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À Cherán (Mexique), la communauté indigène purépecha s'auto-administre, en s'appuyant sur les réseaux sociaux

vendredi 29 avril 2016 à 20:10
Vivero de Cherán

La pépinière de Cherán. Grâce à cette initiative communautaire, près de 1500 hectares de forêt ont pu être replantés et différentes zones de Michoacán se fournissent en pins. “En accord avec les femmes qui y travaillent par roulement, la pépinière est devenue une source d'emplois pour les habitants des quatre secteurs de la ville” Photo de @Talladeboina36 pour Más de 131. Publiée avec autorisation.

“Pour la Justice, la Sécurité et la Récupération du Territoire” : on peut lire cette devise sur l'uniforme d'une des personnes chargées de veiller à la sécurité dans la zone de Cherán, une des principales communautés indigènes au centre de l’État du Michoacán, à l'ouest du Mexique, qui depuis 2011 a instauré un plan d'autodétermination politique et d'autodéfense communautaire.

Jusqu'en 2011, Cherán était victime d'une vague croissante de violences, provoquée principalement par l'arrivée du crime organisé dans la région et son intérêt pour l'exploitation illégale des ressources naturelles. Comme décrit dans le documentaire Resistencia de Cherán (La Résistance de Cherán) :

Cherán était constitué de 27 000 hectares de forêt qui ont été dévastés ; il ne nous en reste qu'environ 7 000. C'est à dire qu'on nous a détruit 20 000 hectares. Ils n'ont pas seulement anéanti la forêt, mais aussi notre faune, nos animaux, avec tout ce que cela implique pour le peuple purépecha.”

Un autre membre de la communauté raconte également dans le documentaire comment les divisons partisanes empêchaient de trouver des réponses directes aux menaces et aux agressions :

Les véhicules passaient par ici, dans les rues principales de la communauté. Ils se moquaient de nous, ils passaient dans les rues mais pas seulement, ils venaient aussi dans les magasins, les saccageaient et s'en allaient. Personne ne pouvait rien leur dire. Femmes et hommes, nous étions impuissants, nous ne pouvions pas leur crier dessus ou les arrêter. Notre situation était désespérée, il y avait urgence, mais rien ne pouvait se concrétiser parce que nous étions divisés, chacun appartenait à un parti politique différent.

La communauté avait fait appel aux autorités régionales et locales à plusieurs reprises pour leur demander de l'aide, mais sans succès. C'est pour cela que, le 15 avril 2011, plusieurs membres décidèrent de prendre les choses en main et, avec un groupe de femmes à leur tête, arrêtèrent les camions qui se dirigeaient vers la forêt. Une des femmes qui participa à l'affrontement raconte dans le documentaire Cherán: tierra para soñar (Cherán: une terre de rêve).

Quand nous y sommes allées le matin il faisait encore sombre, il était environ 6h30. On sonnait les cloches pour la messe […] Je n'aurai jamais pensé que ça irait aussi loin […] Nous étions cinq femmes, pas plus. D'ici, du quartier, que des femmes, pas d'hommes, il y avait quelques hommes mais majoritairement des femmes […] On a couru jusqu'aux voitures en leur lançant des pierres, il y a même une dame qui est tombée et qui s'est écorché le genou à cause d'une voiture qui a fait marche arrière…

À partir de cet événement, la population érigea des barricades pour contrôler le mouvement des personnes qui entraient dans la zone. Elle mit en place un tour de garde communautaire -en ville et dans la montagne- et s'organisa autour de feux de joie, pour se mettre d'accord et garantir qu'aucune personne étrangère à la communauté n'intervienne dans leur administration. De plus, dans un appel d'urgence diffusé 14 jours après ces événements, elle pointa du doigt le silence des responsables gouvernementaux.

Camioneta

Restes de l'une des camionnettes appartenant aux groupes de crime organisé et devenue un monument à  Cherán : “La première des œuvres d'art, construite avec les carcasses des camionnettes du narcotrafic, se trouve crucifiée; ou plutôt érigée pour être exposée, brandie comme trophée de guerre.” Photo de @Talladeboina36 pour Más de 131. Publiée avec autorisation.

En novembre de cette même année, sur demande expresse de la communauté, la Sala Superior del Tribunal Electoral del Poder Judicial de la Federación (la Chambre Supérieur du Tribunal Électoral du Pouvoir Judiciaire de la Fédération) annula les élections du conseil municipal, ce qui ouvrit la voie à une consultation dans la communauté : désormais on nomme un Conseiller de K'eris (“anciens” en langue purépecha) de manière autonome, sans élections, et en dehors du système des partis politiques mexicain.

L'année 2014 marqua une victoire de plus dans leur lutte pour la défense de leur territoire et de leurs droits collectifs comme peuple indigène. La Suprema Corte de Justicia de la Nación (Cour Suprême de Justice de la Nation) reconnut le droit de la communauté de Cherán à être consultée avant chaque changement législatif ou administratif susceptible d'impacter la communauté dans ses us et coutumes, comme le stipulent les traités internationaux.

Actuellement, presque quatre ans après avoir lancé son plan d'autonomie politique, Cherán reste déterminé, même si la collectivité reconnaît que le chemin est semé d'embûches. En cette année 2015 ont lieu des élections locales et fédérales au Mexique, et les pressions et intérêts politiques ont débuté. À la fin de l'année dernière, un groupe de personnes a fait parvenir une pétition à l'Institut Électoral de Michoacán demandant le rétablissement du système de partis politiques dans la municipalité. L'autorité électorale a statué récemment en faveur du Gouvernement Communal, reconnaissant qu'il est de la responsabilité de la communauté de décider de son avenir.

Sur ce sujet, et après une consultation autour des feux de joie et dans les quartiers, la population a décidé de continuer avec ce plan autonome de gouvernement, fidèles à ses us et coutumes. Comme le confirment les témoignages recueillis par l'Agence Autonome de Communication, Subversiones, dans sa vidéo “Partidos ojetes, Cherán no es un juguete” (“Tous pourris, Cherán n'est pas un jouet”):

Les mêmes personnes décident de ce qui se fait ou pas dans la communauté. Les partis politiques ne font pas ça, ce sont eux qui décident quoi faire ou non. Et bien, maintenant, la plus haute autorité, c'est l'Assemblée : le lieu où quelqu'un peut parler et être écouté par les autres et par les autorités. Ça on ne le faisait pas avant.”

L'autonomie du peuple de Cherán s'exprime et se renforce également avec ses médias alternatifs de communication. Preuve en est le travail que la communauté a effectué pour documenter et préserver ses traditions, à travers son blog, sa page Facebook et sa chaîne Youtube ; ou encore sa radio communautaire Radio Fogata, née en 2011 et gérée par des jeunes, et sa récente chaîne TV Cherán, lancée le 29 novembre 2014. Un second billet sera consacré aux efforts notables des habitants de Cherán pour faire entendre leur voix.

En attendant, le chant de Cherán et la devise de son drapeau purépecha Juchari Uinapekua (“Notre Force”) résonnent et nous transportent:

Fils de la Terre Mère / Nos chants, nos prières

S'élèvent dans les airs / Pour que nos rêves soient entendus

Mon peuple s'est réveillé / A allumé le feu

La graine pousse / L'espoir grandit

Macédoine : “Révolution colorée”, mode d'emploi

vendredi 29 avril 2016 à 17:02
"I am sick of Fear, I want Freedom!" Photo by Vanšo Džambaski, CC BY-SA.

“Marre de la peur, on veut la liberté !” Photo Vanšo Džambaski, CC BY-SA.

Depuis plus de deux semaines, des dizaines de milliers de Macédoniens de plus d'une douzaine de villes se rassemblent dans ce qu'on a surnommé la “Révolution colorée” pour manifester contre la corruption et l'impunité au niveau de l'Etat. Le mouvement tire son nom des jets de peinture des manifestants sur les bâtiments et monuments publics.

Les manifestations ont débuté lorsque le président Gjorge Ivanov a annoncé une amnistie pour une cinquantaine de politiciens de premier plan et leurs acolytes faisant l'objet d'enquêtes pour abus de pouvoir. L'an dernier, l'opposition révélait que les services secrets avaient, sous l'ex-premier ministre Nikola Gruevski, mis discrètement sur écoutes plus de 20.000 personnes ; dans ces conversations, de hauts responsables macédoniens semblent tremper dans de multiples méfaits, dont la fraude électorale, sur laquelle enquêtaient les services du Procureur Spécial de Macédoine jusqu'à l'amnistie présidentielle du 12 avril.

Depuis, le mouvement a pris de la vigueur, et ses participants expliquent avec zèle leurs actions en ligne, dans l'espoir d'encourager plus de monde à les rejoindre. Voilà comment ils s'y prennent.

Définir qui on est et ce qu'on défend

Les manifestations sont organisées ‘horizontalement’ par un réseau diffus d'activistes, qui comprend des membres d'ONG et d'initiatives civiques, de même que des membres de certains partis d'opposition, et tout individu présent. Un ensemble de principes communs les unit, ce qui a été essentiel pour définir le mouvement.

Ainsi, une infographie partagée sur Twitter a exposé sans détour les convictions des contestataires :

"Why do I protest and what is the Colorful Revolution?" via @MKColorful

“Why do I protest, and what is the Colorful Revolution?” via @MKColorful

Зошто Протестирам и што е ШаренаРеволуција?

1. Оваа борба е против авторитарниот и корумпиран режим, чие олицетворение е Никола Груевски.
2. Оваа борба е немирна, но ненасилна.
3. Ни една група од граѓанското општество нема монопол врз борбата против авторитарниот режим.

Секој/а граѓанин/ка што се согласува со овие принципи е дел од #Протестирам и #ШаренаРеволуција. Ги повикуваме сите оние кои се согласуваат со овие принципи да излезат на протести.

Pourquoi nous manifestons, et qu'est-ce que la Révolution colorée ?

1. C'est une lutte contre le régime autoritaire et corrompu, personnifié par l'ex-premier ministre Nikola Gruevski.
2. Cette lutte n'est pas pacifique [au sens de passive], mais elle est strictement non-violente.
3. Aucun groupe de la société civile ne détient le monopole de la lutte contre le régime autoritaire.

Tout/e citoyen/ne adhérant à ces principes fait participe de “je manifeste” (#протестирам) et de la #RévolutionColorée. Nous appelons tous ceux qui approuvent ces principes à sortir et manifester.

Les participants au mouvement ont choisi cette méthode décentralisée pour attirer plus de monde et empêcher quiconque de détourner la contestation pour sa propre cause. Les protestataires de la Révolution colorée expérimentent et divergent sur des approches diverses, et résolvent les différences par la discussion ouverte.

Epouser la multiplicité des langues

Reflet de la diversité linguistique de la Macédoine, les contestataires partagent l'information sur les revendications dans les diverses langues : macédonien, albanais (#protestoj!), romani, et même anglais.

Même la traduction anglaise de l'expression #RévolutionColorée a été le résultat de “la sagesse des foules“. En macédonien, #ШаренаРеволуција (“sharena revolucija” en alphabet latin) indique un mélange de diverses couleurs, et peut aussi se traduire par “multicolore”.

Mais c'est “coloré” qui est resté, surtout après que la radio internationale allemande Deutsche Welle l'a utilisé dans son article intitulé ‘Révolution Colorée’ dans la capitale macédonienne à coup de paintballs et de bulles de savon. J'ai fait un sondage informel sur Twitter pour savoir ce que pensaient les utilisateurs macédoniens de cette traduction. Les résultats ont montré que le choix de la Deutsche Welle a été plébiscité à 89 % :

Quelle traduction est la plus appropriée : Révolution Multicolore, Révolution Bariolée, ou Révolution Colorée ?

Etre visibles avec T-shirts et logos accrocheurs

Les participants arborent souvent des T-shirts avec le logo des trois procureurs publics spéciaux les plus haut-placés, Lenče Risteska, Katica Janeva et Fatime Fetai, sous l'acronyme “СЈО” (Services du Procureur Spécial, en macédonien). Le motif original a été partagé en ligne pour que les gens le téléchargent et confectionnent leurs propres t-shirts en signe de soutien à l'action anti-corruption des procureurs.

Colorful Revolution t-shirts.

Photo Vančo Džambaski, CC BY-SA.

Une douzaine de designers n'ont pas tardé à créer des logos et autres matériels visuels, et à les poster sur internet en haute résolution pour usage public. La page web sharena-revolucija.ie.mk rassemble au même endroit ces dessins, ce qui facilite l'utilisation de la ressource numérique. Les participants s'en servent pour confectionner t-shirts, banderoles, auto-collants, divers badges et drapeaux.

Screen shot of sharena-revolucija.ie.mk with all the various logo designs used by protesters.

Capture d'écran du site sharena-revolucija.ie.mk avec tous les divers logos utilisés par les manifestants.

Tout le matériel est auto-financé par les manifestants. Le mouvement a aussi fait prospérer tout un artisanat pour satisfaire à leurs besoins : des vendeurs de rues entreprenants offrant sifflets et eau en bouteilles suivent les défilés. Dès l'averse, ils passent promptement à la vente de parapluies.

Préférer les ballons remplis de peinture à la violence

Les actions violentes menant à la responsabilité pénale sont rigoureusement interdites, y compris toute activité pouvant nuire à autrui, notamment aux policiers. Les individus qui jettent des pierres ou d'autres objets dangereux, ou s'en prennent aux autres sont considérés comme des provocateurs. Ce qui est conforme à la tradition établie de non-violence des mouvements contestataires de ces derniers temps en Macédoine.

Cependant, des actions comme jeter des oeufs ou de la peinture, ou écrire des graffiti sur des bâtiments ou des statues, sont considérées comme des délits mineurs par la loi macédonienne, punis d'une amende d'environ 50 euros. Une tactique qu'a donc adoptée la Révolution Colorée.

Les manifestants utilisent des baudruches remplies de peinture et de sable (pour la sécurité en cas d'erreur de visée et pour l'aérodynamique). Ce tutoriel en ligne détaille leur fabrication :

Дали сакате да се приклучите на #ШаренатаРеволуција? Многу е лесно, треба да следите само неколку чекори:

1. Земете што е можно поширока инка или направете сами
2. Вметнете го исечениот крај во еден празен балон
3. Наполнете го балонот до пола со обичен песок
4. Наполнете едно шишенце (полесно е ако е со цуцла) со боја
5. Закачете го балонот на шишенцето и наполнете го балонот со боја
6. Заврзете го балонот и исплакнете го со вода
7. Спремни сте за шарена револуција

Vous aimeriez participer à la #RévolutionColorée ? Rien de plus facile, suivez ces quelques étapes :

1. Prenez un large entonnoir ou fabriquez-en un à partir d'une grosse seringue
2. Mettez le bout coupé dans un ballon vide
3. Remplissez le ballon à moitié de sable
4. Remplissez une bouteille en plastique de peinture (elle servira à transporter la peinture de chez vous au lieu de la manif)
5. Attachez le ballon au goulot de la bouteille pour le remplir de peinture
6. Nouez le ballon et rincez-le à l'eau
7. Maintenant, vous êtes prêt(e) pour une révolution colorée.

Il y a un consensus tacite entre les manifestants de n'asperger que les objets symbolisant le pouvoir et selon eux l'arrogance du régime, comme l’Arc de Triomphe et la statue de Prométhée habillé, dans le style d’Arno Breker, personnifiant “Le Parti” apportant la lumière et le savoir au peuple.

Skopje 2014 Prometheus turned Pink. Photo by Filip Stojanovski, CC BY.

La statue de Prométhée, édifiée dans le cadre du projet immobilier controversé Skopje 2014, devenue rose. Photo Filip Stojanovski, CC BY.

En riposte aux arrestations de manifestants sous des charges de hooliganisme ou de participation à un attroupement, le mouvement partage aussi de l'information juridique en macédonien et albanais sur les droits des citoyens en cas de garde à vue ou d'arrestation.

Contrer la narration du pouvoir avec une dose d'humour

La Révolution Colorée n'est pas qu'une allusion aux ballons remplis de peinture, elle ridiculise aussi les affirmations du gouvernement que les manifestations font partie d'une “révolution de couleur”, désignation des révolutions non-violentes qui se sont déroulées dans plusieurs pays issus de l'ex-Union Soviétique, et présentées comme ayant été fomentées de l'extérieur par l'Occident.

Pour ceux qui connaissent les péripéties de la politique en Macédoine, de telles déclarations ne manquent pas de sel. En 2006, le parti au pouvoir VMRO-DPMNE a changé son visuel de campagne électorale du rouge et noir à l’orange afin de capitaliser sur la Révolution orange ukrainienne et se donner un vernis pro-occidental et progressiste.

VMRO-DPMNE publicity photo from 2006, part of their "Orange" phase, emulating the Ukrainian "Color Revolution.

Photo publicitaire du VMRO-DPMNE en 2006.

Le VMRO-DPMNE tente maintenant de se présenter comme à la fois soutenu et victimisé par l'Occident. Le parti a déversé plusieurs millions de dollars de lobbying aux USA pour présenter l'opposition comme pro-russe. Avec une ampleur telle que les USA ont publiquement démenti tout soutien au VMRO-DPMNE comme à tout autre parti.

Ce qui n'empêche pas l'ex-premier ministre et actuel président du VMRO-DPMNE Nikola Gruevski, tout comme le Président Ivanov de dénoncer la main de l'Occident dans les manifestations. La Russie a émis une note diplomatique de soutien au gouvernement macédonien, tandis que la télévision d'Etat Russia Today met l'accent sur le message des contre-manifestants en rapportant qu'ils dépassent en nombre les rassemblements anti-corruption.

Un utilisateur de Twitter a ridiculisé toute cette communication en bidouillant un clip vidéo de Gruevski :

Pétition en Espagne sur l'utilité des devoirs à la maison

vendredi 29 avril 2016 à 15:56

2194119780_8053e0e748_zEst-il normal qu'un enfant consacre de longues heures aux devoirs après l'école? Est-il normal que parents et enfants se disputent à cause des devoirs parce qu'il a fallu renoncer à jouer, aller au parc, regarder la télévision ou tout simplement flemmarder?

Eva Bailén, mère de trois enfants, pense que tout cela n'est pas logique. En mars 2015, elle a décidé de lancer une pétition sur change.org en faveur de la rationalisation des devoirs et elle se bat maintenant sur son blog todoeldiaconectados.com :

10 raisons pour lesquelles il faudrait changer les devoirs

L'Espagne est l'un des pays où l'on donne les plus de devoirs à la maison : 6,5 heures par semaine contre une moyenne de 4,9 heures dans les 34 pays membres de l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). En Colombie, les élèves consacrent le même nombres d'heures que les Espagnols à leurs devoirs ; en Argentine et au Chili, ce sont seulement 4 heures. Selon une enquête de l'Organisation Mondiale de la Santé publiée en mars dernier, de nombreux enfants espagnols se sentent “stressés” à cause des devoirs à la maison, un stress qui augmente au fur et à mesure qu'ils grandissent.

Et on ne peut pas dire que l'Espagne soit précisément “la première de la classe”, le surplus de travail ne se traduisant pas en une meilleure performance scolaire. C'est ce que démontre le rapport du Programme International pour le Suivi des Acquis des Élèves (PISA en anglais). La performance éducative de l'Espagne en mathématiques, lecture et sciences demeure sous la moyenne des pays de l'OCDE. De plus, l'équité dans les résultats scolaires a empiré. Les élèves provenant d'un milieu socio-économique favorisé dépassent les moins favorisés de 34 points en mathématiques en 2012, une différence supérieure de 6 points à celle observée en 2003.

Les devoirs sont-ils utiles ?

Le débat n'est pas nouveau. Pour les uns, les devoirs sont une mesure éducative nécessaire qui oblige les élèves à se surpasser et les aide à asseoir leurs connaissances. Pour d'autres, c'est un abus, produit du manque de planification et qui aggrave les inégalités entre les élèves. L'OCDE met en garde contre la charge que représentent les devoirs pour les élèves en désavantage socio-économique. C'est ce qui ressort aussi d'un rapport de la Fondation BBVA et de l'Institut Valencien d'Investigations Économiques :

El apoyo que se puede recibir de los padres para hacer los deberes no es igual en un hogar con ingresos elevados o con adultos universitarios que en otro con ingresos bajos, en el que los padres -o los abuelos, cuando éstos son los cuidadores al salir de la escuela- sólo tienen estudios básicos. (Francisco Pérez, coordinador del estudio, citado por el diario El Mundo)

L'aide que peuvent apporter les parents pour les devoirs n'est pas la même dans les foyers où les adultes sont universitaires ou bien ont des revenus élevés que dans ceux de plus faibles revenus et où les parents – ou grands-parents, quand ceux-ci s'occupent des enfants après l'école – n'ont pas fait d'études supérieures. (Francisco Pérez, coordinateur de l'étude, cité par le journal El Mundo)

Le rapport PISA reconnaît que les devoirs peuvent effectivement être utiles pour améliorer les résultats mais la tendance actuelle est de réduire leur quantité. En 2003, la moyenne était de 5,9 heures par semaine, une heure de plus qu'en 2012. Certains pays dont les systèmes éducatifs se classent parmi les premiers du monde, présentent une charge bien moindre : 2,8 heures par semaine en Finlande ou 2,9 en Corée du Sud. De nombreux experts en éducation s'accordent sur la nécessité de réduire les devoirs à la maison en Espagne.

Les devoirs à l'examen en Espagne

Eva Bailén est mère de trois enfants et c'est sa propre expérience familiale avec les devoirs qui l'a menée à lancer une pétition sur change.org pour la rationalisation des devoirs dans le système éducatif espagnol, une pétition qui est maintenant devenue un véritable mouvement. Eva a lancé sa pétition il y a un peu plus d'un an, en mars 2015, et elle a obtenu un succès immédiat. En un mois elle a atteint 100 000 signatures et aujourd'hui, elle en a plus de 205 000.

Les répercussions de la campagne menée par Eva sont notables dans la presse, à la radio et à la télévision nationales et elle est parvenue jusqu'à des médias internationaux comme The Independent ou la BBC.

La lutte de @Todoeldiaconect pour la rationalisation des devoirs, sur @BBCWorld en ce moment même en une

Et elle a aussi trouvé le soutien des enseignants qui sont souvent eux-mêmes parents, comme c'est le cas d'Alfonso González Balanzá, professeur de biologie et géologie au collège :

Yo confieso que he realizado docenas de ejercicios y deberes de mi hija. ¡Y no me arrepiento! Lo he hecho para que tuviera una infancia feliz y durmiera 10 horas al día, (“Yo confieso”)

J'avoue que j'ai réalisé des dizaines d'exercices et de devoirs de ma fille. Et je ne le regrette pas ! Je l'ai fait pour qu'elle ait une enfance heureuse et qu'elle dorme 10 heures par jour, (“J'avoue”)

En octobre elle est revenue à la charge avec cette vidéo déjà vue par plus d'un million et demie de personnes : “L'expérience sur les horaires de travail qui va vous surprendre  #lohacesypunto (tu le fais, un point c'est tout)”:

Eva Bailén a fait des études de génie des télécommunications et travaille dans l'entreprise de services GFI pour un des trois principaux opérateurs de téléphonie mobile en Espagne. Son travail lui permet d'être en contact avec les dernières tendances. C'est une passionnée de technologie. Elle dit qu'une de ses principales préoccupations est d'éduquer correctement ses enfants. Eux aussi adorent la technologie et Eva reconnaît “qu'ils en savent parfois plus qu'elle et qu'elle apprend d'eux tous les jours”.

Son blog, todoeldiaconectados.com, aspire à être “Le blog des familles de l'ère digitale”. Eva veut aider d'autres parents à comprendre comment leurs enfants aussi peuvent tirer le meilleur parti de la technologie tout en évitant d'en faire une utilisation abusive ou inappropriée :

Me gustaría que todoeldiaconectados.com fuera más que un sitio web donde leer algo de vez en cuando, me gustaría servir de referencia para las dudas de mis lectores que espero lleguen a encontrar en este blog respuestas a sus preguntas, así como una guía útil para la educación de sus hijos o alumnos.

J'aimerais que todoeldiaconectados.com soit plus qu'un site web où l'on peut lire quelque chose de temps en temps, j'aimerais servir de référence pour dissiper les doutes de mes lecteurs qui, je l'espère, trouveront sur ce blog des réponses à leurs questions, ainsi qu'un guide pour l'éducation de leurs enfants ou élèves.

Comme beaucoup d'autres parents de son époque, Eva s'est rendu compte que certaines choses sont inutilement ancrées dans le passé et qu'il est terriblement difficile de les changer même si on en a les moyens. Mais elle a voulu aller plus loin et changer l'histoire. Elle s'est dit #lohacesypunto (tu le fais, un point c'est tout) et cela fait grand bruit !

Brésil: Cinq témoignages de prisonnières politiques rappellent la torture pratiquée par la dictature militaire

vendredi 29 avril 2016 à 15:18
Dilma Rousseff em julgamento durante a ditadura militar | Foto: Arquivo Público de São Paulo

Procès de Dilma Rousseff pendant la dictature militaire. Photo: Arquivo Público de São Paulo

Au beau milieu d'une des pires crises politiques de son histoire, une blessure s'est rouverte au Brésil lors de la session plénière de la chambre des députés, le 17 avril, jour du vote sur l'ouverture de la procédure de destitution contre la présidente Dilma Rousseff. Cela s'est passé au 316ème vote. Dans la file des députés qui dédiaient leur voix “à Dieu, à la patrie et à la famille”, l'un d'eux à rendu un vibrant hommage au pire bourreau de la dictature, le responsable du DOI-CODI, l'organisme chargé de la répression dans les années sombres de la dictature militaire. Le député a fièrement célébré la mémoire du Colonel Carlos Alberto Brilhante Ustra, qu'il a qualifié de “cauchemar de Dilma Rousseff”.

Le vote de Jair Bolsonaro — député qui se vante de ses prises de positions homophobes — a provoqué l'indignation tant de la part des opposants à l'impeachment que de ceux qui le soutiennent. Outre l'offense, le député a conforté une partie de la population brésilienne qui soutient ou tolère les crimes commis par l'Etat au court des 21 longues années de la dictature militaire (1964-1985).

Ce sont des gens qui pensent que, sous prétexte de “délivrer le Brésil des communistes”, les disparitions, les assassinats extrajudiciaires et la torture furent des armes justes. Même en 2016, cette population reste toujours significative — suffisamment pour que les “likes” de la page facebook de Brilhante Ustra augmente de 3.300% dans la semaine qui a suivi le vote.

C'est le même sentiment qui a permis l'éclosion des dictatures en Amérique du sud dans la seconde moitié du 20ème siècle. Au Brésil, le régime a fait 191 morts et 243 disparus, selon le rapport de la Commission Nationale de la Vérité, diffusé fin 2014.

Le Brésil a été le dernier des pays du cône sud à instaurer une Commission de la Vérité pour enquêter sur les crimes commis par l'Etat lors de leurs dictatures respectives — Chili, Argentine et Uruguay l'ont fait dans les années 80, juste après le retour à la démocratie, jusqu'au début des années 2000. Et tandis que d'autres pays du continent ont beaucoup avancé pour revoir leurs lois d'amnistie, le Brésil commence juste à évoquer le sujet. Pour Lorena Balardini, coordinatrice du Centro de Estudos Legais e Sociais, pionnier de l'investigation de la mémoire des dictatures dans la région, le Brésil “est le pays ayant le moins avancé” dans la réconciliation avec son passé militaire.

Cependant, Brilhante Ustra est tout de même devenu le premier tortionnaire reconnu par la justice au Brésil — malgré le fait qu'il soit décédé l'année dernière, avant d'être jugé. L'homme, qui dirigeait l'un des plus grands centres de répression de la dictature militaire, de 1970 à 1974, époque au cours de laquelle 502 cas de torture et plus de 40 assassinats ont été signalés, fut pourtant convoqué sur le banc des accusés grâce à une plainte portée par trois de ses victimes.

Global Voices a sélectionné des extraits* de cinq témoignages de prisonnières politiques à la commission de la vérité qui ne laissent planer aucun doute : la torture a bien existé et on ne peut pas l'oublier.

Cristina Moraes de Almeida: ce n'était pas une militante, mais elle connaissait des gens impliqués dans des mouvements politiques. L'étudiante fut arrêtée à trois reprises, et eu l'occasion de connaître, à chaque fois, Ustra et ses méthodes. Lors de l'une d'entre elles, les tortionnaires ont mis en scène une rébellion dans la cellule pour justifier ses blessures à l'abdomen. Une autre fois, elle a eu trois doigts de la main droite, et le pied gauche cassés pendant la torture. Lors d'une session dirigée par Ustra — sous le pseudonyme de Tibiriçá — et Sérgio Fleury, le colonel ordonna qu'elle soit “punie” parce qu'elle était “en pantalon dans une administration publique” (NdT: ce qui, à l'époque, était, comme en France, interdit aux femmes).

Cristina Moraes de Almeida – O Tibiriçá repetiu: “Tira a calça, esqueceu que não pode vir de calça em uma repartição pública?”, aos berros. Eu não vou tirar calça para nada. Estou quebrada, com dor.

Glenda Mezarobba (Comissão Nacional da Verdade) – Você estava vestida, até aí?

Cristina Moraes de Almeida – Estava vestida até aí, mas a calça bem desabotoada, bem desalinhada, já rasgada. “Com essa calça justa” – ele disse. – “Acaba de tirar a roupa dela!”. Minha calça estava bem desabotoada, bem… a blusa.

Glenda Mezarobba (Comissão Nacional da Verdade) – Ele mandou quem tirar sua roupa?

Cristina Moraes de Almeida – Os encapuzados. Eu comecei a me encolher. Ele puxou a perna, rasgando minha calça, acabando de rasgar a minha calça. Ele pega uma furadeira, e me furou daqui até aqui, com uma furadeira.

Glenda Mezarobba (Comissão Nacional da Verdade) – Com uma furadeira, uma furadeira?
Cristina Moraes de Almeida – Elétrica. Furadeira. Eu não vi mais nada. (…) Aí ligaram [a furadeira], porque o choque elétrico, não estava funcionando. (…) Nove meses sem caminhar. (…) Furaram o osso. Furaram derme, epiderme, o osso.

Cristina Moraes de Almeida – O Tibiriçá a répété en hurlant : “enlève ce pantalon, t'as oublié que tu ne pouvais pas venir dans une administration publique en pantalon ?”. Pour rien au monde j'enlèverai ce pantalon. Je suis toute cassée, j'ai mal.
Glenda Mezarobba (Commission Nationale de la Vérité) – vous étiez habillée jusque-là ?

Cristina Moraes de Almeida – J'étais habillée jusque-là, mais le pantalon déboutonné, tout froissé, déchiré. “Avec ce pantalon serré” – il a dit. – “Finissez de la déshabiller !”. Mon pantalon était tout déboutonné, ben…. le chemisier.

Glenda Mezarobba (Commission Nationale de la Vérité) – À qui a-t-il demandé de vous déshabiller ?

Cristina Moraes de Almeida – Aux encagoulés. J'ai commencé à me rouler en boule. Il a tiré la jambe (Ndt: du pantalon) achevant de le déchirer. Il a pris une perceuse, et il m'a fait un trou de là, à là, avec une perceuse.

Glenda Mezarobba (Commission Nationale de la Vérité) – Avec une perceuse, une perceuse?
Cristina Moraes de Almeida – Électrique. Une perceuse. Je n'ai rien vu. (…) Alors ils l'ont branché [la perceuse], parce que le choc électrique ne marchait pas. (…) Neuf mois sans marcher. (…) Ils m'ont troué l'os. Ils m'ont troué le derme, l'épiderme, l'os.

Isabel Fávero: ex-guérrilleira de la VAR-Palmares (aVant-guarde Révolutionnaire – Palmares, un groupe de guérilla armée). Elle fut arrêtée, en même temps que son mari, le 5 mai 1970 alors qu'ils avaient déjà pris leurs distance avec la guérilla et exerçaient leur métier de professeurs en alphabétisation des adultes à Nova Aurora, dans le Paraná (NdT: un Etat du sud du Brésil, capitale Curitiba).

(…) o prazer deles era torturar um frente ao outro e dizer: “olhe, sua vadia, ó ele está apanhando por culpa sua que você não quer colaborar”, entendeu? (…) além de ser torturada física e psicologicamente, a mulher é vadia, a palavra mesmo era “puta”, “menina decente, olha para a sua cara, com essa idade, olha o que tu está fazendo aqui, que educação os teus pais te deram, tu é uma vadia, tu não presta”.
Enfim, eu não me lembro bem se no terceiro, quarto dia, eu entrei em processo de aborto. Eu estava grávida de dois meses, então, eu sangrava muito. Eu não tinha como me proteger, eu usava papel higiênico, e já tinha mal cheiro. Eu estava suja, e eu acho que, eu acho não, eu tenho quase certeza que eu não fui estuprada, porque era constantemente ameaçada, porque eles tinham nojo, tinham nojo de mim.
E eu lembro que no dia em que nós fomos presos, exatamente no dia 4, nós tínhamos estado em Cascavel, e quando a gente saiu da ginecologista, tinha um veículo militar, mas a gente em momento nenhum pensou que eles estivessem vigiando a gente, eles já estavam no encalço da gente, eles seguiram, não é, esse dia eles nos seguiram o dia todo, e o meu marido dizia, “por favor, não façam nada com ela, podem, podem me torturar, mas ela tá grávida”, e eles riam, debochavam, “isso é história, ela é suja, mas não tem nada a ver”, enfim.
Em nenhum momento isso foi algum tipo de preocupação, em relação [pausa, voz embargada]. Eu certamente abortei por conta dos choques que eu tive nos primeiros dias, nos órgãos genitais, nos seios, ponta dos dedos, atrás das orelhas, aquilo provocou obviamente um desequilíbrio, eu lembro que eu tinha, muita, muita, muita dor no pescoço, porque quando a gente, quem sofreu choque, sabe? A gente joga a cabeça pra trás, aí tinha um momento que eu não sabia mais aonde doía, o que, doía em todo lado, mas enfim. Certamente foi isso. E eles ficavam muito irritados de me ver suja e sangrando e cheirando mal, enfim. Eu acho que ficavam até com mais raiva, e me machucavam mais ainda.(…)

Leur plaisir, c'était de nous torturer l'un en face de l'autre et de dire: “Regarde espèce de p…., regarde, il prend sa raclée parce que tu veux pas collaborer”, vous comprenez ? (…) En plus d'être torturée physiquement et psychologiquement, la femme est une s……., le mot exact était “pute” “jeune fille, regarde-toi, à ton âge, regarde ce que tu fais ici, quelle éducation tes parents t'ont donnée, t'es une p……. tu vaux rien”.
Enfin, je ne me rappelle pas si c'était au troisième ou au quatrième jour, j'ai entamé un processus d'avortement. J'étais enceinte de deux mois, alors, je saignais beaucoup. Je n'avais rien pour me protéger, je me servais de papier hygiénique, et ça commençait à sentir mauvais. J'étais sale, et je cois que, je crois, non, je suis presque sûre que je n'ai pas été violée, parce que j'étais sans cesse menacée, parce que je les écœurais, je les dégoûtais.
Et je me rappelle que le jour où on a été arrêtés, le 4 exactement, nous étions allés à Cascavel, et quand on est sortis de chez le gynécologue, il y avait un véhicule militaire, mais jamais on n'avait pensé que c'était nous qu'ils suivaient, ils étaient déjà à nos trousses, ils suivaient, n'est-ce pas, ce jour-là ils nous ont suivi toute la journée et mon mari disait, “S'il vous plaît, ne lui faites rien, vous pouvez, vous pouvez me torturer moi, mais elle, elle est enceinte”, et ils se marraient, se moquaient de nous “C'est des histoires, c'est une traître, mais ça n'a rien à voir”, enfin.
À aucun moment ce ne fut une préoccupation, en relation… [pause, voix tremblante]. J'ai sûrement avorté à cause des chocs électriques que j'ai reçu les premiers jours, sur les organes génitaux, sur les seins, le bout des doigts, derrière les oreilles, ça a sûrement provoqué un déséquilibre, je me souviens que j'avais mal, très très très mal au cou, parce quand on, ceux qui sont passés par là, vous savez? On jette la tête en arrière, alors à un moment je ne savais plus où j'avais mal, quoi, j'avais mal de partout, mais enfin.
Bien sûr que c'était comme ça. Et ils s'énervaient de me voir sale et pleine de sang et sentant mauvais, enfin. Je crois que ça les mettait encore plus en colère, et ils me frappaient encore plus et encore.

Dulce Chaves Pandolfi: étudiante, membre de l'ALN***, a été arrêtée le 20 août 1970, à l'âge de 21 ans. Lors de son témoignage à la Commission de la Vérité de l'Etat de Rio de Janeiro, Dulce se souvient: “Quand je suis entrée, j'ai entendu une phrase qui résonne encore dans mes oreilles : “Ici Dieu n'existe pas, ni la patrie, ni la famille”.

No dia 20 de outubro, dois meses depois da minha prisão e já dividindo a cela com outras presas, servi de cobaia para uma aula de tortura. O professor, diante dos seus alunos, fazia demonstrações com o meu corpo. Era uma espécie de aula prática, com algumas dicas teóricas. Enquanto eu levava choques elétricos, pendurada no tal do pau de arara, ouvi o professor dizer: “essa é a técnica mais eficaz”. Acho que o professor tinha razão.

Como comecei a passar mal, a aula foi interrompida e fui levada para a cela. Alguns minutos depois, vários oficiais entraram na cela e pediram para o médico medir minha pressão. As meninas gritavam, imploravam, tentando, em vão, impedir que a aula continuasse. A resposta do médico Amílcar Lobo, diante dos torturadores e de todas nós, foi: “ela ainda aguenta”. E, de fato, a aula continuou.

A segunda parte da aula foi no pátio. O mesmo onde os soldados, diariamente, faziam juramento à bandeira, cantavam o Hino Nacional. Ali fiquei um bom tempo amarrada num poste, com o tal do capuz preto na cabeça. Fizeram um pouco de tudo. No final, comunicaram que, como eu era irrecuperável, eles iriam me matar, que eu ia virar “presunto”, termo usado pelo Esquadrão da Morte. Ali simularam meu fuzilamento. Levantaram rapidamente o capuz, me mostraram um revólver, apenas com uma bala, e ficaram brincando de roleta-russa. Imagino que os alunos se revezavam no manejo do revólver porque a “brincadeira” foi repetida várias vezes.

Le 20 octobre, deux mois après mon arrestation et partageant déjà une cellule avec d'autres personnes, j'ai servi de cobaye pour un cours de torture. Le professeur, devant ses élèves, faisait des démonstrations sur mon corps. C'était une espèce de mise en pratique, avec quelques conseils théoriques. Tandis que je me prenais des chocs électriques, pendue au fameux pau de arara, j'ai entendu le professeur dire: “ça, c'est le plus efficace”. Je pense que le professeur avait raison.

Comme je commençais à me sentir mal, le cours a été interrompu et ils m'ont ramenée à la cellule. Quelques minutes après, des policiers sont entrés avec un médecin dans la cellule et ils lui ont demandé de me prendre la tension. Les filles criaient, imploraient, essayant en vain, d'empêcher le cours de reprendre. La réponse du docteur Amílcar Lobo, devant tous les tortionnaires et devant nous toutes fut : “elle peut encore en supporter”. Et, effectivement, le cours a repris.

La deuxième partie du cours s'est déroulée dans la cour. La même que celle où les soldats, tous les jours, assistaient au lever du drapeau et chantaient l'hymne national. Je suis restée là longtemps, attachée à un poteau, le capuchon noir sur la tête. Ils ont fait un peu de tout. À la fin, ils m'ont dit que, puisque j'étais irrécupérable, ils allaient me tuer et j'allais devenir un “jambon”, le terme utilisé par l'Escadron de la mort (NdT: un corps, en quelque sorte). Là, ils simulèrent mon exécution. Ils ont arraché le capuchon, m'ont montré un revolver, avec une seule balle, et ont simulé la roulette russe. J'imagine que les élèves prenaient chacun leur tour au revolver parce que la “plaisanterie” s'est répétée plusieurs fois.

Leslie Denise Beloque: ex-militante de l'ALN (ALN: Alliance Libératrice Nationale, groupe de guérilla armée), elle a été arrêtée le 29 janvier 1970, à l'âge de 21 ans. Son frère, sa belle-sœur et une de ses sœurs ont aussi été arrêtés et torturés par le régime militaire.

A tortura é uma delas visivelmente, as pessoas ainda não conseguem falar dela, honestamente. Inclusive porque não é heroico, ter sido presa e ter sido torturada isso não te faz herói, não te torna heroica, não é uma experiência heroica. Muito pelo contrário: É humilhante, te humilha, é uma questão de extremo sofrimento, não é heróico, você tem medo adoidado, por várias vezes você tem medo quando você fica apavorado quando você ouve o barulho da chave, então não é só uma questão heroico, só bonita e só: “Ai nossa eu fui torturada.” Não, é trazer essas coisas de quantas vezes você teve um medo danado, o pavor em várias situações, você saber que toda a noite o cara te chama para te torturar, ou no plantão do fulano de tal que acabou de entrar. E discutir nessa dimensão, sem esse heroísmo, sem essa… Na forma em que ela é.

Claro que as pessoas que passaram por essa experiência, despojar esse caráter mítico e dizer a coisa como ela é, as sensações que você teve de coragem, de medo, de pavor, de tudo. Porque cada um é isso, foi buscando as suas estratégias de sobrevivência e foi assim, uns conseguiram e outros não. E a mim resta uma pergunta, resta essa questão: Será que os companheiros que provocaram a morte, foi por que perceberam que não iam aguentar? E a morte foi uma forma de garantir que ele não falaria?

La torture est visiblement l'une d'entre elles, les gens n'arrivent toujours pas à en parler, honnêtement. Y compris parce que ça n'a rien d’héroïque, avoir été arrêté et torturé ça na fait pas de toi un héros, tu ne deviens pas héroïque, ça n'est pas une expérience héroïque. Bien au contraire : c'est humiliant, ça t'humilie, c'est une question de souffrance extrême, ça n'est pas héroïque, on a une peur folle, on a toujours peur, peur quand on entend le bruit des clés, alors ça n'est vraiment pas une question d'être héroïque, seulement pour le beau geste et parce que “Oh flûte, j'ai été torturée.” Non, il faut se souvenir de ces choses, de combien de fois vous avez eu peur, la terreur dans ces situations, savoir que toutes les nuits le mec t'appelle pour te torturer, ou au tour de garde de tel ou tel gardien qui vient d'arriver. Et parler de cette manière, sans cet héroïsme, sans cette… dire comment c'est, la torture.

C'est vrai que pour ceux qui ont vécu cette expérience, se dépouiller de ce caractère mythique et dire les choses crûment comme elles sont, les sensations de courage que vous avez eu, de peur, de terreur, de tout. Parce que pour chacun, c'est ça, avoir cherché ses propres stratégies de survie et ça s'est passé comme ça, certains y sont arrivés, d'autres non. Et il me reste une question, il reste cette question: Est-ce que les compagnons qui se sont suicidés, l'ont fait parce qu'ils sentaient qu'ils ne tiendraient pas ? Et la mort était une manière de s'assurer qu'ils ne parleraient pas ?

Dilma Rousseff: Elle aussi a milité au VAR-Palmares et a été incarcérée pendant trois ans. En 2001, Dilma a fait part de son témoignage à la Commission des Droits de l'Homme du Minas Gerais (NdT: État brésilien, capitale Belo Horizonte), mais sa déposition n'a été rendue publique qu'en 2012, dans un reportage du journal Estado de Minas.

“Tinha muito esquema de tortura psicológica, ameaças. Eles interrogavam assim: ‘Me dá o contato da organização com a polícia?’ Eles queriam o concreto. ‘Você fica aqui pensando, daqui a pouco eu volto e vamos começar uma sessão de tortura.’ A pior coisa é esperar por tortura.”

“Depois (vinham) as ameaças: ‘Eu vou esquecer a mão em você. Você vai ficar deformada e ninguém vai te querer. Ninguém vai saber que você está aqui. Você vai virar um ‘presunto’ e ninguém vai saber’. Em São Paulo me ameaçaram de fuzilamento e fizeram a encenação. Em Minas não lembro, pois os lugares se confundem um pouco.”

“Quando eu tinha hemorragia, na primeira vez foi na Oban (…) foi uma hemorragia de útero. Me deram uma injeção e disseram para não bater naquele dia. Em Minas, quando comecei a ter hemorragia, chamaram alguém que me deu comprimido e depois injeção. Mas me davam choque elétrico e depois paravam. Acho que tem registros disso no final da minha prisão, pois fiz um tratamento no Hospital das Clínicas.”

“Fiquei presa três anos. O estresse é feroz, inimaginável. Descobri, pela primeira vez, que estava sozinha. Encarei a morte e a solidão. Lembro-me do medo quando minha pele tremeu. Tem um lado que marca a gente o resto da vida.”

“As marcas da tortura sou eu. Fazem parte de mim.”

* Os depoimentos foram editados para melhor clareza.

“Il y avait beaucoup de torture psychologique, des menaces. Ils interrogeaient comme ça: ‘Donne-moi le contact de l'organisation avec la police ? Ils voulaient du concret. ‘Reste ici et réfléchis, je reviens dans un moment et on commencera une session de torture.’ Le pire, c'est d'attendre la torture.”

“Puis (venaient) les menaces : ‘Je vais oublier la main en toi. Tu vas rester déformée et personne ne va vouloir de toi. Personne ne saura que tu es ici. Tu vas devenir un ‘jambon’ et personne ne va le savoir’. À São Paulo ils ont menacé de me fusiller et ils ont fait une mise en scène. Dans le Minas je ne me rappelle pas, les lieux se confondent un peu.”

“Quand j'ai eu une hémorragie, la première fois c'était à l'Oban (…) c'était une hémorragie de l'utérus. Ils m'ont fait une piqûre et ont dit de ne pas me battre ce jour-là. Dans le Minas, quand j'ai commencé à avoir une hémorragie, ils ont appelé quelqu'un qui m'a donné un comprimé et fait une piqûre. Mais ils me faisaient subir des chocs électriques et après ils s'arrêtaient. Je pense qu'il y a des registres de ça à la fin de mon incarcération, parce que j'ai été en traitement à l'Hospital das Clínicas (Hôpital public universitaire).”

“J'ai été incarcérée trois ans. Le stress est énorme, inimaginable. J'ai découvert, pour la première fois, que j'étais toute seule. J'ai fait face à la mort et à la solitude. Je me souviens de la peur quand j'avais la peau qui tremblait. Il y a quelque chose qui nous marque pour le reste de notre vie.”

“Les marques de la torture c'est moi. Elles font partie de moi.”

* Les témoignages ont été réorganisés pour plus de clarté.

Vous pensez connaître le peuple somalien ? Lisez et repensez-y

jeudi 28 avril 2016 à 21:38

Visages Somaliens, un projet publié en ligne depuis trois mois, partage le quotidien de Somaliens ordinaires de par le monde. Derrière le projet, un duo créatif composé de Donia Jamal Adam, conteuse, militante et défenseuse des droits de l'Homme ; et de Mohammed Ibrahim Shire, auteur et historien enthousiaste. Tous deux sont également photographes amateurs.

Le projet a deux objectifs principaux. Le premier, global, souhaite changer l'image des Somaliens, peuple résilient et pacifique que les stéréotypes taxent de terroristes, pirates, seigneurs de guerre et réfugiés. Le deuxième, national, est un rappel compatissant au peuple somalien de s'élever au-dessus du clanisme “et de partager en communion les luttes, rêves, regrets et aspirations de leurs compatriotes.

Visages Somaliens raconte des histoires puissantes – de perte, de certitude, mais aussi d'espoir. Visages somaliens choisit ces histoires en visitant et en interagissant avec les Somaliens à travers le monde. Tous, jeunes et vieux, ont une histoire à raconter. Voici quelques-unes des plus émouvantes

L’éducatrice

Photo used with permission.

Photo de Visages Somaliens (Donia and Mohammed). Avec leur permission.

Je suis née au Pakistan, élevée aux États-Unis et réside actuellement à Hargeisa [Somaliland]. Je suis arrivée à Hargeisa à l'âge de 10ans, après le tragique décès de ma mère (Que Dieu lui accorde son Paradis). Je viens de deux familles nomades qui comptent parmi les moins éduquées […] Etre issue de ces deux familles […] m'a poussée à me surpasser pour m'éduquer et réussir, être une ‘success story’ pour mes parents. Depuis le décès de ma mère, je suis sans cesse jugée par les anciens de notre communauté. […] J'ai donc organisé mes objectifs dans un ordre strict: présentatrice, enseignante, épouse et mère. […] J'ai commencé à présenter les nouvelles et les programmes pour la section anglaise de la Radio Hargeisa à 16 ans. Ensuite, pour rendre mon père heureux, j'ai fait des études de Santé publique dans une université locale et je suis tombée amoureuse de l'enseignement. Vous ne savez jamais quand l'amour frappera à votre porte. Je n'ai jamais songé une seule fois me marier à un jeune âge. Puis j'ai rencontré mon mari et réalisé qu'il m'était prédestiné. Alhamdullilah, nous sommes mariés depuis deux ans et je suis actuellement agée de 19 ans. Nous sommes parents d'une merveilleuse fille et j'ai réalisé mes objectifs dans l'ordre que je m’étais fixé et continue d'agir suivant suivant cette feuille de route. Mon mari m'a appris à vivre selon le dicton bien connu, « Là où il y a une volonté, il y a un chemin. […] J'ai créé mon propre cours. J'enseigne l'anglais comme seconde langue à mes concitoyens somaliens. J'essaie de garder un sourire sur mon visage, peu importe ce que je traverse […] Quel que soit la rudesse de votre éducation, la précarité de votre milieu social, les étiquettes que les gens vous collent à la peau, rappelez-vous toujours tout est possible.

La fille aveugle

Photo used with permission.

Photo de Visages Somaliens (Donia and Mohammed). Avec leur permission.

 

Ma famille et les quelques Somaliens avec lesquels il m’était arrivé d'interagir n'avaient aucune idée de la manière d’éduquer ou d'approcher une fille aveugle. Résultat, je suis devenu auto-dépendante et assez isolée. Plus jeune, nous vivions dans un village appelé Higlale, près d'un grand puits. Un matin, j'ai accompagné ma mère recueillir de l'eau […] ma mère a vu au loin deux silhouettes se diriger vers le puits […] Voyez-vous, j'aime les plantes et les fleurs, bien que je n'aie jamais vu à quoi elles ressemblent, mais j'aime les caresser, gentiment passer ma main dessus. Alors que nous les attendions, j'ai cueilli beaucoup de fleurs, autant que mes deux mains pouvaient en contenir. Lorsque les deux silhouettes sont approchées du puits, elles se sont avérées être une parente éloignée et son fils. Après les salutations, ma tante a dit […] “Qui est cette belle jeune fille assise à côté de toi, est-elle la tienne ?” Avant que ma mère n'ait formulé une réponse, elle a répondu à sa propre question :« Est-ce la fille aveugle? ». Ma mère a répondu par l'affirmative. Je me suis habituée à être appelée la fille aveugle et je suppose qu'au fil des ans, la peine s'est attenuée donc ça ne m'a pas beaucoup dérangé. Mais une fois qu'il a su que j'étais aveugle, le fils s'est dirigé vers moi et s'est assis à mes côtés. Il a pris les fleurs que je tenais dans mes mains et patiemment, m'a donné leurs noms, décrit leurs couleurs, m'a dit où ils peuvent être trouvés. J'ai été surprise car personne n'a jamais fait cela pour moi. […]

Il a promis de m'amener dans autant d'endroits que possible, plein de fleurs et de verdure. A partir de ce jour, il m'a emmené les plus beaux endroits et nous avons passé beaucoup de temps ensemble. Je suis tombée amoureuse de lui, mais comme j’étais une jeune fille, je ne pouvais pas le lui dire. J'ai pensé qu'au moment opportun, je le lui dirai. Malheureusement, nous avons dû déménager […] Nous nous sommes revus en 2009, une fois de plus à Hargeisa et je me suis dit que l'occasion ne se présentera peut-etre plus jamais alors je lui ai dit […] il a répondu avec une question qui m'a mise en émoi. Il a dit: « Comment t'est-t-il possible d'aimer, étant donné que tu es aveugle et ne peux pas me voir? […] Je lui ai expliqué avec patience que nous, aveugles, sommes capables de reconnaître l'amour. En fait, vous n'avez pas besoin d'yeux physiques pour voir et éprouver des sentiments. L'amour est vécu à travers la connaissance intuitive de nos cœurs et je le vois et le reconnaîs avec les yeux de mon cœur. […] Nous n'avons pas été en couple et c'est la volonté divine. Mais sachez que la beauté et l'amour ne sont pas vecues à travers vos yeux physiques mais à travers votre cœur. Et je dirais à ceux qui ont été dans ma situation et sont aveugles, si vous rencontrez l'amour, ne laissez pas votre handicap vous dissuader de le poursuivre. Tout le monde est capable d'aimer.

Le Migrant

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Photo de Visages Somaliens (Donia and Mohammed). Avec leur permission.

Vivant à Mogadiscio, un ami proche et moi avons décidé de tenter l'aventure en Europe et  de voyager par le chemin habituel qui traverse l'Ethiopie, le Soudan, la Libye, puis l'Europe. Nous nous sommes retrouvés à court d'argent et avons été coincés en Ethiopie. […] J'étais fauché, je ne parlais pas un mot d'Ahmaric et n'avais sur moi que l'argent de mon loyer. Avec mes derniers sous restant, je me suis procuré un dictionnaire Somalien-Anglais et un livre de grammaire. Chaque jour, j'étudiais au moins 20 mots anglais […] En moins de deux mois, j'ai atteint à un niveau décent qui me permettait de comprendre les programmes d'information en anglais. Alors que je commençais à m'inquiéter du peu d'argent que j'avais, et qui ne cessait de diminuer, une occasion s'est présentée […] Il y avait cet enseignant d'informatique somalien qui voulait apprendre l'arabe et je parle couramment l'arabe. […] Il était prêt à payer 400 birr éthiopien [monnaie éthiopienne], ce qui représentait beaucoup […] mon loyer mensuel étant de 50 birr. J'y ai réfléchi et lui ai dit que je ne voulais pas son argent. Je lui ai demandé de m'enseigner l‘informatique et en échange, je lui enseignerai l'arabe. Ce qu'il a accepté avec joie mais en m'avertissant qu'il ne pouvait pas me donner de certificat car je ne possédais pas de carte de réfugié. Cela ne me dérangeait pas, même si je n'avais toujours pas de rentrées d'argent. Le lendemain, Dieu merci, j'ai rencontré un Américain qui voulait apprendre la Somalien. Nous avons convenu qu'il me paierait 50 birr éthiopien par demi-heure. Par la suite, il a testé ses connaissances en voyageant dans la région somalo-éthiopienne. Une semaine plus tard, il était de retour et ne cessait de chanter des louanges à mon sujet. Étant donné que j'avais des compétences en informatique et parlais bien anglais, il m'a offert un poste dans son lieu de travail. […] L'argent vient et va, mais la connaissance est éternelle.

Le militaire scientifique

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Photo de Visages Somaliens (Donia and Mohammed). Avec leur permission

J'ai fait partie de la force d'élite des opérations spéciales en Somalie, avant la guerre civile. Nous étions des Somaliens éduqués et par conséquent avons formés des gens et menés des exercices avec les Rangers de l'armée américaine et les forces spéciales égyptiennes. Nous tournions beaucoup ; nous avons formé en Somalie, en Egypte, et aux États-Unis. Après 1991, j'ai abandonné mes connaissances et mon expérience dans l'armée somalienne pour l'informatique. C'est seulement en 2006, lorsque j'ai vu ce que les forces étrangères faisaient en Somalie que j'ai changé d'avis. Pourquoi ne disposions-nous pas de spécialistes militaires et devions-nous être formés par tant de pays alors qu'il aurait été plus simple d'autonomiser des formateurs somaliens. J'ai quitté le monde de l'informatique et décidé d'étudier la science militaire à partir de zéro ; l'aspect théorique, car je disposais déjà d'une expérience sur le terrain. Je suis actuellement doctorant en Sciences Politiques et militaires afin de combler le vide au lieu de le garder ouvert pour les non-Somaliens. Je souhaite que la science militaire soit somalienne, faite par les Somaliens et pour les Somaliens.

La militante

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Photo de vVsages somaliens (Donia and Mohammed). Avec leur permission.

J'avais six ans. Je suis allé jouer avec mes amis […] Étant donné que nous ne disposions pas de jouets, nous avons cherché sur place des objets avec lesquels jouer. […] J'ai trouvé cet object métallique aux belles formes et l'ai présenté à mes amis […] Mais il chauffait alors je l'ai éloigné en l'envoyant valser en l'air par un joli coup de pied. A la minute où je l'ai lancé, il a explosé. J'ai perdu connaissance. Je me suis réveillée à l'hôpital. J'ai essayé de me lever, mais on m'a dit que j'avais perdu mes deux jambes. J'ai perdu espoir et vu mes ambitions s'envoler. J'ai renoncé à la vie. Tu ne marcheras plus jamais, me suis-je dit. […] Après plusieurs mois à l'hôpital, l'ONU m'a rendu visite. Intrigués par mon cas, ils m'ont offert des membres artificiels pour que je marche à nouveau. […] J'ai soudainement été submergée par un nouveau sentiment d'espoir. J'etais la première en Somalie à marcher avec des prothèses de jambes. En 1996, j'ai assisté à une conférence internationale sur l'élimination des mines, en Suisse. Ils n'ont cessé de me demander ‘que pouvons-nous faire pour vous’ ? Voulez-vous rester en Suisse ou dans un tout autre pays ? Je leur ai demandé de me construire une école dans ma ville natale, et ils l'ont fait. Ils lui ont donné mon nom. J'ai frequenté ma propre école et y ait achevé mon cycle secondaire. Je suis aujourd'hui titulaire d'un diplôme d’Études Universitaires du premier Cycle et milite aux côtés d'une organisation locale qui sensibilise sur les Somaliens handicapés. Vous pouvez être physiquement invalide, mais cela ne signifie pas que vous êtes handicapés mentaux. Si vous êtes ambitieux, il existe de nombreux moyens pour réussir.

Vous pouvez lire plus d'histoires inspirantes sur le site de Visages Somaliens et suivre le suivre le projet sur Twitter, Facebook et Instagram.