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Des hackers visent les Mac d'activistes Iraniens avec des logiciels malveillants repensés

mercredi 22 mars 2017 à 18:57

Des hackers soupçonnés d'être financés par l'Iran ciblent des défenseurs des droits de l'homme avec un nouveau virus visant les ordinateurs Apple. Image fournie par Flickr, utilisée sous licence Creative Commons.

Cet article a été initialement publié sur le site du Centre des Droits de l'Homme en Iran. 

(Billet d'origine publié en anglais le 18 février 2017)

Jusqu'à récemment, les utilisateurs des systèmes d'exploitation Windows et Android s'occupant de droits de l'homme ou de droits civiques étaient censés être les personnes les plus vulnérables aux cyberattaques vraisemblablement menées par le gouvernement iranien. Cependant, d'après un nouveau rapport mené par Collin Anderson et Claudio Guarnieri, chercheurs spécialisés sur l'Internet Iranien et la sécurité, ce type d'attaque commence à affecter les utilisateurs d'Apple par le biais de logiciels malveillants (pouvant endommager ou désactiver les systèmes d'un ordinateur).

Anderson, coadministrateur du site Iranian Threats, a révélé au Centre que les hackers visent les ordinateurs de militants pour les droits civiques en utilisant une version restructurée du logiciel malveillant MacDownloader qui était, jusqu'alors, utilisé pour  cibler les infrastructures industrielles. MacDownloader a été conçu pour voler les mots de passe des victimes en leur présentant de fausses boîtes de message invitant les titulaires du compte à fournir ou changer leurs mots de passe.

Une déclaration émise par Iranian Threats le 6 février 2017 explique le processus en détail :

Il a été signalé qu'un logiciel malveillant macOS nommé MacDownloader, connu pour viser les industries de défense, a été utilisé contre un défenseur des droits de l'homme. Curieusement, MacDownloader a tenté de se faire passer à la fois pour un programme d'installation d'Adobe Flash ainsi qu'un outil Bitdefender de suppression d'Adware, dans le but d'extraire des informations système ainsi que des copies des bases de données du système Keychain d'OS X. D'après les observations sur l'infrastructure ainsi que sur l'état du code, on estime que ces incidents représentent la première démarche du déploiement de cet agent, et des fonctions telles que la persistance ne semblent pas marcher. MacDownloader est plutôt un simple agent d'exfiltration plus ambitieux.

Lorsque les hackers accèdent aux informations du Keychain OSX, ils peuvent potentiellement copier les mots de passe d'autres outils tels que les emails, sites web, logiciels et matériels et ont quasiment accès à toutes les informations stockées par l'utilisateur sur son ordinateur ou en ligne.

« Je crains que beaucoup de gens soient passés sur Mac (Apple) parce que soucieux des logiciels malveillants et des problèmes de sécurité (croyant que Mac allait les protéger), mais se borner à cela ne peut résoudre le problème », écrit Anderson, installé à Washington, au Centre des Droits de l'Homme en Iran. « Voilà pourquoi ce rapport est important : Cela signale aux utilisateurs Mac qu'ils doivent toujours être vigilants ».

Internet ainsi que les applications de réseaux sociaux sont sévèrement restreintes et censurés en Iran, où les traditionalistes du gouvernement voient toute forme de liberté sur Internet comme une menace au caractère sacré de la République Islamique. Des recherches ont montré que les hackers iraniens, souvent dirigés par ces traditionalistes à l'intérieur du gouvernement, lancent périodiquement des opérations de piratage contre des militants et organisations pour les droits civiques afin de les perturber ou les intimider pour leur faire cesser leur militantisme pacifique.

Comment les utilisateurs peuvent-ils se protéger contre ce logiciel malveillant ?

Anderson nous explique:

Il n'y a pas de remède miracle, la meilleure protection est d'être sceptique concernant les logiciels que l'on télécharge, et d'être méfiant pour les e-mails que l'on reçoit. Comme on le montre dans le rapport, les antivirus ont besoin de détecter une pièce du logiciel malveillant avant de le qualifier de malicieux… Puisque les attaques iraniennes ciblent une modeste population (les défenseurs des droits de l'homme), le taux de détection par ces produits est faible. Les antivirus ne sont pas suffisants pour se protéger contre les attaques ciblées.

AUDIO : La leçon de patriotisme d'une proviseure russe de lycée à ses élèves

mercredi 22 mars 2017 à 18:46

La directrice Kira Gribanovskaïa bombarde de vérités ses sots d'élèves. Photo: Alexeï Navalny

Dans un lycée des environs de Briansk, à 500 kilomètres au sud-ouest de Moscou, la directrice est venue dans une classe parler aux élèves du militant anti-corruption et leader de l'opposition Alexeï Navalny.

Pourquoi cette soudaine causerie ? La police venait de mettre la main au collet à Maxime Lossiev, un des élèves de l'établissement, directement à sa sortie de la salle de classe, pour avoir appelé ses camarades à assister à une manifestation non autorisée du 26 mars qui appelait à une enquête sur des allégations de corruption contre le Premier Ministre Dmitri Medvedev. Lossiev a aussi créé avec des lycéens un groupe de soutien à Alexeï Navalny, dont la Fondation Anti-Corruption a publié ce mois-ci une enquête accusant M. Medvedev d'être à la tête d'un empire privé aussi vaste qu’illicite.

Pour tenter d'enrayer ce début de militantisme, la proviseure du lycée — qui serait une femme du nom de Kira Petrovna Gribanovskaïa, parlant d'elle-même à la troisième personne — a dissuadé la classe de soutenir Navalny, allant jusqu'à mettre en doute leur intelligence et patriotisme quand les élèves ont contesté son affirmation que la Russie était au milieu d'une « guerre civile ».

Un des lycéens a enregistré la séance avec Mme Gribanovskaïa, et fait fuiter la séquence sur les médias sociaux. Le week-end dernier, le site d'information Meduza a transcrit les neuf minutes d'échanges. Vous pouvez lire la transcription en russe ici, et écouter l'audio en russe ci-après.

* * *

La proviseure : Raïssa Alexandrova [la professeure principale], puis-je dire un mot ? Pour ceux qui se sont intéressés aux activités de Navalny. Bon, il propose d'abaisser nos dirigeants suprêmes. Il dit « Non à la corruption » et ainsi de suite. Mais qu'est-ce qu'il propose de concret ? Se rassembler pour un meeting ? Lui dire [à Medvedev] qu'il est une ordure ?

Élève 1 : Il veut juste recevoir des réponses. Il a fait une vidéo sur Medvedev, et il veut des réponses des autorités.

La proviseure : Et ?

Élève 1 : Et les autorités se taisent.

La proviseure : Non, attendez. Si vous faites une vidéo sur Kira Petrovna, et écrivez qu'elle est comme-ci et comme-ça, qu'elle ne fait pas son boulot et que l'école grouille de cafards, et vous vous réunissez et exigez des réponses — vous croyez que je vais venir pour discuter avec vous ?

Élève 2: Non.

La proviseure : Et lui [Medvedev] non plus ! C'est ridicule ! Un programme politique, ce sont des actions concrètes : fortifier l'économie, l'élaboration de divers plans. Ce que fait Navalny est de la provocation pure et simple. Vous comprenez ? Vous ne comprenez pas encore ça. Je vous le dis pour commencer, en ce moment, nous avons une situation économique très instable. Un gouffre économique. Et quelle en est la cause ? Vous étudiez les sciences sociales et tout ça. Vous savez que nous avons, à la base, un blocus économique dans notre pays. Mais je veux entendre vos connaissances. Que se passe-t-il en ce moment ?

Élève 2 : Une crise.

La proviseure : Une crise due à quoi ?

[Voix inintelligibles]

Élève 2 : Les sanctions, l'Union Européenne, tout ce blocus.

La proviseure : Encore une fois, à cause de quoi ? L'Union Européenne Union, pas vrai ? Et notre chef a une politique très stable et très forte. Sa cote est très élevée sur la scène mondiale. Grâce à quoi ? Grâce à la politique étrangère. La politique intérieure [de la Russie] est clairement plutôt faible. Pourquoi ? Eh bien, parce qu'il n'y a pas d'argent. Et nous le sentons maintenant, surtout…

Élève 2 : Et quelle est au juste notre politique étrangère ? L'Amérique est contre nous. L'Europe est contre nous.

La proviseure : Et pourquoi ça ? Dites-moi : pour quelle raison ?

Élève 2 : A cause de la Crimée. Nous l'avons prise en fait.

La proviseure : Et tu penses que c'est mal ?

La professeure principale : Mais l'avons-nous vraiment prise ? Il y a eu un référendum là-bas…

La proviseure : Bon, dis-moi ce qui s'est passé, de ton point de vue. Je voudrais vraiment savoir. Dis-moi. Il y a peut-être un aspect que j'ignore.

Élève 2 : Eh bien, pourquoi ils ont imposé des sanctions contre nous ?

La proviseure : Tu réponds à l'instant à ta propre question.

La professeure principale : Pour montrer leur force. Parce qu'ils voulaient montrer leur force.

Élève 2 : A cause de la Crimée.

La proviseure : Tu sais pourquoi… Et à cause de quoi toute cette guerre en Ukraine a commencé ?

Élève 2 : Eh bien, à cause de la révolution…

La proviseure : A cause de quoi ?

Élève 2 : L'alternance au pouvoir.

La proviseure : Mon enfant, tu n'as rien lu et tu ne sais rien. Tes connaissances sont très superficielles. De quoi est venu tout ce conflit ? A cause de l'intervention de l'Amérique ?

Élève 2 : Elle n'est pas intervenue ouvertement.

[Voix inintelligibles]

La proviseure : Et la Crimée est allée où ? Et comment l'Amérique a réagi à ça ?

Élève 2 : Vous avez vu des troupes américaines en Ukraine ?

La proviseure : Et des troupes russes, tu en as vues en Ukraine ?

Élève 2 : Oui. Il y a des vidéos qui circulent, vous n'imaginez pas.

La proviseure : Ce sont des montages, avant tout.

La professeure principale : Et il ne faut pas les croire…

[Voix inintelligibles]

Élève 2 : J'ai entendu beaucoup d'informations que des amis de certaines personnes…

La proviseure : Les enfants, je vois que vous regardez ce problèmes d'un seul côté. Vous n'avez pas la largeur de l'horizon politique. C'est un problème très étroit. Vous avez vu Navalny, regardé sa vidéo, et vous jugez. Vous n'avez pas votre propre opinion sur la question, seulement ce qu'on vous impose. Et il arrive que vous utilisiez des sources non vérifiées voire provocatrices.

La professeure principale : Comme des marionnettes…

Élève 2 : Et si notre opinion coïncide avec la sienne ?

La proviseure : Mais avez-vous seulement une opinion ? Vous lisez. Je vous engage à ne pas regarder que ça… Si on vous dit que, oui, c'est mal, alors regardez d'autres sources.

La professeure principale : Soumettez au doute chaque fait !

Élève 2 : Oui, nous ne regardons pas une source unique.

La proviseure : Apparemment, vous regardez dans une seule direction.

Élève 1 : Oui, mais nos télés ne montrent que ce qui profite au gouvernement…

La proviseure : Vous n'écoutez pas la Voix de l'Amérique ?

Élève 1: On [les télévisions russes] ne va pas nous montrer autre chose.

La proviseure : J'ai compris, nous n'avons pas bien fait votre éducation civique. Vous avez de grandes lacunes en instruction civique. Est-ce à dire que dans votre classe il n'y a pas de patriotes ?

Élève : Et que veut dire être patriote ? Soutenir le pouvoir ?

La proviseure : Je parlais à Nikita…

La professeure principale : Excusez-moi. [Aux élèves] veuillez organiser un groupe et nettoyez samedi vos rues.

La proviseure : Les enfants, levez la main : qui de vous fait du bénévolat ?

[Silence]

La proviseure : Et du bénévolat pour quoi ? Voilà votre posture civique ! Pas la peine de regarder de haut Poutine et Medvedev. Regardez votre quartier !

Élève 2 : Et le bénévolat organisé par Russie Unie [le parti au pouvoir en Russie], on le soutient ?

La proviseure : Oui.

Élève 2 : Eh bien, nous sommes contre Russie Unie.

[Rires]

Élève 2 : Vous voyez.

La professeure principale : Pourquoi dis-tu « nous», comme si c'était la majorité ?

Élève 2 : Levez la main, ceux qui sont contre Russie Unie.

Élève 1: Je suis contre.

[Autres voix : C'est tout ? D'autres ?]

Élève 2 : Nous sommes contre Russie Unie.

La proviseure : Et vous êtes pour quoi ?

Élève 1 : Pour la justice.

La proviseure : Et qu'est-ce que la justice ?

Élève : Ce que nous n'avons pas.

Élève 1 : La justice, c'est quand ceux au pouvoir se préoccupent des gens et pas seulement d'eux-mêmes. [Se préoccupent] des gens ordinaires, et pas de leurs millions [de dollars]. Ce que veulent la plupart des gens, c'est vivre dans un Etat libre, un pays libre…

La proviseure : Vous pensez donc que la vie a empiré dans le pays avec l'arrivée de Poutine et Medvedev ?

Élève 1 : Non, mais ils s'incrustent. Ils s'y incrustent [au pouvoir].

Élève 2 : Oui.

La proviseure : Tu as vécu dans une autre époque que je n'ai pas connue ? Sous qui tu vivais bien ? Sous Poutine et Medvedev ça a commencé à se gâter pour toi ?

Élève 2 : Nous avons étudié l'histoire.

La proviseure : Naturellement.

Élève 2 : C'est ça…

La proviseure : Qu'est-ce que ça veut dire, « c'est ça » ? C'est à toi que je le demande : concrètement, sous quel gouvernant tu vivais bien ? C'est quoi, « bien » ?

Élève 2 : Nous n'avons eu qu'un seul gouvernant en fait.

La proviseure : Tu as dit que les choses ont empiré. Mais vous n'avez pas vécu les dures années 1990. Quand, excusez-moi, chacun portait une arme blanche, une arme à feu, et l'illégalité régnait. A l'époque j'étais étudiante ! C'était quand après huit heures du soir on avait peur de sortir dans la rue. Vous n'avez pas connu ça.

Élève 2 : Et vous voulez que ça revienne ?

La professeure principale : C'est vous qui voulez ça !

Élève 2 : On vient d'arrêter quelqu'un pour rien du tout. On l'a emmené au bureau de police.

La proviseure : C'est la guerre civile.

Élève 2 : C'est l'illégalité.

La proviseure : C'est exact, l'illégalité : parce que quel est le but de toute manifestation ou de tout schisme d'avec les autorités ?

La professeure principale : La crise politique, ensuite la guerre civile.

La proviseure : Ensuite la guerre civile. Le fratricide.

La professeure principale : Vous voulez que ce soit comme en Ukraine, comme chez nous en [19]17 ?

Élève 2 : Ce pouvoir, nous n'en voulons pas.

La professeure principale : Dites-moi : pouvez-vous vraiment faire ça maintenant ? Par quel moyen ?

Élève 2 : Eh bien, juste nous réunir.

La professeure principale : Et après ?

Élève 2 : Il y aura du monde.

La professeure principale : Du monde. Et après ?

Élève 2 : Les gens verraient. Ils verraient qu'il y a des citoyens.

La professeure principale : Des citoyens. Une poignée de [jeunes] gens menés par des adultes qui n'ont, pour ainsi dire, rien à perdre.

La proviseure : Les enfants, nous aurons essayé en tous cas de vous prévenir et de vous mettre en garde. Ce qui commence maintenant s'appelle de la polémique, et personne n'en a besoin. Mais quand même, ce qu'il vous faut… Je vous conseille, je n'enfonce pas le clou, mais je vous conseille d'écouter ce que nous avons dit et de tirer vos propres conclusions. Je pense avant tout à votre avenir.

La professeure principale : Pensez aux risques.

La proviseure : Je me suis battue avec ces représentants de l'autorité. J'ai essayé de défendre Maxime. J'ai dit que ce n'était qu'une de ces incartades de jeunesse qui ne profitent à personne. Croyez-moi, ce n'est pas drôle pour lui en ce moment. Pas drôle du tout. Je ne veux pas qu'un seul d'entre vous tombe dans une situation pareille. Tout ce que vous avez dit ici de derrière vos pupitres, ce sont des mots vides de sens. Grandissez, je vous le répète, devenez des adultes et devenez quelqu'un. C'est ça la bonne voie.

La professeure principale : Les enfants, je vous le demande encore une fois : réfléchissez, réfléchissez…

Le site d'information Meduza a transcrit la discussion ci-dessus. La transcription en russe peut être lue ici.

Le parquet kirghize engage des poursuites contre deux médias pour offense au président

mercredi 22 mars 2017 à 10:34

Le président de la République kirghize Almazbek Atambaïev (à gauche) lors d'une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine. Photo officielle issue du site gouvernemental russe , reproduite avec son autorisation.

L’article suivant [en anglais] est initialement paru sur le site EurasiaNet.org, et publié ici avec son autorisation.

Le procureur général du Kirghizistan accuse deux importants médias d'avoir insulté le président en diffusant de « fausses informations » et déclare qu'il va demander réparation devant les tribunaux.

Le 9 mars, Indira Djoldoubaïeva a fait savoir que le parquet général réclamait 26 millions de soms (env. 340.000 euros) de dommages et intérêts à Radio Azattyk — le bureau kirghize de la Radio Free Europe/Radio Liberty, financée par les États-Unis — et au site d'information Zanoza.kg.

En qualité de garant de l'honneur et de la dignité du président Altambaïev, le parquet a déposé deux plaintes distinctes.

Le premier dossier est ouvert en réponse à des articles des deux médias au sujet d'accusations publiques portées contre Altambaïev par le leader de l'opposition Omourbek Tekebaïev. Précisons que le leader du parti Ata Meken soupçonne Atambaïev d'être le propriétaire de la cargaison de l'avion qui s'est écrasé près de Bichkek en faisant 39 morts. Des rumeurs selon lesquelles Atambaïev pourrait avoir un rapport avec le contenu du tristement célèbre avion-cargo, un Boeing, s'étaient déjà répandues avant ces accusations.

Selon l'hypothèse émise par les avocats de Tebekaïev, l'arrestation de leur client serait liée à la possession de preuves corroborant ses accusations. Des propos dont les médias se sont largement fait l'écho, et pas seulement Zanoza.kg et Radio Attazyk.

Le parquet général a déclaré que ces médias « avaient abusé de leur liberté de parole » et n'avaient pas vérifié pas leurs dires qui, selon lui, « diffamaient » le président.

« Certains considèrent la liberté d'exprimer une opinion comme un blanc-seing pour satisfaire leurs ambitions personnelles, et en profitent trop souvent pour répandre de douteuses informations négatives, dont le caractère offensant est parfois de nature non seulement à porter atteinte à l'honneur et à la dignité de leurs propres concitoyens, mais aussi du président qui les représente », dit la déclaration du parquet.

Les autorités exigent des deux médias cités qu'ils retirent leurs allégations à teneur insultante et versent à Atambaïev, en compensation du préjudice moral subi, 10 millions de soms (env. 140.000 euros) pour Radio Azattyk, et 3 millions (env. 40.500 euros) pour Zanoza.kg.

On ne sait pas pourquoi ce sont ces deux seuls médias qui intéressent les autorités, alors que la plupart ont au minimum cité ces accusations, publiées initialement par le bureau de presse de la principale agence d'information. Selon l'explication la plus plausible, c'est parce que ce sont Azattyk et Zanoza.kg qui font les reportages les plus incisifs sur le gouvernement.

Il est aussi reproché à ces deux médias d'avoir relayé d'autres accusations portées par Tekebaïev au sujet de comptes bancaires chypriotes qui seraient détenus par Atambaïev.

Le parquet affirme que les détails de cette histoire « ne correspondent pas à la réalité » et sont présentés de manière à donner une mauvaise image du président. Les autorités réclament donc 3 millions de soms à Zanoza.kg et 10 millions à Radio Azattyk.

La rédactrice en chef de Zanoza.kg, Dina Maslova, estime que ces affaires judiciaires ont plus de chances de renforcer le crédit des médias que celui du président. Comme elle l'a expliqué au site EurasiaNet.org, le principal inconvénient est que les frais colossaux auquel son site va être contraint concernent la défense de ses intérêts commerciaux, au détriment de l'activité journalistique.

« Il me semble que nous avons fait des mécontents dans l'entourage du président et qu'il lui ont conseillé de poursuivre des sites internet, en quoi ils lui ont joué un mauvais tour. Rien d'autre ne peut expliquer une si mauvaise décision des autorités », a déclaré Mme Maslova.

Les avocats d'Ata Meken avaient initialement fait face à une réclamation de 10 millions de soms pour avoir diffusé ces accusations quant à la présence d'une cargaison appartenant à Atambaïev à bord de l'avion qui s'est crashé.

Ata Meken porte plainte à son tour contre Atambaïev, qui l'a récemment traité de «parti puant» et Tekebaïev de «maraudeur» — des accusations insinuant que l'homme politique a profité d'une façon ou d'une autre des pillages qui ont accompagné la révolution d'avril 2010. Cependant, Ata Meken ne demande aucune compensation financière et se contentera des excuses publiques du président.

Le cercle vicieux de ces passes d'armes entre le président et l'opposition a débuté avec le refus de celle-ci et de Tekebaïev d'entériner les changements apportés à la constitution l'an dernier. Bien qu'il s'agisse d'amendements sans grande conséquence, ils ont donné lieu à une âpre bataille politique.

Tekebaïev se trouve actuellement en centre de détention provisoire, d'où il fait régulièrement passer des écrits par l'intermédiaire de ses avocats. Dans sa dernière déclaration « carcérale », il demande à Atambaïev de se soumettre à un examen psychiatrique.

Le premier génocide du 20ème siècle était celui des Herero et des Nama en Namibie par l'Allemagne

mardi 21 mars 2017 à 15:53

capture d'écran de la vidéo “‘L'holocauste Oublié des Peuples Nama et Herrero ” sur YouTube

Du 25 novembre 2016 au 12 mars 2017, le Mémorial de la Shoah a présenté une exposition sur le génocide de deux peuples namibiens, les Herero et  les Nama, qui est considéré à ce jour comme le premier génocide du XXe siècle. Suite à la conférence de Berlin de 1884 au cours de laquelle les puissances européennes se sont partagées l'Afrique, l’Allemagne a administré la Namibie actuelle, sous le nom d’Allemagne de l’Afrique du Sud jusqu'à sa défaite en 1915.

Durant cette période, c'est de 1904 à 1908 que la puissance coloniale allemande a pratiqué une guerre d'extermination de ces deux ethnies locales. Selon plusieurs sources, 65 000 Herero et 10 000 Nama, furent exterminés à travers le pays. De plus, certains crânes des victimes furent envoyés en Allemagne pour les recherches scientifiques pour essayer de justifier une supposée inégalité des races.

Sous le chef Samuel Maharero, les membres de ces deux ethnies se révoltèrent contre la dépossession de leurs terres, les viols et autres traitements dégradants. Ils menèrent une guerre de harcèlement qui déboucha sur la situation que Véronique Chemla décrit sur son blog:

Le 12 janvier 1904, « alors que les troupes allemandes sont occupées à tenter de mater la “rébellion” des Nama Bondelswartz dans le Sud, des Herero d’Okahandja, exaspérés par les injustices commises par Zürn et la perte continue de territoire, s’en prennent aux fermes allemandes, aux commerces et à l’infrastructure coloniale. Ces attaques entraînent une brutale répression de la part des soldats et des colons qui se livrent à des actes de lynchage et de représailles aveugles ».
En Allemagne, à la suite des “descriptions exagérées de ces agressions, une véritable fièvre guerrière se développe”.
“Alors que la violence se propage, le soulèvement local se transforme en conflit majeur, forçant Maharero à se ranger du côté des « rebelles ». Au grand dam des politiciens de Berlin, ses hommes réussissent dans un premier temps à résister aux troupes de Leutwein en utilisant des techniques de guérilla. Leutwein est relevé de son commandement et remplacé par l’impitoyable général Lothar von Trotha qui débarque dans la colonie en juin 1904 avec des milliers d’hommes.

Le général Lothar Von Trotha débarqua dans la colonie à la tête d'une troupe de 15 000 hommes et mena une répression impitoyable. Le 2 octobre 1904 le Général Von Trotha émana une directive à destination de son état major ordonnant l’extermination systématique des membres des deux ethnies qu’équivoque un billet publié sur le site hgsavinagiac.com, signé de Giacobi:

Les Hereros ne sont plus des sujets allemands. S'ils n'acceptent pas, ils seront contraints par les armes. (Ils) doivent quitter le pays sinon, je les délogerai avec le « groot Rohr » (grand canon)… Tout Héréro aperçu à l'intérieur des frontières allemandes [namibiennes] avec ou sans arme, sera exécuté. Femmes et enfants seront reconduits hors d'ici – ou seront fusillés. Aucun prisonnier mâle ne sera pris. Ils seront fusillés. Décision prise pour le peuple Héréro. Dans les frontières allemandes, chaque Herero armé ou non, en possession de bétail ou pas, sera abattu. Je ne recevrai plus de femmes ou d’enfants. Je les renverrai aux leurs, ou je leur ferai tirer dessus».  «  Ma politique a toujours été d'exercer celle-ci par le terrorisme brutal, voire par la cruauté. J'anéantis les tribus insurgées dans des flots de sang et d'argent. C'est la seule semence pour faire pousser quelque chose de nouveau qui soit stable.»

En août 1904, à la bataille de Waterberg, les Herero et les Nama furent encerclés “en ne leur laissant comme seule issue la fuite dans le désert du Kalahari où les points d'eau avaient été préalablement empoisonnés”. La suite fut encore plus tragique:

Pour compléter le tableau il installa des postes de garde en leur donnant l'ordre formel d'abattre tout Herero quel que soit son âge ou son sexe… Ce fut un massacre systématique que certains estiment entre 25 000 et 40 000 morts (d'autres parlent de 60 000 victimes)

Sur le blog de Vincent Hiribarren, maître de conférences à King's College London, qui enseigne l'histoire de l'Afrique et l'histoire globale, dans une interview accordée à JEAN-PIERRE BAT publiée sur le site libeafrica4.blogs.liberation.fr  Leonor Faber-Jonker, historienne de l'université de Utrecht, explique les méthodes d'extermination utilisées par les allemands pour atteindre leur but d'extermination des herero et des nama:

C’est en réalité la politique que suivait déjà, sans le dire, von Trotha depuis l’attaque de Watterberg. Au cours de la bataille, les Herero qui sont parvenus à s’échapper de l’encerclement allemand ont fui en direction de l’Omaheke. Von Trotha ordonna leur poursuite, ratissant systématiquement le terrain et neutralisant les points d’eau. Poussés vers le désert, ces Herero finissent par mourir de déshydratation et de faim. Cette traque n’a pas été sans conséquence, non plus, sur les Allemands…

Des copies de l’ordre écrit étaient brandis à la capture d’Herero, qui étaient forcés d’assister à l’exécution de certains de leurs camarades prisonniers avant d’être renvoyés dans le désert, afin de témoigner de ce qu’ils ont vu et de décourager les Herero de revenir.

Entre vol des terres, viols des femmes herero et nam, les colons se comportèrent de manière inhumaine.  Le site du Memorial de la Shoah révèle:

La majorité des colons qui s’emparent des terres et du bétail des Herero traitent les Africains avec une absence totale de respect. Le viol est fréquent, exacerbé par la pénurie de femmes allemandes. Les craintes de dégénération raciale du peuple(Volk) allemand vont finalement mener à l’interdiction des mariages mixtes le 23 septembre 1905. Les notions de différence raciale sont fondées sur l’anthropologie allemande de la fin du XIXe siècle qui établissait une distinction entre les peuples dits « civilisés » et les autres considérés comme « primitifs ». On espérait comprendre le genre humain à travers l’observation objective des peuples dits « primitifs » tels que ceux exhibés dans les zoos humains, très populaires en Europe à l’époque.

Ce n'est qu'en 2011 que 11 de ces crânes ont été restitués à la Namibie; jusqu'à cette date, ce génocide était resté dans l'ombre, comme le révèle le site Memorial de la Shoah:

Le Blue Book, un rapport officiel du gouvernement britannique faisant état des atrocités commises dans le Sud-Ouest africain allemand, réalisé peu de temps après la reconquête de la colonie pendant la Première Guerre mondiale, est censuré en 1926 dans l’intérêt de l’unité blanche. Par la suite, la vision allemande faisant du génocide une guerre coloniale héroïque domine le paysage mémoriel au sens propre : l’ancienne colonie est envahie de monuments et de noms de rues commémorant l’effort de guerre allemand.

Après 1945, le passé colonial est tout sauf oublié en Allemagne. Dans le Sud-Ouest africain, la suppression du régime d’apartheid étouffa tout débat public sur le génocide. Ce fut aux descendants des victimes qu’il incomba de garder vivante la mémoire du génocide aussi bien dans des commémorations que par la transmission orale.

Cependant, il faudra attendre jusqu'en juillet 2015 pour que le gouvernement allemand accepte de qualifier officiellement “les événements qui se sont produits” de génocide, suite à la reconnaissance de celui des arméniens. Mais il n'a toujours pas présenté des excuses formelles ni exprimé une quelconque volonté de compensation. C'est ainsi que du 14 au 16 octobre 2016, un congrès a réuni au Centre français de Berlin des militants provenant de plusieurs pays pour, entre autre, affirmer le droit des communautés herero et nama d'être directement impliquées dans la négociation d'une solution globale, y compris la reconnaissance des génocides, la présentation des excuses sincères et appropriées aux communautés touchées ainsi que le paiement de réparations équitables aux communautés à ces deux communautés qui continuent de subir les effets néfastes des génocides.

La lutte que mènent, depuis l’indépendance de la Namibie advenue en 1990, des descendants de victimes épaulés par des groupes militants pour les droits humains, en particulier juifs, de l'Allemagne, des États-Unis, du Botswana et d'Afrique de sud pour la reconnaissance du génocide est sur le point d'aboutir, au moins jusqu'à l'examen de leurs doléances par un tribunal. En effet, Laura Taylor Swain une juge fédérale new-yorkaise s'est saisie d’une plainte déposée contre Berlin par des descendants des victimes et a fixé une audience le 21 juillet 2017.

 

Un ex-maire russe collecte des fonds pour organiser une exposition dédiée à «Poutine superhéros»

mardi 21 mars 2017 à 09:46

[Tous les liens sont en russe.]

Projet de salle pour l'exposition «Poutine Superhéros». Illustration: Boomstarter.ru

Alexandre Donskoï est un entrepreneur qui fut un temps maire d'Arkhangelsk, avant d'être arrêté pour crimes économiques et abus de position dominante. Aujourd'hui, il est propriétaire d'une chaîne de musées et d'attractions touristiques sous la marque « The Big Funny Association ». C'est aussi lui que l'on trouve derrière le projet d'organiser une nouvelle exposition artistique à la gloire du président russe, qu'il souhaite intituler « Poutine superhéros ».

Donskoï tente de réunir un capital de départ pour son projet d'exposition à l'aide de la plateforme de crowdfunding Boomstarter, clone russe du site web Kickstarter. Il demande aux investisseurs un apport de 3 millions de roubles (environ 50 000 euros). S'il réussit à collecter une somme suffisante, il prévoit de mettre en scène l'exposition à Moscou et à Saint-Pétersbourg, mais aussi à New York et Berlin.

Pour l'instant, une journée de campagne de levée de fonds a permis de récolter en tout et pour tout 100 roubles (1,60 euro).

Un démarrage poussif, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé. Donskoï a recruté à sa rescousse Youlia Dioujeva, une étudiante de 21 ans de la faculté de journalisme de l'Université d’État qui a tourné dans la pub de Boomstarter. Mlle Dioujeva, mannequin professionnel et « patriote » autoproclamée, a été élue en décembre dernier « fitgirl la plus sexy du campus » par le site du tabloïd pro-Kremlin Life.ru.

Youlia Dioujeva. Photo: Vkontakte

Dans le clip publicitaire, elle explique aux spectateurs que leur aide est nécessaire pour combattre ceux qui calomnient le président Poutine.

Sur Boomstarter, Donskoï et son équipe donnent aux visiteurs du site un aperçu de ce qu'ils pourront voir à l'exposition « Poutine superhéros ». Dans une première salle, drapeau, blason et hymne de la Russie voisineront avec une figure de cire à l'effigie de Poutine. Au dire de Donskoï, cette statue sera idéale pour faire des selfies.

Photo: Boomstarter.ru

Dans la salle suivante sera représenté le tournant dramatique de la décennie mouvementée des années 90 en Russie. « Rappelez-vous les rues sales avec des vendeurs à la sauvette, des malfaiteurs à chaque carrefour, le crash de 1998 » interpelle l'avertissement sur Boomstarter. Cette partie de l'exposition consistera en une pièce faiblement éclairée contenant une auto soviétique en panne flanquée de détritus et de graffitis anti-Eltsine.

Фото: Boomstarter.ru

Ensuite, les visiteurs en apprendront davantage sur les jeunes années de Vladimir Poutine en lisant les souvenirs enthousiastes de ses professeurs, disposés sur un grand mur sous la forme d'un quotidien géant de l'époque soviétique.

Photo: Boomstarter.ru

Les installations suivantes consisteront en journaux largement déployés montrant les principaux événements qui ont accompagné la chute de l'URSS, et célébreront les années de Poutine au KGB en Allemagne de l'Est.

Avec un peu de chance, les visiteurs pourront aussi pénétrer dans une réplique du cabinet présidentiel, dans lequel se trouvera une reconstitution de la table de travail du chef de l’État. Les hôtes seront invités à prendre place dans le fauteuil présidentiel et à terminer la phrase suivante : « Si j'étais président… » Selon les informations de Boomstarter, les auteurs de la réponse la plus brillante dans chaque groupe de visiteurs seront récompensés par un prix.

Photo: Boomstarter.ru

Les salles suivantes présenteront de larges extraits de presse racontant la renaissance de la Russie depuis l'accession de Poutine à la présidence. L'exposition se conclura avec les hobbies du président : vol avec les grues de Sibérie, anesthésie de tigres, étreintes avec des ours polaires, tous faits authentiques et soigneusement documentés par des clichés pris par Poutine au cours de nombreuses années.

En plus d'une cafétéria supposée servir les « modestes repas » que mangeait Poutine dans son enfance soviétique, les visiteurs devraient pouvoir accéder à un « hall des illusions avec Vladimir Poutine » et « s'envoler pour la Crimée avec Vladimir Vladimirovitch sans quitter le musée ». Donskoï ne fournit pas davantage de détails sur ces deux attractions.

Photo: Boomstarter.ru

Alexandre Donskoï n'est pas la personne la plus indiquée pour concevoir cette exposition « Poutine surperhéros ». Il faut savoir qu'il avait fait part de son intention de devenir président en 2008, quand Poutine a quitté ses fonctions.

En février 2007, dans une interview à la Novaïa Gazeta, Donskoï révélait qu'Ilya Klebanov, l'un des hommes de confiance de Poutine, lui aurait téléphoné pour le menacer de poursuites judiciaires s'il ne se retirait pas de la course.

« Personne dans l'administration présidentielle ne va plus me parler », se plaint Donskoï dans cette interview. « Pour parler franchement, je ne croyais pas ce genre de choses possible à notre époque. Je pensais que devenir un dissident dans notre pays appartenait à la période communiste. »

Il n'a donc pas pu se présenter, et a aussitôt fait l'objet de plusieurs poursuites judiciaires qui ont fini par lui coûter son poste de maire.

Une décennie et quelques plus tard, les temps ont fini par changer pour Alexandre Donskoï, qui propose maintenant « dîner présidentiel + visite guidée » à quiconque voudra investir 20 000 roubles (environ 325 euros) ou plus dans son projet d'exposition « Poutine superhéros ».