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L'histoire de César Manuel : un enfant immigré à La Havane

lundi 8 août 2016 à 10:48
César Manuel, un niño migrante cubano (Foto: Periodismo de Barrio)

César Manuel, un jeune migrant cubain. Photo reproduite avec l'accord de Periodismo de Barrio.

Cet article est issu d'une collaboration avec le journal en ligne cubain Periodismo de Barrio [journalisme de quartier]. Avec ce partenariat, nos lecteurs pourront découvrir des histoires de Cuba différentes de celles qui apparaissent dans les médias traditionnels.

César Manuel n'est jamais allé de Santiago de Cuba à La Havane en avion. Ni quand il avait cinq ans, et qu'il est venu rendre visite à sa famille dans l'Indaya, un quartier mal famé situé de la municipalité de Marianao [l'une des municipalités qui composent La Havane], ni quand il est retourné à La Havane avec ses parents et son frère pour y vivre, quand il avait 11 ans. Il est né à Altamira, un quartier “rocailleux, avec beaucoup de maisons”, comme disent les adultes. Il est arrivé à la capitale en janvier 2014, en train.

Je lui demande :

“Tu aimes mieux vivre à la Havane qu'à Santiago de Cuba ?

—Oui, c'est mieux ici, dit-il.

—Pourquoi ?

—Parce que l'économie à Santiago n'est pas bonne. A Santiago j'ai mon livre de comptes et tout, je peux me procurer les aliments, mais ici rien n'est cher, alors qu'à Santiago tout est cher… Non, en fait c'est le contraire, rectifie-t-il. A La Havane tout est cher mais il y a de l'argent ; à Santiago, rien n'est cher mais il n'y a pas d'argent. Là-bas, si tu vas demander un peso c'est comme si tu allais demander 5 pesos, 10 pesos. Ici, ce n'est pas le cas.

Plus de 518 000 personnes nées dans d'autres provinces résident à la Havane, d'après le recensement de 2012. Parmi eux, 78 505 proviennent de Santiago de Cuba, 66 361 de Granma, 57 221 de Holguín et 51 785 de Guantánamo. 41% des immigrants du pays vont à La Havane, et 57% des migrants internes au pays viennent des provinces orientales [citées ci dessus]. Rien qu'en 2014, le solde migratoire était de + 8 977 habitants à La Havane, tandis qu'il était de – 13 023 habitants dans les provinces orientales.

Aujourd'hui, les familles qui vivent à Indaya ont sur leurs papiers des adresses de Guantánamo, Santiago de Cuba, quelques unes de Holguín et d'autres de Camagüey. Les enfants migrants qui vivent à Indaya viennent eux aussi de familles originaires de Guantánamo, Santiago de Cuba, Holguín et Camagüey. Tous, sans exception, ont gardé l'adresse de leurs parents sur leurs papiers d'identité. Leur rapport avec la province d'origine de leurs parents, – ou la leur, dans le cas où ils ont migré pendant leur enfance – est assez lointain. Certains n'y sont jamais revenus, d'autres y font un passage et ne reconnaissent aucune rue, aucun parc, aucun lieu.

Pour beaucoup d'entre eux, leur carte d'identité de mineur, qui se transforme en carné [pièce d'identité cubaine] lorsqu'ils atteignent 16 ans, n'a rien à voir avec leur vraie identité. Quand leur carte se transforme en carné, elle devient aussi leur principal obstacle à la vie active. C'est à force d'obstination qu'ils résolvent ce sujet de l'identité. En principe, il suffit de se sentir de La Havane pour en être. La Havane est un état d'esprit. Mais cet état d'esprit ne figure pas dans les conditions demandées par ceux qui embauchent dans les bureaux des ressources humaines des administrations de l'Etat.

Les enfants qui migrent font leurs études à La Havane sans trop de difficulté. De même, les adolescents qui migrent font leurs études à La Havane sans trop de complications. En revanche, les jeunes migrants, après avoir fait leurs études primaires, secondaires et pré-universitaires, ne pourront être embauchés dans aucun travail tant qu'ils n'auront pas fait leur changement d'adresse sur leurs papiers d'identité. Les jeunes migrants d'Indaya, contrairement aux autres, ne veulent pas être avocats ni ingénieurs. L'université n'apparaît pas dans leurs projets. Les jeunes d'Indaya, dit-on,  “prennent ce qu'il y a : l'agronomie.”

Je demande à César Manuel : “Qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ?”

D'abord, César Manuel est un enfant éloquent. Il suffit de le regarder pour voir qu'il est intelligent. Il parle d'économie sans le savoir. Il dit aussi des choses comme : “les enfants de La Havane expriment leurs sentiments et donnent des conseils”. Il joue de la tumbadora [percussion cubaine] depuis qu'il a deux ans, il est chrétien depuis qu'il a trois ans, et il en parle comme si on pouvait se rappeler la religion qu'on avait à trois ans. C'est pourquoi ça m'intéressait de savoir ce qu'il voulait faire quand il serait grand. Bien qu'il ait déjà eu à grandir quand ses parents décidèrent de prendre le train pour La Havane en janvier 2014. Aujourd'hui il a treize ans. A seulement 3 ans de l'obtention de son carné, il répond :

— Fabricant de produits alimentaires.

*Cet article est un extrait exclusif pour Global Voices. La version originale de “Migrants” peut être consultée ici, et les autres articles d'Elaine Díaz sont ici.

Le fact-checking, au secours de la démocratie et du journalisme comme nous le connaissons ?

dimanche 7 août 2016 à 16:50
Pinocchio by Enrico Mazzanti (1852-1910)

Pinocchio, le personnage de la littérature qui voit son nez s'allonger quand il ment , est souvent utilisé comme symbole de la vérification par les faits. Dessin de Enrico Mazzanti (1852-1910), domaine public.

[Article d'origine publié en anglais le 12 juillet 2016] Le matin suivant le Brexit, le référendum décidant la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne, un des leaders de la campagne du “Leave”, favorable à la sortie, a choqué l'opinion publique en admettant avoir trompé le public sur une des questions-clé. Quand on lui avait demandé si les 350 millions de livres sterling que le Royaume-Uni versait tous les six mois à l'Union Européenne seraient utilisés par le NHS – le Service National de Santé, l'ex-leader du Parti pour l'Indépendance du Royaume Uni (UKIP) Nigel Farage a admis qu'il s'agissait d'une “erreur”.

Lors d'une interview par la présentatrice Susanna Reid, pendant l'émission de télévision “Good Morning Britain” sur le canal ITV, Farage a reconnu ne pas pouvoir garantir la réalisation de la promesse faite pendant la campagne et a tenté d'esquiver le problème en affirmant que cette promesse n'était pas officielle alors que des spots publicitaires étaient entièrement construits sur celle-ci.

En réponse, des citoyens indignés, y compris des journalistes, ont partagé sur Twitter des photos des panneaux publicitaires (placés dans des lieux propices comme les flancs des bus) et démasquant le mensonge.

“Les 350 millions de livres sterling étaient une extrapolation. Ça n'a jamais été la véritable somme”. -Iain Duncan Smith

Un incident de ce genre montre le besoin d'intérêt public d'une plus grande vérification des informations dans la politique, de façon à permettre aux citoyens de prendre des décisions plus éclairées et rationnelles sur des questions qui touchent directement à leur vie quotidienne.

Augmentation généralisée de la vérification par les faits en réaction aux manipulations politiques et médiatiques

La vérification par les faits (fact-checking) doit faire partie de l'activité normale d'un journaliste. Lorsqu'ils recueillent des informations, tous les journalistes devraient en vérifier la véracité. Leur travaux seraient ensuite contrôlés par un rédacteur, c'est-à-dire une personne ayant plus d'expérience professionnelle, pouvant corriger ou modifier certaines informations.

De grands organes de presse ont des services spécialisés dans le contrôle du travail des journalistes et des rédacteurs. Cette forme de vérification de l'information a été portée à l'écran en 1988 par le film “Les Feux de la nuit” dans lequel Michael J. Fox joue le rôle d'un séduisant vérificateur par les faits travaillant pour un des principaux magazines de New York.

Bright Lights, Big City movie poster. Source: Wikipedia, fair use.

En 1988 dans le film: ” Les Feux de la nuit”, Michael J. Fox joue le rôle de vérificateur dans un des principaux magazines de lNew York. Source: Wikipedia.

Pendant les décennies suivant la sortie de ce film, la plus grande partie des organismes de presse du monde n'ont pas eu les moyens – ou pas vu la nécessité – d'un service dédié à la vérification de l'information, a fortiori d'un vérificateur en mesure de jouer le rôle de ‘l'avocat du diable” dans une rédaction.

Et pourtant ce besoin de vérification n'a pas disparu. Avec l'avènement de nouvelles technologies qui ont généré de nouvelles formes de médias, lesquelles ont favorisé la divulgation de toutes formes de désinformation, ce besoin de la vérification par les faits s'est trouvé en réalité augmenté. Beaucoup de nouvelles annoncées en ligne par des organismes de presse renommés n'ont pas été vérifiées, et les sites d'information se contentent parfois de copier (en fait  bien souvent de plagier) le contenu créé par des tiers, visant seulement un potentiel d'attraction de “clics”. Les politiciens, tout spécialement les populistes, utilisant volontiers les techniques manipulatrices, ont profité d'une ambiance médiatique de ce genre pour forger des alliances avec les magnats des tabloïds, devenant à leur tour propriétaires de certains médias.

Ces dernières années ont vu l'émergence d'un besoin de répondre à l'exigence de plus de contrôle des informations dans la vie politique. Cette impulsion a pour origine deux sources principales: la première est venue des journalistes qui après des années difficiles se sont entourés de spécialistes dans l'intention de maintenir les standards de leur profession ; la seconde inclut les organisations de la société civile visant à utiliser les nouvelles technologies au sein d'une sorte de réforme démocratique pour obliger leurs propres gouvernements à devenir plus transparents et responsables. Un certain nombre de projets combinant le militantisme civique au développement des médias ont ainsi émergé dans le monde entier.

Presence of fact-checking initiatives; based on Duke Reporters' Lab database and integrated with more recently launched sites. Map by Alexios Mantzarlis, used with permission.

Les zones vertes représentent les pays ayant pris l'initiative de vérifier les faits à partir de la base de données du Duke Reporters’ Lab et intégrée dans des sites plus récents (juin 2016). Carte de Alexios Mantzarlis/Poynter, utilisée avec autorisation.

Plus 200 organismes de vérification par les faits dans 40 pays différents ont participé au récent Sommet mondial pour la vérification par les faits de Buenos Aires, en Argentine (#GlobalFact3, les 9 et 10 juin). Organisé par le Poynter Institute des USA, cette rencontre a permis également le renforcement du réseau International Fact-Checking Network. (L'auteur du présent article a participé au Sommet en qualité de représentant de la fondation Métamorphosis qui développe deux projets en Macédoine : TruthMeter et le Media Fact-Checking Service.)

Les organismes impliqués dans la vérification par les faits développent, sce faisant, une méthodologie qui sert de plan pour leurs propres  produits d'analyse. Un des points-clés de la discussion lors du Sommet mondial a été la mise en pace d'un code de bonnes manières qui pousserait les vérificateurs vers une transparence toujours plus grande et accroîtrait la confiance des lecteurs.

Un nouvel objectif : la télévision

Le public principal pour cette activité de vérification se trouve en ligne. L'étude faite en Macédoine montre que la cible de ce type de contenu est constituée principalement de jeunes avec un haut niveau d'instruction. Néanmoins cette tranche démographique ne représente qu'une petite partie de la population. Pour toucher un public plus vaste ce projet devra aborder d'autres médias.

Certains projets visent le moyen de communication de masse qui domine encore la formation de l'opinion publique chez les plus âgés et les moins instruits : la télévision. Il y a eu quelques succès dans ce domaine, par exemple le programme espagnol El Objetivo ou l'italien Virus. Quand ils sont soutenus par la possibilité d'une production de haute qualité, des exemples de ce type montrent que la vérification par les faits peut devenir une forme de divertissement éducatif.

Plus important encore est le fait que ceux qui  participent à de telles initiatives sont prêts à partager leurs connaissances. En mai 2016, les producteurs de programmes de télévision de ce type se sont retrouvés à Sarajevo avec des éditeurs et des journalistes pour un atelier préparatoire au point conférence annuel. L'ONG ” Why Not”, organisatrice de la conférence (qui gère également la version bosniaque de Truthmeter), a réalisé  un court documentaire qui reprend les divers aspects de la vérification par les faits à la télévision.

Dans cette vidéo, Alexios Mantzarlis de Poynter explique que l'objectif est d'aider les vérificateurs à transformer ce qu'ils font en ligne en matériaux pouvant être intéressants pour la télévision… “Parce qu'il est important de faire quelque chose qui ne touche pas seulement ceux qui sont déjà curieux de vérifier les faits, mais aussi ceux qui n'exploreraient pas spontanément ce type de contenu”.

Patrick Worrall de Channel 4 Fact-Check ajoute :

Nous avons besoin de ce contrôle pour des tas de raisons. Premièrement, parce que, malheureusement, les hommes politiques mentent, ils l'ont toujours fait et le feront toujours. Les gens, chez eux, ont souvent envie de contrôler ce qu'un politicien est en train de dire, mais ils n'ont ni le temps ni les ressources pour ce type de travail. Ainsi ce sont des personnes comme nous qui devons aller vérifier tout ça. Et nous savons, nous en avons les preuves, que lorsque des personnalités publiques sont soumises régulièrement à des vérifications, elles deviennent plus honnêtes et plus attentives à ce qu'elle disent au public.

Pourquoi les Facebookers russes adorent Donald Trump

dimanche 7 août 2016 à 16:20
Image edited by Kevin Rothrock.

Montage photographique de Kevin Rothrock.

Fin juillet, RuNet Echo a publié les réflexions d'une douzaine d'intellectuels connus, au sujet de l'indifférence apparente au rôle supposé de la Russie dans le piratage du Comité National Démocrate avant la convention nationale du parti la semaine précédente. Dans le présent article, Yulia Savitskaya se tourne cette fois vers les nombreux internautes russes qui s'intéressent de fait à la course présidentielle états-unienne et plus particulièrement à la candidature de Donald Trump.

Si vous avez sur Facebook beaucoup d'amis russes politiquement engagés, vous aurez déjà remarqué qu'ils s'intéressent fortement à l'élection présidentielle américaine. Probablement bien plus que vous-même ne suivez les prochaines élections parlementaires en Russie. Pour certains d'entre eux, elle est un substitut à l'inexistante compétition politique de haut niveau dans leur pays, tandis que d'autres s'en servent pour parler d'eux-mêmes et de leurs opinions. Apparemment (et cela n'étonnera pas tout le monde), un grand nombre de ces utilisateurs russes soutiennent Donald Trump, ou au moins professent une sympathie pour lui.

Le premier, le plus vaste (et probablement le moins intéressant) groupe de sympathisants russes de Trump, ce sont ceux qui ne sont pas réellement investis dans la campagne présidentielle états-unienne. Ils n'ont pas suivi les primaires, les débats, les conventions, mais ont probablement entendu Vladimir Poutine qualifier Trump de “personnalité talentueuse et colorée”. Ils ont aussi vu, voire feuilleté les livres malfamés de Trump sur sa vie de milliardaire et ses succès dans les affaires. Et ils l'ont aussi vu sortir avec des participantes aux concours de Miss Univers : ce type a tout pour plaire ! Les citations de Trump sur l'argent, la réussite, les affaires et les femmes sont répétées jusqu'à plus soif par des centaines de communautés de développement personnel sur Vkontakte, le plus gros réseau social de Russie. (On s'en doute, la moitié de ces citations sont inventées.)

Le second groupe est plus complexe et très divers. Des utilisateurs qui n'aiment pas forcément tant que ça Trump, mais ils haïssent férocement Hillary Clinton, de sorte qu'ils souhaitent la victoire de Trump rien que pour contrer les Démocrates. Par exemple, Ivan Yakovina, un journaliste russo-ukrainien qui soutenait Bernie Sanders dans la première phase de la course présidentielle américaine. Quand Bernie a donné son appui à Hillary, Yakovina l'a accusé de trahison—tout comme certains partisans américains de Sanders d'ailleurs. Le 26 juillet, le journaliste parlait de Trump sur Facebook comme d'un “populiste”, tandis que Mme Clinton, selon son opinion, est “une conne terne, menteuse et complètement corrompue”. L'humour du candidat présidentiel républicain séduit Ivan : le 27 juillet, Yakovina admettait que Trump est “un bon troll.” Yakovina ne deviendra peut-être pas un véritable supporter de Trump, mais il a dit qu'il serait content de voir perdre les Démocrates après “l'injuste éjection” de Bernie Sanders de la course.

Dmitri Olchanski. Photo: Facebook

Dmitri Oltchanski, un éditorialiste du tabloïd pro-Kremlin “Komsomolskaïa Pravda,” n'a rien en commun avec Ivan Yakovina, mais leurs idées sur Trump les rangent dans le même groupe. Olchanski a récemment décrit Hillary Clinton comme “l'incarnation du mal”, et comparé Donald Trump, “par contraste”, à la “brise fraîche d'une fenêtre ouverte dans une chambre qui n'avait pas été aérée depuis les années 1970 de Nixon”. Trump aime apparemment encourager les patriotes russes auto-proclamés comme Oltchanski, à en juger par sa toute dernière déclaration sur la Crimée.

Le troisième groupe paraît suivre assidûment la course qui se déroule aux Etats-Unis. Professionnels des média en majorité, ces utilisateurs russes de Facebook s'intéressent particulièrement à la couverture médiatique américaine des élections, et ce qu'ils voient leur déplaît : on trouve des exemples récents de journalistes russes fustigeant leurs confrères états-uniens. Alexeï Kovalev est un ancien rédacteur en chef d'InoSMI, dont le dernier en date des projets personnels “Laptchesnimalotchnaïa” (“ôteur de nouilles”) se consacre à révéler les mensonges de la propagande d'Etat russe et à déboulonner les faux des médiatiques. Kovalev n'aime pas davantage la “campagne anti-Trump” que semble mener certains médias des Etats-Unis.

Alexeï Kovalev. Photo: Facebook

Il a récemment accusé Slate de “xénophobie et orientalisme” après la publication par le site d'un article sur le plagiat par Melania Trump d'un discours de Michelle Obama. Dans cet article, Rebecca Schuman supposait que Melania Trump avait plagié ce discours parce qu'elle était une immigrante de première génération ignorante de la “voie américaine de la réussite”. Le même jour, un article plus théorique sur le même sujet, évoquant la culture de la fraude universitaire de l'Europe de l'Est comme terreau du plagiat de Melania, paraissait dans le Washington Post, sévèrement réfuté par des universitaires de cette région. Après avoir lu des dizaines de textes de cet acabit, Kovalev a écrit qu'il souhaitait que les Américains élisent Trump pour rendre fous les “connards qui prennent leurs lecteurs pour des imbéciles”.

Alexandre Gorbatchev, un ancien rédacteur en chef d'Aficha qui travaille à présent pour Meduza, s'est énervé contre un article du New York Times intitulé “Pourquoi les hommes veulent épouser des Melania et élever des Ivanka”. “Chaque fois que je lis quelque chose de ce genre, j'espère que Trump va gagner”, conclut le journaliste dans un billet Facebook. Alexeï Kovalev a plus tard ajouté que l'Amérique “mérite Trump” parce que le média pro-démocrate états-unien est si “peu convaincant“.

Alors que se répandent les rumeurs du soutien de Poutine à Trump, de nouveaux utilisateurs russes de Facebook sont entrés dans la discussion. L'historien Ilya Yablokov, expert en complotologie, a écrit : “Certaines des idées qui éclosent dans les articles d'opinion liant Poutine et Trump me rappellent les allusions utilisées par les maccarthystes dans les années 1940-50. Mais l'ironie est qu'aujourd'hui, ce sont les intellectuels de gauche qui les diffusent”.

Deviner ce qui se passera dans les mois qui viennent n'est pas difficile : Trump continuera à “troller” les médias, et le lectorat internet russe politisé gardera les yeux fixés sur lui, avec de courtes pauses pour parler du scandale de dopage, du non-fonctionnement de l'évacuation des eaux de pluie pendant les orages à Moscou, et autres affaires et controverses intérieures. Pour les uns, l'élection états-unienne est un événement important digne de leur attention. Pour les autres Russes, c'est une diversion bienvenue aux nouvelles dérangeantes plus proches de chez eux.

Une université belge ouvre ses portes aux réfugiés

dimanche 7 août 2016 à 11:12
The VUB/Free University of Brussels campus in Etterbeek Credit: Big Apple/Creative Commons

Le campus de la VUB/Université Libre de Bruxelles à Etterbeek Crédit photo : Big Apple/Creative Commons

Le présent article de Jeb Sharp, initialement paru sur PRI.org le 7 mars 2016, a été republié sur GV en anglais le 13 mars dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Lorsque Mohammad Salman a déménagé en Belgique pour préparer son doctorat en science politique en 2010, il était bien décidé à retourner chez lui en Syrie. Après tout, le gouvernement syrien lui avait octroyé une bourse d’étude complète.

Listen to this story on PRI.org »

Mohammad Salman Credit Photo : Avec l'aimable autorisation de Mohammad Salman/VUB

Mohammad Salman Crédit photo : avec l'aimable autorisation de Mohammad Salman/VUB

Mais la guerre a ensuite éclaté. Et alors que des sanctions à l’encontre du gouvernement syrien prenaient effet, les économies de Mohammad Salman ont commencé à fondre.

« Financièrement, c’était une période très difficile pour moi », explique t-il, en faisant référence aux années 2013 et 2014. À un moment, il ne lui restait plus que 80 euros sur son compte en banque.

Toutefois, ses professeurs à l’Université libre néerlandophone de Bruxelles (VUB) l’ont soutenu. Ils ont récolté des subventions, lui ont proposé de travailler comme enseignant et l’ont encouragé à finir sa thèse en six à neuf mois.

Il a réussi. Et puisqu’à la fin de ses études, il vivait en Belgique depuis cinq ans, il était éligible à la nationalité belge qu’il a ensuite obtenue.

Il est désormais prêt à aider les autres en retour. Il a été embauché pour lancer un nouveau programme à la VUB afin d’accueillir entre 100 et 200 réfugiés à l'automne. Ceux-ci doivent être en possession d’une attestation de demande d’asile et répondre aux critères d’éligibilité permettant de poursuivre des études supérieures. Jusqu’à présent, il a obtenu 800 candidatures.

« Je suis très heureux de soutenir ce programme », a-t-il déclaré. « Je me vois en chacun d’eux ».

Il revient à Salman de vérifier les diplômes des candidats et leurs autres justificatifs de chez eux. A lui aussi de s'assurer qu'ils ont l'ouverture d'esprit et la liberté de pensée qui font la renommée de l'Université Libre.

« Nous verrons rapidement si ce sont des personnes qui s'intègrent », dit Koen Van den Abeele, coordinateur d'un groupe de travail universitaire sur les réfugiés.

Van den Abeele a fait les recherches initiales pour déterminer le type de demande possible pour ce programme, et a peiné à obtenir des données des fonctionnaires.

« Ils rechignaient fortement à remettre les données, car elles proviennent d'entretiens et c'est très confidentiel », indique Den Abeele. Mais il a fini par trouver quelqu'un qui a bien voulu lui donner un peu d'information interne. Quelque 23 pour cent des demandeurs d'asile en Belgique l'an dernier ont indiqué être étudiants avant de fuir leur pays d'origine.

Van den Abeele était ébahi.

« Ils ont entre 18 et 25 ans », dit-il. « On ne peut quand même pas les faire vivre le restant de leur jours de l'aide sociale ! Ils ont de l'ambition, ils veulent faire quelque chose, ils veulent se sentir intégrés dans la société ».

Tout le monde ne pense pas comme lui. L'Europe, tout comme les USA, a sa part de sentiments anti-migrants et anti-réfugiés. Mais des pays comme la Belgique ont aussi un fort besoin de travailleurs qualifiés.

« Nous voyons des gens avec des diplômes d'ingénieurs », dit Van Den Abeele. « Nous voyons des ingénieurs en architecture, en génie civil, en industrie, des mathématiciens, des scientifiques hautement qualifiés. Ces personnes ont une valeur pour la situation économique belge. Il y a en ce moment des postes d'ingénieurs qui depuis six mois ne trouvent pas preneurs »!

Et même abstraction faite de l'argument économique, il y a une autre raison de s'intéresser à l'instruction des nouveaux-venus, à en croire Van den Abeele.

Il explique que la Belgique n'a pas su intégrer les enfants de ses immigrants Nord-Africains, ce qui a mené aux ghettos et à la ségrégation accusés d'avoir contribué à fabriquer des terroristes.

« Si nous ne voulons pas reproduire le même problème, je pense que nous devons nous appliquer à intégrer ces gens », dit Van den Abeele. « et pour nous, les études restent la meilleure voie pour intégrer les individus dans une société ».

C'est certainement une voie qui provoque la gratitude. Mohammad Salman, le collègue syrien de Van den Abeele, est un passionné de son pays natal, mais aussi de son nouvelle patrie, la Belgique. Et il sait que lui aussi aurait pu être piégé à l'intérieur de la Syrie en voie de désintégration. Lui aussi aurait pu faire la périlleuse traversée de l'Europe. Voilà pourquoi il n'est que trop heureux de passer ses journées à éplucher les candidatures de réfugiés espérant s'inscrire sur son campus.  Il espère que d'autres universités de Belgique suivront.

La fin de l'immunité dans l'Etat de Jalisco confirme le rejet de la classe politique au Mexique

samedi 6 août 2016 à 23:00
"Los Muros Si Caen". Foto de la página de Facebook de Pedro Kumamoto.

“Los Muros Si Caen”(que l'on peut résumer ainsi :”Même les murs tombent”). Photo de la page Facebook de Pedro Kumamoto.

Le Congrès de Jalisco, au Mexique, a connu une session historique le 14 juillet dernier en abrogeant el fuero, cette clause constitutionnelle d'immunité en faveur de la classe politique qui permettait aux fonctionnaires d'Etat d'échapper à toute poursuite en cas de délit commis pendant la durée de leur mandat. Cette réforme va concerner les 1598 fonctionnaires de l'Etat, dont le gouverneur.

Même si, pour entrer en vigueur, la réforme constitutionnelle doit être entérinée par au moins 63 des 125 communes de Jalisco, le soutien unanime que le Congrès lui a apporté a été considéré comme un grand pas en avant dans la lutte contre l'impunité et la corruption politique.

La levée du #Fuero dans le Jalisco est un grand pas. Que les législateurs des Etats les plus concernés s'y mettent aussi.

Le Congrès de Jalisco a lui aussi publié ce communiqué :

“[le fuero] on en a tellement usé et abusé que les citoyens le considèrent comme un symbole de corruption, d'impunité, de toute-puissance, de privilège  […]”.

Le député indépendant Pedro Kumamoto a été l'un des principaux instigateurs de cette réforme constitutionnelle. Il a présenté en avril dernier une motion pour abroger cette clause d'immunité et rendre aux citoyens le droit de juger leurs hommes politiques. Voici son message sur sa page Facebook

Pantallazo página de Facebook de Pedro Kumamoto.

Capture d'écran de la page Facebook de Pedro Kumamoto. “Ils disent que nous devons nous accoutumer aux privilèges de la classe politique. Nous ne les acceptons pas. Eliminons aujourd'hui le fuero au Jlisco”.

Une autre façon de faire de la politique

Il faut savoir que, grâce à la réforme politique de 2014 qui a fixé les normes des candidatures indépendantes au niveau local et fédéral, Pedro Kumamoto est le premier député indépendant qui soit parvenu à se faire élire en 2015 sans l'appui d'un parti politique. Sa candidature a émergé d'un projet politique innovateur appelé Wikipolítica. Selon Rodrigo Cornejo, le responsable de Wikipolítica Jalisco, interrogé par MediaZoom :

La façon wiki de faire de la politique est, comme son nom l'indique, rapide et sans entraves. Elle se fonde sur l'auto-organisation de groupes (des noeuds) indépendants qui communiquent entre eux sur des plateformes sociales online et offline.

Comme le montre ce spot de la campagne électorale de Kumamoto, Wikipolítica considère que les gens doivent être placés au coeur de la démocratie et qu'ils sont le “moteur et la raison des institutions”. Cet extrait en témoigne :

C'est parti. Personne ne peut mieux que nous, nous les gens et surtout pas les partis, planter dans  la politique la graine du rassemblement. Nous sommes les fissures de ce mur qui va tomber.
La particratie, le clientélisme et les privilèges du pouvoir vont finir par s'effondrer si tu nous rejoins. Nous allons habiter le gouvernement.
Je suis Pedro, un de ses occupants, et je suis le premier candidat indépendant au Congrès local de toute l'histoire de notre Etat. Je sais que je ne suis pas tout seul. Nous sommes déjà des milliers et nous sommes chaque jour plus nombreux.

Le projet politique de Wikipolítica, et de son représentant Pedro Kumamoto, a misé sur la participation citoyenne, le dialogue et l'intelligence collective, qui lui ont acquis le soutien massif de nombreux secteurs de la population de Jalisco. Son mouvement #FueroNoJuicioSí, par exemple, a séduit plusieurs collectifs comme Ciudad Pixel, qui ont créé le site web FueroNo.Org pour aider à diffuser le message et inciter les gens à participer en s'exprimant sur les réseaux sociaux :

Pantallazo de la página de Facebook de Ciudad Pixel.

Capture d'écran de la page Facebook de Ciudad Pixel.

Et c'est ainsi que, un peu plus d'un an après avoir été élu député du district 10 de Zapopan et après avoir réussi à éliminer l'immunité du paysage politique de Jalisco, Pedro Kumamoto peut se féliciter d'avoir remporté quelques victoires retentissantes par et pour la citoyenneté et constater que #LosMurosSíCaen (oui, même les murs tombent).

"A un año está valiendo la pena". Video de la página de Facebook de Pedro Kumamoto.

“En un an, ça vaut le coup”. Vidéo de la page Facebook de Pedro Kumamoto.

Il y a un an, des gens généreux et courageux ont remporté leur première victoire, faisant naître un nouvel espoir. Nous avons compris que tout devient possible en agissant. Continuons à nous réapproprier la politique en restant unis, vivons ensemble et agissons. Aujourd'hui nous leur disons en face : ça vaut le coup. http://bit.ly/gacetad10.

Toute les informations et les évolutions de l'équipe politique de Kumamoto sont disponibles sur Twitter et sa page web. Toute l'information sur Wikipolítica en Basse Californie du sud, à Mexico et à Jalisco est disponible sur son site.