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Funérailles nationales et manifestations pour le député tunisien d'opposition assassiné

dimanche 28 juillet 2013 à 18:11

Les manifestations ne retombent pas en Tunisie après les funérailles d'Etat du député d'opposition Mohamed Brahmi, socialiste et nationaliste arabe, tué par balles devant son domicile le jour de la fête nationale [le 25 juillet].

Deux hommes armés ont abattu M. Brahmi, un dirigeant du Front Populaire, la coalition de partis d'opposition de gauche, avant de s'enfuir à moto. C'est le deuxième assassinat, en cinq mois, après les coups de feu qui ont tué le chef de l'opposition laïque Chokri Belaid le 6 février.

Ennahdha accusée 

L'assassinat a déclenché des manifestations de rue réclamant la chute du gouvernement de coalition tripartite [d'où le nom de Troïka] mené par le mouvement islamiste Ennahdha, et la dissolution de l'Assemblée Nationale Constituante élue en octobre 2011 pour rédiger une nouvelle constitution. Les protestataires pointaient du doigt Ennahdha, qui a nié toute implication dans l'assassinat.

Brahmi's widow leading her husband's funeral procession

La veuve de Brahmi en tête du cortège funèbre de son mari

Avec la Troïka au pouvoir, la Tunisie a connu un accroissement des violences visant les personnalités politiques d'opposition, les militants et ceux qui critiquent ouvertement les Islamistes. “Jusqu'à présent, bien peu a été fait pour ouvrir des enquêtes adéquates concernant les attaques visant des membres de l'opposition, et pour traduire en justice les responsables de ces actes. Tout cela crée un climat d'impunité et augmente les divisions politiques. Une enquête est en cours sur l'assassinat de Chokri Belaid, et des suspects ont été arrêtés. Mais personne n'a été jugé.”, a écrit Amnesty International le 25 juillet, exhortant les autorités tunisiennes à “imposer la justice”.

La famille de Mohamed Brahmi a accusé Ennahdha.

Les forces de sécurité critiquées

Lors d'une conférence de presse, le ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jedou a indiqué que c'est le même mouvement islamiste radical qui est impliqué dans les meurtres de Chokri Belaïd le 6 février et celui, cette semaine, de Mohamed Brahmi. Le ministre a aussi affirmé que la même arme a été utilisée pour tuer les deux figures de l'opposition, et que les autorités avaient identifié 14 suspects, dont certains appartiennent à Ansar al-Charia Tunisie. Le mouvement a publié un communiqué [arabe] déniant toute implication dans l'assassinat.

Les forces de sécurité sont étrillées pour leur “incompétence” à livrer à la justice les responsables du meurtre de Belaïd et leur échec à empêcher un second assassinat.

Sarah Ben Hamadi écrit pour l'édition Maghreb du Huffington Post :

Le ministre de l’intérieur n’a pas divulgué ces détails sur les antécédents du meurtrier présumé de Mohamed Brahmi, mais a déclaré que Boubaker Al Hakim était “activement recherché dans des affaires d’introduction et trafic d’armes sur le territoire tunisien”, et “est lié à Kamel Gadhgadhi” l’assassin présumé de Chokri Belaid, toujours en fuite.

Quelques jours avant l'assassinat, les forces de sécurité avaient fait une descente dans une maison du quartier où habitait Brahmi et confisqué des armes mais sans effectuer d'arrestations. Sarah Ben Hamadi écrit :

Comment Boubaker Al Hakim, activement recherché, a-t-il alors pu revenir dans ce quartier, qui devait être théoriquement, surveillé jour et nuit, tirer 14 balles et s’enfuir?

Et de soulever des questions sur l'implication de djihadistes dans l'assassinat de Brahmi :

Mais pourquoi les salafistes djihadistes élimineraient Mohamed Brahmi? Un musulman pratiquant, loin de correspondre au profil des “ennemis de l’Islam” que combattent d’habitude les djihadistes. Un militant originaire de Sidi Bouzid, pas très médiatisé et n’ayant pas un grand poids électoral. Le connaissaient-ils vraiment? C’est possible. En véritable militant baâthiste et nassérien, Mohamed Brahmi soutenait le gouvernement du président syrien Bachar Al Assad, dont le régime est combattu depuis maintenant deux ans… par des djihadistes, y compris Tunisiens.

Un mort à Gafsa

Pendant un rassemblement en soirée vendredi, un manifestant est mort [avertissement : la vidéo peut choquer] à Gafsa, dans le sud du pays. Il aurait été touché à la tête par une grenade lacrymogène, lors des tirs par la police devant les locaux du gouverneur.

Photo : Mohamed Belmoufti, père de deux enfants, ingénieur des télécommunications et militant du Front populaire. Tombé en martyr ce soir à #Gafsa.

Digital Citizen المواطن الرقمي 1.0 – Le Citoyen Numérique 1.0

dimanche 28 juillet 2013 à 17:08

Digital Citizen logo

Digital Citizen [anglais] est un bulletin mensuel d'information sur les toutes dernières nouvelles, politiques et recherches portant sur les droits de l'homme et la technologie dans le monde arabe. Nous vous présentons notre première édition.

Jordanie

Début juin, après avoir accueilli le Forum Economique Mondial et la conférence annuelle de l’International Press Institute (Institut International de la Presse), les autorités jordaniennes ont décidé d'interdire les sites d'informations ne disposant pas d'une licence de l'état. Chose que les activistes redoutaient il y a quelque temps. Selon 7iber, un site jordanien, les amendements apportés à loi sur la presse et les publications en septembre 2012 contraignent les sites d'actualités jordaniens de s'enregistrer auprès des autorités ou d'être censurés. Ces modifications stipulent également que publier des articles ”rendaient les sites d'informations responsables des commentaires laissés par les lecteurs”, les empêchant de publier des commentaires jugés ”non pertinents” ou ”non liés” au dit article”. Une décision qui a poussé plusieurs sites à fermer carrément les commentaires.

Comme conséquence de cette interdiction, plus de 300 sites sont désormais bloqués, y compris de nombreuses plateformes jugées non conformes aux normes de cette nouvelle réglementation, comme par exemple Al Jazeera (publié au Qatar) et Penthouse Magazine. Le 1 juillet, 7iber découvre que son site fait partie de cette liste, et déclare sur Facebook :

Si le Département de la Presse et des Publications a décidé que 7iber.com devait obtenir une licence – ce qui va à l'encontre de leurs déclarations publiques sur les blogs – ils étaient supposés nous informer officiellement de cette décision et nous octroyer 90 jours avant de bloquer le site, conformément à leur loi (Article 49, paragraphes A-1, et A-2).

7iber a été bloqué aujourd'hui par l'envoi d'un simple mémo du Département de la Presse et des Publications à la Commission de réglementation des télécommunications qui à son tour a donné ses directives aux fournisseurs d'accès Internet (FAI). Tout cela s'est déroulé sans aucune notification formelle à 7iber, prouvant encore une fois que cette loi n'est qu'un outil du gouvernement pour étouffer arbitrairement la liberté d'expression en ligne.

La Jordan Open Source Association (JOSA) s'est également exprimée contre l'interdiction:

JOSA exhorte le gouvernement à revenir sur sa décision et à réexaminer la loi déjà amendée sur la Presse et les Publications, de même qu'elle implore les décideurs de préserver l'intégrité et l'ouverture inhérente de l'internet, le laissant libre de toutes formes de censure et de surveillance.

 

JOSA a par ailleurs publié une infographie retraçant l'historique de la censure d'internet en Jordanie.

Toujours dans le même contexte, plusieurs groupes jordaniens tentent assidûment de lutter contre ces nouvelles régulations. 7iber a par exemple  publié un guide pour contourner le blocage. Un collectif de la société civile s'est lancé dans l'élaboration de la charte de l'Internet Jordanien Internet Charter, un projet de loi exhaustif, visant à protéger les droits humains en ligne, et inspiré par le Marco Civil au Brésil.

La Commission de réglementation des télécommunications a envoyé une requête formelle aux FAI  s'enquérissant de leur capacité technique à  bloquer Whatsapp l'application de messagerie instantanée sur mobile. Elle s'est ultérieurement rétractée, niant un quelconque plan d'interdire l'usage de Whatsapp.

Toujours au sujet de la Jordanie, le journal britannique the Guardian révèle que le pays est parmi les 5 premiers pays du monde subissant la surveillance du système Informatique de surveillance Boundless Informant, de l'Agence Nationale de Sécurité Américaine [en français].

Tunisie

En juin dernier, la Tunisie a accueilli la Troisième Rencontre de la Freedom Online Coalition, un groupe de gouvernements engagés dans le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales (comme énoncé dans la Déclaration Universelle des droits de l'homme [en français] ) dans le monde numérique.

Photo credit: Jillian C. York

Credit Phoro: Siwar Horchani, CC BY 2.0

La conférence se tenait sous les auspices de l'Agence Tunisienne d'Internet (ATI), qui sous le régime de Ben Ali était le centre de la censure et du contrôle d'internet. L'ATI a donc ouvert ses portes au public et à #404Lab, un hackerspace pour l'innovation. Jillian York parle de cette métamorphose sur PBS MediaShift :

L'ATI, auparavant l'appareil de surveillance et de censure en Tunisie, ambitionne de devenir le Point d’Interconnexion Internet neutre du pays, luttant ainsi contre les nombreuses tentatives durant les années passées de l'imposer en tant que censeur. L'engagement de l'ATI à l'ouverture a été rendu concret lors de la conférence quand ses portes ont étés ouvertes aux hackers pour créer #404Lab, un espace pour l'innovation. Les participants ont étés invités à voir les équipements employés depuis 2007 (et jusqu'à la chute du régime Ben Ali) pour la censure.

La conférence  a eu lieu peu après la révélation que l'Agence de Sécurité Nationale Américaine (NSA) effectuait une surveillance de grande envergure sur les réseaux sociaux tels que Facebook et Google, faisant de la surveillance un sujet de débat animé. Par ailleurs,  une vidéo réalisée par le site  Nawaat.org et diffusée lors de la conférence a permis de diffuser une déclaration présentée lors de la dernière séance plénière de l’événement. La déclaration exhorte les gouvernements adhérant à la Freedom Online Coalition à adopter  les Principes Internationaux sur l'application des droits humains à la surveillance des communications:

L'explosion de contenus en communication numérique et l'information sur la communication ou ”métadonnées en communication”, la diminution du coût du stockage et l'exploitation de large séries de données, ainsi que la fourniture de contenu personnel par le biais de prestataires de services tiers, fait que la surveillance étatique est désormais possible à une échelle sans précédent. Ce large éventail de renseignements brime non seulement la liberté d'expression et d'association mais menace également la confiance en l'internet en tant que plateforme sûre pour les communications personnelles. Il incombe donc aux membres de la FOC de défendre les droits fondamentaux de façon à répondre à cet environnement changeant.

Bien que cette réunion de la FOC ait promu l'image d'une Tunisie aspirant à devenir un leader en matière de défense de la liberté d'expression en ligne, il lui reste beaucoup à faire. Juste quelques semaines avant la conférence, le blogueur Hakim Ghanmi comparaissait devant le tribunal pour avoir critiqué le directeur d'un hôpital militaire dans la ville de Sfax au Sud Est du pays [en français]. Et  deux jours avant le lancement de la conférence, le rappeur Weld15 écopait de deux ans de prison pour une chanson dans laquelle il insultait la police. Après une campagne d'envergure internationale pour sa libération, le rappeur a été enfin relâché le 3 juillet et condamné à 6 mois de prison avec sursis. En Juillet également, Article 19 a publié un rapport sur les restrictions à la liberté en ligne en Tunisie.

Syrie

Telecomix a révélé  que 34 serveurs Blue Coat “dédiés à l'interception des communications et des données circulant sur Internet” opéraient en Syrie depuis le 22 mai 2013. Ce n'est pas la première fois que des serveurs américains sont trouvés dans le pays : en 2011, Citizen Lab également détecté la présence d'appareils Blue Coat en Syrie. Peu après, Computerlinks, la companie intermédiaire qui le commercialise, a  été condamnée pour vente de matériel à la Syrie, en violation des lois américaines. Reporters Sans Frontières a qualifié Blue Coat, une société “ennemie d'internet” [en français] l'appelant à “expliquer la présence de 34 de ses serveurs en Syrie et leur usage par le régime pour tracker ses opposants .”

Photo credit: Niki Korth, CC BY

Crédit Photo: Niki Korth, CC BY

Vers la fin du moi de mai, des activistes du monde entier ont célébré l'anniversaire de Bassel Safadi Khartabil, le second que cet ingénieur en logiciels et fan des programmes libres passe derrière les barreaux. En hommage à Bassel, Index on Censorship a demandé à ses amis de lui adresser des vœux pour l'occasion, des messages d'ailleurs publiés sur leurs propres blogs.

Liban

Au Liban, une campagne populaire pour ‘reprendre le parlement’ (intitulée Take Back Parliament) a été lancée notamment sur la Toile. Les organisateurs se décrivent comme suit:

Nous avons marre de la polarisation qu'exercent les membres des coalitions du 8/14 mars ainsi que que de la déconnexion totale et l'inefficacité totale du Parlement libanais dans nos vies quotidiennes. Nous avons marre du confessionnalisme et de son effet paralysant sur les demandes de justice sociale. Nous sommes jeunes et nous voulons changer le pays. Le truc, c'est que nous sommes comme toi aussi.

 

Les organisateurs ont eu recours au crowdsourcing (collaboration) [en français] pour leur plateforme de même qu'ils ont recouru à Facebook pour la mobilisation.

Irrités par les statistiques selon lesquelles presque 70% des téléphones portables dans le pays y auraient été introduits en contrebande, les responsables libanais ont adopté des mesures [en français] faisant que seuls les appareils dotés d'un code IMEI (un numéro de série unique composé de 15 à 17 chiffres qui permet d’identifier un mobile volé et le bloquer) et enregistrés auprès des douanes peuvent accéder au réseau local.

Au début du mois de juin, le ministre des Télécommunications Nicolas Sehnaoui a initié une campagne en ligne sous le hashtag suivant #FreeTheBandwidth (Libérez le débit ou la bande passante). La campagne vise Abdel Minem Youssef, un responsable à Ogero (organisme chargé de la gestion et de l'opération du réseau de téléphonie fixe et des services internet dans le pays et dont la majorité des actions est détenue par le gouvernement libanais ) qui a occupé plusieurs postes à la fois à Ogero et au Ministère des Télécommunications. Dans  un communiqué de presse, le Ministre Sehnaoui accuse Youssef d'entraver le développement de l'infrastructure internet au pays. A l'appui, des chiffres qui prouvent que le gouvernement libanais perdrait 750 000 dollars américains chaque mois en raison des décisions de Youseff.

La campagne a avivé le débat en ligne parmi les internautes libanais pendant une semaine environ, mais rien de tangible n'en a découlé pour le moment.

Palestine

Début mai, Google a fait un pas vers la reconnaissance de la Palestine en tant qu'état, remplaçant “Territoires Palestiniens” par “Palestine”  [en français] dans tous ses produits . Cette décision a suscité  la colère des responsables israéliens qui ont souligné que cette mesure ,  “repoussait davantage les perspectives de paix [en français] .” Google s'en est toutefois tenu à sa décision initiale.

Screen Shot 2013-07-09 at 10.41.32 PMLa branche palestinienne d’Internet Society (ISOC) s'emploie à établir des Points d'Echange Internet (PIX) dans le pays, hébergé par l'Université Birzeit. Pour le moment 7 sur 11 des FAI en Palestine sont connectés en tant que pairs , alors le Réseau Palestinien National de la Recherche et de l'Enseignement (NREN) connectera les universités à ce service. Le projet a récemment reçu du matériel de la part de Google pour héberger une copie de leur cache global, augmentant la vitesse d'accès aux services délivrés par Google.

Egypte

Fin mai, soit presqu'un mois avant le déclenchement des manifestation résultant en l'éviction du Président Mohammed Morsi, Neelie Kroes Commissaire Européen à l'Agenda Numérique s'est entretenue avec le Ministre des Télécommunications Egyptien Atef Helmy. Les deux responsables se sont notamment penchés sur la gouvernance de l'internet et ont par la suite publié une déclaration commune plaidant pour “l'ouverture, l'inclusion, la responsabilisation, l'efficacité, la cohérence et le respect des lois en vigueur”:

Nous sommes convenus qu'il est d'une première importance de garantir que l'Internet demeure une plateforme ouverte, et de faire face à toutes les tentatives de le fragmenter en des “Intranets” nationaux  et de fonder toutes les discussions et décisions ayant trait  aux “règles du jeu” sur une approche pluripartite assurant l'ouverture, l'inclusion, la responsabilisation et la cohérence et le respect des lois en vigueur.

Dans ce contexte, nous nous sommes entendus que pour garantir une participation et une diversité plus large à ces débats, il est nécessaires de trouver des moyens “intelligents” pour développer la capacité et l'expertise dans ces questions complexes notamment parmi les parties aux ressources limitées.

Le blog égyptien pour les Droits de l'Homme a récemment publié un rapport sur les indicateurs des TIC en Egypte. Le document comprend des données sur l'intersection de l'usage d'Internet avec l'éducation, l'âge et le genre.

L'ONG Association for Freedom of Thought and Expression - Association pour la Liberté de la Pensée et de l'Expression (AFTE) a publié un guide juridique sur la sécurité numérique à l'intention des militants pour les droits de l'homme dans le monde arabe. Le guide met l'accent sur les aspects juridiques de la sécurité numérique et présente des suggestions sur l'usage d'outils relatifs à la sécurité numérique.

A l'instar de ce qui s'est passé en Jordanie, les informations filtrées du  programme ‘Boundless Informant’ de la NSA américaine, révèlent que l'Egypte est également Egypt is parmi les premiers pays soumis à la surveillance de la dite agence américaine  avec 7.6 billion rapports sur le pays prétendument produits par le programme. The Wall Street Journal souligne que les égyptien n'auraient pas été surpris par le programme mais tout simplement “déçus.”

Le 30 juin, simultanément avec les manifestations, a eu lieu le lancement de Mada Mas, une nouvelle publication en ligne. Les créateurs du site, insistent que Mada Masr veut se concentrer sur le journalisme d'investigation et celui basé sur les données. Le 4 juillet, le site a publié un billet cinglant par Sherif Elsayed-Ali sur les efforts de surveillance déployés par NSA dans le monde. Elsayed-Ali écrit:

L'accès à constitue une partie intégrante des droits humains en raison de l'importance de la liberté d'expression, de réunion, d'éducation et d'autres droits humains largement reconnus. Il est à présent clair que l'accès à Internet sans aucune indue ingérence doit être protégé voire être considéré comme un droit juridiquement exécutoire dans le cas où notre vie privée signifie quelque chose dans le XXIème siècle.

Il nous faut un instrument légal qui codifierait nos droits numériques et clarifie les obligations des gouvernements et les responsabilités des fournisseurs de services à l'égard de l'accès à internet. Cela est trop important pour être laissé aux caprices  d'agences non justiciables et de régimes répressifs.

Dans la foulée de la destitution de Morsi, l'armée a suspendu plusieurs médias islamistes, donnant lieu à une déclaration signée par sept organisations de défense des droits humains y compris le Cairo Institute for Human Rights Studies - CIHRS (Institut du Caire pour lesétudes dans le domaine des droits humains), l'Egyptian Initiative for Personal Rights - l'Initiative égyptienne pour les droits de l'individu (EIPR), et le Hisham Mubarak Law Centre - Centre Hisham Moubarak pour le droit. Les organisations pointent que les autorités égyptiennes ”doivent respecter les principes de la liberté des médias tels que stipulés par le droit international”.

Qatar

Le Qatar, qui est généralement est connu pour être le plus tolérant parmi les pays arabes à l'égard de l'expression en ligne a proposé une nouvelle loi sur la cybercriminalité qui entre autres, sanctionnerait quiconque personne qui :

…enfreindrait les principes sociaux ou les valeurs ou alors publierait infos, photos, matériel audiovisuel relatifs au caractère sacro-saint de la vie privée ou familiale des individus même dans le cas ou ces informations sont vraies ou alors violerait d'autres principes par calomnie ou diffamation via Internet ou autres supports similaires.

Jan Keulen du Centre de Doha pour la Liberté des Médias (DCMF) indique que la loi “ soulève des questions sur les raisons pour lesquelles une loi sur la cybercriminalité toucherait à des sujet originellement destinés à être couverts par la loi sur les médias”  et Keulen d'affirmer que la liberté d'expression devrait être protégée.

Koweit

Jusqu'à présent, 2013 a vu l'arrestation d'une dizaine de personnes pour des affaires relatives à l'expression en ligne dans ce pays du Golfe, y compris l'emprisonnement pour un mois de l'éditeur du magazine en ligne al-Aaan ; l'emprisonnement et la déportation du blogueur égyptien Abdullah Aziz al-Baz; et une peine de deux ans en prison pour un militant en ligne inculpé pour des remarques faites sur Twitter. Cette répression   a été vivement condamnée par by Human Rights Watch et par d'autres organisations.

Dernièrement, Huda al-Ajmi, une institutrice de 37 ans Huda al-Ajmi a écopé de 11 ans en prison pour une remarque faite sur Twitter, jugée “insultante à l'égard de l'émir et appelant au renversement du gouvernement.” Il s'agit de la plus longue peine jamais énoncée au Koweït contre un dissident en ligne. Et pourtant le Koweït est signataire du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques [en français]  qu'il a ratifié en 1996. Le PIRDCP protège le droit à la liberté d'expression y compris  la critique pacifique des responsables.

Bahreïn

En début mai, les défenseurs des droits numériques se sont réjouis et pour cause ; Ali Abdulemam—un blogueur bahrëini, condamné par contumace à 15 ans de prison en 2011—est sorti de sa clandestinité, faisant sa première apparition publique lors de l'Oslo Freedom Forum – Forum D'Oslo sur la Liberté.

Global Voices Advocacy a interviewé Abdulemam qui a dit qu'au Bahreïn :

La situation ne progresse pas… les attaques sur les démonstrations pacifiques persistent. Il n'y a aucune avancée dans le sens des réformes ou de l'octroi des gens leurs droits universels, il n'y a pas de droits universels, il n'y a pas de liberté d'expression, il n'y a pas une presse libre. Donc c'est comme si on vivait il y a deux cents ans.

En juin, il a été rapporté que les autorités auraient exprimé leurs intentions de restreindre l'usage  des services opérant par système vocal sur Internet (VoIP) tels que Skype Viber. La Bahrain Youth Society for Human Rights – Société des Jeunes du Bahreïn pour les Droits Humains (BYSHR) - s'est dit inquiète de cette mesure, soulignant que  “ces mesures contribueront [à] restreindre les droits numériques au Bahrëin et accroîtront le contrôle sur les usagers d'internet.”

Etudiant en secondaire, Ali Al Shofa a été condamné à une année en prison pour avoir supposément proféré sur Twitter des commentaires insultants à l'encontre du Cheikh Hamad Al-Khalifa sur le compte d'infos @alkawarahnews. Accusation que le jeune homme a fortement niée. En mai, enfin, six utilisateurs de Twitter ont été inculpés d’ “abus du droit à la liberté d'expression” et condamnés à un an de prison.

Arabie Saoudite

En début juin,l'application de messagerie cryptée Viber [en français] a été bloqué en Arabie Saoudite à l'issue de menaces de la part du gouvernement de bloquer des clients aux services similaires si jamais ils se refusent de respecter “les lois et conditions réglementaires en vigueur” (ce qui selon le site Wired, is “signifie souvent l'accès aux services de sécurité pour contrôler appels et messages”).

En mai, le In May, le chercheur en matière de sécurité informatique Moxie Marlinspike a dit avoir été contacté par Mobily une des companies de téléphonie mobile dans le Royaume qui lui aurait demandé de collaborer à un projet de surveillance en cours dans le pays. Marlinspike a refusé l'offre et a même publié l'échange de courriels sur son site web.

Le 24 juin, sept citoyens ont été inculpés pour “incitation aux manifestions” et pour “atteinte à l'ordre public” sur Facebook. Ils ont écopé de peines de prisons variant entre 5 et 10 années. Ils avaient été placés en détention préventive pour un an et demi dans la Prison d'Investigation Générale à Damman.

Emirats Arabes Unis 

Les EAU se sont également pris récemment aux utilisateurs de Twitter, condamnant Abdullah al Haddidi à 10 mois de prison  pour “diffusion de fausses informations” sur un procès en cours de militants. Al Haddidi a été accusé de violer l'Article 265 du Code Pénal, qui criminalise essentiellement la propagations de fausses nouvelles en sachant que c'est la police et tribunal qui déterminent quelles informations sont “exactes.”

Dans une autre affaire, Salah Yafie, de nationalité Bahrëinie, aurait soit disant été détenu à l'Aéoroport International de Dubai pour un tweet ”controversé”. Il existe très peu d'informations sur le sort de Yafie. Toutefois, dans un article récent  publié par le quotidien Bahrëini ”Gulf Daily News” les groupes de défenses des droits humains du pays, exhortent le Ministre des Affaires Etrangères du Bahrëin à agir auprès des autorités émiraties pour libérer Yafie.

IraK

L'Iran, qui selon plusieurs rapports envisagerait de se couper et s'isoler de l'Internet mondial, aurait supposément  offert ses services à l'Irak pour les mêmes objectifs. Plus tôt dans l'année, l'Irak a révoqué un projet de loi controversé sur la Cybercriminalité, affichant l'initiative de protéfer certains des droits fondamentaux en ligne.

Le Iraq Network for Social Media (Réseau pour les Médias Sociaux en Irak), dont le rôle a été instrumental dans cette suspension, a organisé l'année dernière , la Première Conférence des Blogeurs Irakiens.

Oman

Selon site Zawya, Oman occuperait la seconde place parmi les pays du CGG pour ce qui est de l'usage des téléphones intelligents (Smartphones). Le même rapport parle d'une augmentation de 2000 pour cent dans l'usage d'internet dans la région.

Le blogeur Diab Al Amiri aurait été détenu in late vers la fin, mais libéré juste deux jours après, en attendant des accusations formelles à son encontre. Aucune autre information n'a depuis été connue sur son affaire.

Maroc

Le Maroc lancera bientôt ses services 4G. Selon des rapports récents, L'Agence Nationale de Règlementation des Télécommunications (ANRT) [en français] lancera un appel d'offres d'ici la fin de l'année. Il faut dire que le taux de pénétration d'internet au Maroc est modeste avec 50 % seulement.

E-Joussour, première web radio communautaire online au Maroc [en français]. Le projet a été lancé en juin. Il se veut comme un outil de défense de la liberté d'expression et émettra ses programmes en Amazigh, Arabe, et Français.

Mauritanie

En Mauritanie, où seulement 3% environ de la population a accès à Internet, une communauté de hackers est entrain d'émerger. Un article sur le quotidien libanais en langue anglaise Daily Star dresse le profil du hacker Mauritania Attacker, qui who “[cible] les sites web partout au monde au nom de l'Islam.”

Un des gagnants de cette édition du concours annuel ”Best of Blogs” organisé par la Deutsche Welle’s  est Mauritanien. Ahmed Ould Jedou, contributeur de Global Voices, s'est vu décerner le prix pour le meilleur blog en arabe par le public. Dans une interview toute récente, Jedou dit : “Bloguer pour moi représente un espace pour une résistance électronique et pour la dissémination de la culture des droits humains. C'est la victoire de l'humanité face à la tyrannie…”.

Soudan

Des recherches récentes ont décelé la présence de dispositifs Blue Coat au Soudan, probablement en violation de l'embargo américain. Les appareils qui peuvent être utilisés pour surveiller les réseaux ont également été trouvés en Iran, en Syrie et dans d'autres pays.

Le blogueur populaire Amir Ahmad Nasr (auparavant connu sous le pseudo ‘Sudanese Thinker -Penseur Soudanais’) a publié sa première oeuvre intitulée ”My Islam: How Fundamentalism Stole My Mind—and Doubt Freed My Soul – Mon Islam: Comment le Fondamentalisme a volé mon esprit et le doute a libéré mon âme”. The Wall Street Journal a par ailleurs récemment consacré un billet à Nasr.

Algérie

Un rapport de Good Governance Africa dresse l'état des lieux de la censure et du militantisme social en Algérie qui bien que le taux de pénétration d'internet soit presque de 15 %,  est rarement signalé par défenseurs des droits numériques.

Yemen

Le Yémen a récemment lancé un service internet par satellite qui connecterait désormais les villages auparavant privés d'internet. L'actuel taux de pénétration d'Internet est d'environ  14.9 pour cent.

Divers 

 Digital Citizen vous est présenté par Global Voices Advocacy, Access, EFF, et Social Media Exchange. Le rapport de ce mois a été préparé, révisé et rédigé par Reem Al Masri, Hisham Almiraat, Nadim Kobeissi, Katherine Maher, Mohamad Najem, Mohammed Tarakiyee, et Jillian York avec le soutien rédactionnel d’Ellery Roberts Biddle.

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Le fact checking sur le web francophone

dimanche 28 juillet 2013 à 15:49

Un affrontement entre le mari d'une femme portant le niqab et la police à Trappes, banlieue défavorisée de Paris, récemment, a été illustré et commenté par de nombreuses photos et posts de blogs sur le Web. Le blog Les Décodeurs, qui tente de départager le vrai du faux sur le Web francophone, a été prompt à signaler de fausses informations.

Fabrice Florin, le fondateur de NewsTrust et TruthSquad, qui parle français, explique la nécessité du fact checking (vérification de l'information):

On note un nombre croissant de désinformation, particulièrement dans ce climat politique  [..] Face au choix croissant de sources d'informations, quand quelqu'un trouve une info qu’il aime ou avec laquelle il est d'accord, il a tendance à s'accrocher à celle-ci. La raison [du besoin d'initiatives de fact checking] est d'encourager les gens à réfléchir à ce qu'ils lisent ou entendent et à partir de là, à s'interroger sur la véracité de l'information.

Voici quelques exemples récents qui ont été examinés en profondeur par les “vérificateurs d'infos”, sur les médias sociaux francophones.

Rixe à Trappes

Le 19 juillet 2013 à Trappes, le mari d'une femme antillaise portant le niqab aurait tenté d'étrangler un officier de police. A la suite de l'arrestation du mari, 200 personnes ont manifesté devant un commissariat et ont commis des actes de vandalisme. Elles ont finalement été repoussées par la police anti émeutes. Les photos publiées sur le Net était légendées comme celles prise durant cette manifestation. Les  Décodeurs ont révélé de nombreuses erreurs :

Quelques personnes, en général connues pour leur activité militante, diffusent sciemment de fausses informations. C'est le cas de cette photo, diffusée par Stéphane Journot, ancien militant UMP, actif durant la campagne de 2012

Ci-dessous, le tweet qui pose problème, et le lien vers la photo :

La photo avait en fait été prise en 2010 à Lyon. Le site Les Décodeurs ajoute que de nombreux tweets similaires ont été diffusés, en connaissance de cause ou non qu'il s'agissait d'une fausse information.

Le fact checking sur le continent africain

Les pays africains sont bien conscients de l'importance de la vérification de l'information. Ushahidi, la plateforme pionnière de crowd-mapping [cartographie et information collaboratives] est née sur le continent africain  Un projet nommé Africa Check se consacre à la vérification des informations sur les dirigeants africains. Voici comment ils décrivent leur mission :

Nous vérifions les déclarations faites par les personnages publics sur le continent africain, à commencer par l'Afrique du Sud en utilisant des méthodes journalistiques et des preuves obtenues par les plus récents outils en ligne, venant des lecteurs, des sources d'informations publiques, d'expert, pour partager les faits de la fiction.

En Afrique francophone, ces méthodes sont particulièrement utilisées pour le suivi d'élections. Certaines, comme au Sénégal, au Burundi, sont bien connues déjà.  Plusieurs pays sont en période électorale, dont le Mali, le Togo et Madagascar. Pen Plus Bytes consacre une plateforme en ligne spécifique au suivi des élections en Afrique, appelée African Elections Project (AEP). Le site de ce projet écrit l'article suivant sur les élections parlementaires au Togo.

Environ 3,3 millions d'électeurs inscrits voteront aujourd'hui dans 7 600 bureaux de vote pour choisir 91 parlementaires sur environ 1 174 candidats du parti au pouvoir ou de ceux de l'opposition. Cette élection a été repoussée pendant huit mois car l'opposition s'inquiétait du manque de transparence et d'équité du scrutin.

Sylvio Combey au Togo a déjà publié des images de fraudes supposées, sur son compte Twitter.

 

Au  Mali, Fasokan blogueur malien lauréat d'une bourse Rising Voices a participé activement à ce type d'activités de suivi durant la campagne de l'élection présidentielle malienne. Il écrit, à propos d'une formation d'observateurs qu'il a suivi :

Pendant cinq jours, plusieurs thèmes ont été abordés : la loi électorale, la charte des partis politiques, les genres journalistiques (compte rendu, portrait, interview…), les règles de déontologie et éthique du journaliste, les contraintes liées à l’exercice de la profession

Training  for Media and Elections in Mali. Photo by Fasokan published with his permission

Une formation Médias et Elections au Mali. Photo Fasokan reproduite avec autorisation

Madagascar attend aussi des élections, et les inquiétudes montent déjà au vu de fausses informations publiées en ligne. Durant des manifestations, récemment, qui réclamaient un calendrier électoral qui ne changerait plus, une photo, dont la légende affirmait que les manifestants étaient nombreux dans les rues à cette occasion, a été relevée par un contributeur de Global Voices à Madagascar, Jentilisa.

Jentilisa a réagi [malgache]:

Fa maninona ho'aho ity sarin'ny tolon'ny 2009 na fony mbola tsy vita ny lapan'ny tanàna hita amin'ny “grue” manakaiky ny hazo avo ireo no miverimberina hanetanana ny tolonareo e? Sahala amin'ny hoe io no tao androany nefa tamin'ny 2009 ity sary ity?

Pourquoi une photo de 2009 refait-elle surface (taguée comme photo des événements récents) ? On peut voir, à la grue à  l'arrière plan, qu'il ne s'agit clairement pas d'une photo récente. Cette grue était à cet endroit en 2009, n'est-ce pas ?

La photo en question, relevée par Jentilisa, est ci-dessous :

Fact checked photo of protests in Madagascar via Jentilisa - Public Domain

photo ancienne de manifestations à Madagascar, présentée comme récente, via Jentilisa – Domaine public

L'expansion mondiale du Web rend très nécessaire un œil critique et que les méthodes et initiatives de fact checking deviennent plus pratiquées, et mieux connues également.

Femen : nuisance ou salut du mouvement féministe ?

dimanche 28 juillet 2013 à 14:14

Que les mouvements féministes européens et français se rallient aux Femen ou pas, le scandale Femen continue. Déclenchant un feu nourri de critiques voire d'insultes dans les médias sociaux, la presse et certaines mouvances politiques, les Femen, avec l'arme simple et radicale de leurs seins nus, semblent constituer une bannière de ralliement pour des femmes en souffrance un peu partout dans le monde. Lorsqu'un homme s'immole par le feu pour protester, il ne vient à personne l'idée de l'accuser de nuire aux mouvements sociaux pour la justice sociale. Les Femen mettent-elles donc les droits des femmes en danger par la radicalité de leurs actions? La fondatrice de l'association Femme et citoyenneté en Tunisie, Karima Brini, affirme, suite à l'action des Femen en soutien à Amina en mai dernier que cette radicalisation peut être nuisible :

Les raisons de leur combat contre l’exploitation des femmes sont respectables. Mais ce qu’elles ont fait ici en Tunisie va nous porter préjudice parce qu’on aura tendance à associer les organisations qui travaillent pour les droits des femmes à leur action.”

Le secret de fabrication des Femen

Il y a sans doute beaucoup de raisons circonstancielles à ce que le mouvement des Femen connaisse un tel succès médiatique aujourd'hui. Avec des comptes Twitter chauffés à blanc en continu (près de 7000 suiveurs sur la page France) et des pages Facebook suralimentées pour tous les pays (près de 40 000 likes pour la page France), ainsi qu'un site internet truffé d'applications interactives, on peut l'affirmer, les Femen savent utiliser les moyens à leur disposition pour faire du bruit. Et elles en font.

Il semble cependant que leur clé du succès réside tout simplement dans leur innovation radicale du mode de protestation : un geste simple, fort, efficace, iconique, pop, universel et ancestral, un énorme coup de pied dans la fourmilière. Ce geste qu’Olivier Ciappa, auteur du nouveau timbre français à l'effigie d'une Marianne inspirée de Inna Shevchenko, affirme avoir voulu reproduire :

Elle incarne le mieux les valeurs de la République, liberté, égalité, fraternité. Le féminisme fait partie intégrante de ces valeurs. Et la Marianne, au temps de la Révolution était seins nus, alors pourquoi ne pas rendre hommage à cette fabuleuse Femen ? “

C'est aussi autour de son geste que la Femen tunisienne Amina est tantôt célébrée tantôt condamnée. Accusée de “gestes immoraux” par la justice tunisienne, c'est ce même geste que Sami Adleeb défend dans son blog:

En aucun cas son geste est impudique ni symptomatique d’un quelconque trouble psychologique. C’est un cri d’indignation et de colère contre la bondieuserie (…). Elle voulait attirer l’attention de l’opinion publique mondiale sur les atteintes au droit des femmes, sur la banalisation du viol et l’impunité dont bénéficient les violeurs en Tunisie post 14 janvier 2011. (…) En recourant à ce mode d’expression politique inédit en Tunisie, Amina n’a pas enfreint les tabous ou un quelconque ordre moral (…), elle n’a justement rien à dissimuler, c’est pourquoi elle revendique en toute dignité et liberté.”

Soutien à Amina à Montréal posté sur la page facebook Femen France, reproduite avec autorisation de Femen France

Soutien à Amina à Montréal posté sur la page facebook Femen France, reproduite avec autorisation de Femen France

La nudité, en particulier des femmes, comme forme de protestation dans l'espace public contre la violence sociétale avait été évoquée par Rue 89 en 2011 par rapport au conflit Chine-Tibet :

En septembre, à Shanghaï, une autre femme âgée de 77 ans, médecin, avait eu recours à un autre mode de protestation : elle avait manifesté, nue et à genoux devant le siège du tribunal local.”

Un message peu clair mais assez “sextrême”

Si le geste des Femen est limpide, le contenu du message qui y est attaché semble poser plus de difficultés de lecture. Après les tweets hasardeux de Inna Shevchenko à propos de l'Islam et du ramadam, celle-ci s'est défendue :

S’agissant des accusations d’islamophobie, Inna Shevchenko les balaie d’un revers de la main, préférant le terme « religiophobe » et insistant sur le fait que les Femen n’ont « pas peur de souligner les aspects liberticides de cette religion ou d’autres religions ».”

Le site des Femen [anglais] a évolué récemment, semble-t-il, pour prendre une tournure encore plus radicale, alliant des symboles hautement connotés comme la croix gammée à des postures guerrières et des discours anti-hommes :

FEMEN – sont les nouvelles Amazones, capables de saper les fondations du monde patriarcal par leur intellect, leur sexe, leur agileté, leur capacité à créer le désordre, la névrose et la panique dans le monde des hommes. “

En Inde, d'autres femmes sont passées des images à une réelle guerre des sexes avec le gang des saris roses:

Elles ont choisi le rose comme emblème de leur combat et peuvent compter dans leurs rangs, plusieurs centaines de militantes et de militants. Elles sont armées de lathi – les bâtons traditionnels – qui servent à battre les hommes qui ont abusé de leurs épouses ou les ont abandonnées, et aussi à “tabasser” les policiers qui ont refusé d’enregistrer des plaintes pour viol.”

Les Femen semblent beaucoup plus mesurées sur l’info du site [anglais]:

Nous unissons des femmes jeunes sur la base des principes de conscience sociale et de militantisme, et de développement intellectuel et culturel. Nous reconnaissons les valeurs européennes de la liberté, de l'égalité et du développement complet des personnes quel que soit leur genre. Nous construisons une image nationale de la féminité, de la maternité et de la beauté basée sur l'expérience des mouvements de femmes Euro-Atlantiques.”

Le mot “national” de la dernière phrase interroge.

Ni pour ni contre, bien au contraire?

Le mouvement des Femen est en pleine construction identitaire, il évolue constamment en fonction des échos qu'il crée. Il attise des haines qui semblent venues d'un autre âge, mais aussi beaucoup d'incompréhensions, de la part des féministes en particulier. On lit par exemple sur le site Egalité et réconcilitation :

« Ce n’est qu’une simulation de féminisme » (…). Femen « nuit à l’image de l’Ukraine autant qu’au vrai mouvement féministe », renchérit Marianna Evsioukova, une responsable à Kiev de l’ONG internationale La Strada, qui défend les droits des femmes. D’autres assimilent les Femen à un projet commercial (…).”

Mais les Femen ont pour elles leur geste, ce geste qui les relie au monde, aux femmes en particulier. Des femmes grecques ont posté la vidéo suivante sur le mur facebook des Femen France en soutien à Amina et suite à la censure momentanée de la page par facebook.

Si les Femen font parler d'elles autant, c'est sans doute parce que, quoi qu'on en dise, la question des droits des femmes est loin d'être réglée, ici comme ailleurs. Ainsi, il semble que la question n'est pas d'être pour ou contre les Femen, mais plutôt de profiter de la lumière faite sur une injustice ancestrale pour repositionner et peut-être faire évoluer les mouvements féministes en général. Selon le site des Femmes pour la paix :

Tout militantisme demande du courage car d’une certaine manière nous nous mettons à nu devant une masse uniforme. Il est plus facile de rester chez soi à regarder le monde évoluer sans nous que d’y participer.”

Pour suivre l'élection présidentielle au Mali

dimanche 28 juillet 2013 à 13:51

Pour suivre l'élection au Mali, qui se déroule aujourd'hui 28 juillet 2013, outre le hashtag central #Mali2013, on peut suivre @Malivote (et son site) @angaelections (site) et ce groupe Facebook d'informations.