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Quand les sans-abri de Russie ont la parole

mardi 4 octobre 2016 à 11:28
Anastasia Ryabtseva. Photo: Vkontakte

Anastasia Ryabtseva. Photo: Vkontakte

Quand Anastasia Ryabtseva essaya pour la première fois d'interviewer des personnes sans-abri à Saint-Pétersbourg, beaucoup refusèrent de lui parler. Journaliste, elle alarmait les gens, immédiatement soupçonneux d'avoir été remarqués pour un reportage. Tout changea cependant lorsqu'elle commença à se présenter comme une gestionnaire bénévole de l'asile de nuit Notchlejka où elle travaille depuis deux ans.

Ryabtseva interviewe des membres de la population sans-abri de Saint- Pétersbourg et recueille des histoires de bénévoles dans les asiles de nuit. A côté de son travail dans le refuge, elle donne aussi des coups de mains occasionnels au “Bus de Nuit”, une cantine roulante qui sert les indigents de la ville.

“Ce dont on s'aperçoit en premier, c'est qu'on n'a aucune raison de se plaindre, parce que ceux qui viennent à nous pour manger sont beaucoup plus à la peine”, a expliqué Ryabtseva à RuNet Echo. “Ensuite, on reçoit une immense quantité de gratitude en retour. C'est une émotion extraordinaire de se faire remercier sincèrement des dizaines de fois par soirée”.

Ryabtseva tient un site web appelé “C'est de leur faute”, sur lequel elle publie les histoires qu'elle entend des sans-abris et des bénévoles d'asiles de nuit de la ville. En deux ans elle en a collecté une quarantaine. Le nom du projet a été choisi en référence à l'attitude méprisante de la plupart des gens envers les sans-abris.

Quand il s'agit de charité, les gens sont plus disposés à aider les enfants et les personnes âgées, dit Ryabtseva. “Les sans-abris sont, avec les toxicomanes et les malades mentaux, les tous derniers que les gens veulent secourir”, observe-t-elle, ajoutant qu'il y a souvent plus d'empressement à donner un coup de pied à quelqu'un dans la rue qu'à lui apporter la moindre aide. Dans nombre d'histoires collectées par Ryabtseva, c'est exactement ce qui était arrivé : un homme couché dans la rue, souffrant, et un piéton lui décoche soudain un coup de pied.

Avant de lancer son propre projet en ligne en septembre, Ryabtseva avait publié quelques-unes des histoires sur le site “Takie Dela” (Des choses qui arrivent).

Il avait été envisagé de publier les interviews de Ryabtseva dans l'édition papier russe du magazine Esquire. Les chroniques devaient paraître dans la célèbre section “Règles de vie”.

Mais cela ne se fit pas. Xénia Sokolova, qui a pris les rênes du magazine en août (parallèlement à sa candidature à un siège de députée), ne manifesta jamais d'intérêt pour publier le travail de Ryabtseva. Elle ne répondit même pas à ses courriels.

Anastasia Ryabtseva. Photo: Vkontakte

Anastasia Ryabtseva. Photo: Vkontakte

Tandis que trouver un débouché pour son travail a été difficile, Ryabtseva dit qu'elle a aussi surmonté une extrême nervosité en interviewant certains de ses sujets. Ainsi, son premier entretien était avec un homme dénommé Sergueï, que sa famille chassa de chez elle et qui atterrit dans la rue. Après la rencontre, elle s'est aperçue, dit-elle, qu'elle avait inconsciemment revêtu des habits meilleur marché que d'habitude, probablement par volonté de mieux cadrer.

Une autre interview que Ryabtseva dit “extrêmement importante” pour son projet était celle d'un homme prénommé Dmitri, un architecte sans-abri qui refusa d'être photographié. Si vous voyiez Dmitri dans la rue, dit-elle, jamais vous ne vous douteriez qu'il est sans abri. “Il est réellement une des personnes les plus éduquées que j'aie jamais rencontrées”, dit Ryabtseva. “Je me sentais comme une élève à côté d'un professeur, quand il citait l'Ancien Testament et me disait sa philosophie de la vie”. Il est plus tard entré dans un monastère, dit-elle.

Ryabtseva considère qu'elle a eu beaucoup de chance d'avoir eu la possibilité de collecter autant d'histoires. “J'en ai appris beaucoup sur le monde en général—par exemple, que tout peut basculer à tout moment. Dépasser notre indifférence à autrui peut changer notre vie”, a-t-elle dit à RuNet Echo.

Beaucoup de ceux que Ryabtseva a interviewés ont exprimé une profonde gratitude envers les bénévoles qui travaillent dans les asiles de nuit de tout Saint-Pétersbourg. Andreï Almassov, un ancien voleur de 46 ans, lui a parlé de sa foi restaurée dans les gens :

Я даже в голове знать не знал и не мог себе представить, что такие как мы, оказывается, кому-то нужны. Что это их профессия. Я не хочу громких слов говорить, но я здесь в людей поверил.

Je n'avais aucune idée et ne pouvais pas m'imaginer que des gens comme moi pouvaient intéresser quelqu'un, que c'est leur métier. Je ne veux pas utilier des mots ronflants, mais c'est là que j'ai commencé à croire dans les gens.

Il reste encore quelques histoires non publiées enregistrées dans les fichiers de Ryabtseva. Celle de l'homme qui était à la rue mais a aujourd'hui retrouvé un chez-soi. “Il dit maintenant [des sans-abris] que c'est totalement de leur faute”, a dit Ryabtseva à RuNet Echo. “Il se voit comme un homme fort, et dit que ceux qui ne peuvent pas remédier à leur malchance sont des faibles. Cela l'aide sans doute seulement à oublier ses propres problèmes”, commente-t-elle.

Ryabtseva croit que les attitudes envers les sans-abri à Saint-Pétersbourg évoluent peu à peu, et elle attribue à l'attention médiatique en hausse une partie de ce changement. L'asile de nuit Notchlejka semble attirer de plus en plus de bénévoles, et le lieu a également reçu des dons importants.

“L'objectif du projet”, dit Ryabtseva, “est de briser les stéréotypes, pour que plus de gens s'arrêtent et voient la personne là où par le passé ils n'auraient qu'ignoré ‘un clochard’”.

“Lundi Noir” de grève générale organisé en Pologne contre l'interdiction totale de l'avortement

lundi 3 octobre 2016 à 09:00
A widely shared image announcing the 'Black Monday' strike, via Twitter user Anna Blus.

“Polonaises en grève” Annonce de la grève du “Lundi Noir”, image largement diffusée. Via Twitter par Anna Blus.

La Pologne se prépare à une grève générale nationale lundi 3 octobre, prochaine étape du mouvement de protestation contre la loi durcissant l'interdiction de l'avortement. Des actions de solidarité s'organisent également en Allemagne.

Les défenseurs des droits des femmes polonaises ont annoncé pour cette jounrée une grève nationale des travailleuses qui vise à paralyser l'économie et la société polonaises.

Cette grève est une continuation de la “Marche Noire”, une réaction de masse au récent plan du gouvernement d'aggraver la sévérité de la loi anti-avortement en y introduisant des clauses telles que des peines de cinq ans de prison tant que pour les femmes recourant à l'avortement  — même victimes de viol — que pour les médecins.

La première phase des manifestations consistait en activisme numérique : des personnes exprimaient leur désapprobation du projet de loi en publiant leurs photos vêtu-e-s de noir, sous les hashtags #czarnyprotest (“#ManifNoire”, trouvés ici sur Facebook et Twitter) et #blackprotest (Facebook, Twitter).

La poursuite par le parlement polonais de la procédure d'examen de la législation controversée le 23 septembre a été suivie de manifestations massives dans des dizaines de villes de Pologne ainsi que dans plusieurs cités à travers le monde durant le week-end.

Le parti de droite nationaliste conservateur PiS (“Droit et Justice”) détient la majorité au parlement et est appuyé par l'Eglise Catholique. Ses députés ont aussi voté le rejet d'un autre texte qui aurait libéralisé la législation existante. Proposé par la coalition pro-choix “Sauver les Femmes”, et soutenu par une pétition de 150.000 signatures, il aurait aurait autorisé les avortements jusqu'à la 12ème semaine de grossesse.

Manifestations anti-gouvernementales à Varsovie aujourd'hui

Le 1er octobre, le parti RAZEM (“Ensemble”), un élément très actif du mouvement de protestation, qui comprend également en son sein des organisations de la société civile et des militants individuels, a organisé une autre manifestation pro-choix devant le Sejm, le Parlement polonais à Varsovie.

Varsovie en ce moment même

#ManifNoire en Pologne contre l'interdiction totale de l'avortement

Le mouvement de protestation a reçu le soutien des partis de gauche et des militants des droits humains de toute l'Europe.

marche de solidarité avec les femmes polonaises à Varsovie !

Un sondage d'Ipsos indique que 11% des citoyens approuvent des lois anti-avortement plus rigoureuses, 47% désapprouvent les changements à la loi existante et 37% réclament la libéralisation. Un autre sondage fait apparaître un large soutien au mouvement de protestation.

55% des femmes polonaises soutiennent la #manifnoire contre l'interdiction totale de l'avortement. 44% des hommes soutiennent la contestation, 15% sont contre

La grève et les manifestations prévues le 3 octobre ont reçu le nom de “Lundi Noir.” Les militant-e-s utilisent les hashtags correspondants #CzarnyPoniedziałek en polonais (sur Facebook and Twitter) et #BlackMonday en anglais (sur Facebook et Twitter). L’événement Facebook principal donne aussi les liens vers les dizaines de manifestations organisées dans les villes tant polonaises que du reste de l'Europe et d'Amérique du Nord.

Une grande manifestation “Lundi Noir” de solidarité avec la grève des Polonaises est prévue à la station de métro et de tram Warschauer Strasse (Rue de Varsovie) à Berlin. Ses organisateurs, le collectif autonome Dziewuchy Dziewuchom Berlin, est composé de femmes polonaises solidaires de celles confrontées à de nouvelles atteintes à leurs droits fondamentaux.

Le Lundi Noir est une grève d'avertissement de toutes les femmes de Pologne. Pendant cette journée de grève, elles s'absenteront de leur travail, des universités et des écoles, elles n'exécuteront pas leurs tâches ménagères. Cette grève est une initiative collective réunissant des femmes de tous âges, métiers et parcours de vie.

Le Lundi Noir est un événement de portée nationale, qui motive des milliers de femmes en un temps très court, en réaction à une situation critique en Pologne. La célèbre actrice polonaise Krystyna Janda a récemment publié sur les médias sociaux l'idée d'organiser une grève nationale analogue à celle de l'Islande, en 1975. Les femmes là-bas combattaient l'inégalité de genre et leur grève a paralysé le pays entier pendant une journée.

Dans les circonstances actuelles, en 2016 (au 21ème siècle !), les Polonaises sont obligées de se battre pour leurs droits humains de base d'auto-détermination, et plus particulièrement, pour leurs droits reproductifs.

Parmi les outils numériques déployés pour mobiliser autour des actions imminentes du ‘Lundi Noir’, cette vidéo punk réalisée par le groupe EL Banda. Au moment où ce billet était écrit, elle totalisait déjà plus de 6.000 vues sur YouTube depuis sa mise en ligne le 27 septembre.

Le Parlement des Jeunes du Mozambique veut rebaptiser l'aéroport de Maputo

dimanche 2 octobre 2016 à 17:55
Aeroporto Internacional de Maputo. Foto: Celso Alfredo Costa

L'aéroport International de Maputo. Photo: Celso Alfredo Costa

[Tous les liens sont en portugais, sauf mention contraire]

Un groupe de jeunes citoyens mozambicains a créé une pétition demandant que l’aéroport international de Maputo soit baptisé « Aéroport International Samora Machel », une pétition initiée par le Parlement des Jeunes, une organisation qui lutte pour le respect des droits et les priorités de la jeunesse au Mozambique, s’appelle « Aéroport International de Maputo » (le nom officiel de l’aéroport) et débute avec des vers de l’ancien héros national, le « Père de la Nation » Samora Machel [français] :

A maior glória é servir ao Povo,
A maior recompensa ter servido ao Povo,
A maior honra morrer pelo Povo.

La plus grande gloire est de servir le Peuple,
La plus grande récompense d’avoir servi le Peuple,
Le plus grand honneur mourir pour le Peuple.

Le nom actuel du principal aéroport du Mozambique devrait, selon le Parlement des Jeunes (PJ), porter le nom du fondateur de la République, pour ainsi donner une nouvelle dénomination à ce qui sert de porte d’entrée du pays. Pour défendre sa position, le PJ déclare :

Foi por este Aeroporto que Samora entrou para proclamar a independência Nacional e a entrada à capital, nacionais e estrangeiros, têm de ter contacto com Samora, o fundador da República. Samora Machel, estadista de estatura universal, de imensurável dimensão revolucionária, sem paralelo na época contemporânea, combatente da liberdade e homem de justiça social.

C’est par cet aéroport qu’est entré Samora pour proclamer l’indépendance nationale. Pour pénétrer dans la capitale, locaux et étrangers doivent entrer en contact avec Samora, le fondateur de la République. Samora Machel, homme d’Etat à la stature universelle et à la dimension révolutionnaire incommensurable, sans comparaison possible dans notre époque, combattant de la liberté et homme de justice sociale.

Le mouvement des jeunes va plus loin et rappelle que jusqu’à aujourd’hui, il n’existait aucun témoignage de la vie du premier Président du Mozambique. Cette initiative serait la meilleure façon de pouvoir lui rendre hommage :

Fazem 30 anos do seu assassinato e ninguém nos diz: quem matou Samora. Os seus ideais estão a ser mortalizados e o legado desprezado. É assim que a nossa geração decide homenageá-lo, colocando-lhe a entrada da capital, o nome do Aeroporto Internacional Samora Machel para que nos lembremos sempre de exigir justiça pela sua morte.

Cela fait 30 ans qu’il a été assassiné et personne ne nous dit qui a tué Samora. Ses idées ont été tuées et son héritage méprisé. C’est ainsi que notre génération a décidé de lui rendre hommage, en le mettant à l’entrée de la capitale via le nom Aéroport International Samora Machel afin de nous rappeler de toujours réclamer justice pour sa mort.

S’il était vivant, Samora Machel aurait eu 83 ans le 29 septembre dernier :

Demain, nous fêterons l’anniversaire de l’un des plus grands révolutionnaires d’Afrique, Samora Machel. Longue vie à ses enseignements !

Voici la pétition qui devra être signée par au moins deux mille personnes d’ici le 18 octobre, pour parvenir entre les mains du gouvernement de Mozambique pour examen.

[29/09/2016] Note de l’éditeur : Afin de permettre au lecteur d’avoir les informations les plus récentes possibles, Global Voices a décidé de changer la photo de l’Aéroport International de Maputo. L’image, obtenue dans les archives de Wikimedia, montrait l’aéroport avant les travaux de 2011, induisant le lecteur en erreur. Pour cette raison, nous l’avons remplacée par l’image actuelle, qui fut aimablement cédée par Celso Alfredo Costa, et qui montre une nouvelle aérogare.

Le Maroc, “porte du désert” de Hollywood, mais pas seulement

samedi 1 octobre 2016 à 20:38
Atlas Studio , Photo by Andrzej Wójtowicz , Flickr.

Aux Studios Atlas à Ouarzazate. Photo Andrzej Wójtowicz, 2 mai 2013. Source: Flickr.

Le Maroc est de puis toujours un des sites de filmage les plus prisés au monde, où maints réalisateurs de renommée internationale ont tourné certains de leurs plus grands succès. La ville de Ouarzazate, dont le nom signifie “sans bruit” en amazigh (berbère), a particulièrement réussi à attirer les cinéastes.

Ont été tournés à Ouarzazate “Prince of Persia,” de Mike Newell, “Les Chemins de la Liberté” de Peter Weir, “Mission : Impossible” de Brian De Palma, “Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre” d'Alain Chabat, “Babel” d'Alejandro G. Iñárritu, “Gladiator” de Ridley Scott. Ce qui vaut à Ouarzazate sa réputation de “Hollywood du Maroc”.

L'endroit le plus séduisant de Ouarzazate, ce sont les Studios Atlas. Créés en 1983, ils comptent parmi les plus vastes du monde avec leurs 20 hectares de terrain désertique. L'entrée est encadrée de pharaons de plusieurs mètres de haut, portant des coiffes d'or (qui ont servi d'accessoires dans bon nombre de films).

Le voyageur-blogueur Hjalmar Gerbig a publié sur YouTube sa dernière visite à Ouarzazate.

Mais l'attrait d'Ouarzazate va beaucoup plus loin que ses magnifiques paysages. Un autre intérêt pour les clients étrangers est de pouvoir travailler à coût réduit dans la ville. Les producteurs trouvent des équipes locales qualifiées qui parlent couramment plusieurs langues : anglais, arabe, berbère, espagnol, français et portugais. Et comme le coût de la vie est plus bas au Maroc, les dépenses de production réduisent de moitié le budget d'un grand film par rapport aux USA ou l'Europe.

Comme l'explique le site web des Studios :

Considérée comme le « Hollywood Marocain », Ouarzazate offre aux productions des décors extérieurs saisissants tels que les oasis, les kasbahs, des vallées, des montagnes et des dunes.
Ouarzazate possède un aéroport international, des infrastructures sanitaires performantes, des hôtels de diverses catégories, et des studios de cinéma aux normes internationales et de décors de différents types : romain, égyptiens, etc…
Grâce aux divers tournages accueillis à Ouarzazate (long métrages, reportages et documentaires), une main d’œuvre qualifiée et bon marché ainsi qu’une population multiethnique pour la figuration se sont développés.

Les sociétés de prestation de service, les divers fournisseurs en transport et catering, ainsi que les techniciens sont présents en permanence à Ouarzazate.
Tous ces atouts incontournables assurent une compétitivité certaine (30 à 50% du coût global) et une qualité de tournage élevée.

La ville possède même un musée du cinéma, où on trouve les vestiges d'autres tournages, des séquences de films tournés ici comme “Lawrence d'Arabie” ou “Kundun” et d'anciens décors d'autres films. La maison tibétaine montrée dans “Kundun” se visie, avec ses intérieurs dorés et ses statues bouddhistes. La galère de ”Ben Hur” est aussi là, avec ses cordages, ses bancs et son plafond de bois.

Old Egyptian set , Photo by Andrzej Wójtowicz , Flickr.

Décor d'Egypte ancienne aux Studios Atlas de Ouarzazate. Photo Andrzej Wójtowicz, 2 mai 2013. Source: Flickr.

Voici ce qu'écrit le voyageur-blogueur Aizzing après avoir visité Ouarzazate et ses studios de cinéma :

Ç'a été dans l'ensemble une expérience incroyable. Ce n'est pas tous les jours que vous avez la chance de revivre les moments de votre série télé préférée. De voir en vrai les lieux où Emilia Clarke et Peter Dinklage ont tourné et d'être dans une de ses destinations rêvées, le tout en même temps, était réellement surréaliste et hypnotique. C'est délirant et génial ! Je ne recommande pas à ceux qui ont des problèmes de genoux et de l'arthrose, mais si vous êtes de grands amateurs de Gladiator et de Game of Thrones qui apprécient la découverte de sites historiques, alors Ait Benhaddou à Ouarzazate est exactement ce qu'il vous faut.

Mais à côté de l'aspect havre pour metteurs en scène et réalisateurs du monde entier, les cinéastes et miliants au Maroc contestent depuis longtemps la représentation du Maroc et du monde arabe en général dans les films de Hollywood. Comme le résumait récemment un article du Guardian, “certains regrettent de voir leur pays dépeint si souvent comme une zone de guerre, et d'autres disent que les films américains monopolisent les talents locaux”.

Karim Aitouma, producteur d'un documentaire récent sur les figurants souvent employés à Ouarzazate, a été cité dans le Guardian disant que les figurants se laissent même pousser “des barbes professionnelles” pour complaire au public occidental :

Quand ils savent qu'un film de Hollywood va arriver, ils se laissent pousser la barbe. C'est un critère très important pour les castings – pour les film historiques mais aussi parce qu'ils vont jouer dans des films de terrorisme. Ils sont tous barbus en permanence, non parce qu'ils le veulent mais parce qu'ils attendent les castings.

Le réalisateur marocain Othmane Naciri pense que ses confrères de Hollywood ne savent pas grand chose de son pays, a-t-il expliqué dans un entretien avec PRI :

OK, le Maroc, c'est où ? En Afrique du Nord ? Du sable, du désert ? OK, c'est parfait. Tourner là-bas est moins cher pour nous que dans le désert d'Arizona, et c'est plus sûr que le vrai Irak alors c'est le meilleur compromis.

Et encore:

Les Marocains ont les rôles à profil arabe typique : les terroristes, les méchants, selon le point de vue américain. Voyez-vous, on n'est pas si loin du point de vue occidental des années 50— le bon, la brute et le truand !

Le journaliste Mohamed Koné a traité le sujet et en conclut que les cinéastes marocains contestent eux-mêmes ce schéma, en engrangeant déjà quelques succès.

Les cinéastes marocains tentent de défier le cliché terroriste en exportant leur propre image du pays, et de ses gens. […] Une première reconnaissance déjà, des films marocains ont récemment intégré le festival de Cannes.

Colombie : Dessins animés, séries et témoignages pour comprendre la (possible) fin d'une guerre

samedi 1 octobre 2016 à 19:13
"Ahí va Colombia". Foto del usuario Flickr Lucho Molina. (CC BY-NC 2.0)

“La voilà, la Colombie”. Photo de l'utilisateur Flickr Lucho Molina. (CC BY-NC 2.0)

[Sauf mention contraire, tous les liens de cet article sont en espagnol.]

La Colombie vit aujourd'hui un processus historique qui pourrait mettre fin au long et terrible conflit armé qui domine l'histoire du pays depuis plus de 50 ans. Les Colombiens, qu'ils vivent dans ou hors du pays, voteront le 2 octobre 2016 pour accepter ou refuser l'accord signé entre le gouvernement et les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie [FARC]. Le processus de négociation, qui a pris des années de décisions complexes et difficiles, a été amplement commenté par l'opinion publique et les médias, et ces discussions reflètent les fortes divisions de la société colombienne.

Ces opinions divergentes sont un bon miroir de la situation de chaque groupe social. En général, les points de vue s'affrontent dans les zones rurales, où on trouve des gens “pour” et “contre” les FARC. Dans les grandes villes, il y a ceux qui n'ont pas été touchés directement par la guerre, et ceux qui sont arrivés dans les zones pauvres et exclues de la ville pour fuir ses violences.

“Les gens ne sont pas contre le processus de paix, plutôt contre les rumeurs autour”

Pour enrichir le débat et informer sur les accords, de nombreuses campagnes d'information ont été lancées, comme la série animée Dejemos de matarnos [Arrêtons de nous entre-tuer]. Racontée par l'historienne Daniela Uribe, la série se propose d'expliquer en détail les accords de paix, d'affronter les craintes qu'ils font naître, et de faire le lien entre le processus de paix colombien et celui d'autres pays comme l’Irlande, le Rwanda et le Guatemala.

Cada vez que los pueblos pasan por un proceso de paz la humanidad en su totalidad da un paso hacia adelante. No solo porque la paz nos engrandece como especie, sino porque cada proceso de paz es un aprendizaje que nos da las claves para el siguiente. Así como Irlanda y Sudáfrica le están enseñando al mundo cómo superar los odios y la violencia, así también llegará el día en que Colombia le cuente su historia a los demás para que otros puedan aprender de lo que nosotros hicimos.

A chaque fois que les peuples s'engagent dans un processus de paix, c'est l'humanité toute entière qui avance. Non seulement parce que la paix nous fait grandir en tant qu'espèce, mais aussi parce que chaque processus de paix est un apprentissage qui nous donne des clés pour le suivant. Ainsi, comme l'Irlande et l'Afrique du Sud enseignent au monde comment dépasser la haine et la violence, il arrivera un jour où la Colombie racontera son histoire aux autres, pour qu'ils apprennent de ce que nous avons fait.

Le programme Claves [Clés] a lui aussi analysé le processus de paix dans son envergure régionale. Plusieurs analystes d'Amérique Latine y comparent le processus de paix colombien à celui du Salvador :

En la negociación se negocia el fin de la guerra, pero no el fin del conflicto. Termina esa guerra [El Salvador], esa guerra era civil que es cuando se enfrentan dos partes de una misma sociedad; y se abren las puertas para otra guerra, la actual, una guerra social. - Dagoberto Gutiérrez, jefe guerrillero en el periodo de la guerra civil, negociador y firmante de los acuerdos de paz de El Salvador

Es mejor coexistir que matarnos, es mejor hablarnos que ignorarnos […] No deben confundir [los colombianos] lo que es el proceso de pacificación con lo que es la construcción de la paz. - Mauricio Ernesto Vargas, general en retiro y firmante de los acuerdos de paz de El Salvador

Ganamos [los salvadoreños] muchísimo con los acuerdos de paz. Como sea, con las imperfecciones que ahora tenemos e incluso con las nuevas conflictividades […] estamos mucho mejor que esa época oscura, terrible, de locura que había durante la guerra que vivimos. - Jaime Martínez, director general de la Academia de Seguridad Pública y director del Centro de Estudios Penales de El Salvador

Pendant la négociation, ce qui se négocie est la fin de la guerre, pas la fin du conflit. Cette guerre [celle du Salvador] était civile, car deux parties de la même société se sont affrontées. Une fois cette guerre terminée, la porte s'est alors ouverte sur une autre guerre, la guerre actuelle, une guerre sociale.  - Dagoberto Gutiérrez, chef guérillero pendant la période de la guerre civile, négociateur et signataire des accords de paix du Salvador.

Il vaut mieux coexister que s'entre-tuer, il vaut mieux se parler que s'ignorer […] [Les Colombiens] ne doivent pas confondre le processus de pacification et la construction de la paix. – Mauricio Ernesto Vargas, géneral retraité et signataire des accords de paix du Salvador.

Nous, [les Salvadoriens], avons beaucoup gagné avec les accords de paix. De quelque manière que l'on regarde les choses, même avec les imperfections qu'il y a maintenant et même s'il y a de nouveaux conflits, […], nous sommes beaucoup mieux aujourd'hui que pendant cette période obscure, terrible, cette période de folie que nous avons vécu pendant la guerre. - Jaime Martínez, directeur général de l'Académie de sécurité publique et directeur du Centre d'études pénales du Salvador.

“Les enfants de riches ne vont pas à la guerre”

Le conflit colombien a été vécu de différentes manières selon les personnes. C'est un conflit qui a eu des conséquences à la fois dans et hors du pays. La Colombie est le deuxième pays du monde en terme de nombre de déplacés internes par un conflit armé (6,3 millions de personnes selon le UNHCR [Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés]). Et au sein de la diaspora qui a trouvé de meilleures opportunités dans d'autres pays d'Amérique Latine, beaucoup ont fui les violences directes ou indirectes du conflit armé.

C'est la jeunesse qui a été la plus touchée par le conflit colombien. Des témoignages filmés ont beaucoup circulé sur les réseaux, et ils soulignent le fait que quel que soit leur camp, ceux qui participent aux guerres sont des jeunes de milieux pauvres et victimes d'exclusions. Dans Nunca imaginé Colombia [Je n'ai jamais imaginé la Colombie], une collection de témoignages enregistrés par Patricia Barón, Martha Lucía Jordán et Omar Rincón, on peut lire des récits à la première personne relatant des années de déplacements, de violences, de prise d'armes et de réinsertion :

No me he olvidado del pasado […] porque eso son cosas que me han hecho madurar bastante. Yo te he contado que hay momentos en que me arrepiento de todo, pero es que no me puedo… me arrepiento en la forma en que ahora hay gente que prácticamente que lo ve a uno, y no sé, como todo extraño […]  Antes no pensaba lo que pienso ahora, antes pensaba que mi mundo giraba alrededor de lo que vivía en el monte y no miraba adelante nada, ni para atrás tampoco. Pero resulta que desde que salí [de la guerrilla] las cosas me han estado cambiando, ahora estoy aquí, con todo lo que he recorrido y he conocido, aprendido de las personas.

Je n'ai pas oublié le passé […] parce que ce sont des choses qui m'ont beaucoup fait grandir. Je t'ai dit qu'il y a des moments où je regrette tout, mais je ne peux pas… Je regrette dans le sens où aujourd'hui, il y a des gens qui me voient presque, comment dire, comme un parfait étranger […] Avant je ne pensais pas à ce à quoi je pense aujourd'hui, avant je pensais que le monde tournait autour de ce que je vivais dans la forêt et je ne regardais pas plus loin, et je ne regardais pas les autres non plus. Mais depuis que je suis sorti [de la guérilla], j'ai changé, maintenant je suis ici, avec tout ce dont je me rappelle et ce que j'ai connu, tout ce que j'ai appris par les gens.

La Colombie entre le “Oui” et le “Non”

Les débats s'intensifient face au référendum qui décidera si les accords de paix sont confirmés ou non. Les campagnes qui ont pris le parti du “Oui” à la paix défendent l'idée qu'un pas doit être fait vers la paix pour commencer à avancer vers une Colombie plus unie, qui laisserait derrière elle la guerre qui a marqué tant de générations. Ceux qui plaident pour le “Non” craignent que le pays ne se plie aux FARC, que ses membres aient des sièges au Sénat et que les crimes restent impunis.

Néanmoins, on observe une multiplication de voix venues de différentes parties de la société, qui voient dans cet accord l'espoir d'un processus de paix. Les gens espèrent que les accords, s'ils sont signés, seront le début d'un processus de pardon et de réconciliation, qui assoira les bases d'une Colombie plus unie. Ils espèrent aussi que ces accords assoupliront les relations avec le reste de la région et aideront à faire face au plus grand défi de la fin du conflit : la construction au quotidien, collectivement, d'une paix durable.

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