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Enfants migrants d'Amérique centrale : pas de visa pour un rêve

mercredi 17 septembre 2014 à 10:03
Niños migrantes en clase. Imagen en Flickr del usuario pies cansados (CC BY-ND 2.0) .

Enfants migrants en classe. Image publiée sur Flickr par l'utilisateur pies cansados (CC BY-ND 2.0).

Dans un article d'opinion pour le Journal Sentinel Online, Jamie Stark, un contributeur de Global Voices, se demandait : ” Quel genre de parent payerait 10 000 $ un parfait inconnu pour faire traverser à son propre enfant, 2200 kilomètres de zones mafieuses et de postes-frontières plus qu'hostiles ? Sans doute, un bon parent”.

En tant que citoyen préoccupé par la crise des enfants migrants, Stark s'interroge :

Que faisons-nous de ces enfants ? Il est clair que la décision n'est pas à prendre à la légère,  mais elle omet l'humanité, l'histoire de chacun de ces enfants qui traversent nos frontières.
[...]
Quand un parent en Amérique centrale entend cette rumeur d'enfants autorisés à rester sur le territoire des États-Unis, il n'est pas difficile d'imaginer le voir passer sa vie à économiser entre 10 000 et 15 000 dollars pour qu'un inconnu guide son fils ou sa fille vers le Nord.
[...]
Ces enfants ne sont pas de simples statistiques. D'ailleurs, la plupart d'entre eux n'ont jamais voulu être ici.

Global Voices a précédemment écrit plusieurs articles sur cette question :
- Amérique centrale : le désastre humanitaire des enfants qui immigrent seuls
- An Open Letter to Salvadoran Migrant Children [en anglais et espagnol]
- Trafficked Ecuadorian Children Pass Through Hell on the Way to the US [en anglais et espagnol]

Crise de la pêche artisanale en Amérique latine

mercredi 17 septembre 2014 à 08:59
Image by A Camargo.

Photo d’ Alejandro Camargo.

 Cet article écrit par Alejandro Camargo, a été publié à l'origine sur le site Internet de NACLA (Congrès nord américain sur l'Amérique latine). Alejandro Camargo prépare un doctorat en géographie à l'université de Syracuse, il est également consultant pour l'Institut d'anthropologie et d'histoire de la Colombie.

 Par nature la pêche est une activité à risque. Les ouragans, les tempêtes et la violence des vagues sont un risque constant pour les milliers de personnes dans la vie dépend de l'eau. Mais la vie politique et les événements économiques actuels sont une menace encore plus dramatique et à plus grande échelle pour la “petite pêche” dans l'hémisphère sud. Des conflits territoriaux transforment les eaux en enjeux politiques, théâtre d'affrontements entre intérêts et acteurs divers.

 Le 27 janvier  2014, des pêcheurs artisanaux accompagnés d'habitants de la ville chilienne d'Arica ont défilé en agitant des drapeaux noirs. Ils étaient “en deuil pour la mer”  après un arrêt de la cour internationale de justice (CIJ) à La Haye redéfinissant la frontière maritime entre le Chili et le Pérou. Après six années de dispute entre les deux pays sur la question de leurs frontières maritimes, la CIJ  a pris une décision en faveur du Pérou  en lui concédant près de  21 000 kilomètres carré  d'une zone océanique jusque là revendiquée par le Chili.  Cette décision de la CIJ  a été suivie d'une agitation politique et sociale mettant en lumière d'autres problèmes que les pêcheurs artisanaux affrontent aujourd'hui : monopole des pêcheurs industrielsrareté du poisson  et précarité des conditions de travail. Finalement la situation des pêcheurs d'Arica illustre bien la crise majeure qu'affronte toute la pêche artisanale en Amérique latine

Pour les pêcheurs d'Arica, cette décision de la Cour internationale de justice est synonyme de ce que beaucoup appellent la mort de la mer, car ils ne pourront plus utiliser cette partie du territoire maritime qui a fait vivre depuis des dizaines d'années des centaines de personnes. Pourtant, ce conflit géopolitique n'est pas l'unique cause de mécontentement général à Arica. Lors d'un interview pour Radio Universidad de Chile, Nelson Estrada, un membre du Conseil national pour la défense de la pêche, a fait remarquer que le véritable problème, outre la perte du territoire maritime, est ce qu'on appelle la “Loi Longueira“, une loi récemment votée en faveur du monopole des grandes entreprises de pêche. Pour Estrada, les pêcheurs d'Arica sont soumis à ce monopole et un contrôle des prix est établi par le groupe Angelini, une puissante  multinationale  qui investit également beaucoup dans le secteur minier, bois et gaz naturel 

Ce type de conflits entre les artisans pêcheurs et les “industriels de la pêche” est responsable de nombreuses manifestations bien au-delà du Chili. 

En février 2014, les artisans pêcheurs de Bahía Blanca, en Argentine, ont dénoncé les effets désastreux  des chalutiers industriels, grands navires de pêche qui traînent un filet bien connu pour perturber totalement les  écosystème du sol marin, prenant la défense de la pêche à petite échelle dans le cadre d'un développement durable. L'État argentin a pris parti en faveur des artisans pêcheurs et supprimé la licence des grandes entreprises de pêche industrielle.  Et pourtant, en faisant cela il a déclenché une nouvelle grêve provoquée par les travailleurs et les syndicats locaux dans la vie dépend de l'activité des chalutiers industriels.

La concurrence inégale et injuste entre les artisans pêcheurs et les entreprises “d'extraction de poisson” à grande échelle fait partie d'une crise totale où se trouve mis en péril le développement durable de la ressource écologique des océans. Le développement à grande échelle de certaines industries comme les exploitations pétrolières offshore est une source de contamination potentielle des eaux en territoire de pêche. C'est le cas de l'entreprise pétrolière d'Argentine Pluspetrol, responsable de la contamination de fleuves et du dramatique accident sur le lac Shanshacocha dans l'Amazonie péruvienne. Les zones de pêche dans cette région du Pérou souffrent également des conséquences du changement climatique, de la déforestation et d'une contamination chimique en rapport avec le narcotrafic. En conséquence, les prises de poisson ont diminué de près de 50% dans cette zone forestière. Cette situation est particulièrement alarmante étant donné que cette région du Pérou donnait le taux le plus élevé obtenu en Amérique latine pour la pêche continentale.

Le développement à grande échelle de la pêche industrielle et la détérioration écologique des eaux ont déchaînés des conflits importants entre les industriels, les communautés de pêcheurs et l'État. Les pêcheurs de la région appelée Bío Bío, au sud du Chili, ont entamé une action en justice contre  Endesa , la plus grande entreprise de production électrique du pays.  Pour les pêcheurs du Bío Bío, l'activité de Endesa a été la cause d'une atteinte considérable aux écosystèmes marins et aux eaux océaniques.  L'État chilien est intervenu en donnant raison aux communautés de pêcheurs. Mais celles-ci continuent à espérer une nouvelle décision du fait des graves problèmes sociaux environnementaux provoqués par Endesa.

La crise économique, politique et écologique que les artisans pêcheurs affrontent actuellement s'est aggravée lorsque les zones de pêche se sont transformées en théâtre de violence et de terreur. Des ONG ont signalé des cas de disparition, de torture et de maltraitance de pêcheurs par des bateaux de guerre des USA recherchant de la drogue ou des immigrants illégaux dans les zones de l’Equateur. La guerre internationale contre la drogue et l'immigration illégale entreprise par les États-Unis s'est étendue aux territoires océanique. Il s'est créé ainsi une ambiance d'insécurité pour de nombreux petits pêcheurs.

 Dans une interview pour Ecuadoradio,  un pêcheur raconte :

 Alors que j'étais en pêche, une frégate nord-américaine a détruit mon bateau.  Ils voulaient casser mon bateau.  Ils m'ont dit qu'ils avaient le droit d'inspecter à fond mon bateau.  Après six heures de recherche et de destructions, ils n'ont rien trouvé qui pouvait prouver que j'étais propriétaire du bateau….Ils n'ont rien trouvé, ils l'ont détruit et nous étions dans les eaux équatoriennes. Beaucoup de pêcheurs ont perdu leur bateau… [et d'autres ont disparu]… Hélas,  quelle souffrance pour les mères et les veuves… Nous demandons justice !

La persistance de cet état de violence et de peur dans les zones de pêche est aussi la conséquence des conflits géopolitiques pour les frontières maritimes. En novembre 2012, la Cour de justice internationale a donné raison au Nicaragua et lui a concédé près de 75 000 km² de mer qui auparavant appartenait à la Colombie. Depuis lors, les petits pêcheurs de San Andrés et de l'archipel Providencia en Colombie vivent constamment  dans la crainte de problèmes quand ils pêchent dans certaines zones près de la nouvelle frontière maritime.  Selon certains pêcheurs, des plongeurs nicaraguayens voleraient les filets et la pêche de pêcheurs colombiens, créant une ambiance  d'hostilité et d'intimidation.  En conséquence quelques pêcheurs colombiens ont cessé de travailler dans ces sites.

Le fait de reconnaître la crise multidimensionnelle qu'affronte aujourd'hui les petits pêcheurs en Amérique latine a des conséquences sur le regard que les instances régulatrices, militantes et académiques  portent sur eux. On a l'habitude d'analyser la crise de la pêche à l'aide de chiffres et de statistiques mettant en évidence diminution ou excès de pêche. Un regard plus lucide sur les forces économiques, politiques et les enjeux environnementaux qui se cachent derrière ces chiffres permet une meilleure analyse de l'état actuel de la pêche dans le monde.

Pour les défenseurs d'une consommation alimentaire a vision écologique, le poisson est vu en général comme une alternative à l'usage destructif de la viande et des volailles.  Pourtant, la pêche a ses propres problèmes marqués par la justice la violence et l'inégalité.

On a aussi l'habitude de voir la pêche comme une activité économique indépendante et autosuffisante.  Mais pourtant, la mer est intimement lié à la terre ce qui veut dire que beaucoup de communautés de pêcheurs ont également des cultures et élèvent des animaux. Dans cette perspective, on comprend mieux la connexion entre la pression croissante sur les ressources aquatiques et la détérioration des droits de la terre, et la manière dont la crise de la pêche aggrave le problème de l'autonomie alimentaire dans les régions rurales de l'Amérique latine. Ceci permet une compréhension plus affinée de la place des pêcheurs dans la transformation de la société agraire  et une approche plus critique des problèmes liés à l'économie politique de la pêche et à  la gestion des ressource maritimes.

Une professeure de tango homosexuelle assassinée à Saint-Pétersbourg

mercredi 17 septembre 2014 à 08:08
The last photograph Khomenko posted to her Vkontakte account. September 3, 2014. Vkontakte.

La dernière photgraphie de Khomenko, postée sur son compte Vkontakte. 3 september 2014. Vkontakte.

Ekaterina Khomenko, professeure de tango homosexuelle de 29 ans, a été retrouvée dans sa voiture tôt le matin du 7 septembre, une entaille de 10 centimètres en travers de la gorge. Le moteur tournait encore quand un technicien de surface a trouvé son véhicule. La police, après avoir considéré l'éventualité d'un suicide, traite maintenant sa mort comme un assassinat. Les liens de Ekaterina Khomenko avec la communauté LGBT n'ont pas été évoquées dans les premiers communiqués des journaux locaux.  

Le père de Ekaterina Khomenko, Valery, a été un des premiers à rendre sa mort publique. Il a commenté la dernière photo postée par Ekaterina sur son compte Vkontakte (voir ci-dessus) et annoncé que les inspecteurs l'avaient appelé le 7 septembre à 9h pour lui annoncer que le corps de sa fille avait été découvert. Selon ses dires sur la Toile, la police était surtout intéressée de savoir si Katya avait des antécédents avec la drogue, des problèmes d'argent ou des tendances suicidaires.

Ekaterina Khomenko. Lesbiru.com.

Deux jours plus tard, un utilisateur de Vkontakte du nom de Timur Isaev a appelé à la guerre dans les commentaires sous cette photographie en déclarant que les personnes homosexuelles “mourraient toujours plus vite que les personnes en bonne santé [sic]“. Il a posté 48 autres commentaires dans les 48 heures qui ont suivi, répétant son message homophobe aux amis de Ekaterina Khomenko en deuil.

Lesbiru.com, un portail en-ligne pour les lesbiennes russophones, a mis en évidence l'appartenance d'Isaev à la communauté anti-gay “Gay Hunters” sur Vkontakte. Isaev y partage du matériel homophobe avec les 122 autres abonnés du groupe. Il est aussi actif sur Twitter, où il poste d'autres contenus anti-gay et loue l'annexion récente de la Crimée par la Russie.

D'après le site site d'actualité activiste Contraband, la communauté LGBT de Saint-Pétersbourg est convaincue que la carrière de Khomenko en tant que professeure gay de tango a joué un rôle dans son assassinat. Angelina Tishina, amie et collègue de Ekaterina Khomenko, a monté un groupe privé sur Vkontakte afin de collecter de l'argent pour Valery Khomenko, sans doute pour aider à payer les obsèques de Katya, qui ont eu lieu hier hors de Moscou.

La communauté russe LGBT fait face à de nombreux défis juridiques et sociaux. Bien que l'homosexualité ait été officiellement retirée de la liste russe des maladies mentales en 1999, les défenseurs des droits de l'homme ont observé avec consternation les législateurs locaux, régionaux et fédéraux faire passer différentes interdictions contre ce qui est communément appelé “propagande gay” ces dernières année. Avant l'intervention militaire de Moscou dans l'Est de l'Ukraine, les mesures drastiques contre les droits des gay étaient certainement ce qui provoquait le plus de publicité négative à l'international pour le Kremlin.

Mise à Jour : Le portail d'actualités Spbdnevnik.ru a indiqué qu'Ekaterina Khomenko a travaillé par le passé comme chauffeur pour le “Rainbow Taxi“, un service de co-voiturage propre à Saint-Pétersbourg, similaire à Uber et destiné à la communauté LGBT, qui propose des trajets sécurisés vers les boîtes et bars gay-friendly. Le service de taxi a déclaré que Khomenko n'avait pas travaillé comme chauffeur depuis deux ans, mais ses amis pensent qu'elle a pu répondre à un appel “Rainbow” la nuit où elle a été tuée. 

Le risque-tout ukrainien “Mustang Wanted” officiellement recherché en Russie

mardi 16 septembre 2014 à 21:39
Mustang Wanted in action. Anonymous image circulated online.

Mustang Wanted en action. Image anonyme circulant sur Internet.

L'escaladeur de gratte-ciels Mustang Wanted n'a pas peur de l'altitude, mais ses derniers exploits l'ont entraîné sur des sommets inédits et risqués : un mandat d'arrêt en Russie. Après l'aveu de Mustang d'avoir décoré l'étoile sommitale d'un des gratte-ciels staliniens de Moscou aux couleurs de l'Ukraine, la police russe a émis à son encontre un mandat d'arrêt. Sans surprise, les autorités ukrainiennes ont aussitôt refusé de l'appliquer.

Mustang, dont le véritable nom serait Pavel Ushyvets, dit avoir vendu les images de son exploit à la télévision russe pour 5.000 dollars et fait don de la somme à un bataillon volontaire ukrainien, ce qui lui a valu le prix Troublemaker 2014.

La semaine dernière, un juge moscovite a placé Mustang sur une liste de personnes recherchées à l'international (actuellement limitée aux pays de la C.E.I. et sans saisie d'Interpol), en l'inculpant de hooliganisme et vandalisme. On peut déduire de ce mandat d'arrêt que les autorités russes ne retiennent pas la proposition de Mustang de se livrer en échange de la libération de la pilote militaire ukrainienne Nadejda Savtchenko, actuellement en détention provisoire à Voronej.

Dans un billet sur Facebook, Anton Gerachtchenko, un conseiller au Ministère ukrainien de l'Intérieur, a fait savoir que le gouvernement ukrainien ne comptait pas extrader Mustang. L'article 25 de la constitution ukrainienne, a écrit Gerachtchenko, garantit qu'aucun citoyen ukrainien ne peut être extradé pour être jugé à l'étranger. Gerachtchenko a félicité Mustang pour son acte, et s'est réjoui de sa portée mondiale et de l'injure symbolique faite à la Russie.

Это тот самый Герой Украины, который взобравшись на одну из сталинских высоток в Москве, сам, один, за ночь раскрасил звезду венчавшую шпиль, в цвета украинского национального флага и сделал фото обошедшее весь мир! Чем поверг в большое уныние Кремль и одурманенных пропагандой Москвичей.  И напротив, вызвал восторг своей смелостью и смекалкой у украинцев и всего мира. . . Мы украинцы сильная и креативная нация, а Павел – один из лучших ее сынов!

C'est ce même Héros de l'Ukraine qui a escaladé l'un des gratte-ciels staliniens de Moscou, qui, seul en une nuit, a peint l'étoile couronnant la pointe aux couleurs du drapeau national ukrainien et pris la photo qui a fait le tour du monde ! Cette photo qui a plongé dans un grand abattement le Kremlin et les Moscovites saoulés de propagande. A l'inverse, elle a provoqué l'enthousiasme des Ukrainiens et du reste du monde par sa hardiesse et son astuce. Nous Ukrainiens sommes un peuple fort et créatif, et Pavel est un de ses meilleurs fils !

A noter que Gerachtchenko affirmait ensuite que pour narguer les autorités russes, Mustang allait changer son nom légal, avec l'aide bienveillante du gouvernement ukrainien. Il n'y a pas d'indication officielle de ce que serait ce nom ou si cela l'aiderait à échapper à l'arrestation. Quoi qu'il en soit, l'homme politique russe d'opposition Boris Nemtsov a imaginé sur Facebook que Mustang changerait de fait son nom en “Vladimir Poutine,” à la plus grande l'hilarité des internautes russes.

Сегодня он заявил, что сменит ФИО на Владимира Путина. Украинские законы позволяют это легко сделать. И пусть Владимира Владимировича Путина объявляют в международный розыск.

Il a annoncé aujourd'hui [12 septembre] qu'il changeait son nom en Vladimir Poutine. Les lois ukrainiennes permettent de le faire facilement. Et qu'un avis international de recherche soit lancé contre Vladimir Poutine !

L'exploit d'altitude de Mustang ne suscite pas seulement l'admiration, il est aussi de plus en plus lucratif. Après avoir vendu une vidéo de son escapade de peintre d'étoile à l'organe d'information pro-Kremlin LifeNews pour 5.000 dollars, Mustang a fait don de la somme à Semion Sementchenko, le chef de l'anti-séparatiste bataillon Donbass. Cette milice, basée à Dnipropetrovsk, opère comme unité autonome de volontaires dans l’ “opération anti-terroriste” ukrainienne. Mustang a par le passé ouvertement pris parti pour l'armée ukrainienne, publiant des photos de lui-même en tenue pare-balles aux côtés de militaires ukrainiens, avec le mot-clic #UkrainianRevolution.

Pour honorer son exploit sur le gratte-ciel moscovite, son plaidoyer pour Savtchenko, et son don à Sementchenko, Pavel vient de recevoir le prix Troublemaker 2014, doté de 10.000 dollars américains. Ce prix, remis par l'homme d'affaires né à Moscou et installé à Boston Semyon Doukatch, veut récompenser la “bonne espèce de trublion […] celui qui prend des risques et tord les normes sociales pour un plus grand bien.” Les précédents récipiendaires de ce prix sont Nadia Tolokonnikova des Pussy Riot et le jeune pédagogue militant américain Zack Kopplin. Doukatch a récemment expliqué sur Radio Free Europe son choix de Mustang comme lauréat.  

То, что он сделал в Москве, офигенно! То, что сделал Мустанг – это гуманно, он никого не убивал, он нанес максимальный удар по символике, в Москве на звезду эту красную вывесил флаг.  Первое было это, потом призыв освободить Савченко, которая точно не виновата, и третье – шутка или не шутка, что 5 тысяч долларов он взял с LifeNews за видео и отдал их Семенченко в батальон “Донбасс” и посмеялся над LifeNews.  Мне кажется, это прекрасно.

Ce qu'il a fait à Moscou est extraordinaire ! Ce qu'a fait Mustang était humain, il n'a tué personne, il a porté le coup maximum par un symbole, à Moscou, en accrochant le drapeau sur cette étoile rouge. Premièrement il y a eu ça, deuxièmement il a appelé à libérer Savtchenko, qui est totalement innocente, et troisièmement, plaisanterie ou pas, il a donné les 5.000 dollars reçus de LifeNews pour la vidéo, à Sementchenko et au bataillon Donbass et s'est moqué de LifeNews. Je trouve ça merveilleux.

De gauche à droite : les Pussy Riot Maria Alyokhina et Nadejda Tolokonnikova, et Semyon Doukatch. Photo : Facebook.

De quel côté ira maintenant Mustang ? A l'est, arrestation et séjour en prison l'attendent en Russie. A l'ouest, 10.000 dollars à son nom. Où qu'il aille, les aventures de Mustang offriront un bon spectacle sur YouTube, où ses vidéos ont attiré plus de 100.000 abonnés et plus de 13 million de vues.

Droit à l'oubli, liberté d'expression : ‘L'Europe devrait s'inspirer du Brésil’

dimanche 14 septembre 2014 à 20:29
Mugshot for American organized crime leader James "Whitey" Bulger. Criminal data like this could be subject to de-indexation under the RTBF ruling. Photo by Bureau of Prisons, released to public domain.

Photo d'identité judiciaire du chef de gang américain James “Whitey” Bulger. Des données pénales comme celle-ci pourraient être sujettes à désindexation en vertu du droit à l'oubli. Photo Bureau of Prisons, domaine public.

Entretien avec Félix Tréguer, chercheur à l'EHESS et membre fondateur de La Quadrature du Net, France.

Les échanges entre membres de Global Voices et au-delà nous ont conduits à demander à nos confrères et consoeurs — spécialistes du droit d'Internet à travers le monde — à commenter l'arrêt de la CEJ et de décrire ses effets sur la réglementation et le débat politique dans leur pays depuis qu'il a été rendu. Dans ce deuxième article de la série, nous donnons la parole au juriste français de l'Internet Félix Tréguer.

Avez-vous suivi l'affaire du “droit à l'oubli” dans l'UE ?

Oui. En Europe, l'arrêt “Costeja” de la Cour Européenne de Justice a engendré un débat très animé sur la protection de la vie privée et la liberté d'expression sur l'Internet.

Mais je dois souligner que l'arrêt en lui-même ne traite pas littéralement du droit à l'oubli. Plus précisément, c'est une décision qui reconnaît un droit à la désindexation des liens attachés au nom d'un individu dans les moteurs de recherche, fondé sur la loi de l'UE de 1995 sur la protection des données personnelles. Cela signifie que lorsqu'un élément donné est désindexé par Google dans les résultats de recherche d'une requête incluant le nom d'une personne, il reste accessible par les moteurs de recherche tant que la requête n'inclut pas ledit nom. On est donc très loin d'un véritable droit à l'oubli.

Ceci dit, l'arrêt soulève à l'évidence d'importantes inquiétudes pour la liberté d'expression en ligne. Il est clair que la décision de la Cour restreint le droit à l'information pour les internautes, et le droit à la liberté d'expression pour les éditeurs en ligne dont les contenus seront plus difficiles à trouver une fois désindexés de certains résultats de recherche.

Pour moi, ce qu'il y a de pire dans la décision, c'est que, tout en reconnaissant que le droit à la désindexation n'est pas absolu, il est de la responsibilité des moteurs de recherche de juger de la validité d'une demande de désindexation de contenu en ligne. La Cour a noté que la décision du moteur de recherche sur la demande devra dépendre de “la situation [du demandeur] dans la vie publique”. Par conséquent, le seuil de désindexation est plus élevé pour un personnage public que pour le citoyen ordinaire. L'arrêt confère donc en réalité à Google la tâche de dessiner les frontières de qui et quoi appartient à la sphère publique. Et renforce ainsi la dangereuse tendance à la privatisation de la censure en ligne – une tendance déjà à l'oeuvre dans l'application du droit d'auteur.

Il est vraiment déconcertant de voir le tribunal suprême de l'Europe émettre un jugement aussi important dans l'aveuglement sur l'environnement juridique et réglementaire plus large des droits fondamentaux de l'Internet.

Y a-t-il eu des discussions et débats au plan local sur la mise en oeuvre du droit à l'oubli ? Des affaires devant les tribunaux locaux ?

Oui, à côté de l'arrêt de la CEJ, il y a eu des procès en Europe sur le droit à l'oubli.

En janvier dernier en France, un marchand d'art parisien ayant un casier judiciaire a demandé la désindexation de liens vers des contenus concernant une condamnation passée. Un tribunal de première instance a statué en sa faveur, au motif que le demandeur avait droit à la protection de sa réputation en vertu de la loi française sur les données personnelles.

En 2012, une ex-actrice de porno avait aussi gagné son procès sur la base des lois de son pays sur la vie privée après que Google eut refusé ses requêtes de désindexer les liens vers ses vidéos pornographiques.

Mais à côté de ces décisions judiciaires, le débat sur le “droit à l'oubli” en Europe a un aspect encore plus problématique. Sitôt après l'arrêt de la CEJ, en mai, la présidente de la Commission nationale Informatique et Libertés (CNIL) française, qui coordonne actuellement les travaux de toutes les autorités de protection des données (ADP) européennes sur le sujet, a annoncé dans un entretien qu'un tiers des plaintes reçues par ses services (2000 environ sur 6000 annuelles) relevaient de contenus en ligne. Scandaleusement, elle a précisé que dans ces cas, la CNIL ne se contente pas de demander aux moteurs de recherche la désindexation de contenus et liens particuliers dans les résultats de recherche, mais elle s'adresse directement aux éditeurs (rédacteurs de médias en ligne, blogueurs, etc) pour requérir que l'information en ligne se rapportant à un plaignant donné soit retirée ou rendue anonyme.

L'archétype d'une intervention de la CNIL est le suivant : un ex-responsable syndical vient demander à la CNIL d'intervenir pour une vidéo d'il y a dix ans le montrant s'exprimer avec véhémence contre son ancien PDG. La vidéo est aujourd'hui dans les premiers résultats de recherche associés à son nom, et, explique-t-il dans sa demande, l'empêche de trouver un emploi. Ce que fait la CNIL dans de tels cas est de demander à celui qui a publié la vidéo de supprimer le nom de la personne du texte associé à la vidéo.

Ce qui veut dire aussi qu'en l'absence de toute validation par un tribunal et même de principes juridiques clairs sur l'équilibre entre vie privée et libre expression, sans aucune transparence sur la quantité et la nature du contenu enlevé, et sans prise en compte d'autres moyens de protéger cette personne de discriminations à l'emploi, des institutions administratives orchestrent la censure de matériau en ligne. Ce qui peut avoir un gros impact sur le débat démocratique. Pour poursuivre l'exemple précédent, et si d'ici quelques années, l'ex-leader syndical entre dans la représentation politique ? Les électeurs n'auront-ils pas le droit de connaître ses engagements politiques antérieurs ?

Avant même l'arrêt de la CEJ, la mise en oeuvre du droit à l'oubli était déjà devenue incontrôlable en Europe. D'où le besoin urgent de créer un cadre adéquat pour équilibrer droit à la vie privée et liberté d'expression, puisque ni la législation existante ni la décision de la CEJ ne fournissent de réponses appropriées.

Quelles incidences aura selon vous pour la sphère publique de l'internet l'application de cette jurisprudence ?

Nous assistons, avec les suites de l'arrêt de la CEJ, à des développements très dangereux. La décision ne fait pas qu'encourager la tendance à une censure privatisée, elle laisse aussi place à un problème de fixation des règles.

Premièrement, Google agit comme une institution publique de fait et monte une consultation sur la meilleure application du droit à l'oubli. Google a dénoncé la décision de la CEJ mais est contraint de l'appliquer, et il leur faut logiquement élaborer des principes directeurs puisque tant l'arrêt lui-même que la réglementation européenne sont très flous. Mais je trouve étrange qu'au lieu de réclamer un débat législatif sur les principes pratiques d'un équilibre vie privée/liberté d'expression, l'entreprise ait créé un “comité d'experts” pour élaborer ces principes. Même si le comité comprend des gens aussi estimables que Frank La Rue (le rapporteur spécial sortant de l'ONU pour la lberté d'expression), cette procédure entérine un peu plus une forme de réglementation privée pour la régulation des droits fondamentaux sur l'Internet, et en cela ne peut certainement pas conduire à des règles légitimes.

Ensuite, il y a les autorités nationales de protection des données de chacun des Etats membres de l'UE qui, partiellement en riposte au comité de Google, travaillent également à des principes d'application de l'arrêt. Elles ont démarré le processus en juillet en interrogeant les moteurs de recherche (Google a déjà répondu ; Bing, Yahoo et les autres doivent suivre bientôt). Bien que plus légitimes dans ce rôle que Google, les APD restent des institutions administratives et n'ont pas la légitimité et la responsabilité démocratiques des véritables législateurs. Par culture, elles ont aussi un fort parti-pris pour la protection de la vie privée. La réponse de Google aux questionnaires des APD explique que dans l'évaluation et l'action sur les requêtes reçues à ce jour, les questions qui se posent sont :

  • Quelle est la nature et la définition du droit à la vie privée d'une personnalité publique ? 
  • Comment doit-on différencier le contenu qui est d'intérêt public de celui qui ne l'est pas ? 
  • Le public a-t-il un droit à l'information sur la nature, le volume, et le résultat des demandes de retrait faites aux moteurs de recherche ? 
  • Quel est le droit du public à l'information s'agissant de bancs d'essais de services aux professionnels ou aux consommateurs ? Ou d'histoires criminelles ? 
  • Des particuliers doivent-ils être en capacité de demander le retrait de liens vers une information publiée par un service public ?
  • Les éditeurs de contenus ont-ils un droit à l'information sur les demandes de la retirer de la recherche ?

(Extrait de la réponse de Google à la question n° 25 du questionnaire WP29)

En l'absence de principes juridiques clairs, il est très inquiétant de voir les APD élaborer les règles et arbitrer les questions très complexes nées du droit à l'oubli.

Les législateurs peuvent-ils trouver un équilibre entre droit individuel à la vie privée et libre flux de l'information ? 

C'est évidemment la question centrale, qui doit être prise en main à la fois par les les législateurs et les citoyens, et non par des entreprises privées et des autorités administratives.

Le droit à l'oubli a ses racines dans la loi pénale, et il y a sans aucun doute des cas tout à fait légitimes où la protection de la vie privée doit prévaloir sur la liberté d'expression. L'Europe défend par tradition des droits solides à la vie privée, ce qui s'explique en partie par son histoire – en particulier la surveillance pratiquée par les régimes totalitaires du XXème siècle – et la peur qui en découle d'un usage de l'informatique pour donner pouvoir aux Etats et aux entreprises privées d'espionner les gens. L'accent sur la vie privée a fait de l'Europe le champion mondial dans la protection des données personnelles. Aujourd'hui, âge de l'Internet, et surtout en ces “temps d'après-Snowden”, c'est un patrimoine à faire progresser. Ces vieux principes doivent être adaptés aux réalités techniques et sociétales de l'Internet, pour que nous puissions protéger la vie privée des internautes face aux pratiques nocives de la publicité, des assurances et des banques mais aussi contre le retour ahurissant de la surveillance de masse par les pouvoirs étatiques.

D'un autre côté, en Europe, la liberté d'expression n'a pas joui d'un niveau similaire d'attention ou de protection que la vie privée. Dans ce débat sur le droit à l'oubli, la liberté d'expression en ligne risque donc d'être sapée par la force de l'habitude, surtout que les problèmes soulevés par l'arrêt de la CEJ font écho à des questions plus larges autour de la censure en ligne.

Ensuite, il y a une prémisse contestable, à savoir l'idée que les règles sur la protection des données personnelles peuvent s'appliquer en tant que telles à un discours qui participe de la sphère publique. D'un point de vue juridique, cela paraît une extension dangereuse, car je ne pense pas que telle était l'intention des législateurs français en 1978, quand ils ont adopté la première loi sur les données personnelles (la loi “Informatique et Libertés”). Jusqu'à aujourd'hui, avant l'arrêt de la CEJ, la jurisprudence n'était pas fixée : de nombreux juges estimaient que seules les lois sur la presse devaient être utilisées pour réguler la sphère publique, et refusaient donc d'appliquer les lois de protection des données pour restreindre la liberté d'expression en ligne.

Au lendemain de l'arrêt de la CEJ, mais aussi face aux nombreuses menaces planant sur les libertés en ligne, l'Europe doit s'inspirer de l'exemple brésilien du “Marco Civil”. Il faut soulever, pour leur donner des réponses, les grandes questions relatives aux droits fondamentaux sur l'Internet, et notamment les droits à la liberté d'expression et à la vie privée, comment les protéger, quand et comment ils peuvent être limités et avec quel équilibre, tout en étant extrêmement attentifs aux droits humains applicables internationalement.

Pour finir, il ne doit pas appartenir à Google ou d'autres entreprises de l'Internet de mettre ces règles en oeuvre. Ce ne doit pas non plus être de la responsabilité des autorités de protection des données. Il revient aux législateurs européens d'édicter ces règles, et en cohérence avec l'état de droit, au judiciaire de les appliquer. Une possibilité pour écarter la censure privée tout en garantissant que les tribunaux ne soient pas inondés de requêtes, serait l'existence d'une “autorité de médiation” représentant toutes les parties prenantes, de secteurs public et privé comme de la société civile. Cette institution médiatrice pourrait donner des conseils juridiques aux requérants et acteurs en ligne de façon à trouver un terrain d'entente sur la base de la loi et de la jurisprudence. Mais si aucun accord n'est trouvé, l'affaire serait alors transmise au juge.

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Lisez le premier article de cette série :

Internet n'oublie jamais : participez au débat international sur le ‘droit à l'oubli’ de l'Union Européenne’