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Netizen Report : nouvelles arrestations en Ethiopie, les journalistes et défenseurs des droits humains en “état d’urgence”

samedi 31 mars 2018 à 15:59

Le 21 octobre 2015, Mahlet Fantahun et des amis retrouvaient Befeqadu Hailu à sa sortie de prison. Photo via @miniliksalsawi

Le Netizen Report d’Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde.

Le 26 mars dernier, les autorités éthiopiennes ont arrêté les journalistes Eskinder Nega et Temesghen Desalegn [sauf indication contraire, tous les liens sont en anglais], deux membres de la plateforme de blogueurs Zone 9Befekadu Hailu et Mahlet Fantahun, ainsi que l’un des auteurs du site d‘informations De BirhanZelalem Workagegnehu. Tous avaient déjà été emprisonnés dans le passé pour leurs activités en tant que journalistes ou défenseurs des droits humains.

Ils n’ont pas été les seuls à être ciblés par les autorités durant cette semaine du 26 mars. Selon un contact local de GlobalVoices, qui a demandé à garder l’anonymat, plus de 20 journalistes, universitaires et figures importantes de l’opposition ont été arrêtés. Des défenseurs de la société civile du monde entier ont appelé à la libération de onze journalistes dans une lettre publiée par l’Association des Droits de l’homme éthiopienne.

Nega, célèbre journaliste politique qui était sorti de prison le 14 février après avoir avoir passé près de sept ans derrière les barreaux pour terrorisme, a lui aussi été de nouveau arrêté. Il a envoyé un message via Twitter décrivant les conditions “inhumaines” dans lesquelles ils sont incarcérés :

… nos conditions d’incarcération sont pour le moins inhumaines. Nous sommes plutôt entassés qu’emprisonnés. Nous sommes environ 200 à être serrés dans une pièce de cinq mètres sur huit divisée en trois espaces. Il est impossible de s’assoir ou de s’allonger confortablement et l’accès aux toilettes est limité. Quel que soit son crime, il n’y a pas un être humain qui mérite un tel traitement, et encore moins des gens comme nous détenus injustement. Le monde entier doit savoir ce qui se passe et tout doit être fait pour mettre fin à ce que nous endurons.

“Souffrant d’un grave mal de dos qui s’est développé lors d’une précédente incarcération”, Temesghen a été extrait de la prison pour être conduit à l’hôpital de Zewditu.

Hailu et Fantahun ont tous les deux été des collaborateurs de la communauté Global Voices. En 2014, ils avaient été arrêtés avec sept autres blogueurs et journalistes pour leur participation à la plateforme en ligne Zone9, où ils rappelaient régulièrement à leur gouvernement ses obligations en termes de droits humains et de loi constitutionnelle.

A l’issue de douze semaines de détention arbitraire, les auteurs avaient été condamnés en vertu de la loi éthiopienne contre le terrorisme (Anti-Terrorism Proclamation) et avaient passé plus d'un an derrière les barreaux. Plusieurs d’entre eux avaient été libérés, sans explications, juste avant la visite du président américain de l’époque, Barack Obama, en juillet 2015. Les autres avaient été acquittés et relâchés en octobre 2015.

Depuis lors, les deux blogueurs ont fait l’objet d’une étroite surveillance par les autorités de l’État.

Tout cela s’est passé dans un contexte politique agité. Depuis le milieu de l’année 2015, des milliers d’Éthiopiens ont commencé à réclamer davantage de libertés politiques et d’égalité sociale, ainsi qu'à demander à ce que le gouvernement cesse de s’approprier des terres dans la région d’Oromia, berceau de l’un des plus importants groupes ethniques éthiopiens. La réponse gouvernementale a été brutale : des centaines de personnes ont été tuées, des milliers d’autres arrêtées et les voix critiques – qu’elles s’élèvent sur Internet ou sur le terrain – systématiquement réduites au silence.

Fin 2017, la coalition au pouvoir en Éthiopie a commencé à se fissurer, ce qui a occasionné diverses retombées politiques dont la démission, en janvier 2018, de Hailemariam Desalegn de son poste de Premier ministre.

Jusqu’ici, 7 000 personnes ont été graciées ou ont vu les charges contre elles être abandonnées. Quoiqu’il en soit, cette semaine, certaines d’entre elles ont de nouveau été arrêtées. Et leur sort reste incertain.

Prochaine étape des retombées de l’affaire Cambridge Analytica : l’Inde

Christopher Wylie, spécialiste des données devenu lanceur d’alerte et ancien directeur de la recherche de Cambridge Analytica, a déclaré devant des parlementaires britanniques que le Congrès national indien, un des principaux partis politiques  en Inde, faisait partie des clients de la société d’analyse de données controversée.

Des allégations circulent également qui font état de contrats qu’auraient passés d’autres partis politiques indiens (dont le BJP, celui du Premier ministre Narendra Modi) avec l’entreprise britannique.

Lors de sa déposition devant la commission parlementaire britannique, le 28 mars, Christopher Wylie a détaillé les différentes activités de la société d’analyse de données, qui fait les gros titres depuis que, mi-mars, des journalistes de The Observer et du New York Times ont révélé qu'elle avait exploité, à leur insu, des données psychographiques relatives aux comportements d’utilisateurs de Facebook, pour l’équipe de campagne de Donald Trump lors de la course à la présidence américaine.

Dans son témoignage, Christopher Wylie pointe du doigt l’activité de l’entreprise en Inde et au Kenya, où Cambridge Analytica a été sollicitée par le parti au pouvoir Jubilee. Dans un tweet, il compare son action à une forme moderne de colonialisme.

Cambridge Analytica a également été impliquée dans une tentative d’interférence dans des élections au Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique.

Le doute sur les données gagne le Japon

Suite aux révélations concernant Cambridge Analytica, le Secrétaire général du cabinet du Premier ministre japonais Shinzo Abe a indiqué aux journalistes, le 27 mars, que le gouvernement était en train d’enquêter [en japonais] sur |’utilisation frauduleuse de données personnelles collectées depuis Facebook. Au Japon, la loi (Personal Information Protection Act) interdit aux entreprises de partager avec d’autres les données en leur possession sans l’accord explicite des utilisateurs concernés.

Comment protéger son compte Facebook des “mineurs” de données

Peu après qu'a éclaté le scandale de l’exploitation non consentie par Cambridge Analytica de données d’utilisateurs de Facebook, la Fondation Electronic Frontier a publié un petit guide pour aider les abonnés Facebook à limiter l’accès à leurs données via des applications de tierces parties. Pour le consulter, cliquez ici.

La Turquie renforce sa législation sur les vidéos en ligne

La parlement turc a adopté une nouvelle loi autorisant l’organisme public de régulation de la radiodiffusion à imposer un système de licence pour les plateformes de vidéo en ligne (telles YouTube, Periscope et probablement Facebook) qui permettra au régulateur de les surveiller et de sanctionner celles qui ne se plieront pas assez rapidement aux injonctions du gouvernement de retirer certains contenus. Toutes les plateformes devront obtenir une licence de la part du régulateur ; celles qui n’en auront pas risqueront d’être entièrement bloquées.

La Syrie met en place un tribunal spécialisé dans la cybercriminalité

En Syrie, le Conseil des ministres a adopté un amendement à la Loi sur la cybercriminalité de 2012, la loi 17/2012 [en arabe], qui sanctionne “quiconque incite ou promeut le crime via les réseaux informatiques” par une peine de prison de un à trois ans assortie d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 dollars. L’amendement crée une cour de première instance spécialisée dans les cybercrimes, dont les décisions pourront être contestées devant la Cour d’appel. Jusqu’ici, les personnes accusées en vertu de la Loi sur la cybercriminalité pouvaient être jugées par n’importe quel tribunal, civil ou militaire.

Des défenseurs des droits humains birmans s’attaquent à la Loi sur la diffamation

Pour contrer la célèbre loi birmane relative à la diffamation, le tech hub local Phandeeyar a mis en ligne une base de données, baptisée #SayNOto66d (“Dites non au 66d”),en partenariat avec une coalition de 22 organisations de la société civile. Selon l’article 66D, toute personne déclarée coupable d’avoir “extorqué, contraint, contrôlé injustement, diffamé, dérangé, exercé une pression abusive sur ou menacé quiconque en utilisant un réseau de télécommunications” encourt une amende et/ou une peine de prison allant jusqu’à trois ans.

Selon la base de données, 61 % des personnes poursuivies voulaient “attirer l’attention sur différents problèmes et responsabiliser leur audience”. La moitié des cas impliquaient une critique de l’État. Tous ceux qui ont été poursuivis selon cette loi ont été condamnés.

Les législateurs australiens veulent (vraiment) protéger le cryptage

Le sénateur vert australien Jordan Steele-John a déposé une motion pour soutenir les lois protégeant un solide cryptage dans les technologies de communication numérique et pour rendre plus exigeantes les conditions d’attribution d’un mandat à des enquêteurs voulant engager une surveillance digitale de citoyens suspectés d’activités criminelles.

Nouvelles recherches

 

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Le numérique comme partie intégrale de l'embellie économique en Côte d'Ivoire

samedi 31 mars 2018 à 13:06

Séance de formation d'Agitel à Abidjan 2017 by Modjou CC-BY-40

Après un redressement économique fort, de nombreuses réformes fiscales et règlementaires et le lancement d’importantes œuvres d’infrastructure, quelle sera la prochaine étape de l'évolution économique de la Côte d’Ivoire ?

Présenté par Alassane Ouattara en 2015, lors de sa réélection à la tête du pays, le plan national de développement de la Côte d’Ivoire (PND) avait pour objectif de faire du pays une puissance émergente à l’horizon 2020. Il vise pour cela à atteindre l’efficacité dans les interventions publiques et s’appuie sur la stabilité politique, la sécurité, un cadre macro-économique favorable, le développement des infrastructures et un accès privilégié aux marchés régionaux.
La communauté internationale et les principales institutions financières soutiennent les efforts du gouvernement ivoirien. En 2016, les bailleurs de fonds ont promis une aide de 15,4 milliards de dollars sous la forme de dons et de prêts en faveur du PND. Fin 2017, la Banque mondiale s’est engagée à doubler son soutien pour le porter à environ 5 milliards de dollars.

En février, l’Agence américaine pour le développement international (USAID) a quant à elle annoncé la signature d’un nouvel accord de partenariat avec la société Entrepreneurial Solutions Partners (ESP) pour la promotion des PME. Le plan devrait créer quelque 2 500 emplois, dont 1 500 dans les zones rurales. Il vise à:

révolutionner l’entreprenariat en suscitant une génération de jeunes et de femmes leaders.

Pour ce programme, d’une durée de trois ans, l’USAID a alloué plus de 360 millions de francs CFA (690 498 dollars) auxquels s’ajoute une contribution de l’ESP de 427 millions de francs CFA (810 870 dollars). Cette contribution fait partie d’une assistance globale d’un montant de 380 millions de dollars.

Soutenir les leviers de croissance

La Côte d’Ivoire poursuit de son côté les réformes pour confirmer son regain de dynamisme. Afin de réduire les risques budgétaires et d’améliorer la gestion publique, le gouvernement s’est engagé à mieux contrôler ses dépenses dans le cadre d’un plan d’assainissement visant à réduire le déficit de ce secteur. Un audit financier a en outre permis de corriger de nombreuses irrégularités sur le marché du cacao.

Le pays, qui a renoué avec la croissance grâce à ses ressources naturelles, se mobilise face à la baisse des prix de la fève et autres matières premières. Le gouvernement souhaite mettre en œuvre de nombreuses actions pour la relance caféière et ambitionne de faire passer les revenus des producteurs de café de 60 milliards à 180 milliards de francs CFA d’ici 2020. Il soutient par ailleurs les efforts de l’Organisation interprofessionnelle agricole de la filière coton (Intercoton). Confrontée à une chute de la production de coton graine de 30 % (320 000 tonnes pour la saison 2016-2017), la filière a lancé un plan stratégique de développement afin d’améliorer les conditions de travail et de vie de tous les acteurs.

Miser sur les nouvelles technologies

Le développement des infrastructures est également au cœur de la stratégie ivoirienne. En octobre dernier, le premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, a annoncé des travaux dans le district d’Abidjan pour une valeur totale de 475 milliards de francs CFA. Il s’agit notamment de la réhabilitation du pont Félix Houphouët-Boigny et la construction de l’échangeur Akwaba, le quatrième pont reliant le Plateau à Yopougon et les autoroutes de contournement d’Abidjan.
Alassane Ouattara et Emmanuel Macron ont de leur côté lancé, en décembre, les travaux du métro de la capitale économique ivoirienne. Entièrement financé par la France (à hauteur de 1,4 milliard d’euros), le métro d’Abidjan devrait être opérationnel en 2022.

La Côte d’Ivoire continue de tracer sa route vers le statut de puissance africaine. Le secteur privé reste toutefois à la traîne en matière d’innovation. Selon la Banque mondiale:

en Côte d’Ivoire, la productivité du travail et du capital d’une entreprise est généralement trois à quatre fois inférieure à celle d’une entreprise en Indonésie, au Maroc ou en Chine.

Le message de l’institution financière internationale n’est cependant pas tombé dans l’oreille d’un sourd. L’Etat ivoirien affiche des progrès en la matière. En janvier, le gouvernement a mis en place « e-liasse », une plateforme électronique de la direction générale des impôts qui permet aux PME et PMI de faire le dépôt de leurs états financiers en ligne. Ce dispositif devrait permettre à l’Etat de constituer une base de données fiable avec une traçabilité des paiements fiscaux.
Un investissement dans les nouvelles technologies qui tire profit de l’embellie économique du pays.

Après un incendie meurtrier en Russie, apathie officielle et trolling internet attisent l'indignation

vendredi 30 mars 2018 à 20:24

Vladimir Poutine visite un mémorial improvisé  aux victimes de l'incendie du centre commercial de Kemerovo, alors que les Russes se plaignent de la réaction officielle apathique à la tragédie // Crédit: kremlin.ru. CC BY 4.0

Le 25 mars, un vaste centre commercial de la ville de Kemerovo, en Sibérie, a été détruit par un incendie, et une soixantaine de personnes ont péri, dont de nombreux enfants. Dans les heures et jours qui ont suivi, les habitants de la ville ont sévèrement critiqué les administrations municipale et régionale pour leur gestion de crise ratée, et les premiers intervenants pour leur lenteur à réagir.

Pendant que ces habitants manifestaient dans la rue et sur I'internet, la machinerie russe des bots, orientée qu'elle est vers les conversations internes au pays, s'est employée à minimiser l'indignation locale et à disculper les fonctionnaires. Une opération qui reflète aussi le traitement méprisant et souvent brutal réservé par les agents publics aux familles des victimes.

Alors que les esprits s'échauffaient, tant dans les rues que dans la cybersphère, l'avis communément partagé est que l'utilisation des trolls en ligne a généré un environnement de désinformation et de méfiance.

La lutte contre l'incendie critiquée

Le feu semble avoir démarré à proximité d'une aire de jeux pour enfants, et s'est rapidement propagé, prenant au piège de nombreuses personnes, dont des dizaines d'autres enfants dans le cinéma du centre commercial. Comme l”a rapporté Meduza, un site d'information russe basé en Lettonie, les familles de ceux toujours coincés dans le brasier regardaient, incrédules, les premiers intervenants prendre leur temps pour revêtir leurs équipements tout en dissuadant les spectateurs éperdus de pénétrer dans le centre commercial pour sauver leurs enfants. Ceci est peut-être une procédure normale pour éviter que des individus non entraînés ne se mettent en danger, mais n'a pas empêché la colère. Mais ils ont réservé l'essentiel de leur fureur aux autorités régionales et municipales.

Igor Vostrikov, un parent en deuil qui a perdu sa sœur, sa femme et trois enfants dans l'incendie, a écrit ses quatre vérités sur VKontakte, le populaire réseau social russe. Son message a été visionné par plus de 700.000 personnes et partagé près de 8.000 fois au moment de l'écriture de cet article :

Моей семьи больше нет. Виноват правящий режим в моей стране.
Каждый чиновник мечтает воровать как Путин. Каждый гос служащий относится к людям как грязи(так же как и его выше стоящее руковотство к нему,и ко всем кто ниже)
Назначат козла отпущения и закроют тему,а угрозы(халатное отношение, тотальная коррупция, спаивание и деградация населения никуда не денется!)
Путин так и будет сам всех лично(точечно) наказывать-Указ проверить все Т.Ц. ,а ведь у нас ещё есть много других заведений, есть просто ветхие дома старые больници- трагедии могут случиться где угодно!
27.03 в Кемерово состоится митинг с 9.00 на площади советов. Приходите ко скольки сможете.
Максимальный репост.

Ma famille n'est plus. Le coupable est le le régime qui gouverne mon pays. Chaque bureaucrate rêve de voler autant que Poutine. Chaque fonctionnaire traite les gens comme de la merde (tout comme son supérieur le traite et comme il traite ses inférieurs). Ils vont trouver un bouc émissaire et pour eux l'affaire est close, mais les dangers (la négligence, la corruption totale, l'alcoolisation et la dégradation de la population) ne mènent à rien ! Poutine va évidemment punir lui-même chacun au cas par cas, ordonner d'inspecter tous les centres commerciaux, mais nous avons beaucoup d'autres installations, des maisons délabrées, des vieux hôpitaux : des tragédies peuvent arriver n'importe où !
Il y aura une manifestation le 27/03 à 9h00 sur la place des Soviets. Venez autant que vous pourrez.
Republiez au maximum.

Les informations sur le nombre exact de morts ont mis du temps à sortir, et à mesure qu'augmentait la colère des familles de victimes, il en était de même pour celle de la population de la ville. Des milliers de gens se sont rassemblés à l'endroit et à l'heure indiqués par le billet de Vostrikov sur Vkontakte, et beaucoup se sont attardés pendant dix heures.

Alors que les gens convergeaient, la présence policière s'est spectaculairement accrue, donnant lieu à quelques images sordides de policiers anti-émeutes descendant de leur véhicule matraque à la main. Certains qui fustigeaient les responsables publics se sont trouvés accusés à leur tour par ces derniers de “se faire de la publicité sur le dos de la tragédie” —  l'un d'eux n'était autre que Igor Vostrikov dont toute la famille a péri dans l'incendie.

Ce traitement incroyablement méprisant et purement et simplement hostile des survivants s'est traduit dans l'activité en ligne. Meduza a aussi rapporté que les vidéos de la catastrophe ont été submergées de marques d'aversion et de commentaires exhortant à ne pas conclure à la hâte et accuser les autorités municipales.

Les multiples “je n'aime pas” sont souvent constatés avec du contenu explicitement d'opposition. Il y a des Russes qui doutent du chiffre officiel de 64 morts, et des comptes Twitter se sont mis à les harceler, les accusant de mensonge et de tentative de distorsion des faits.

Certains recourent au doxxing, qui consiste à publier sur internet les coordonnées de personnes, ici ayant critiqué la réaction de la municipalité de Kemerovo. En général, ces bots ou ‘marionnettes-chaussettes’ (un véritable utilisateur derrière un compte donnant des encouragements, ou de ce genre) sont reconnaissables à leurs noms d'utilisateurs fantasques :

Faites attention aux noms et aux apparences de ces comptes [référence au nom particulier de ces comptes, une longue suite de caractères alphanumériques et pour image de profil une photo de Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères] qui accusent les manifestants de Kemerovo de “se faire de la pub sur les os [des morts]” #Usine à Trolls

Apporter la preuve définitive d'une campagne en ligne coordonnée contre ces protestataires peut paraître difficile, mais l'existence de telles campagnes au long des années est indéniable. Global Voices a été l'un des premiers organes de média occidentaux à exposer la véritable ampleur du trolling internet financé par l’État en Russie. Il existe une chaîne anonyme sur Telegram, service de messagerie populaire en Russie, qui serait gérée par un employé d'une des usines à trolls (contacté par des journalistes, le possesseur de la chaîne a décliné leurs demandes, invoquant des craintes pour sa sécurité). Signant “Confessions d'un Kremlinbot”, le troll supposé a publié le 26 mars :

Да, ребят, нас реально заставляют писать комменты в поддержку правительства по ситуации в Кемерово.

Смещаем вину на отдельных личностей: застройщиков, администрацию, охрану.
Перекрываем настроения против власти. “Причем тут Путин? Он же не может всё контролировать!”
Это главная цель. Параллельно хвалим МЧС, пожарных, очевидцев, кто помогал, выражаем соболезнования.

Я не знаю, зачем им это всё, но ничего более омерзительного ещё не было.

Oui, les gars, ils nous forcent réellement à écrire des commentaires de soutien au gouvernement dans l'affaire de Kemerovo.
Nous renvoyons la culpabilité sur différents personnages : les ouvriers du bâtiment, l'administration, la sécurité.
Nous couvrons les opinions anti-pouvoir : “Qu'est-ce que Poutine a à voir avec ça ? Il ne peut pas tout contrôler !”
C'est notre principal objectif. En parallèle, nous félicitons le ministère des Situations d'urgence, les pompiers, les témoins qui ont aidé, et envoyons nos condoléances.
Je ne sais pas pourquoi ils ont besoin de tout ça, mais c'est ce qu'on a fait de plus répugnant.

Certains responsables publics ont continué à traîner dans la boue quelques-uns des protestataires les plus véhéments, les traitant d'opposants et assurant qu'ils s'étaient investis contre la volonté des habitants locaux. Le 28 mars, la journée nationale officielle de deuil, Vladimir Tchernov, le vice-gouverneur de la région de mines de charbon du Kouzbass, a déclaré à l'agence d'Etat RIA Novosti :

Мы делаем выводы, что это была четкая, спланированная акция, направленная на дискредитацию власти… Очень много было “подогретой молодежи”… Люди присутствовали, совсем не понимая, что они там делают.

Nous sommes arrivés à la conclusion que ceci [la manifestation de masse de Kemerovo lundi 26 mars] était une action distincte, planifiée, visant à discréditer les autorités… Il y avait un grand nombre de jeunes “chauffés”.. Les gens étaient là sans comprendre ce qu'ils y faisaient.

Les trolls ont diffusé sa position, attribuant l'incendie lui-même et les manifestations qui l'ont suivi, selon les goûts, à des agents de l'Ukraine, au Royaume-Uni et à des services de sécurité occidentaux, dans le but de faire capoter l'investiture de Vladimir Poutine prévue en mai.

L'angle ukrainien a peut-être une certaine vraisemblance : il a transpiré que les rumeurs de morgues de Kemerovo débordant de corps calcinés bien au-delà du chiffre officiellement proclamé de 64 ont été délibérément attisées par Dmitri Volnov. Le farceur ukrainien notoire téléphonait aux hôpitaux de Kemerovo, et, se présentant comme un premier intervenant sur les lieux, leur disait de préparer suffisamment de brancards et de place pour recevoir au moins 300 cadavres.

Des rumeurs qui se sont rapidement propagées sur les réseaux sociaux russes, de nombreux utilisateurs faisant circuler des captures d'écrans de Whatsapp et d'autres messageries populaires citant le décompte de 300 corps et plus d'une “source fiable à Kemerovo.” Un de ces messages sur Yandex.Zen, une plate-forme de publication, a déjà accumulé au moins 113.000 vues.

La tragédie de Kemerovo a exposé non seulement l'indifférence des responsables russes au chagrin populaire, et leur incompétence en termes de gestion de crise, mais aussi la vulnérabilité de la société au trolling en ligne, qu'il soit sponsorisé par le pouvoir ou externe.

La stérilisation, une guerre qui ne s'arrête jamais pour les femmes indiennes

vendredi 30 mars 2018 à 13:29

“Il manque 14422 infirmières au sein des structures de santé gouvernementales”. Capture d'écran d'une vidéo YouTube

Cet article est une compilation de trois articles écrits par Madhura Charkraborty et Alankrita Anand et qui ont été originellement publiés sur Video Volunteers. Basé en Inde et primé internationalement, Video Volunteers est une organisation communautaire d'information.

L'Inde possède un sombre passif en matière de contrôle gouvernemental de la natalité des populations les plus pauvres et les plus démunies du pays. Depuis 1975 et l'année de “l'État d'urgence”, lorsque 6,2 millions d'hommes ont été stérilisés de force dans un mouvement très critiqué, le fardeau de diminuer la fertilité pèse désormais sur les épaules des femmes.

Entre 2013 et 2014, plus de 4 millions de stérilisations ont été pratiquées à travers le pays et parmi elles, seulement 100 000 l'ont été sur des hommes. Il est crucial de rappeler que l'Inde dédie 85% de son budget de planning familial aux méthodes de stérilisation. En 2014, 15 femmes de l’État du Chhattisgarh sont décédées à la suite d'opérations bâclées alors qu'elles étaient réalisées dans des établissements publics.

En 2015-2016, 82% des femmes stérilisées l'ont été dans un centre géré par l'administration. Parmi celles utilisant des pilules contraceptives, plus de la moitié ont visité un établissement privé (54%). Pour le planning familial, 85% des fonds gouvernementaux sont alloués à la stérilisation, 13,5% aux équipements et aux salaires et 1,5% aux autres méthodes.

Les informations ci-dessus brossent un tableau global peu reluisant sur la façon dont le pouvoir indien perçoit et traite les femmes du pays. Plus de 20 ans ont passé depuis la plate-forme d'action de Pékin organisée par ONU Femmes, une conférence qui voyait un changement paradigmatique du “contrôle de la population” vers un discours centré sur le “choix” et la “reproduction saine”. Au final, si peu de choses auront changé dans la situation des femmes en Inde. En 1991, Deepa Dhanraj réalisait son documentaire Comme une guerre (Something Like A War), arpentant les chambres d'hôpital, caméra au poing, et filmant d'une part les docteurs se vantant nonchalamment de réaliser des centaines de stérilisations au quotidien et de l'autre ces femmes, à peine anesthésiées, maintenues sur le dos et bâillonnées pour les empêcher de crier pendant l'opération.

Une chose a cependant changé depuis cette époque : aujourd'hui les programmes de contrôle de la population sont désormais promus sous couvert de la “santé maternelle”, un procédé maquillant un “choix” des femmes en matière de reproduction saine en le rattachant au programme Janani Suraksha Yojana. Les bénéficiaires de ces programmes sont toujours des femmes démunies financièrement et vivant en dessous du seuil de pauvreté dans les villages ruraux et les bidonvilles, la plupart d'entre elles appartenant à des castes minoritaires – telles que les Dalits – et celles ne pouvant assumer les coûts de soins privés.

Usha Patel, correspondante de la communauté Video Volunteers, dénonce également :

Dans la vidéo ci-dessus, on évoque le fait qu'une part négligeable, seulement 0,3%, des hommes subissent une stérilisation quand 36% des femmes sont confrontées à cette même procédure. Les raisons ? D'après Nandu, un homme de 35 ans originaire de l'Uttar Pradesh, les hommes ne devraient pas subir de stérilisation car ils accomplissent des tâches “dures” alors que les femmes se contentent des corvées “normales”. Sa femme, Manju, abonde dans son sens.

La vidéo ci-dessous décrit les conditions effroyables des soins de maternité indiens où, pour chaque heure qui passe, 5 femmes meurent pendant l'accouchement.

En 2015, une journaliste a rapporté les conditions sordides d'une salle de travail dans l'un des établissements publics et fleuron de l'enseignement à Calcutta, une métropole majeure du pays. Les femmes, en plein accouchement et percluses de douleur, y sont régulièrement rabaissées et giflées par les médecins et les infirmières à cause du bruit qu'elles causent. Le problème avec le contrôle généralisé des femmes marginalisées, qui court de leurs accouchements en institutions à la stérilisation en passant par les injections contraceptives Depo-Provera, c'est que de nombreuses similitudes peuvent être mises en avant entre la volonté actuelle de l'Inde de réduire la fertilité et les stérilisations forcées dans les anciens camps de Sanjay Gandhi. Beaucoup pensent ainsi que les politiques indiennes tendent à contrôler uniquement le nombre d'enfants des populations pauvres.

Et les cas choquants de violations des droits des femmes à enfanter sont légion. En Inde, l'utilisation des méthodes contraceptives pour hommes ont continué à décliner drastiquement au cours de la dernière décennie, l'utilisation du préservatif diminuant ainsi de 52%. En même temps, la contraception féminine continue d'être poussée par le gouvernement sur le terrain ou par le biais de politiques telles que la Mission Sanitaire Nationale.

Bikash Barman, correspondant de la communauté Video Volunteers, explique par ailleurs que la plupart des femmes enceintes de Kalpani, un village situé dans le district de Cooch Behar au nord du Bengale, évitent ainsi d'aller à l'hôpital de peur de se voir insérer de force des dispositifs intra-utérins.

Dans cette vidéo, l'une des 30 femmes ayant donné naissance au centre local de santé du gouvernement et qui se sont ensuite vues implanter de force des dispositifs contraceptifs intra-utérins, déclarait ainsi :

Non, je n'étais pas consentante pour recevoir un stérilet en cuivre.

Les recherches montrent qu'une autonomie accrue va dynamiser la recherche de meilleurs comportements sanitaires par les femmes. L'incitation à retarder la grossesse est ainsi plus efficace que la stérilisation pour diminuer les taux de fertilité. Tout ce débat nécessite cependant un changement des attitudes patriarcales envers les femmes et de la façon dont la société elle-même perçoit la population féminine. Changer les comportements à la maison et dans les institutions est une tâche colossale qui ne peut être valorisée par des chiffres clés comme peuvent l'être les décès maternels par exemple. Et jusqu'à ce que nous arrivions à changer nos attitudes, les femmes continueront d'être traitées comme des rats de laboratoires.

Les bénévoles de la communauté Video Volunteers sont issus de communautés marginalisées en Inde et produisent des vidéos mettant en lumière des histoires non médiatisées. Ces témoignages sont “des informations par ceux et celles qui les vivent”. Elles permettent de conceptualiser hyper-localement des problématiques qui sont liées au développement et aux droits humains au niveau international.

De la vente informelle à l'intelligence de marché : la Feira Preta brésilienne, la plus grande foire afro-descendante d'Amérique latine

jeudi 29 mars 2018 à 10:55

Affiche promotionnelle pour la foire Feira Preta 2017.

Chaque année depuis 16 ans, la ville de São Paulo au Brésil accueille Feira Preta («Black Expo»), la plus grande foire afro-descendante en Amérique latine. Un événement d'une grande importance pour la communauté noire au Brésil, un pays avec une population majoritairement noire.

Des manifestations musicales, des expositions de beaux-arts, du cinéma, de la danse, de la littérature, de la mode, de la gastronomie, etc., se déroulent au cours de cette foire de deux semaines. Des milliers de visiteurs : entrepreneurs de l'industrie de la chaussure et du vêtement, stylistes, designers, communicants et bien d'autres, viennent découvrir, acheter et promouvoir les produits de plus de 100 exposants participant à l'événement. La Feira Preta n'est pas seulement un espace pour faire des affaires, mais aussi un lieu de rencontre de diverses initiatives qui interagissent et se complètent pour faciliter leur croissance individuelle.

L'année dernière, Adriana Barbosa, présidente et directrice générale de la foire, a été reconnue comme l'une des 200 personnes les plus influentes d'ascendance africaine dans le monde par la liste mondiale du Most Influential People of African Descent (MIPAD). Ce prix fait partie des initiatives de l'ONU dans le cadre du programme de la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine .C'était la première fois qu'une femme noire d'Amérique latine était choisie par ce prix, une récompense déjà décernée à des personnalités importantes de la diaspora africaine, comme l'athlète jamaïcain Usain Bolt et des penseurs de l'Afrique contemporaine comme l'écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. Dans une interview avec Afroféminas, Barbosa soulignait que :

Este premio internacional me trajo una visibilidad nunca adquirida a lo largo de mis 16 años de trabajo. Fue a partir de este reconocimiento que ocupe la portada de la mayor revista de emprendimiento y negocios del país y recientemente recibí el premio de destaque en el tema de negocio de impacto social promovido por Facebook Brasil y por la Revista Pequeñas Empresas & Grandes Negocios.

Ce prix international m'a apporté une visibilité que je n'avais jamais atteinte au cours de mes 16 années de travail. C'est à cause de cette reconnaissance annoncée sur la couverture du plus grand magazine d'entrepreneuriat et d'affaires du pays et du prix que j'ai reçu récemment sur le thème de l'entreprise d'impact social promu par Facebook Brésil et le magazine Small Companies & Large Businesses.

La foire a commencé, cependant, dans un endroit beaucoup moins glamour. Dans une interview pour le site brésilien UOL, Barbosa a déclaré que l'idée est née d'un besoin plutôt que d'un rêve. En 2002, Adriana Barbosa avait été licenciée de l'entreprise où elle travaillait, elle devait donc commencer à vendre des vêtements dans les foires de rue. Quand elle est allée à Vila Madalena, un quartier bohème de la classe moyenne supérieure à São Paulo, elle a vu le grand potentiel d'un marché :

Tinha um enorme público de jovens negros, o DJ era negro, as hostess eram negras, mas os donos eram brancos. E eu pensava: como a gente consegue fazer circular dinheiro sendo produtores de um conteúdo cultural, mas no fim da noite a gente não está com esse dinheiro.

Le marché avait une audience énorme de jeunes noirs : le DJ était noir et les hôtesses étaient noires, mais les propriétaires étaient blancs. Et je me demandais pourquoi nous, les Noirs, réussissons à faire circuler de l'argent en tant que producteurs de contenu culturel, mais nous n'avons pas d'argent.

Elle a donc décidé d'organiser un événement et, en novembre 2002, elle a réuni une quarantaine d'exposants – en plus de spectacles musicaux et d'événements culturels – sur la place Benedito Calixto, célèbre à São Paulo pour ses foires en plein air. Ce fut un succès total : l'événement a attiré environ cinq mille personnes, un nombre élevé pour une première édition.

Seize ans plus tard, Feira Preta est passée de la petite place de São Paulo à Anhembi Morumbi, l'un des plus grands centres de congrès de la ville, avec plus de 700 exposants, dont 70 % de femmes. Depuis son ouverture, près de 140.000 personnes ont participé à la foire et, en 2017, elle a été organisée pour la première fois de manière décentralisée. La foire comprenait également des festivals de musique, de littérature et de cinéma, ainsi que des ateliers de formation professionnelle. La Feira Preta a multiplié les événements à São Paulo et est devenue encore plus significative en novembre, qui est le mois de la Sensibilisation aux Noirs au Brésil.

Une présence plus forte des entrepreneurs noirs dans l'industrie et la technologie est nécessaire

D'autres idées ont émergé au sein de la Feira , comme les Black Codes, un cabinet de conseil en communication et en intelligence de marché qui met l'accent sur les questions raciales. Des idées comme celle-ci sont dues à la croissance de la foire, qui est le résultat de multiples efforts pour obtenir du soutien, du financement et des sponsors. Selon Barbosa, le soutien à beaucoup de ces initiatives a été limité principalement par l'ignorance et du racisme, ce qui s'ajoute à la crainte que la foire soit un événement purement “ethnique”:

Sempre foi difícil fazer os potenciais patrocinadores entenderem que a Feira é um negócio, já que mais da metade da nossa população é negra, com uma enorme capacidade de consumo, capaz de criar muitas oportunidades de negócios.

Il a toujours été difficile pour les sponsors potentiels de comprendre que la foire est du commerce, car plus de la moitié de notre population est noire [c'est une population importante], avec une énorme capacité de consommation et capable de créer de nombreuses opportunités d'affaires.

Les données du Service brésilien de soutien aux petites et moyennes entreprises (SEBRAE) confirment la théorie de Barbosa. Selon l'agence, il y a eu une augmentation de 27 % des micro-entrepreneurs, dont 50 % d'Afro-descendants. Le revenu et le niveau d'éducation sont des facteurs clés de ce changement. Entre 2002 et 2012, la durée moyenne de scolarisation des noirs a augmenté de 38 %, passant de 4,7 à 6,5 ans. Parmi la population blanche, la hausse était de 21 %. Le revenu mensuel des Noirs a augmenté de 45 %, passant de 786,00 reales (environ 241 dollars) à 1 138,00 reales en moyenne (environ 349 dollars). Les Blancs ont continué à gagner 33 % de plus (de 1.843,00 à 2.460,00 reales, (soit environ 565 à 755 dollars américains).

Adriana Barbosa a déclaré dans plusieurs interviews que son intention était d'établir une petite foire et elle a fini par créer un écosystème qui a ouvert un marché entier reliant divers secteurs et entrepreneurs. Au cours des 16 dernières années, cela a développé une demande et un marché croissant pour divers produits et services que le commerce brésilien n'offre pas.

En ce qui concerne l'importance de Feira Preta, dans une interview avec Afroféminas, Barbosa déclare que:

En los festivales con formato de mercado, como es el caso de “Feira Preta”, es el espacio en el que se dan trueques de bienes materiales y simbólicos, donde preservamos nuestras raíces y transferimos conocimiento para las futuras generaciones. La Feira Preta ha ejercido, a lo largo de los 16 años que lleva en funcionamiento, un fortalecimiento y puesta en valor de la identidad negra brasileña. La población negra en Brasil representa más del 54% y, si llegamos a ese porcentaje, no se debe sólo a que hayan nacido muchas personas negras sino, sobre todo, a que la población negra brasileña ha comenzado a reconocerse como tal a partir de las acciones afirmativas, en las cuotas de las universidades, en los grupos culturales y por los artistas que, a través del arte y de la calidad estética traen un posicionamiento político en cuanto a su reconocimiento y afirmación como negros.

Les festivals au format de marché, comme Feira Preta , sont des espaces où s'échangent des biens matériels et symboliques, où nous préservons nos racines et transférons des connaissances pour les générations futures. Au cours des 16 années qui se sont écoulées depuis sa création, Feira Preta a réussi à renforcer et à mettre en valeur l'identité noire brésilienne. La population noire du Brésil représente plus de 54 % de la population totale. Ce pourcentage est dû non seulement à un nombre élevé de Noirs, mais surtout parce que la population noire brésilienne a commencé à se reconnaître comme telle par des actions positives, des quotas dans les universités, des groupes culturels et des artistes qui, par leur art et qualité esthétique, s'expriment en termes politiques de reconnaissance et d'affirmation en tant que peuple noir.

Des initiatives comme la Feira Preta et la façon dont elle revigore et rend visible les efforts des Noirs au Brésil prennent encore plus d'importance dans le contexte de l‘assassinat de la conseillère municipale et activiste Marielle Franco [fr]. Alors que Franco est pleurée par ceux qui défendent les droits des Noirs dans le monde, les espaces qui renforcent les projets et les mouvements des communautés afro-descendantes deviennent de plus en plus importants.