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Chine : de plus en plus d'étudiants tombent dans le piège du crédit en ligne

dimanche 8 mai 2016 à 12:07
Online Advertisement encouraging customers to pay by installment. But risks are hidden. (Screen capture imagine)

Un site chinois de shopping en ligne propose des crédits aux étudiants mais il y a bien des risques cachés. (Photo: Patrick Wong)

Pour les étudiants de universités chinoises, le problème le plus important qui se pose après l'obtention du diplôme est celui de rembourser les dettes, et ce n'est pas une petite histoire pour un débiteur ou une débitrice, surtout si il ou elle n'a pas trouvé d'emploi. C'est ce qu'à fait observer [en chinois comme les autres liens, sauf indication particulière] récemment un internaute sur Weibo.

Depuis quelques années, les services financiers en ligne destinés aux particuliers ont connu un véritable boum en Chine. De nombreuses plateformes de shopping en ligne proposent de petits crédits aux clients.

Ces  micro-crédits sont très populaires auprès des étudiant universitaires et beaucoup d'entre eux finissent par tomber dans la spirale du surendettement. Du, un étudiant de la ville de Huai'an dans la province orientale du Jiangsu a acheté un iPhone à crédit par le biais d'une société de crédit en ligne, puis s'est rapidement aperçu qu'il ne réussirait jamais à payer ses traites en temps voulu. Pour éviter des retards de remboursement, il a souscrit crédit après crédit, accumulant à la fin une somme de presque 80 000 yuan ( autour de 12 380 dollars).
Du n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
La croissance rapide du marché des crédits à la consommation en ligne, en Chine, fait que ce secteur souffre d'un manque de réglementations et est truffé de pièges, tant pour les investisseurs que pour les clients.
Au début de l'année, un groupe financier en ligne Ezubao, a été accusé par les autorités d'avoir prélevé illégalement des fonds pour une valeur de 50 milliards de yuans (environ 7,8 milliards de dollars) sur le dos de 900 000 clients sur tout le territoire national. C'est ce que rapporte Xinhua, l'agence de presse officielle chinoise.

Coût des services ou frais cachés

Il semble que très souvent, les étudiants de l'enseignement supérieur soient sensibles à une forte pression sociale, qui les pousse à suivre des modes qui changent très vite au gré des nouveautés. Certaines sociétés de crédits ont évidemment dans leur ligne de mire ce groupe social assez ingénu. Ainsi, beaucoup de société travaillent ensemble sur des plateforme d'achat en ligne pour inciter habilement les étudiants à payer leurs acquisitions à crédit.
Ces étudiants n'ont qu’ à scanner leur carte d'identité et signer un petit formulaire pour lancer la demande de crédit dont l'approbation ne demande habituellement moins de 24 heures.
Les étudiants ne portent habituellement aucune attention aux exigences de ces sociétés en ce qui concerne le coût de leurs services, comme par exemple les commissions demandées. Et quand ces jeunes n'arrivent pas à payer leurs dettes, les créanciers se retournent contre les parents dans la mesure où ils peuvent eux mêmes les payer.

Comme l'a rapporté l'hebdomadaire Southern Weekend, le mois dernier, un étudiant avait acheté un IPhone en signant un contrat avec Hi Cash, une société de crédit bien connu sur le net. Au final il a dû payer cinquante pour cent de plus que le prix indiqué à cause du coût des services et frais cachés, mais ce de n'était pas encore le pire. Il a en effet découvert avec stupéfaction que le contrat qu'il avait signé comportait quatre parties, lesquelles permettaient à Hi Cash d'utiliser ses informations pour réclamer à une autre entreprise un emprunt en son nom, transaction dont il a déclaré n'avoir aucune connaissance. Selon les pratiques courantes, ces sociétés de crédit ne sont soumises qu'à l'obligation d'un enregistrement auprès de la chambre administrative pour l'industrie et le commerce, sans contrôle de la part de l'autorité financière.

De plus le formulaire utilisé pour la demande de crédit en ligne prévoit seulement deux informations de base sur l'identité et laisse beaucoup de place à des échappatoires possibles.

Zheng, un étudiant de la province du  Henan, s'est suicidé  après  avoir accumulé une dette de plus d'un million de yuans (plus de 150 000 dollars)  le mois dernier. C'est ce que rapporte un article du quotidien  China Times.

L'enquête  montre que Zheng aurait utilisé la carte d'identité de 28 autres étudiants de façon à pouvoir obtenir toujours plus de crédits pour parier sur des matchs de football.

Lors d'un interview sur la chaîne de télévision nationale CCTV le père de Zheng a déclaré que cette société de crédit devrait au moins reconnaître qu'elle est en partie responsable de la mort de son fils.

Outre les techniques habituelles que les créanciers utilise pour tourmenter les débiteurs (appels téléphoniques répétés, lettres d'huissiers,  etc.), il semble que les sociétés de crédit aient le droit de s'en prendre à la famille des débiteurs et de rendre  public les noms des étudiants qui leur doivent de l'argent.

Pendant ce temps-là, le Quotidien du Peuple, porte-parole du gouvernement, a déclaré officiellement que la sensibilisation à la responsabilité financière doit commencer à la maison, conseillant aux parents de tous les étudiants de surveiller le comportement de leurs enfants, de développer leur compétences financières et d'augmenter leur prise de conscience des risques éventuels.

Il existe un besoin de plus de réglementation

Pour éviter l'utilisation abusive des données personnelles des étudiants, Wang Xinrui et Guo Junlei, deux avocats des bureaux d'étude Anli Partners de Pékin, ont publié un article sur le Financial Times demandant au gouvernement chinois de garantir la protection des données personnelles sur internet et d'étendre le contrôle de normalité à l'activité financière en ligne.

互联网金融涉及的身份信息、交易信息更为敏感,泄露后危害也更大,因此必须从立法和技术上加以更严格的限制,也要对泄露用户信息的行为进行更加严厉的惩罚。

Les société financières en ligne manipulent des informations sensibles concernant l'identité des personnes et la nature des transactions. La circulation illégale de ce type de données irait contre l’intérêt public. Les autorités devraient imposer plus de restrictions pour éviter que ces informations soient divulguées et punir ceux qui s'en rendent responsables

Sheng Songcheng, directeur général du département d'analyses et statistiques de la Banque Populaire chinoise, a déclaré en janvier que sa banque était préoccupée par la nécessité de mieux réglementer les crédits en ligne dans le cadre d'une politique d'amélioration du système de contrôle de l'activité financière. Cette banque en collaboration avec des services financiers du gouvernement, avait déjà publié, à la fin de l'année dernière un guide complet pour faire la promotion d'un développement plus sûr des services financiers sur internet.

Les lignes directrice insistent sur le fait que les services financiers en ligne devront être en règle avec les normes actuelles  [lien en anglais], les prêts aux particuliers ne devront pas avoir un taux d’intérêt annuel supérieur à 24%.

Reste à voir comment ces décisions seront réellement appliquées.

Exit Davutoglu : Le Premier Ministre écarté, la Turquie vers un avenir incertain

dimanche 8 mai 2016 à 12:03
Davutoglu at Harvard. Creative commons.

M. Davutoglu à Harvard. Creative commons.

Premier ministre de la Turquie depuis presque deux ans, Ahmet Davutoğlu vient d'annoncer son intention de quitter son poste “pour l'unité du parti” alors que son désaccord avec le président turc President Recep Tayyip Erdoğan devenait patent.

M. Davutoglu était le numéro 2 de l'AKP (le parti Justice et Développement) qui domine la politique turque depuis plus d'une décennie, et son probable effacement de la scène politique paraît devoir priver le pays d'un frein potentiel aux ambitions de M. Erdogan.

Intellectuel à lunettes, M. Davutoglu n'a jamais eu le charisme d'Erdogan, arrivé au premier plan en 2003 comme Premier ministre de la Turquie et force motrice du parti.

Wouah, c'est allé vite, M. Davutoglu s'est déjà trouvé un nouveau travail, impressionnant

Ecrivant sur Al-Monitor, Mustafa Akyol a relevé l'apparition d'un “mystérieux blog politique” qui avait dépeint Davutoglu en traître peu après que celui-ci fut dépouillé par le comité exécutif de l'AKP de son pouvoir de nomination des responsables régionaux.

Si ce blog — comme beaucoup le pensent — est un reflet des positions d'Erdogan, alors les crimes contre les règles de Davutoglu seraient de s'être donné le rôle du gentil contre le méchant Erdogan dans la négociation EU-Turquie de l'accord sur les migrants, et de préférer le régime parlementaire.

Ce qui attend le premier ministre turc Davutoglu après son renvoi par le président Erdogan…

Davutoglu paraît quant à lui avoir reconnu qu'il manquait du capital politique nécessaire pour jouer à égalité avec l'un des leaders les plus populaires et les plus puissants de l'histoire de la Turquie, même si la constitution confère au premier ministre des pouvoirs plus larges qu'au président.

D'où la crainte répandue que le passage de la Turquie d'une démocratie chaotique à un Etat autoritaire ne soit quasi achevé.

Faisons notre deuil de la démocratie turque, qui vient de perdre un de ses derniers freins au pouvoir d'Erdogan

Avec un successeur de Davutoglu probablement plus favorable à un basculement constitutionnel vers des pouvoirs élargis d'Erdogan et de la fonction présidentielle, le monde en découvrira les conséquences autant sur la crise européenne actuelle des réfugiés que sur l'aggravation de l'affrontement entre les rebelles kurdes et l'Etat turc.

Hélas, les développements de ces deux dernières années en Turquie ont montré une chose : les prédictions qui ont pu paraître aberrantes à un moment, soudain deviennent réalistes.

“Heureusement qu'on a la République. A l'époque ottomane, Davutoglu y aurait laissé sa tête.”

Au Chili, la colère des pêcheurs traditionnels de l'île de Chiloé face à l'urgence écologique

samedi 7 mai 2016 à 16:44
Chiloé. Foto del usuario Flickr Mauro Díaz. Usada bajo licencia CC 2.0

Chiloé. Photo du compte Flickr de Mauro Díaz. Utilisée sous licence CC 2.0

Cela fait des mois que le phénomène marin connu sous le nom de marée rouge, une prolifération excessive d'algues qui se traduit entre autres par une concentration élevée en toxines, affecte les métiers de la pêche sur l'île de Chiloé [fr] dans le sud du Chili.

Beaucoup imputent le phénomène récent à l'industrie salmonicole, touchée par une épidémie qui a emporté plus de 24 millions de saumons, dont deux mille tonnes ont fini dans la mer. Le directeur de Sernapesca (Service national de la pêche et de l'aquaculture), José Miguel Burgos, a expliqué que « la plus grande partie des pertes a servi à l'élaboration de farine de poisson, tandis qu'une proportion moindre a été envoyée dans des décharges. Et la troisième alternative, comme le prévoit la législation internationale dans les situations d'urgence, et faute d'autre possibilité, sont ces deux mille tonnes qui ont été déversées dans la mer dans une fosse sous-marine de plus de trois mille mètres de profondeur, à plus de 130 kilomètres des côtes ».

Le ministre de l'Environnement a par ailleurs attribué le phénomène au seul changement climatique.

L'alerte s'est répandue sur les réseaux sociaux après que des milliers de machas mortes (couteaux) ont été découvertes sur le littoral de Cucao, à Chiloé la nuit du 25 avril 2016.

5 kilómetros de machas muertas. Emergencia ecológica, social y alimentaria en Chile. Pantallazo de la actualización pública en Facebook de Carlos Reyes Medel.

5 kilomètres de machas mortes. Urgence écologique, sociale et alimentaire au Chili. Capture d'écran de la mise à jour publique de Carlos Reyes Medel sur Facebook.

Les pêcheurs de la zone ont entamé un mouvement de protestation le 3 mai car ils estiment que le gouvernement ne les aide pas suffisamment pour pallier les pertes économiques qu'ils ont subies, et que les 100 000 pesos chiliens (environ 130 euros) proposés par l'intendant de la région à chaque famille sont insuffisants.

En guise de protestation, des routes ont été bloquées, des barricades dressées et des pneus brûlés. Les pêcheurs demandent que le gouvernement comme les multinationales de l'industrie du saumon prennent en charge les réparations économiques.

Certains utilisateurs de Twitter notent que la presse nationale n'informe pas le pays sur ces sujets.

Le documentaire intitulé « Contre le courant » [en espagnol] nous permet de mieux replacer dans son contexte la salmoniculture et les problèmes sociaux, environnementaux et économiques qu'elle a engendrés à Chiloé, à travers des témoignages qui reconstituent son histoire depuis plus de trente ans qu'elle est pratiquée au Chili.

Es un proceso parecido a un mall que construyeron ahora en Castro. Nadie se dio cuenta. No nos dimos cuenta hasta que vimos el mar sembrado.

Ce processus est semblable à ce centre commercial construit il y a peu à Castro. Personne ne s'en est rendu compte. Nous ne nous sommes pas rendus compte jusqu'à ce que nous voyions la mer recouverte.

La Gambie est en ébullition, et vous n'en savez rien

samedi 7 mai 2016 à 15:25
People waving in a protest against president Yahya Jammeh in the Gambia.

Des participants agitent la main dans une manifestation contre le président Yahyah Jammeh en Gambie. Photo : Youtube

La Gambie, minuscule pays d'Afrique de l'Ouest, a connu le mois dernier une agitation sans précédent. Les manifestations sont passées quasi inaperçues dans les médias internationaux, en partie du fait de la répression exercée par l'imprévisible chef de l'Etat Yahya Jammeh.

En avril 2016, le mouvement a commencé par une manifestation pacifique pour réclamer des réformes électorales, dirigée par Ebrima Solo Sandeng, le chef des jeunes du parti principal d’opposition, United Democratic Party (UDP). A la fin, la manifestation fut encerclée par les forces de l'ordre qui mirent en garde à vue Sandeng et plus d’une douzaine d’autres sympathisants de l’UDP qui avaient rejoint le rassemblement.

48 heures après ces arrestations, on a appris que Sandeng et deux autres membres de l’UDP étaient morts en garde à vue. Ce qui a provoqué des nouvelles manifestations, désormais menées par le chef de l‘UDP Ousainou Darboe, qui a demandé la libération des manifestants restants, vivants ou morts.

Après une marche d’à peine 300 mètres, Darboe et au moins deux douzaines de sympathisants ont été arrêtés par la police. Certains ont été libérés, mais Ousainou Darboe et 19 autres restent en garde à vue, mis en accusation mais en attente d’une audience. Ils sont depuis apparus plusieurs fois devant un tribunal sous haute surveillance, tandis que leurs familles, leurs camarades du parti, et les sympathisants viennent en grand nombre devant le tribunal scander des messages de solidarité et demander leur libération.

Plusieurs vidéos et images sont apparues sur les réseaux sociaux gambiens montrant des centaines de gens qui protestent contre ce qu’ils ont appelé le « régime meurtrier » du pays.

Solidarité avec les détenus

Une grande foule a été vue en train de se diriger vers la maison d’Ousainou Darboe, en scandant « nous demandons à voir Solo Sandeng vivant ou mort ».

Manifestants en #Gambie qui exigent que le pouvoir présente Sandeng « vivant ou mort » après qu’il a été porté disparu suite à son arrestation

Protestors in Banjul in the Gambia. Photo taken from the main opposition party (UDP) Facebook page.

Des manifestants dans la capitale gambienne Banjul. Photo : page Facebook du parti UDP.

Les utilisateurs des réseaux sociaux décrivent les manifestations comme un grand acte de défi à l’encontre du président Yahyeh Jammeh.

The PIU [Police Intervention Unit] and police being address about why change must happen. Bravo youths.#Banjul high Court. The ground for defiance

La PIU [l’Unité d’Intervention de la Police] et la police sont affrontées au sujet des changements nécessaires. Bravo les jeunes. Cour Suprême de #Banjul. Le terrain du défi.

Le rôle de la religion

Plus que 90 % de la population gambienne est musulmane. En décembre 2015, Jammeh, un musulman et guérisseur religieux autoproclamé, a déclaré que le pays est une république islamique, mais beaucoup ont contesté cette affirmation.

En Gambie, les figures politiques utilisent souvent les cultes religieux pour gagner en popularité, tandis que les chefs religieux monnaient des faveurs avec ceux qui fréquentent les allées du pouvoir. Dans un pays majoritairement musulman, il n'est pas étonnant que les manifestants aient évoqué des sentiments religieux dans leurs actions revendicatives.

Un groupe de femmes est venu au tribunal, brandissant des calebasses et scandant des slogans de liberté pris de l’hymne national. (Brandir des calebasses est considéré comme une sorte de malédiction dans la culture africaine et une démonstration de détermination pendant les temps difficiles).

De façon similaire, un autre groupe de manifestants, dirigé par plusieurs imams locaux, est venu à la Cour Suprême en scandant des louanges envers Dieu.

Entre-temps, les tribunaux ont à plusieurs reprises invoqué des détails techniques pour refuser aux manifestants détenus la liberté provisoire. Le procès se poursuivait jeudi 5 mai 2016 avec une audience sur la liberté provisoire. De nombreux partisans de l’UDP et sympathisants sont attendus. Mais des analystes disent que les actions pour faire traîner le procès visent à décourager les manifestants et tuer lentement l’enthousiasme pour le changement généré par l’opposition.

Absent de l'audience

Beaucoup s’inquiètent de la sécurité des huit activistes arrêtés durant les manifestations, qui ne sont apparus devant aucun tribunal. Solo Sandeng et deux autres qui seraient morts en détention sont parmi les huit. La disparition sans traces est une occurrence fréquente en Gambie.

Amnesty International et beaucoup d’autres organisations de défense des droits humains ont exigé la libération de tous les détenus.

La CIA ‘live-tweete’ cinq ans après les faits le raid qui a tué Ben Laden, les Pakistanais s'interrogent

vendredi 6 mai 2016 à 22:13

Un portrait d'Oussama Ben Laden. Photo Adam Jones via Flickr. CC BY-SA 2.0

Pour le cinquième anniversaire de la mort du chef d'Al Qaida Oussama Ben Laden, la CIA, le service de renseignement extérieur des Etats-Unis, a choisi de reconstituer les événements de cette journée en tweetant comme si c'était en temps réel l'opération qui a tué celui-ci.

Ben Laden a été tué par des commandos de Navy Seals de la Marine des Etats-Unis le 1er mai 2011, lors d'un raid nocturne dans sa résidence-cachette d'Abbottabad au Pakistan. Les tweets postés par la CIA en 2016 comprennent des informations horodatées de l'opération et des plans des lieux, sous le hashtag #UBLRaid.

#CeJour 2011 : Un raid aérien US à Abbottabad, Pakistan a tué Oussama Ben Laden.

Les tweets en “live” ont reçu un accueil mitigé des internautes et ont ravivé les critiques sur l'opacité de l'opération et ses contre-coups par la suite au Pakistan. Phillip Carter, chercheur principal et directeur du Centre pour une Nouvelle sécurité américaine, exprime un avis de l'armée américaine :

Je comprends le désir de la CIA de pavoiser, mais tweeter le raid paraît contraire à l'éthique et au jugement de la communauté du renseignement

Il n'était pas le seul à penser ainsi. D'autres ont contesté avec lui l'intérêt de tweeter l'opération cinq ans après :

[@CIA 1:51 pm EDT (heure de la côte Est)  – L'hélicoptère quitte l'Afghanistan pour le compound à Abbottabad, Pakistan] Au moment précis où le Pakistan est sur le point d'éliminer le terrorisme, la CIA décide d'ouvrir les détails de l'opération qu'elle cachait depuis cinq ans

[@CIA Pour marquer le 5e anniversaire de l'opération Oussama Ben Laden à Abbottabad nous allons tweeter le raid comme s'il se déroulait aujourd'hui] Je vais grimper sur mon toit et hurler comme si je voyais les hélicoptères en ce moment même

Certains internautes ont été désorientés par le hashtag #UBLRaids, car le nom du chef terroriste est plus couramment orthographié Oussama Ben Laden et au Pakistan UBL est l'acronyme d'une banque, United Bank Limited.

Usama ? #UBLRaid ? Pas Oussama ? #OBL ? C'est quoi ça ? Pourquoi ?

Moi qui croyais que #UBLRaid était un événement promotionnel de @UBLDirect

quand le distributeur de billets avale votre carte pour la 100e fois #UBLRaid

Il y a bien eu un compte Twitter qui a tweeté en live l'opération en 2011, celui de Sohaib Athar, un consultant informatique qui habitait Abbottabad à l'époque. Il a commencé à tweeter sur la “rare” apparition d'un hélicoptère dans le quartier, avant d'en comprendre plus tard la signification.

Voici quelques-uns de ses  tweets cette nuit-là :

Un hélicoptère fait du sur-place au-dessus d'Abbottabad à 1h du matin (rare événement)

L'hélicoptère/OVNI d'Abbottabad a été abattu près du quartier de Bilal Town, on dit qu'il y a eu un éclair. Des gens disent que ça pourrait être un drone.

Oh oh, voilà que c'est moi le type qui a blogué en temps réel sans le savoir le raid contre Oussama

Une retombée : la méfiance accrue contre les vaccinations

Les commandos de Navy Seals américains ont eu beau se retirer aussi vite qu'ils étaient venus sitôt après avoir tué Ben Laden, leur action a eu un effet de longue durée sur le Pakistan, dont ne disent mot les tweets presque festifs de la CIA.

L'annonce de la sépulture en mer de Ben Laden ne présageait rien de bon pour l'opinion pakistanaise en général. Puis des questions plus graves se sont fait jour.

Selon la version la plus célèbre de l'histoire, la CIA avait travaillé plusieurs années dans l'ombre au Pakistan, pour finalement identifier un courrier et découvrir le compound d'Abbottabad où vivait Ben Laden. L'agence aurait alors monté un pseudo-programme de vaccination contre l'hépatite C avec pour objectif d'obtenir des échantillons d'ADN en provenance du compound.

Lorsque la ruse de la vaccination a été connue, les travailleurs de la santé au Pakistan ont subi de graves conséquences en retour. Aujourd'hui encore, beaucoup de gens au Pakistan croient que les vaccins anti-polio sont du poison, ou un complot de l'Occident pour détruire les musulmans, ou encore un moyen de stopper la croissance démographique dans le pays. La fausse campagne de vaccination de 2011 a, pense-t-on, renforcé cette méfiance contre les vaccins.

Pire, les rebelles talibans ont aussi soupçonné les vaccinateurs de collecter secrètement des renseignements pour les USA. Les équipes de vaccination contre la polio sont devenus des cibles d'assassinat.

Sept policiers qui protégeaient une équipe de vaccination anti-polio tués par balles au Pakistan.

Quelle transparence ?

Des journalistes d'investigation ont pointé l'absurdité des tweets de la CIA, face au manque de transparence des autorités sur le raid.

Selon le site états-unien MuckRock, qui assiste quiconque fait une demande d'information auprès de l'administration en vertu du Freedom of Information Act (FOIA, la loi sur le droit à l'information), le Département américain de la Défense refuse de fournir toute archive en rapport avec le raid qui a tué Ben Laden. Sur son site web, MuckRock a raconté que lorsque l'agence d'information Associated Press a présenté plus de 20 requêtes FOIA en lien avec l'affaire, la réponse reçue a été qu'il [le Département américain de la Défense] était dans l'incapacité de localiser la moindre archive. MuckRock a reçu une réponse identique.

Les tweets de la CIA sur le raid Ben Laden sont d'autant plus offensants vu leur refus de publier les documents FOIA [Transfert succès des documents Ben Laden à la CIA]

Cinq ans après, de nombreux Pakistanais ressentent encore l'insuffisance de divulgation publique sur les circonstances de l'opération militaire qui a conduit à la mort de Ben Laden. Ce ne sont pas les tweets de la CIA qui vont y remédier.