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28 000 rivières rayées de la carte de Chine

samedi 6 avril 2013 à 16:40

Une chanson traditionnelle chinoise très connue parle des “belles vagues d'une large rivière, où le vent répand sur les rives la bonne odeur des rizière”.

Mais il se peut que ces rivières idylliques de Chine appartiennent bientôt au passé. Alors que le mécontentement est général dans le pays sur ce qui concerne la pollution de nombreuses voies navigables, un recensement national récent semble indiquer que 28 000 rivières précédemment enregistrées dans la base de données du gouvernement ont soudain disparu.

L'étude, publiée le 26 mars 2013, est la première réalisée dans le pays et a pris trois ans, de 2010 à 2012, pour aboutir. Selon le recensement, on compte dans le pays 22 909 rivières qui couvrent une surface de 100 km² ou plus, un contraste saisissant avec les 50 000 rivières répertoriées dans les années 1990.

Screen capture of CCTV's report on a dried river in Guizhou.

Capture d'écran d'un reportage de CCTV sur une rivière asséchée à Guizhou.

Ce recensement des eaux arrive quelques semaines seulement après l'installation du nouveau gouvernement chinois, qui s'est engagé à lutter contre la dégradation de l'environnement dans le pays. Une telle diminution en a surpris plus d'un, dont Ma Jun, un éminent environnementaliste chinois. Dans un entretien accordé au Times britannique, il attribue la disparition de ces rivières à la sur-exploitation des ressources fluviales.

Ma ajoute que les grands projets hydroélectriques tels que celui du Barrage des Trois Gorges peuvent avoir joué un rôle.

Cependant, le gouvernement impute cette diminution aux méthodes de recherche différentes et aux changement climatique. Jiao Yong, ministre chinois délégué aux ressources en eau, indique que les anciennes données qui faisaient état de 50 000 rivières étaient fausses, car à cette époque les cartographes utilisaient des méthodes traditionnelles pour localiser les rivières. Il a déclaré [zh-chinois] sur China Central Television, une télévision d'état :

过去都是90年代,我们专家依靠过去的老地图,老资料来进行统计计算的,而这次我们是运用国家1/5万(比例)的最新的地图,再加上遥感影像这些设备,一条河一条河提取出来的,所以它的准确度应该是更高。

Dans les années 1990, nos experts travaillaient sur de vieilles cartes et avec du matériel ancien. Aujourd'hui nous utilisons de toutes nouvelles cartes normalisées au 1/50000ème, et nous sommes équipés en détection d'image spatiale. On évalue les rivière une par une et le degré de précision est beaucoup plus élevé.

La plupart des internautes n'ont pas été convaincus par l'explication officielle. Yami Laoliu [zh-chinois], de Pékin, écrit sur Sina Weibo, le site de microblogging bien connu :

雅米老刘:惊闻目前我国已有2800条河流从地图上消失。是天灾?是人祸?应该二者兼有,且人祸为主,事例很多,不胜枚举。剩下的河流和地下水水质令人堪忧……能源和粮食已经高度依赖进口,难道我们的子孙饮水也要进口?

Je suis surpris d'apprendre que 28 000 rivières ont disparu de la carte. S'agit-il d'une catastrophe naturelle ? ou d'une erreur humaine ? Je crois qu'il y a un peu des deux, mais qu'il s'agit plus vraisemblablement d'une erreur humaine. On trouve beaucoup d'exemples qui en témoignent. Les eaux qui restent et les eaux souterraines sont préoccupantes… On dépend déjà beaucoup des importations pour notre alimentation et notre énergie, cela signifie-t-il que les prochaines générations devront importer leur eau potable ?

Wang Xuming, anciennement porte-parole du Ministère de l'Education, donne  [zh-chinois] de sages conseils au Président chinois Xi Jinping sur Weibo :

#给习总提建议#有 消息说中国流域面积100平方公里以上河流30年来少了2•7万条。口袋里的钱愈来愈多,身边的水却愈来愈少。2013年中国环保投入将比去年增加 18•8%是经济增幅两倍多。建议各地立即减缓发展速度,切实把环保作为第一大事抓,否则不予重用。真的把富有中国变成美丽中国!

Suggestions au chef Xi : Il a été dit que le nombre de rivières d'une surface de plus de 100 km² avait diminué de 27 000 au cours des 30 dernières années. Nous avons rempli nos poches d'argent, alors que le niveau de l'eau autour de nous ne fait que baisser. Les investissements de la Chine pour la protection de l'environnement ont augmenté de 18.8 %, soit deux fois le taux de croissance du pays (le produit intérieur brut de la Chine est de 8%). Je suggère (au gouvernement) de ralentir immédiatement le développement économique à tous les niveaux, et de faire de la protection de l'environnement la première des priorités, sinon les fonctionnaires ne seront pas respectés. Faire d'une Chine riche une Chine belle.

Pan Wenda, en provenance de la ville de Shenyang dans la province de Liaonong au nord-est du pays, a lancé un appel [zh-chinois] pour demander à tous de laisser un commentaire sur l'état des rivières là où ils vivent :

#逝去的家乡河流#在我国,不到20年,已有2万7千多条河流消失!这是一个很可怕的数字和现象,因为,水是生命之源,没有了水,一切生命都将消失!为了减少和避免河流的人为消失,为了子孙的健康延续,让我们为此呼吁,以引起有关方面重视。请大家在本条下面留言,说明你家乡河流的现状。

Les rivières de notre pays disparaissent, on en compte 27 000 de moins en 20 ans, une diminution et un phénomène terrible, l'eau est source de vie, sans eau la vie meurt ! Pour réduire et éviter la disparition des rivières due à l'activité humaine, pour assurer la santé de nos enfants, faisons prendre conscience du problème aux responsables et appelons à leur vigilance. Que chacun laisse ses commentaires ci-dessous pour rendre compte de l'état des rivières de notre pays.

Même le quotidien d'état le Global Times laisse échapper un soupir [zh-chinois] cette fois, dans l'éditorial en chinois sur sa page Weibo :

据说中国每年消失上万条河流,想起去云南曾看到整片树被砍伐,山若斑秃;在西双版纳,山上原生树全被换成 橡胶树,同质化对树林生态伤害很大。发展一旦启动,其狰狞的一面也渐显露,它还会不断自我加速。但谁又能指责人们改善生活的努力呢?十亿计只想发展没有信仰缺少敬畏的人,是一股多么可怕的力量!

On dit que des dizaines de milliers de rivières disparaissent chaque année en Chine. Cela rappelle les forêts du Yunan rasées l'année dernière, des montagnes nues : à Xishuangbanna, les arbres traditionnels de la montagne ont été remplacés par des hévéas. L'homogénéisation est dommageable pour l'écologie des forêts. Le développement est en marche, son mauvais aspect va petit à petit se révéler, et cela va aller en s'accélérant. Mais qui peut reprocher aux hommes leurs efforts pour une meilleure qualité de vie ? (Si) dix millions de personnes obsédées par le développement ne croient pas en la nature et en ont peur, quelle horrible force ce serait !

Argentine : Des inondations à Buenos Aires provoquent la mort de 35 personnes

samedi 6 avril 2013 à 16:34

Les fortes pluies qui ont frappé la province de Buenos Aires ont provoqué la mort d'au moins 35 personnes [es] et des milliers de sinistrés.

Le blog EA2CPG relate le phénomène climatique qui a frappé l'Argentine le 2 avril dernier, qui coïncidait avec un jour férié, la Journée des anciens combattants et morts au front de la Guerre des Malouines :

La ciudad de Buenos Aires tiene unos tres millones de habitantes. Más de un 10% de la población ha sido afectada directamente por las últimas lluvias, las más dañinas de los últimos 107 años, de acuerdo con las autoridades. La Reina del Plata se pareció en la madrugada del martes a Venecia y necesitará muchos días para retomar la normalidad.

La ville de Buenos Aires a une population de trois millions d'habitants. Plus de 10% de la population a été directement touché par ces récentes pluies, les plus désastreuses des 107 dernières années d'après les autorités. Mardi, aux premières heures de la matinée, La Reina del Plata ressemblait à Venise et il faudra de nombreux jours pour rendre à la ville son état normal.

Popckorn [es], un blog de Buenos Aires sur la culture mobile, a publié des photographies urbaines de certains quartiers affectés par les fortes pluies. Pendant ce temps, les utilisateurs de YouTube partageaient une vidéo sur les inondations.

https://www.youtube.com/watch?v=yu6BfQQFPnI

Dans son article “#Temporal:Relatos de la Catástrofe” (“Intempéries : récits de la Catastrophe”), la revue Anfibia a également publié, avec des photos des innondations, des témoignages de sinistrés publiés sur Facebook, comme celui du musicien Gabo Ferro :

La colección de discos de Gardel de mi viejo flotando entre los míos y los de mis amigos. La casa levantada sobre una correntada. Entre la somnolencia de la madrugada, el asombro y la impotencia. Sacar el agua y tragar saliva. Seis horas sacando agua. En su casa, mi vieja eligiendo entre sus cosas guardadas durante 79 años que tirar y que secar para salvar. Una vecina triste como un fantasma pues el agua le arrebató una foto; lo único que le quedaba de su hijo.

La collection de disques de Gardel de mon père flottait entre les miens et ceux de mes amis. La maison se soulevait avec le courant. La somnolence des premières heures de la matinée mêlée à la stupéfaction et à l'impuissance. Écoper l'eau et serrer les dents. Six heures à écoper. Dans sa maison, ma mère choisissant parmi ce qu'elle a conservé pendant 79 ans ce qu'il faut retirer de l'eau et faire sécher pour les sauver. Une voisine malheureuse comme les pierres car l'eau lui a arraché une photo : la seule qui lui restait de son fils.

Il ne s'agit pas des premières inondations subies par la province de Buenos Aires. Les dommages récurrents causés par les intempéries ont poussé les blogueurs argentins à débattre pour chercher la raison du désastre : le manque d'investissement en infrastructures, l'essor de l'immobilier ou le changement climatique.

La page Facebook Cátedra Libre del Agua [es] analyse les changements subis par Buenos Aires depuis sa fondation :

Pero por qué se inunda Buenos Aires? Desde su fundación, la ciudad fue creciendo y extendiéndose hacia el conurbano bonaerense. A medida que este crecimiento se encontraba con arroyos que desembocan al Río de la Plata se los entubaba, se rellenaba su cauce y a lotear que se acaba el mundo. La renta urbana es una tentación difícil de evitar. Durante un tiempo estos entubamientos soportaban bien la lluvia, pero a medida que se siguió construyendo la superficie natural absorbente disminuyó y el volumen de agua que comenzó a pasar por allí aumentó. A esto hay que sumarle la desaparición de los pulmones de manzana y su sustitución por cemento, además de la poca pendiente que tenían los arroyos que fueron entubados. Finalmente, están los rellenos sanitarios en la costa del Río de la Plata para ganar superficie con fines inmobiliario que aumentan el largo de los entubamientos hasta llegar al desagüe naturales.

Mais pourquoi Buenos Aires est-elle régulièrement inondée ? Depuis sa fondation, la ville n'a cessé de grandir et de s'étendre jusqu'à former l’agglomération de Buenos Aires. Au fur et à mesure de l'expansion et de la rencontre avec des cours d'eau se jetant dans le Río de la Plata, on les a canalisés, son lit s'est rempli et l'on pouvait déjà parier sur un avenir incertain. La rente urbaine est une tentation difficile à éviter. Pendant un certain temps, ces canalisations ont bien supporté la pluie, mais tandis que les constructions ont continué, la surface absorbante naturelle a diminué et le volume d'eau passant dans ces canalisations a augmenté. Il faut ajouter à cela la disparition des espaces verts au profit du ciment, en plus de la faible pente des cours d'eaux canalisés. Enfin, il y a aussi les décharges installées sur les rives du Río de la Plata pour gagner de la superficie à des fins immobilières qui augmentent la longueur des canalisations pour arriver à leurs déversoirs naturels.

L'explication continue :

Si después de todo esto Buenos Aires no se inunda, es porque hay sequía. Además, el agua tiene memoria, siempre buscará ir por los mismos lugares que supo ir antaño. Una parte irá por los entubamientos y, el resto, por la superficie. Y así se producirá la inundación, una y otra vez.

Si après tout cela Buenos Aires n'est pas tout le temps inondé, c'est parce qu'il y a la sécheresse. De plus, l'eau a une mémoire, elle cherche toujours à emprunter les chemins qu'elle connaissait avant. Une partie passe par les canalisations et le reste, par la surface. C'est ainsi que se produit, de temps à autres, une inondation

imagen de @gstreger

Image partagée par Gustavo Streger (@gstreger) sur Twitter.

Pendant ce temps, le gouvernement de Cristina Fernández de Kirchner et la municipalité de Buenos Aires cherchent également des coupables. L'agence de presse nationale Telam [es] publie les déclarations [es] du ministre de la Planification fédérale, Julio De Vido :

El ministro de Planificación Federal, Julio De Vido, aseguró que “otra vez la falta de gestión” del gobierno de Mauricio Macri “nos lleva a lamentar víctimas fatales y deja a 450 mil vecinos sin luz” en la Ciudad.

Le ministre de la Planification fédérale, Julio De Vido assure qu’ “encore une fois, le manque de prévoyance” du gouvernement de Mauricio Macri “a coûté des vies et laisse 450 000 personnes sans lumière” à Buenos Aires.

D'un autre côté, Comunas 24.com [es] rapporte que le maire de Buenos Aires, Mauricio Macri, a déclaré [es] :

“Los vecinos de Belgrano me dijeron que en algunos sectores algunas obras parciales que hicimos contribuyeron a mitigar un poco el problema, pero ha habido muchísimo daño y, obviamente, lo que falta es esta obra final en el arroyo Vega, que todavía no hemos podido iniciar por la falta del aval nacional para tomar el crédito” [...] “Yo pienso que la Presidenta debe haber visto lo que pasó ayer y todo lo que sufrió la gente de esa zona, en sus domicilios y en los comercios. Espero que baje una orden que nos habilite para tomar este tipo de crédito”. Macri recordó que hace más de cuatro años que la Ciudad solicita esos avales y aclaró que el crédito, “lo va a pagar la Ciudad integramente.”

“Les résidents de Belgrano m'ont dit que dans certains secteurs, le travail partiel que nous avons entrepris a contribué à atténuer le problème, mais il y a eu beaucoup de dégâts et évidemment, ce qui manque est ce dernier tronçon du canal Vega, que nous ne pouvons toujours pas commencer car nous attendons l'aval national pour obtenir des crédits” [...]“.Je pense que la Présidente doit avoir vu ce qui s'est passé hier et tout ce que subissent les gens de cette zone, aussi bien à leur domicile que dans les commerces. J'espère qu'elle va signer un mandat nous autorisant à prendre ce type de crédit”. Monsieur Macri a rappelé que cela fait plus de quatre ans que la municipalité attend ce feu vert et a assuré que “c'est la municipalité qui va financer intégralement” l'emprunt.

Laura Yabrun (@LambreLau [es]) écrit :

@lambrelau: Para no quedar fuera de las circunstancias, CFK [Cristina Fernández de Kirchner] y Macri se lavaron bien las manos #inundaciones #dondeestaCFK #Macri

@lambrelau: CFK [Cristina Fernández de Kirchner] et Macri se sont bien lavés les mains de la situation #inundaciones (inondations) #dondeestaCFK (oùestCFK) #Macri

Le site de journalisme citoyen Letra Compartida [es] et le portail d'informations Infobae [es] partagent plus de photos et d'informations agrégées sur Storify.

Photo vignette de l'utilisateur de Twitter @JoseIniesta.

Naissance de la première association saoudienne contre les exécutions “dissuasives”

samedi 6 avril 2013 à 13:07

Après la décision [fr] du  mois dernier d'un tribunal saoudien de dissoudre l’Association Saoudienne pour les Droits Civils et Politiques (ASDCP) et de confisquer ses biens (inexistants), un groupe de militants a annoncé hier la création d’une nouvelle association indépendante appelée l’Union pour les droits de l'Homme. Parmi ses objectifs déclarés, l'association souhaite mettre fin aux “exécutions dissuasives”, un sujet rarement abordé dans le royaume saoudien.

Les co-fondateurs de l’association sont quatre militants, dont l'un, Mohammad al-Abudllah Otibi, a été détenu pendant trois ans à partir de janvier 2009, pour avoir tenté d'organiser une manifestation pacifique en signe de solidarité avec les habitants de Gaza.

Plusieurs analystes politiques ont fait remarquer que, parce qu’ACDCP avait pris des positions politiques – comme par exemple  exiger une monarchie constitutionnelle -, elle était devenue une cible vulnérable à la répression des autorités. Il semble que l'Union pour les droits de l'homme envisage de prendre une direction différente, en évitant les revendications politiques. Le document fondateur [ar] précise :

وليس لهذه الجمعية غايات سياسية أو حزبية أو دينية، لذلك فإن جمعية الاتحاد لحقوق الإنسان تقف مع حقوق الإنسان الأساسية دون تفرقة في الدين او العرق او العنصر أو ذكراً أو انثى.

L'association n'a aucun objectif politique, sectaire ou religieux. L'Union pour les droits de l'Homme milite pour les droits fondamentaux de l'homme sans discrimination de religion, de race ou de sexe.

Selon Amnesty International, l'Arabie saoudite décapite environ deux personnes par semaine depuis le début de l'année 2013. En septembre 2012, les réglementations concernant les condamnations à avoir un, ou des membres, tranchés ont été assouplies [ar] ; l’exigence de consensus a été annulée  ;  actuellement, on peut condamner à la peine de mort par un vote à la majorité qualifiée. La plupart des condamnation à un membre tranché en Arabie saoudite sont « dissuasives » et beaucoup d'entre elles sont liées à des infractions aux lois sur la consommation ou le trafic de drogue et au vol qualifié. Cependant, « les  dissuasives » ne sont pas les seules exécutions en vigueur en Arabie saoudite. L'autre catégorie d’exécutions comprend les « excisions punitives », qui sont appliquées pour les meurtres.

Chili : Un ebook sur l'activisme numérique

samedi 6 avril 2013 à 08:32

Le site Web chilien “El Quinto Poder” [le cinquième pouvoir"] a publié l'ebook “Activismo digital en Chile. Repertorios de contención e iniciativas ciudadanas” (PDF) [Activisme numérique au Chili. Répertoires d'actions collectives et initiatives citoyennes], dans le cadre de son projet “Medios sociales e incidencia ciudadana: ¿hacia una nueva legitimidad política?” [Médias sociaux et incidence citoyenne : vers une nouvelle légitimité politique ?]. Le propos de cet essai, au-delà de l'analyse des différentes initiatives d'activisme existantes, est de considérer “les dimensions symboliques des formes de discours qui interviennent dans les interactions entre les activistes et leurs publics”.

Le Nigéria honore Chinua Achebe comme un pionnier de la littérature africaine

vendredi 5 avril 2013 à 21:40

L’écrivain nigérian Albert Chínụ̀álụmọ̀gụ̀ Àchèbé, mieux connu sous le nom de Chinua Achebe et dont l’œuvre célébrée internationalement a donné une voix aux Africains en détruisant le carcan du colonialisme, est décédé le 22 mars 2013. Il était âgé de 82 ans.

Le roman phare d’Achebe, Le Monde s'effondre (Things Fall Apart), fut l'un des premiers romans africains écrits en anglais à avoir remporté un succès mondial. Ce roman, qui a été publié en 1958, a été traduit en plus de 50 langues.

Preuve de l'impact profond de son œuvre, la mort d'Achebe est pleurée [en anglais, comme les liens suivants] dans le monde entier.

Deux écrivains contemporains d'Achebe, Wole Soyinka et J.P. Clark, déplorent la perte de leur « frère » sur le site africain de divertissement Bella Naija :

Chinua Achebe (1930-2013)

Chinua Achebe (1930-2013). Image publiée via Creative Commons (CC BY-SA 3.0) par Stuart C. Shapiro

Pour nous, la perte de Chinua Achebe est avant tout intensément personnelle. Nous avons perdu un frère, un collègue, un précurseur et un vaillant combattant. Parmi le « quatuor des pionniers » de la littérature nigériane contemporaine, deux voix se sont éteintes : la première, celle du poète Christopher Okigbo, et maintenant, celle du romancier Chinua Achebe.

Il est parfois difficile pour qui n'appartient pas à ce cercle intime de comprendre cette sensation de vide, mais nous trouvons réconfort grâce à la jeune génération d'écrivains qui ont pris le relais, ceux qui nous ont déjà assuré avec créativité qu'il n'y aura pas de rupture dans la transmission de la vocation littéraire. Il nous faut insister sur ce point alors que nous traversons une période critique de l'histoire nigériane, où les forces obscures semblent jeter une ombre sur cette mise en lumière de l'existence qu'est la littérature.

Pour le critique littéraire du New York Times Dwight Garner, Achebe mérite le qualificatif de père de la littérature africaine moderne.

M. Achebe a été un mentor et un modèle pour une génération d'écrivains africains. Il est d'ailleurs souvent décrit comme le père de la littérature africaine moderne. Mais à l'instar de nombreux romanciers qui connaissent le succès grâce à l'un de leurs premiers livres, M. Achebe a bien souvent été uniquement défini par son roman Le Monde s'effondre.

Cela fait plus de 50 ans que le roman pionnier et fondateur de M. Achebe a été publié ; il ne semble plus incarner, du moins pour un lectorat occidental, l'ensemble de la littérature africaine. Son talent et son succès ont donné naissance sur tout le continent à une pléiade d'œuvres postcoloniales. Parmi les jeunes écrivains nigérians talentueux qui déclarent avoir été influencés par Achebe figurent Chimamanda Ngozi Adichie, Adaobi Tricia Nwaubani et Lola Shoneyin.

L'auteure Chimamanda Ngozi Adichie [fr] a écrit un émouvant éloge funèbre en langue Igbo [fr] sur le blog Farafina Books :

Ife mee. Nnukwu ife mee. Chinua Achebe anabago. Onye edemede nke di egwu, onye nnukwu uche, onye obi oma. Keduzi onye anyi ga-eji eme onu? Keduzi onye anyi ga-eji jee mba? Keduzi onye ga-akwado anyi? Ebenebe egbu o! Anya mmili julu m anya. Chinua Achebe, naba no ndokwa. O ga-adili gi mma. Naba na ndokwa.

Un arbre est tombé. Un arbre majestueux est tombé ! Chinua Achebe a disparu. L'inimitable façonneur de mots, l'homme sage, l'homme bon. Désormais de qui allons-nous nous vanter ? Qui sera notre rempart ? Tant de Grands sont tombés ! Mes yeux sont inondés de larmes. Chinua Achebe que ton âme repose en paix. Tout ira bien pour toi. Repose en paix.

Ainsi que le déplore Remi Raji, président de l’Association des Ecrivains Nigérians sur le site web de l'organisation, les écrivains nigérians ont perdu un frère et un guide.

L'aigle de l'Iroko, le maître-artiste, l’admirable virtuose de la langue anglaise a quitté le monde charnel. Il est parti alors que renaît un discours sur le destin de notre nation nigériane. Et ce jour-là fut symbolique. En commémoration de la Journée mondiale de la poésie de l'UNESCO, les cieux de la littérature nigériane et africaine se sont effondrés. Un jour sombre en effet, une réalité dévastatrice, la fin d'un immense chapitre de l'histoire de la littérature africaine. Adieu Chinua Achebe, adieu irremplaçable fils de l'Afrique.

Le poète et essayiste Niyi Osundare a célébré ce digne fils de l'Afrique sur le site d'information Citizens Platform :

Mais si la simple force et portée des récits d'Achebe ont donné une voix à l'Afrique, la courageuse vérité de ses interventions critiques a remis en cause tant de mythes et de mensonges délibérés à propos du continent le plus mal représenté et le plus impunément exploité au monde.

Achebe savait, et il voulait que l’on sache, que les Africains resteraient de simples personnages d'histoires racontées par d'autres, jusqu'à ce qu'ils commencent à raconter leur propre histoire à leur façon, sans se fermer au reste du monde. Achebe a remis en question la philosophie de la fiction en la qualifiant d'aimable objet d'art, et en proposant des œuvres qui mettaient la condition humaine au premier plan et qui expliquaient au monde dubitatif que l'Empereur déshabillé était, en effet, nu ! Il a plaidé en faveur de la nécessité urgente d'un « art appliqué » et nous a donné le courage de regarder en face le Formalisme et de demander à voir son passeport. Oui, Achebe a déclaré à un monde au service de la théorie de l'art pour l'art qu'il est en effet possible d'être à la fois un romancier talentueux et un maître.

Richard Dowen a écrit sur le site web African Arguments qu'Achebe a de nombreux points communs avec Nelson Mandela :

Une conversation avec Chinua Achebe était un échange profond, lent et courtois. Il était extrêmement poli, et écoutait et réfléchissait toujours avant de répondre. Pendant les dernières années de sa vie, il parlait même plus lentement et plus doucement, savourant les paradoxes de la vie et de l'histoire. Il s'exprimait avec des phrases longues, claires et simples, qui se terminaient souvent sur un paradoxe triste et profond. Puis ces yeux extraordinaires pétillaient, son visage habituellement très solennel s'illuminait d'un large sourire et il se mettait à rire doucement.

Il avait cet air de Nelson Mandela. Tous deux pouvaient dégager une grande impression de sérieux et de solennité, pour ensuite afficher un large sourire. Cela s’est produit quand ils se sont rencontrés en Afrique du Sud, d'après ce que m'a dit sa fille Nwando. Tout d'abord les deux hommes se sont simplement regardés, et puis ont éclaté de rire comme s'ils reconnaissaient une fraternité partagée. Comme ils avaient tous les deux un penchant pour les traditions africaines, ils ont longuement conversé. Mandela avait lu Le Monde s'effondre quand il était en prison sur Robben Island et a déclaré au sujet d'Achebe : « C'est un écrivain dont la compagnie fait tomber les murs de la prison ».

L'Université du Nigéria, où Achebe a travaillé en tant que professeur, a décrété une période de deuil. Selon le vice-chancelier de l'université, Achebe a non seulement donné une voix à l'Afrique mais également à la civilisation humaine :

Le Professeur Achebe était l'un des géants du monde universitaire, et sa présence à la faculté était semblable à un rayon de lumière qui attirait le monde vers l'Université du Nigéria. Il a enseigné dans le Département d'anglais et a également mené des recherches à l'Institut des études africaines.

Après que le roman marquant « Le Monde s'effondre » a donné une voix à la littérature africaine et à son peuple, Achebe a continué son travail de pionnier avec la fondation d’Okike, une revue de littérature africaine de premier plan qui a lancé la carrière de nombreux écrivains brillants. Son travail de recherche sur les cultures des Igbos et de nombreux autres groupes à l'Institut des études africaines a contribué à consolider davantage la réputation de l'Université du Nigéria en tant que centre d'apprentissage libéral dans le respect de la tradition. À travers son travail, Achebe a donné à la langue, à la culture et au peuple du territoire Igbo une universalité qui en a fait un des principaux groupes ethniques de la civilisation humaine.

 La famille d'Achebe n'a pas fait part des décisions prises quant à ses obsèques.

Des hommages à Achebe provenant du monde entier ne cessent d'être publiés sur Twitter. Ici à Global Voices, nous adressons une ode à l'une des plus grandes étoiles de la littérature Africaine [écrite par l'auteur de ce billet]
Ije oma, Albert Chínụ̀álụmọ̀gụ̀ Àchèbé
Bulu anya anyi n'ala mmuo
Ka anyi bulu anya gi n'ala ndi di ndu
Okeosisi ada
Umu nnunu eju ofia
Kachifo Ogbuefi Achebe
Bon voyage, Albert Chinualumogu Achebe
Soyez nos yeux dans le monde des morts
Nous serons vos yeux dans le monde des vivants
Un grand Iroko est tombé
Les oiseaux se sont dispersés dans la forêt
Bonne nuit, Ogbuefi Achebe