personnalité de l'année” :

Merci Mark, ce n'est pas une récompense, mais la reconnaissance d'un impact. Jette un œil à la liste des précédentes “personnalités de l'année” récemment et cela devrait te paraître clair.

Dans ses propres commentaires concernant la reconnaissance, Babtchenko ne semble pas apprécier cette distinction :

Ну что там? Весь мир смеется, клоунада, постановка СБУ, нарушил этические нормы? Ну и мое самое любимое – Бабченко не журналист! Не журналист, не журналист. Успокойтесь.
Еще раз спасибо избушке за отлично проделанную работу. Это и ваша награда, парни.
Стать человеком года, обогнав Дональда Трампа, который на второй строчке – done.
Пойду за пивом что ли.

Quel est le problème? Le monde entier rigole, c'est de la bouffonnerie, une mise en place du SBU (note: Service de sécurité d'Ukraine, l'agence de renseignements du pays), j'ai violé des normes éthiques ? Et la meilleure : Babtchenko n'est pas un journaliste. Pas un journaliste, pas un journaliste. Calmez-vous. Merci encore aux fédéraux d'Ukraine pour le travail bien fait. C'est votre récompense aussi, les gars. Être la “Personnalité de l'Année”, prenant ainsi la première place à Donald Trump – c'est fait. Je m'en vais prendre une bière, si je puis dire.

Avec cette dernière ligne, Babtchenko semble prendre le sujet à la légère. Il a développé la réputation de solliciter des dons à la fin de nombre de ses articles en ligne pour s'acheter des bières, parmi lesquels ses plus virulents, que Shtein référence dans son tweet plus haut. C'est la traduction même de son modèle du journalisme indépendant : il poste du contenu, et demande de l'argent en échange. Il a en plus lancé le mouvement “Journalisme Sans Intermèdes” pour officialiser ce donnant-donnant.

D'autres ont contesté sa présence dans la liste à cause de son inactivité. En effet, il n'a rien produit depuis assez longtemps. Hormis la reconnaissance pour son reportage sur la guerre de Tchétchénie et sa qualité de collaborateur de Novaïa Gazeta, journal russe tenant le record douteux d'avoir le plus de journalistes assassinés pendant leur travail, il n'a en effet pas écrit depuis des années. Les quelques exceptions sont ses posts Facebook truffés d'insultes aboutissant à mendier des dons, sujet de moquerie de la part de nombre de ses anciens amis et collègues.

Quoi qu'on pense de Babtchenko, que Time ignore les trois journalistes exécutés tout en prenant en compte la mise en scène d'un meurtre casse le message d'honorer les journalistes exerçant leur travail dans un danger constant. Pourquoi n'avoir pas inclu les deux ?

En Hongrie, les manifestations se poursuivent devant la Télévision publique après l'expulsion des députés d'opposition

jeudi 20 décembre 2018 à 23:27

Manifestation à Budapest, le 18 décembre 2018. Photo Atlatszo.hu/Márk Tremmel, CC BY-NC-SA 2.5.

Ce texte est basé sur l'article “Manifestation et confrontation continuent devant le média de service public HQ – Les députés d'opposition expulsés du bâtiment” écrit par Anita Kőműves et Babett Oroszi, photos de Márk Tremmel, Áron Halász et Szebáld Szakál pour Atlatszo.hu, la première association de journalisme d’investigation de Hongrie. Il est repris ici en format adapté dans le cadre d'un partenariat avec Global Voices.

Les manifestations contre le gouvernement de droite de Viktor Orbán se sont poursuivies dimanche et lundi [16 et 17 décembre 2018] devant le siège du média de service public. Les manifestations ont démarré mercredi dernier en réaction à la “loi esclavagiste” qui augmenterait à 400 heures le plafond annuel d'heures supplémentaires que les employeurs peuvent exiger de leurs salariés, et à une autre loi facilitant la mise en place dans des tribunaux administratifs de juges favorables au gouvernement Orbán.

5.000 à 10.000 personnes ont manifesté dimanche contre le gouvernement Orbán, ce qui s'est terminé par un cortège de quelques milliers de participants marchant sur le siège de MTVA (la télévision hongroise de service public). Plusieurs députés d'opposition ont pénétré dans le bâtiment pour tenter d'obtenir un temps d'antenne en vue de lire leurs revendications. Leur demande s'est heurtée à une fin de non-recevoir, et ils sont restés jusqu'au petit matin quand les députés Ákos Hadházy et Bernadett Szél ont été expulsés de force du bâtiment par des gardes de sécurité armés.

Plus tôt dans la journée, les protestataires s'étaient assemblés sur la Place des Héros et avaient défilé vers le bâtiment du Parlement. Le cortège avait à sa tête les syndicats suivis de près par les partis d'opposition portant leurs drapeaux :

A la manifestation de l'opposition devant la Télévision publique hongroise, le drapeau du Jobbik flotte à côté du drapeau rom et de ceux des autres partis. Plusieurs personnes dans la foule tenaient aussi des drapeaux de l'U.E. à côté de ceux de la Hongrie.

Les manifestations se portent vers le service public de l'Audiovisuel

Les manifestants ont ensuite décidé de porter leurs pas vers le siège de MTVA dans le nord-ouest de Budapest. Les manifestants ont atteint le bâtiment peu avant 21 h, et y ont trouvé six rangs de policiers anti-émeutes entourant l'entrée et empêchant les manifestants d'y pénétrer.

Départ de la manifestation du 16 décembre à Budapest. Photo extraite de l'album du premier soir de manifestations, par Atlatszo.hu/Áronl Halász, CC BY-NC-SA 2.5. Cliquer sur l'image pour accéder à l'album.

Les député.e.s d'opposition Ákos Hadházy, Bernadett Szél, Ágnes Kunhalmi et Ágnes Vadai sont entrés dans le bâtiment. Contrairement aux citoyens ordinaires, les parlementaires sont habilités à inspecter n'importe quel bâtiment public.

Ils étaient porteurs d'une liste de cinq revendications qu'ils avaient l'intention de lire sur les ondes :

  1. Retrait de la ’loi esclavagiste’
  2. Fin des heures supplémentaires des policiers au-delà du nombre autorisé par les règlements de l'U.E.
  3. Indépendance de la justice
  4. Adhésion de la Hongrie au Parquet européen
  5. Média de service public indépendant et non partisan.

Les députés ont fini par échouer dans leur tentative. Pendant ce temps, à l'extérieur du bâtiment de MTVA, les manifestants tentaient de forcer le passage à travers le cordon de policiers, qui ont commencé à disperser la foule avec des lacrymogènes.

Les députés à l'intérieur du bâtiment transmettaient en direct les événements au fur et à mesure de leur déroulement. Le direct de Bernadett Szél a été diffusé tôt le matin, pendant que Ákos Hadházy se faisait tacler par des gardes de sécurité alors qu'il essayait d'entrer dans un studio pour lire leurs demandes. Par la suite, Hadházy et Szél ont été tous deux expulsés par la force du bâtiment tandis que des milliers de gens suivaient les événements en direct sur Facebook.

La confrontation se poursuit entre les députés d'un côté, la direction et les gardes de sécurité de MTVA de l'autre. Les députés veulent que les policiers les aident à exercer leur droit d'inspecter les bâtiments publics. Et en même temps, MTVA veut que la police l'aide à appliquer un arrêté du responsable local ordonnant aux députés de quitter les lieux.

Le député Hadházy : une expérience ‘humiliante et dérangeante’

Le député Akos Hadházy devant le siège de MTVA à Budapest le 16 décembre 2018. Photo: Átlátszó.hu/Mark Tremmel, CC BY-NC-SA 2.5.

“Je me sens mieux maintenant, bien que très fatigué et choqué par les événements”, a déclaré le député Ákos Hadházy à Átlátszó quelques heures après son expulsion du bâtiment :

“It is very hard to describe my feelings, such an event is very humiliating and disturbing.

I did not expect this, I was expecting some degree of restraint from those in power but that did not happen,” he said.

“J'ai beaucoup de mal à décrire ce que je ressens, un tel événement est très dérangeant et humiliant.
Je ne m'y attendais pas, je m'attendais à une certaine réserve de ceux qui sont au pouvoir, mais ce n'est pas comme ça que ça s'est passé”, a-t-il dit.

Hadházy dit que les événements prouvent deux choses pour lui. Tout d'abord, que manifester devant la télévision publique est un bon choix, car elle est “un des plus importants bastions” du pouvoir. Hadházy pense d'autre part que ce qui lui est arrivé prouve que le gouvernement a peur.

Hadházy s'est dit très reconnaissant aux manifestants qui ont effectué la longue marche vers le siège de MTVA dimanche soir. Il a ajouté qu'il était déterminé à assister à la manifestation de lundi soir, prévue pour commencer à 18h.

Quatre députés agressés par les gardes de sécurité de MTVA

Les manifestations se sont poursuivies lundi et se sont à nouveau terminées devant le bâtiment de MTVA. Les députés de l'opposition ont tenté d'y pénétrer, mais se sont heurtés à la riposte violente du dispositif de sécurité.

Après dix heures de face-à-face pendant lesquelles la rédaction a refusé de donner un temps d'antenne aux législateurs, les gardes de sécurité ont éjecté par la force quatre députés hors de MTVA. L'assaut des gardes de sécurité et l'échauffourée qui a suivi a blessé plusieurs députés. L'un d'eux était Laszlo Varju, qui a été transporté en ambulance à l'hôpital.

Au moins quatre députés molestés aujourd'hui en Hongrie, dont l'un a été hospitalisé. C'est ce qui est à retenir d'aujourd'hui. Le régime Orban a franchi un seuil qu'il n'avait encore jamais osé passer. Comment réagiront ses principaux complices internationaux, Manfred Weber, l'ambassade des USA à Budapest ?

Le gouvernement hongrois dirigé par Victor Orban fait jusqu'à présent peu de cas des manifestations et ne montre aucun signe de vouloir renoncer à son programme de droite radicale, qui remodèle la société hongroise et retentit sur l'Union européenne et les pays voisins.

« Mort à Dallas » : un poème épique raconte la peine des Yougoslaves après la mort de John F. Kennedy

jeudi 20 décembre 2018 à 22:12

Photo of the book "A Nation of Immigrants" by John F. Kennedy (JFK)

Au mois de novembre dernier, un historien a posté sur Twitter une épopée écrite en 1965 exprimant la peine des Yougoslaves après l'assassinat du Président des États-Unis John F. Kennedy. Ce poème épique rappelle les nombreux liens étroits entre l'ex-Yougoslavie et les États-Unis pendant la guerre froide.

Milorad Lazić, un doctorant à l'université George Washington, a tweeté sur l'épopée intitulée « Mort à Dallas » qui reflétait la popularité de Kennedy en Yougoslavie.

La mort de #JFK a choqué la Yougoslavie. Une chanson populaire a d'ailleurs commémoré la mort du héros :
[Traduction des paroles– elles riment dans la version originale]
Nos gouvernement et le Conseil exécutif fédéral
adressent leurs condoléances avec une immense tristesse.
Tous nos drapeaux sont en berne,
partout la population témoigne d'une vraie peine.
Notre ami Kennedy s'en est allé,
notre nation entière est endeuillée.

L'épopée relate des évènements qui ont conduit à l'assassinat :

« Mort à Dallas » a décrit le drame du 22/11/63 :
Alors qu'ils franchissaient le passage souterrain
le fusil de précision du bandit se mit à tirer.
Le sourire jubilatoire disparut
lorsque la sinistre tragédie est survenue.
La première balle toucha Kennedy
une funeste surprise pour tout le monde.
La femme s'est écriée « Ils ont tué mon mari ! »
pendant que son sang coulait sur son bouquet de roses.

Cette épopée de 17 minutes a été chantée par Jozo Karamatić, un chanteur d'ethnie croate d'Herzégovine. Elle est sortie en disque vinyle de 7″, enregistré par Jugoton, compagnie de Zagreb, en 1965 et est disponible en ligne en plusieurs versions sur YouTube.

L'épopée dans la culture balkanique

Depuis l'Iliade et l'Odyssée écrit par Homère, l'épopée orale qui consiste en un récit des actes de créatures et héros mythiques sous forme de longs vers, a toujours été une caractéristique des cultures des populations balkaniques. Au 19ème siècle, la poésie des populations slaves du Sud a retenu l'attention des scientifiques occidentaux. Selon eux, il s'agit d'une personnification vivante des pratiques anciennes qui avaient disparu dans le reste de l'Europe. De nombreux chanteurs populaires ont chanté en rimes leurs récits de résistance face aux envahisseurs. Ils étaient accompagnés par un instrument de musique monocorde appelé guzla ou gusle à la manière des bardes du Moyen-Âge.

La tradition a bien continué au cours du 20ème siècle dans les régions montagneuses du Monténégro, de Serbie, de Croatie, et de Bosnie-Herzégovine. Après la seconde guerre mondiale, de la même manière que la musique populaire a connu une renaissance grâce au développement de l'industrie du disque vinyle, la tradition a intégré la culture pop Yougoslave.

Outre les anciens classiques, certains de ces chanteurs populaires ont aussi composé leurs propres morceaux basés sur des styles traditionnels. L'un de ces enregistrements inclut l'épopée « Mort à Dallas ».

Kennedy et la Yougoslavie

Vers la fin des années 1950, les relations entre les États-Unis et la Yougoslavie socialiste se sont tendues. Après cette période de refroidissement, l'administration de Kennedy a travaillé avec ardeur pour garantir l'indépendance de la Yougoslavie. Le but étant qu'elle ne devienne pas une partie du bloc soviétique. En d'autres termes, il s'agissait de réintégrer la Yougoslavie dans son statut de nation la plus favorisée. Car il fallait réactiver l'aide commerciale et économique, ainsi que renforcer le prestige des dirigeants yougoslaves, indispensable au maintien de l'équilibre entre l'Occident et la République Soviétique.

Kennedy, vétéran de la seconde guerre mondiale, jouissait toujours d'une bonne réputation en Yougoslavie grâce à son soutien à la cause antifasciste.

Une fois, quand il était encore sénateur, il a même visité le pays pendant sa tournée européenne.

Les membres du 8ème hôpital d'évacuation de l'armée des États-Unis à Skopje, après le séisme de 1963. L’unité a été aéroportée jusqu’au lieu du sinistre pour fournir des soins médicaux aux victimes. Photo du domaine public via Wikipédia.

De plus, en juillet 1963, un tremblement de terre a dévasté Skopje, tuant plus de 1070 personnes et en laissant environ 200 000 sans-abri. L'aide des États-Unis ne s'est pas fait attendre. Seulement deux jours après la terrible catastrophe, l’armée des États-Unis a soutenu les services hospitaliers à soigner des centaines de blessés. L’administration de Kennedy a continué à fournir de l’aide à de nombreux enfants, y compris des logements provisoires. Grâce à cette réaction rapide, Kennedy a obtenu son statut de héros chez les Yougoslaves ordinaires.

L’amélioration des relations a culminé avec la première visite du dirigeant yougoslave Josip Broz Tito à la Maison Blanche en octobre 1963. La rencontre amicale entre les deux dirigeants est amplement consignée dans les documents de la librairie présidentielle J. F. Kennedy. En Yougoslavie, cette rencontre a servi comme preuve de la grandeur de son dirigeant et par association, à la mise en exergue de l’importance du pays sur la scène mondiale en dépit de sa petite taille.

Tous les facteurs mentionnés ci-dessus expliquent l’intensité du choc et du deuil après l’assassinat de Kennedy le 22 novembre 1963.

A sa façon, l'épopée « Mort à Dallas » avait livré un enregistrement des émotions qui ont trouvé écho parmi les gens ordinaires, de la  Slovénie à la Macédoine.

Pendant les années 1970 et 1980, alors que le public se tournait vers des formats plus courts, chanter les épopées est devenu moins populaire. Pourtant quelques factions nationalistes engagées dans les guerres des Balkans au cours des années 1990 ont intégré ce chant dans leur propagande. Un moyen de montrer qu’ils sont des défenseurs de la tradition. Quant au chant de l'épopée, il est certes encore pratiqué, mais presque exclusivement dans le cadre de la préservation de la tradition folklorique.