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Les Jamaïcains restent fidèles à leur sprinteur superstar Usain Bolt malgré les scandales dans les tabloïds

dimanche 11 septembre 2016 à 14:23
Image: Charis Tsevis / Flickr / CC 3.0

Image: Charis Tsevis / Flickr / CC 3.0

[Billet d'origine publié le 30 août 2016. Tous les liens mentionnés sont en anglais, sauf mention contraire]

L'excitation des Jeux de Rio commence tout juste à s’estomper, la vie reprend son cours normal et les entraînements redémarrent en Jamaïque. Le pays reste heureux et évoque encore les exploits de ses athlètes, en particulier ceux de son sprinteur vedette, Usain Bolt.

Durant la deuxième semaine de compétition, les réseaux sociaux jamaïcains ont été submergés de tweets de célébration et de photos, notamment du « GOAT » (Greatest Of All Time, soit « Le plus grand de tous les temps ») Usain Bolt, qui a réussi son « Triple Triplé ». Le journaliste sportif Andre Lowe a écrit:

Will we ever see a more dominant track and field athlete in the Olympic Games? Will we ever see another so capable of capturing the world's imagination?

There can be no doubt that Usain Bolt is the greatest track and field athlete this world has ever seen, and, last night, the world watched as he won his ninth Olympic gold medal to secure a third consecutive triple gold-medal performance at the Olympic Games.

It has never been done before.

His nine gold medals take him to the top of the list of Olympic track and field athletes, and he signs off an Olympic career unlike any before.

Avons-nous jamais vu un athlète plus dominateur sur la piste aux Jeux Olympiques ? Verrons-nous jamais quelqu’un aussi capable d’attirer l’attention du monde ?

Il ne fait aucun doute qu’Usain Bolt est le plus grand sprinteur que le monde ait connu et, la nuit dernière, le monde l’a vu remporter une neuvième médaille d’or olympique consécutive, assurant un troisième triplé de titres olympiques.

Personne n’avait jamais accompli pareil exploit.

Ses neuf médailles d’or l’ont amené tout en haut de la liste des athlètes olympiques ; il a conclu une carrière olympique à nulle autre pareille.

Le dernier jour des Jeux Olympiques, les Jamaïcains ont souhaité un joyeux anniversaire à leur héros, qui fêtait ses 30 ans. Bolt répondit alors sur Instagram :

Thanks for all the birthday wishes my peeps. I am beyond blessed to share my 30th birthday with you all. #Blessed

Merci pour tous vos vœux, mes amis. Je suis plus qu’heureux de partager mon trentième anniversaire avec vous tous. #Béni

Presque immédiatement après, les tabloïds britanniques ont tenté de gâcher la fête en publiant des photos et vidéos de Bolt, accompagné de femmes dans un night-club puis de soi-disant selfies (peut-être retouchés) de lui avec une autre femme dans un lit – prétendument pris pendant sa fête d’anniversaire. Alors que les Jamaïcains ont largement ignoré ces faits, de nombreux jeunes Jamaïcains ont été particulièrement irrités par l’attention portée à la vie privée de Bolt. L’un d’eux écrivit au journal The Gleaner:

It is really disappointing that in 2016, an adult in full control of his faculties consensually kissing whomever he wants (and, perhaps, consensually engaging in intercourse with them) is a news item for more than 10 seconds. For some curious reason, we are obsessed with the sexuality and sexual activity of others instead of being invested in fixing the nation's problems. Priorities?

First, Omar McLeod's Olympic moment was soured by conversations and an unfortunate tweet from LASCO's Twitter account regarding his sexual orientation. Whether he is gay or straight is of no concern to anyone, and certainly not right after he won Jamaica's first gold medal in the men's 110m hurdles.

Now that the dust has mostly settled, persons are now turning up their noses at Olympic legend Usain Bolt for partying and womanising. This must be a joke.

I have never understood how people in a country with such a high rate of crime and violence can afford to be so judgmental and self-righteous regarding issues of sexuality.

Il est vraiment décevant qu’en 2016, le fait qu’un adulte en pleine possession de ses moyens embrasse de façon consentie n’importe qui (et, peut-être, ait eu des rapports sexuels consentis avec il ou elle) fasse l’actualité pendant plus de 10 secondes. Pour une curieuse raison, nous sommes obsédés par la sexualité et celle des autres, au lieu d’être focalisés sur les problèmes de la nation. Les priorités ?

Tout d’abord, le triomphe olympique d’Omar McLeod a été terni par des discussions et un tweet malencontreux du compte de LASCO concernant son orientation sexuelle. Qu’il soit gay ou hétérosexuel ne regarde personne, et certainement pas après qu’il a rapporté à la Jamaïque sa première médaille d’or de l’histoire sur 110m haies.

Maintenant que le sujet est clos, les gens mettent leur nez dans la vie de la légende olympique Usain Bolt pour s’être amusé et courir les femmes. J’espère que c’est une blague.

Je n’ai jamais compris comment les gens, dans un pays ayant un tel taux de crime et de violence, peuvent se permettre de juger et de donner des leçons concernant la sexualité des autres.

Cette lettre fait suite à une autre envoyée plus tôt et exprimant sa désapprobation concernant l’attitude de Bolt :

The circulation of pictures and videos of Usain Bolt with numerous women in somewhat compromising positions over the past few days is nothing short of disgraceful. As someone who is emulated by so many youth in Jamaica – and around the world – his recent behaviour depicts so much that is wrong with our society.

Role models carry a huge responsibility. Mr Bolt, despite all his money and fame, should be pulled aside and reminded of that fact.

It is sad that when persons criticise out of love, they are labelled as being ‘bad-mind’ or ‘haters’. The author of this letter does not fit either category, but I simply don't want Usain to become the ‘Emperor’ in the story flaunting his ‘new clothes’ where no one can criticise or guide him when he is veering so desperately off path.

La circulation de photos et vidéos d’Usain Bolt entouré de nombreuses femmes dans des positions compromettantes ces derniers jours est simplement une honte. Pour quelqu’un qui est un modèle pour tant de jeunes en Jamaïque – et partout dans le monde – son récent comportement montre ce qui ne va pas dans notre société.

Les modèles ont une grande responsabilité. M. Bolt, malgré tout son argent et sa célébrité, doit être pris à part pour qu'on lui rappele cela.

Il est triste que lorsque des personnes critiquent par amour, elles sont qualifiées de « mauvais esprit » ou de « haineuses ». L’auteur de cette lettre ne fait partie d’aucune de ces catégories, mais je ne veux tout simplement pas qu’Usain devienne « l’Empereur » exhibant ses « nouveaux vêtements », où personne ne peut le critiquer ou le guider lorsqu’il dévie de son chemin.

Même l’ancien Premier Ministre Bruce Golding, qui a attribué l’Ordre de la Jamaïque à Bolt en 2009, donna son point de vue :

Bolt's management would clearly have dropped the ball, but he himself would have to take responsibility for his actions. Hopefully, this will be a wake-up call for him. I know he is smart and responsible enough to understand that he carries on his shoulders and in his persona the pride and adulation of millions of Jamaicans here and abroad, and I know him well enough to assert that he would never want to let them down. […] This can pass and I am counting on him to make it pass.

Le management de Bolt a clairement baissé les bras, mais il devrait lui-même prendre ses responsabilités quant à ses actes. Espérons qu'il y aura une prise de conscience. Je sais qu’il est intelligent et assez responsable pour comprendre qu’il porte sur ses épaules la fierté et l’adulation de millions de Jamaïcains ici et à l’étranger, et je le connais assez pour affirmer qu’il n’oserait jamais les abandonner […] Cela peut être oublié et je compte sur lui pour cela.

La journaliste Barbara Gloudon a écrit une note très personnelle dans sa chronique hebdomadaire :

Our hero was winning all the way up to last Sunday night. His supporters were witnessing “nuff respect” from Rio to the end of the world, because the real Big Man never ‘ramp’ when it came to striking gold. Now, our hero has found himself mixed up in a tacky scandal, distracting from his great triumph, which he earned so well, just as we expected.

There was our hero, gold to the core, descending from the heights of success to a sleazy game. The gossip magazines are abuzz and social media is afire. The latest news is that he is currently in London, where he is partying so tell with lotta damsels, en route to another marathon round.

Is my hero taking everybody for a ride, or are they messing with him? Maybe, but not everybody takes it for a joke. Nobody is expecting him to enter the priesthood, forgetting how to party and have a good-good time. But, do Bredda, nuh mek dem tek you mek poppyshow. They will do it! If Marcus Garvey was here, he would remind you how they work it.

One thing I would ask of my hero. At age 30, he is no longer a yute. Do, brethren, you mean nuff and plenty to us. We want to see you, our bright-bright star, for as long as you can shine. Protect yourself, brother. Rise up! All a we want nothing but the best for you. Yeah, man! All a we and you a cousin! So, shine for all a wi!

Notre héros a tout gagné jusqu’à dimanche soir. Ses supporters lui ont témoigné assez de respect, partout à travers le monde, car ce véritable « Big Man » n’a jamais baissé les bras lorsqu’il s’agissait de s’emparer de l’or. Désormais, notre héros se trouve englué dans un scandale de mauvais goût, se détournant de son triomphe, pour lequel il a tant gagné, comme nous l’espérions.

C’était notre héros, couvert d’or jusque dans son cœur, passé du sommet de l’Olympe à une histoire sordide. Les magazines people sont en effervescence et les réseaux sociaux se sont enflammés. Les dernières informations affirment qu’il est actuellement à Londres, où il s’amuse avec un tas de demoiselles, en route pour un autre type de marathon.

Mon héros est-il en train de courir après tout le monde, ou est-ce l’inverse ? Possible, bien que tout le monde ne prenne pas cela à la légère. Personne ne s’attend à ce qu’il se fasse prêtre, oubliant comment faire la fête et prendre du bon temps. Mais, mon gars, ne te laisse pas manipuler comme une marionnette. C’est ce qu’ils feront ! Si Marcus Garvey était là, il te rappellerait comment ils le font.

J’aimerais demander une chose à mon héros. A 30 ans, il n’est plus un petit jeune. Cela signifie beaucoup et plus encore pour nous. Nous voulons te voir, notre étoile brillante, aussi longtemps que tu brilleras. Protège-toi, mon frère. Debout ! Nous ne voulons rien d’autre que le meilleur de toi. Oui ! Nous sommes tous tes frères ! Brille pour nous tous !

Un blogueur lui donna quelques conseils :

So Usain, guess what, you are different. You are not like the common man and the faster you realize that what you do is now everybody’s motivation , the quicker you will realize why this latest social media hype can be a cost in the long run that you will regret.

You are young and a wealthy man but don’t ever think that the hand that put you on a pedestal cannot break you down. How many times have we seen this happen to athletes like yourself? You are 30 years wiser. Use it. Enjoy yourself to the max, but do not give more than what you want them to see. Be careful of how you use that light that shines on you every second of the day.

With every thing comes a price and guess what buddy, being a legend has its price. If you are not prepared to pay it, then watch your legacy fade away…

Do not compromise your legacy Usain. If you keep searching for Adventure, it is ridiculously easy to find but weigh the cost Usain, as you will have to pay for the ride.. Do not get over exposed. Stay humble even when you are partying. You are not like any other man. Know that , accept that and live your life accordingly.

Talent is God given. Be humble. Fame is man-given. Be grateful. Conceit is self-given. Be careful. John Wooden

Usain, tu sais quoi, tu es différent. Tu n’es pas comme le commun des mortels et plus vite tu te rendras compte que ce que tu fais motive tout le monde, plus vite tu réaliseras pourquoi le dernier buzz des médias sociaux pourrait te coûter cher sur le long terme, et tu le regretteras.

Tu es jeune et riche, mais ne crois pas que tu ne peux pas retomber de ton piédestal. Combien de fois avons-nous vu cela chez des athlètes comme toi ? Tu as 30 ans, es plus sage. Sers-en-toi. Profite-en autant que tu le peux, mais ne donne pas plus à voir que tu ne le souhaites. Fais attention à la façon dont tu utilises la lumière qui brille sur toi chaque seconde de la journée.

Chaque chose qui t’arrive a un prix et tu sais quoi, être une légende a un prix. Si tu n’es pas prêt à le payer, tu verras ton héritage disparaître…

Ne mets pas ton héritage en danger, Usain. Si tu es en recherche d’aventure, ce n’est pas difficile, mais mesure-en le prix Usain, car il faudra le payer… Ne te surexpose pas. Reste humble même quand tu t’amuses. Tu n’es pas comme n’importe quel autre homme. Sache-le, accepte-le et vis ta en vie en conséquence.

Le talent vient de Dieu. Sois humble. La célébrité vient des hommes. La vanité vient de soi. Sois prudent. John Wooden

Mise à part la conduite de Bolt, le pays débat également de la meilleure façon de fêter les exploits historiques du sprinteur. Le révérend Devon Dick, également chroniqueur, suggéra de créer une fête nationale :

August 21, Usain Bolt's birthday, should be declared a national holiday. Bolt's unprecedented winning of the 100m, 200m and 4x100m races at three consecutive Olympics needs to be etched into the memory and psyche of every Jamaican. It speaks to our determination and resilience. It demonstrates that ‘we likkle, but we tallawah’. It reminds us that we are capable of being the best in the world. It encourages us to give of our best at all times. It shows the world that we are confident in our God-given abilities.

Le 21 août, jour anniversaire d’Usain Bolt, devrait être déclaré fête nationale. Ses trois victoires olympiques consécutives sans précédent sur 100m, 200m et 4x100m devraient être gravées dans les souvenirs et la mémoire de chaque Jamaïcain. Elles disent notre détermination et notre ténacité. Elles démontrent que « nous sommes petits, mais forts ». Elles nous rappellent que nous pouvons être les meilleurs du monde. Elles nous encouragent à donner le meilleur de nous-mêmes constamment. Elles montrent au monde que nous avons confiance dans les capacités que Dieu nous a données.

Le professeur de relations publiques et chroniqueur Hume Johnson a mentionné d’autres options, semblant vouloir accorder à Bolt le statut de Héros National de Jamaïque :

Usain Bolt is now most surely the greatest sprinter who has ever lived. Named among sporting greats such as Muhammad Ali, Michael Jordan, and Pele, the Guardian newspaper calls him “a colossally potent figure in sport's modern history”. For the rest of the world, Usain Bolt is an icon simply a legend.

How can Jamaica properly honour and truly celebrate the magnitude of the achievement of its latest global superstar?

Usain Bolt is undoubtedly one of the heroes of the modern era. He stands on the backs of others equally deserving of national hero status such as Bob Marley, Michael Manley, and Louise Bennett. Jamaican authorities must provide the nation with historical continuity by immortalising contemporary achievers of greatness. It must give young people modern heroes to learn from and model.

Modern heroes such as Usain Bolt (as well as Bob Marley) have transformed the Jamaican society, compelling a new national self-confidence, nudging us to see ourselves differently, greater.

Usain Bolt est le plus grand sprinteur de tous les temps. Nommé aux côtés d’illustres sportifs tels que Mohamed Ali, Michael Jordan et Pelé, le journal The Guardian l’a décrit comme « une figure colossalement puissante dans l’histoire du sport moderne ». Pour le reste du monde, Usain Bolt est une icône, une légende.

Comment la Jamaïque peut-elle honorer convenablement et célébrer véritablement la grandeur des performances de sa nouvelle superstar mondiale ?

Usain Bolt est indubitablement l’un des héros de l’ère moderne. A l’instar de Bob Marley, Michael Manley et Louise Bennett, il mérite le statut de héros national. Les autorités jamaïcaines devraient fournir à la nation une continuité historique en immortalisant les grands vainqueurs contemporains. Elles devraient procurer aux jeunes des héros modernes dont elles pourraient apprendre, et se servir comme modèles.

Les héros modernes comme Usain Bolt (ainsi que Bob Marley) ont transformé la société jamaïcaine, fournissant une nouvelle confiance nationale, nous encourageant à nous percevoir différemment, plus grands.

Un fan a tweeté cette suggestion:

Nous devons lui ériger une statue au National Stadium

Savoir où construire un monument à la gloire de Bolt n’est pas une petite affaire. Les résidents des campagnes paisibles de Sherwood Content [français], où Bolt est né, veulent que cette statue soit implantée dans leur ville.

En dépit des controverses, le télécom régional Digicel a rapidement réaffirmé sa foi en Usain Bolt par ce tweet :

Aujourd'hui, nous sommes heureux d'annoncer que la #LégendeVivante @usainbolt a été désigné ambassadeur à vie de Digicel.

Digicel sponsorise Bolt depuis 2004, alors qu’il venait de quitter le lycée.

Même le Prince Harry, qui organisa une “course” avec Bolt dans le pays insulaire, félicita les exploits de l’athlète à Rio :

Félicitations @usainbolt – désormais vous êtes officiellement le plus grand, vous êtes peut-être prêt pour une revanche! Joyeux anniversaire

Tous ces éloges mis à part, l'accueil sera sans doute triomphal lorsque Bolt rentrera finalement chez lui, en Jamaïque.

Les travailleuses domestiques étrangères de Singapour prennent la parole

vendredi 9 septembre 2016 à 15:37
Foreign domestic workers demand protection and better living conditions. Photo from the Facebook page of HOME

Les travailleuses domestiques étrangères réclament la protection de leurs droits et de meilleurs conditions de vie. Photo publiée sur la page Facebook de l'organisation HOME

Afin de « donner une voix à ceux qui n'en ont pas », l'organisation singapourienne de défense des droits des migrants HOME (Humanitarian Organization for Migrant Economics) offre aux travailleuses domestiques de la cité-Etat la possibilité d'écrire et de publier récits, photos et poésie sur une plateforme en ligne nommée MyVoice (Ma Voix). Le groupe fournit également assistance et refuge aux employées victimes de mauvais traitements.

Selon les chiffres officiels du gouvernement, Singapour compte actuellement 1,3 million de travailleurs étrangers enregistrés. Plus de 200 000 d'entre eux sont des employées de maison, originaires pour la plupart de pays voisins tels que les Philippines, l'Indonésie, la Birmanie et l'Inde.

Depuis quelques années, la question des mauvais traitements subis par les travailleuses domestiques et des violences perpétrées par leurs employeurs se fait de plus en plus pressante. Les cas de maltraitance sont en augmentation, et ce malgré le vote de nouvelles lois censées protéger les droits des travailleurs étrangers. Le mois dernier, un site d'information singapourien publiait un article sur les conditions proches de l'esclavage dans lesquelles vivent plus de 9 000 travailleurs migrants.

Beaucoup des récits et poèmes publiés sur MyVoice sont des témoignages bouleversants, rarement entendus et peu connus du public singapourien. Ces histoires de vie lèvent le voile sur les difficultés rencontrées par les domestiques étrangères, des jeunes femmes pour la plupart, ayant laissé derrière elles des familles souvent très pauvres, dans l'espoir de trouver de meilleures opportunités à Singapour.

L'une d'entre elles, Myrna Javier, évoque dans un poème un enfant dont la mère travaille à l'étranger. En voici un extrait :

Father, where is my dearest Mama?
Tearfully ask the little one.
Papa can’t give her the right answer
That Mama went to seek for a job on a foreign land
To give us all the better life and free us all from all this strife.

Suppressed happiness in exchange of a dime to a dollar.
Scarcity, of everything, shelter, food and tattered clothes
Simple yet happy filled with love and unity.

Hush dear child, be patient and good.
Dear Mama will be home
Until then let’s smile at the sun and moon
She’ll be with us forever soon

Père, où est ma chère Maman ?
Demande le petit les larmes aux yeux.
Papa ne peut lui dire la vérité,
Que sa maman est allée travailler loin d'ici
Afin de leur offrir une vie meilleure, leur épargner toutes ces souffrances.

Qu'elle a mis son bonheur de côté pour quelques centimes de dollars.
Malgré le manque de tout, d'abri, de nourriture, les vêtements en lambeaux
Nous vivions une vie simple mais heureuse, emplie d'amour, ensemble.

Ne pleure pas mon enfant, sois sage et patient
Ta chère Maman reviendra
En attendant, souris au soleil et à la lune
Bientôt, elle sera avec nous pour toujours.

Members and volunteers of HOME hold a solidarity event for a detained Filipino domestic worker in Indonesia. Photo from the Facebook page of HOME

Des membres et des bénévoles de HOME lors d'un rassemblement organisé en solidarité avec une employée de maison philippine emprisonnée en Indonésie. Photo publiée par la page Facebook de HOME.

Le poème de Bhing Navato relate l'expérience de beaucoup de travailleuses domestiques ayant subi des mauvais traitements et cherchant de l'aide auprès de groupes tels que HOME :

When I decided to leave my country,
The hardest part was leaving my family.
When I looked at my children, it broke my heart
My husband’s teary eyes tore me apart.

I arrived here full of hope,
I prayed day by day so I could cope.
With three houses to clean in a week,
Rice and eggs for my meals, it really made me weak.

My sleeping area was inadequate,
Although I had a mattress, a pillow and a blanket.
Beside the fish tank was my place to sleep.
Every night, I told the fish,
You’re lucky, you have a crib.

I almost lost my temper one day
When she came to me with only harsh words to say.
I looked at her and thought this way:
The day will come when I will have my way.

Finally it happened, I finished my contract,
Asked for a transfer, but she wanted to send me back.
I was surprised, it was really unfair
I worked so hard, she didn’t even care.

So I decided to leave without permission,
Running away was my only option.
I went to HOME, they guided me all along,
They helped me in everything, taught me how to be strong.

Lorsque j'ai décidé de quitter mon pays,
Le plus difficile fut de quitter ma famille.
Regarder une dernière fois mes enfants m'a brisé le cœur,
Les yeux pleins de larmes de mon mari m'ont dévastée.

Je suis arrivée ici pleine d'espoir,
J'ai prié tous les jours pour m'en sortir
Mais avec trois maisons à nettoyer par semaine,
Du riz et des œufs comme seul repas, mes forces m'ont vite quittée.

Mon lieu de couchage n'en était pas un,
Bien que je dispose d'un oreiller, d'une couverture et d'un matelas.
Je dormais à côté de l'aquarium,
Et chaque nuit disais au poisson
Tu as de la chance d'avoir un chez-toi.

J'ai failli perdre mon calme un jour
Lorsqu'elle s'en est prise à moi de ses mots durs
Je l'ai regardée et ai pensé
Un jour viendra où je pourrai agir comme je l'entends.

C'est finalement arrivé, mon contrat s'est terminé
J'ai demandé à être changée de maison, mais elle a voulu me renvoyer chez moi
J'étais surprise, c'était tellement injuste
J'avais travaillé si dur, elle n'en a pas fait cas.

J'ai donc décidé de partir sans sa permission,
M'enfuir était ma seule option.
J'ai trouvé HOME, et ils m'ont accompagnée,
M'ont aidée en tout point et m'ont appris à être forte.

Desi, une employée de maison indonésienne elle aussi victime d'abus, a désormais trouvé sa vocation : aider les autres

Though clueless about Singapore when I arrived in 2014, I was filled with hope. But, only a few days into my work, my employer started to abuse me very badly. A friend helped me escaped after seeing the fear in my eyes and black and blue swelling on my face.

HOME took me into their shelter. I was traumatized, frightened and extremely sad. It was a good intention that brought me to work in Singapore and I cannot understand why I was treated so horribly. That was probably why so many people came to help me.

Even though my family is far away, I have many friends who are very supportive. I don’t have to be embarrassed about my mistreatment because I have done nothing wrong. Now I have found a new dream, a mission in life: helping others. But first, I have helped myself.

Je ne connaissais rien de Singapour en y arrivant en 2014, mais j'étais pleine d'espoir. Quelques jours seulement après le début de mon contrat, mon employeur a commencé à me violenter. Un ami m'a aidée à m'échapper après avoir lu la peur dans mes yeux et constaté les bleus apparus sur mon visage.

HOME m'a abritée et protégée. J'étais traumatisée, terrorisée et extrêmement triste. J'étais venue travailler à Singapour pleine de bonnes intentions, et je n'arrive pas à comprendre la raison pour laquelle j'ai été si mal traitée. C'est probablement ce pourquoi tant de gens m'ont aidée.

Bien que ma famille se trouve à des centaines de kilomètres, je bénéficie du soutien de nombreux amis. Je n'ai pas à avoir honte des mauvais traitements que l'on m'a fait subir car je n'ai rien fait de mal. J'ai à présent un nouveau rêve, un but dans la vie : aider les autres. Mais avant d'en arriver là, j'ai d'abord dû venir à mon propre secours.

Ce poème de Rosita Madrid Sanchez illustre le sort de ces domestiques qui apprennent petit à petit à faire valoir leurs droits :

As a foreign domestic worker, I have been away for 7 years, and within these years, I have been blindfolded myself. My rights were taken away by my employers and they took away the real me. I just let it go for the sake of earning dollars to send home for my kids.

I can’t be happy, I can’t be sad, I can’t feel the feeling of being a mother because I don’t have the rights to feel so. But you as an employer, do you feel the sadness when you are away from your kids, when you go overseas for work? Do you feel that from hearing the voice of your kids you will know if they are ok? How about me? I am a mother too, I am also human. I can feel these feelings, I can feel all that you can.

But starting this day, I am standing for myself. I am standing for my kids and I am standing for their future, for my future. Stop discrimination. Stop being blindfolded.

Travaillant en tant que domestique à l'étranger, j'ai été loin de mon pays durant 7 ans, et toutes ces années, j'ai fermé les yeux. Mes employeurs m'ont déchue de mes droits et ont fait de moi une toute autre personne. Je laissais tout passer pour pouvoir gagner quelques dollars à envoyer à mes enfants restés au pays.

Je ne pouvais pas être heureuse, je ne pouvais pas être triste, je ne pouvais plus ressentir ce que c'était d'être mère, car je n'en avais pas le droit. Mais toi, toi qui m'emploies, ressens-tu de la tristesse lorsque tu es loin de tes enfants, lorsque tu vas travailler à l'étranger ? Penses-tu qu'il te suffit d'entendre leur voix pour t'assurer qu'ils aillent bien ? Et moi alors ? Je suis une mère aussi, je suis humaine comme toi. Je peux ressentir tout ça, je ressens tout ce que tu ressens.

Dorénavant, je relèverai la tête et prendrai ma vie en main. Je me lève pour mes enfants et je me lève pour leur avenir, pour le mien. Les discriminations doivent cesser. Arrêtons de fermer les yeux.

Maria Allen Cellan encourage les travailleurs migrants comme elle à poursuivre leurs rêves :

Whatever our dreams are, we should never stop reminding ourselves why we are in a foreign country, working hard. We should always be thinking about what’s possible for us in our lifetime. I am pretty sure that most of us don’t want to spend the rest of our lives working overseas and away from our families. We need to keep our dream alive in our hearts, even as we are pushed to work harder and harder every day, enduring all the pains caused by work, all the sleepless crying nights, the homesickness, the starvation and even the lack of freedom and dignity for ourselves. All this endurance should not be wasted.

Quels que soient nos rêves, nous ne devrions jamais oublier pourquoi nous sommes dans un pays étranger, à travailler dur. Nous devrions toujours garder à l'esprit les possibilités que la vie nous offre. Il est certain que la plupart d'entre nous ne veulent pas passer le reste de leur vie à travailler loin de chez eux et de leur famille. Nous devons garder vivants nos rêves au fond de nos cœurs, même lorsque nous sommes obligées de travailler de plus en plus dur chaque jour, d'endurer les souffrances dues au travail, toutes ces nuits à rester éveillées et pleurer, le mal du pays, la faim et même la privation de liberté et de dignité. Tous ces sacrifices ne devraient pas être vains.

Pourquoi tant d'érythréens essayent de quitter le pays au péril de leur vie?

vendredi 9 septembre 2016 à 12:19
Capture d'écran de la vidéo sur L'Erythrée Viens et Vois de Petit-Oeil

Capture d'écran de la vidéo sur L'Erythrée Viens et Vois de Petit-Oeil

En 2014, les érythréens ont été la deuxième nationalité d'origine des immigrés arrivés en Europe. Au cours de l'été 2015, leur pays a été le troisième pourvoyeur de migrants arrivant en Europe par la Méditerranée. Parmi ceux qui perdent la vie pendant celle traversée, plus de la moitié sont des érythréens.

Le 8 juin dernier la Commission d'enquête de l'ONU sur la situation des droits de l'homme en Érythrée a publié son dernier rapport dénonçant la nature totalitaire du gouvernement érythréen, l'ampleur des crimes contre l'humanité perpetués dans le pays qui sont commis de manière  systématique dans le pays depuis 25 ans.

Présentant le rapport  M. Mike Smith, Président de la Commission d'enquête de l'ONU a déclaré dans un communiqué de presse:

L'Érythrée est un État autoritaire. Il n'y a pas de système judiciaire indépendant, pas d'assemblée nationale et il n'y a pas d'institutions démocratiques en Érythrée. Cela a créé un vide de gouvernance et d'état de droit qui entraîne un climat d'impunité propice aux crimes contre l'humanité qui sont commis depuis plus d'un quart de siècle. Ces crimes se produisent encore aujourd'hui.

Il n'existe aucune véritable perspective que le système judiciaire érythréen traduise en justice, de manière équitable et transparente, les auteurs présumés de ces crimes.

Le service national a transformé l'Érythrée en une prison collective où les forces de sécurité peuvent tirer sur quiconque surpris entrain de s'échapper. Source diplomatie.gouv.fr

Le service national a transformé l'Érythrée en une prison collective où les forces de sécurité peuvent tirer sur les personnes qui tentent de quitter le pays. Source diplomatie.gouv.fr

Dans un langage inhabituel pour un document produit par l'ONU, le rapport n'y va pas par quatre chemins pour dénoncer les abus de toute nature dont sont victimes les érythréens:

Selon ce rapport, les crimes de réduction en esclavage, d'emprisonnement, de disparitions forcées, de torture, de persécution, de viol, de meurtre et d'autres actes inhumains ont été commis dans le cadre d'une campagne généralisée et systématique visant à instiller la peur, à dissuader l'opposition et à contrôler la population civile érythréenne depuis que les autorités érythréennes ont pris le contrôle du territoire érythréen en 1991.

La vidéo de Geopolitis de la TV suisse ci-dessous publiée sur Youtube tente de répondre à quelques questions:

Pourquoi tant d’Erythréens cherchent-ils à fuir leur pays au risque d’y perdre la vie? Que se passe-t-il dans ce pays si méconnu? Geopolitis dresse le portrait de ce pays tourmenté de la corne de l’Afrique.

Denise Graf, Coordinatrice asile, Amnesty International, invitée par l'émission explique les conditions de vie dans le pays, l'incertitude des familles et les difficultés d'obtention du statut de réfugié en Suisse:

En 2014, ils ont été près de 7000 à demander l’asile en Suisse. Les Erythréens forment aujourd’hui le plus gros contingent de réfugiés en Suisse. A l’échelle européenne on totalise 46000 Erythréens demandeurs d’asile. D’après les chiffres de l’ONU, les départs se comptent en centaines de milliers. Une fuite massive qu’il est difficile d’évaluer, tant l’Erythrée est un pays mal connu. C’est un pays jeune qui a acquis son indépendance en 1993 après trente ans de guerre avec son grand voisin, l’Ethiopie. Mais le pouvoir en place depuis l’indépendance est considéré comme l’un des plus répressifs du monde. Les arrestations arbitraires se multiplient et les jeunes sont astreints à un service militaire parfois interminable.

À son tour, dans son rapport 2015/2016, l'organisation non gouvernementale Amnesty International décrit le système de service national et le sort des enfants nés au pays:

Les Érythréens continuent d'être soumis à un service national obligatoire pouvant être prolongé indéfiniment. Ce système relevait du travail forcé. Une proportion importante de la population était ainsi enrôlée pour une durée indéterminée, pouvant aller jusqu'à 20 ans…

Des enfants ont continué d'être enrôlés pour un entraînement militaire en vertu de l'obligation pour tous les élèves de passer leur dernière année de lycée dans le camp militaire de Sawa, où ils étaient soumis à des conditions de vie très dures et à une discipline de type militaire, et formés au maniement des armes. Certains enfants ont abandonné l'école prématurément afin d'échapper à cet enrôlement. Des enfants ont aussi été enrôlés pour l'entraînement militaire lors de rafles organisées par l'armée pour trouver des personnes s'étant soustraites au service national.

Dans un article Stefania Summermatter, traduit de l'italien et publié sur swissinfo.ch en septembre 2014, dans le cadre du projet d’En Quête d’Ailleurs (eqda), décrit l'expérience du réfugié éryhtréen M. Mebrathon :

Mebrathon a été enrôlé dans l’armée à 16 ans. «Au début, j’étais de garde sur la frontière avec l’Ethiopie. Nous avions l’ordre de tirer sur quiconque tentait de passer. J’ai travaillé jour et nuit pour un salaire de 450 naktfa, soit environ 30 dollars». La première fois qu’il a cherché à s’échapper, il avait un peu plus de 30 ans. Mais les soldats l’ont pris, mis dans une cellule souterraine et torturé. Mebrathon allume une cigarette et l’on peut voir que ses poignets portent encore la marque des menottes.

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Dans un billet paru sur le blog horizonsdumonde.mondoblog.org, Fabien Leboucq écrit à propos de la situation de l'Érythrée:

Depuis la fin de la guerre d’indépendance avec l’Éthiopie, le pays est toujours en état d’urgence. “L’armée et le régime ont les plein pouvoirs, et tous les opposants sont des traîtres” poursuit l’universitaire. Selon lui, des personnes sont emprisonnées depuis plus de quinze ans, sans jugement, pour avoir demandé les élections normalement prévues par la Constitution. En un quart de siècle, les Érythréens n’ont jamais voté.

« Il n’y a pas de liberté politique, religieuse, économique, et pour éviter le service national, les gens entrent dans la clandestinité ou fuient. » Alain Gascon en est sûr : le service national, qui existe depuis la naissance de l’État érythréen, serait l’une des principales causes de l’hémorragie migratoire que connaît le pays.

Ce ne sont pas seulement les citoyens ordinaires qui cherchent à fuir par tous les moyens au risque de leur vie. En effet, Franck Gouéry rappelle dans un billet paru sur le site amnesty.fr:

Il y a deux ans, le coureur de fond et porte-drapeau érythréen Weynay Ghebreselasie prend la poudre d’escampette en plein Jeux olympiques à Londres. En 2012, le ministre de l’Information profite d’un voyage d’affaires en Allemagne pour fuir son pays. Cette même année, deux pilotes de l’Eritrean Defense Force font défection avec l’avion présidentiel qu’ils posent en Arabie saoudite.errestre

En 2007, 2009, 2011, 2012, 2013, ce sont des membres de l’équipe nationale de football qui se mettent hors-jeu à l’occasion de compétitions internationales, pour atteindre un tout autre but : l’asile politique. Ceux-là ont fui l’Érythrée dans des circonstances exceptionnelles. Mais tous les Érythréens n’ont pas la chance de partir si facilement.

L'Érythrée est en situation de guerre permanente avec ses deux uniques voisins terrestres, l'Éthiopie et Djibouti.

Surveiller ceux qui surveillent : un outil de Tactical Tech

jeudi 8 septembre 2016 à 20:14
Screen capture from shadow video, by Tactical Technology Collective.

Capture d'écran de la vidéo “Me and My Shadow” (Moi et mon ombre), par Tactical Technology Collective.

Écrit par Fieke Jansen et Maria Xynou du Tactical Technology Collective 

Lorsqu'on pense à la surveillance, on tend à oublier que de nombreuses activités de notre quotidien, comme la lecture des nouvelles en ligne, sont enregistrées et collectées à des fins commerciales. Cela est souvent fait à notre insu, sans notre consentement éclairé,  et constitue une véritable mine d'or pour les analystes de données et pour l’industrie de données. Cette industrie est opaque, car lorsqu'on consulte des sites Web, on ne peut pas savoir quelles sont les entreprises qui nous surveillent, ni comment nos données sont gérées ni avec qui celles-ci sont partagées ultérieurement.

Tactical Technology Collective travaille pour explorer et visualiser l'industrie de données au moyen de Trackography, un nouvel outil libre qui permet aux utilisateurs de savoir qui les surveille et vers où vont leurs données lorsqu'ils consultent des sites Web de médias.

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Nous publions des articles des projets de nos partenaires dans le but d'aider les lecteurs à découvrir d'autres projets libres, développés par des organismes sans but lucratif que nous connaissons et à qui nous faisons confiance. Bien qu'ils aient une apparence similaire, ces articles sont distincts des nouvelles et des analyses publiées sur notre site.

Quand nos données transitent sur internet, un réseau international de réseaux, elles passent par de nombreux serveurs partout dans le monde. Lors de la visite d'un site Web, nos données transitent non seulement par les serveurs de ce site Web, mais aussi par d'autres serveurs, comme ceux des annonceurs.

Trackography montre que lire les nouvelles en ligne est un acte beaucoup plus politique que ce qu'on pense. Selon un test du Trackography, en Ukraine, lorsque quelqu'un visite l'un des deux sites Web de média,  pravda.com.ua et vesti.ua, ses données transitent par des réseaux en Russie, et sont surveillées par plusieurs entreprises, y compris Yandex, située en Russie. Vu la tension politique entre la Russie et l'Ukraine, l'étude du profil commercial des Ukraniens par des entreprises de surveillance russes peut soulever des questions, notamment car l'entreprise établit des profils pour ensuite les partager avec des tiers. De plus, il est impossible de savoir pendant combien de temps les données seront conservées, à quoi elles serviront et qui y aura accès.

Le côté politique des données ne concerne pas seulement les positions géopolitiques contradictoires, il peut aussi interférer avec les protections juridiques liées aux renseignements personnels. Bien qu'on puisse consulter des nouvelles en ligne en étant dans un pays connu pour avoir des lois strictes sur la protection des renseignements personnels, nos données peuvent transiter par des pays n'ayant pas de telles lois. Un autre test du Trackograph montre que, en Allemagne, lorsqu'on visite le site Web d'un média national, les données transitent par des réseaux en Inde, un pays qui n'a pas de loi concernant la protection des renseignements personnels. Ainsi, on peut se demander comment nos données peuvent être protégées adéquatement si pour accéder à de nombreux sites Web, celles-ci doivent transiter par des pays ayant différents types de protection, voire aucune.

Un aperçu de l'industrie des données

La plupart des pages Web qu'on visite ont des images et des codes intégrés qui collectent nos informations et les envoient aux serveurs des entreprises. Ces entreprises, appelées surveillants tiers”, collectent notre adresse IP et surveillent notre activité en ligne par le moyen des témoins du navigateur et d'autres technologies. Souvent, elles cachent différentes technologies de surveillance dans notre navigateur, ce qui leur permet de surveiller tous les autres sites Web qu'on visite régulièrement. Tout cela leur permet de connaître nos intérêts et d'établir nos profils.

Trackography indique spécifiquement quelles sont les entreprises qui nous surveillent lorsqu'on consulte le site Web d'un média. En 37 pays, les tests du Trackography ont montré que Google, Facebook et Twitter surveillent notamment les lecteurs de nouvelles en ligne.

Cependant, la façon dont les entreprises gèrent les données collectées reste inconnue. Une analyse des politiques de confidentialité des principales entreprises de surveillance montre que la plupart d'entre elles collectent des données personnelles et les divulguent à des tiers, sauf interdiction explicite d'utilisation de ces données à des fins non spécifiées. Il est aussi à noter que la plupart de ces entreprises déclarent dans leurs politiques de confidentialité qu'elles conservent les données collectées, mais elles ne précisent pas pour combien de temps elles le font.

Bien que cela puisse sembler inoffensif, il ne faut pas oublier que l'établissement de profils est au cœur de la surveillance en ligne. Les données collectées par la surveillance en ligne peuvent s'ajouter à d'autres données collectées à partir d'autres sources, en ligne ou hors ligne, pour établir des profils individuels. En général, on ne peut pas contrôler ou vérifier tous les profils créés sur nous, ni à qui ceux-ci sont vendus.

Tactical Tech a développé Trackography dans le but de renforcer la transparence de l'industrie de la surveillance mondiale et de favoriser la recherche et l'activisme. Tout le monde peut collaborer au Trackography en utilisant le logiciel ou en contribuant à la liste des sites Web de médias et à l’analyse des politiques de confidentialité. Aidez-nous à surveiller les surveillants et à renforcer la transparence de l'industrie mondiale des données.

Écrit par Fieke Jansen et Maria Xynou du Tactical Technology Collective.

VIDEOS : Le Venezuela célèbre par la danse ses racines africaines

mercredi 7 septembre 2016 à 15:38
Guarapita

Images d'un cours de danse populaire vénézuélienne partagées par la compagnie Camerino. Capture d'écran d'une vidéo diffusée en ligne.

Pour la journée mondiale du folklore, célébrée le 22 août, les Vénézuéliens ont utilisé le web pour mettre en lumière certaines des expressions culturelles du pays auxquelles ils s'identifient le plus. Parmi celles ci, il y avait des danses, prenant leurs racines dans les cultures africaines, qui occupent aujourd'hui un rôle spécial puisqu'elles ont une grande influence sur l'identité vénézuélienne.

En exemple cette vidéo publiée par le studio de danse Camerino Company (via Drone Venezuela), qui a presque 300.000 vues et de nombreux commentaires pleins de nostalgie de la part d'utilisateurs qui font partie de la récente diaspora vénézuélienne.

La vidéo présente ce qu'on appelle une danse du tambour, qui est originaire de la côte nord du Venezuela, et qui est peut-être la forme d'art culturel afro-vénézuélien la plus populaire parmi les jeunes. Que ce soit sur les côtes ou dans le reste du pays, c'est commun pendant les fêtes de dédier des espaces pour écouter et danser sur la musique des tambours.

La chorégraphie vue dans la vidéo ci dessus montre des influences de styles variés qui combinent le traditionnel avec le moderne, un mélange qui peut motiver un public plus large à apprécier et même, à participer. La vidéo de la compagnie Camerino est un fort exemple de la manière dont l'expression culturelle peut avoir une place dans les académies de danse tout en maintenant un lien avec les fêtes populaires.

“L'Afrique de retour aux Caraïbes”

Le Venezuela du nord est dominé d'un bout à l'autre par la présence de la mer des Caraïbes. Cela a eu des implications culturelles importantes pour le pays.

Même avant la conquête espagnole, la vaste côte était le lieu de nombreuses migrations parmi les peuples indigènes de la région, dirigées d'un côté du continent à l'autre par un commerce puissant et des dynamiques socio-culturelles. Depuis ce moment, ce flux ne s'est pas arrêté.

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Dans cette carte britannique de 1736, on peut voir le territoire appelé les Antilles : Les Caraïbes et les Bahamas. En-dessous, on peut voir le territoire principal du Venezuela d'aujourd'hui.

En 1498, durant son troisième voyage, Christophe Colomb arriva à la Tierra de Gracia, ou “la Terre de Grâce”, qui était contrôlée par un peuple indigène connu sous le nom de Caraïbes. Trente ans après, les Européens ont commencé à déporter les premiers esclaves africains, qui – avec la population indigène – étaient utilisés pour construire les colonies dans cette partie du “Nouveau Monde”.

Encore aujourd'hui, après tous ces siècles, les côtes vénézuéliennes restent un silencieux témoin du cours de l'histoire. Le nombre important d'Afro-Vénézuéliens qui y vivent représente aussi bien le passé que la richesse de leur présent. L'héritage culturel que cette communauté a préservé de génération en génération est incalculable. Des innombrables interdictions au temps de l'esclavage, un langage métaphorique est né, qui cache la douleur du déracinement forcé dans les tristes chansons d'amour. Les chansons de travail, d'un autre côté, soulageaient la charge du travail interminable, et les berceuses aidaient les enfants à s'endormir.

La musique comme la danse étaient un moyen de communication avec plusieurs dieux des religions que les Africains ont apporté aux Indiens de l'ouest, dieux qui finiraient par participer aux rituels religieux des métis et influencer les célébrations séculaires.

Les instruments comme le quitiplás (une percussion) le marímbula (instrument à cordes), ou le arpa tuyera (un type de harpe) sont quelques exemples de la variété de l'héritage musical que les Vénézuéliens ont reçu de l'Afrique et qu'ils ont transformés pour les faire leurs. Dans beaucoup de parties du pays, ces instruments continuent d'êtres joués, la musique dansée, et les techniques enseignées.

Les danseurs présentés dans la vidéo de la compagnie Camerino ne sont sûrement pas seuls dans leur admiration des tambours et des danses de la côte vénézuélienne. Comme d'autres ils continuent une tradition qui unit le Venezuela dans toutes ses diversités au reste des Caraïbes, mais en même temps n'oublient pas les blessures d'un passé douloureux que le temps et la mémoire essayent toujours de guérir.