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De l'importance d'avoir une militante afro-féministe au gouvernement du Costa Rica

dimanche 15 juillet 2018 à 10:22

Epsy Campbell Barr, vice-président edu Costa Rica 2018-2022. Photographie MadriCR, publiée sous licence Creative Commons (Attribution-ShareAlike 4.0 International – CC BY-SA 4.0).

Epsy Campbell Barr est récemment devenue l'une des premières vice-présidentes noires à être élue au Costa Rica – et dans toute l'Amérique latine. Après le vote, sa sœur, Shirley Campbell Barr, s'est penchée sur l'importance d'avoir une femme comme Epsy au sein du gouvernement, dans un échange de courriels avec un éditeur de Global Voices. Voici une version éditée et traduite de cet e-mail, publiée avec la permission de Shirley.

Maintenant que la course présidentielle au Costa Rica a pris fin et que la frénésie médiatique a disparu, il vaut la peine d'aller au-delà des manchettes des journaux et d'examiner ce qui rend l'élection d'Epsy Campbell comme vice-présidente si importante dans la vie politique du pays et de la région.

La victoire d'Epsy a été une occasion de célébrations pour de nombreuses communautés d'ascendance africaine à travers les Amériques. Au Costa Rica, l'importance de son élection n'a pas vraiment été explorée en profondeur au moment du vote, devenant un sujet de discussion plutôt tardif. Néanmoins, sa victoire a été le résultat du travail continu qu'elle a entrepris au sein et au nom des communautés de personnes d'ascendance africaine, en particulier les femmes.

L'arrivée d'Epsy sur la scène politique a eu lieu dans un pays ayant une grande tradition démocratique, l'une des plus anciennes et des plus stables d'Amérique latine, mais à un moment où un autre candidat menaçait d'effacer des années de progrès démocratique.

Le premier article de la Constitution de la République, dont Epsy est maintenant la vice-présidente, reconnaît le Costa Rica comme une république multiethnique et pluriculturelle, mais ce n'est là qu'un développement récent (le gouvernement précédent a modifié le texte). Le Costa Rica est un pays qui s'est présenté et continue de se présenter comme “blanc”, le plus blanc de la région d'Amérique centrale, ce qui a rendu difficile la reconnaissance de son multiculturalisme et de sa diversité.

Ainsi, au Costa Rica, il existe plusieurs problèmes non résolus qui affectent les minorités, tels que ceux liés à la représentation et à la visibilité. Même avec une politique nationale contre la xénophobie, le racisme quotidien – largement lié aux programmes éducatifs et aux interactions sociales à l'école – reste un problème.

Il y a encore beaucoup à faire, par exemple, pour reconnaître comment les personnes d'ascendance africaine ont participé à l'histoire du Costa Rica et ont contribué à façonner son identité nationale. Le programme scolaire est censé résoudre ces problèmes, mais le matériel didactique réel est rare. En outre, une sensibilisation permanente et une formation du personnel enseignant sont nécessaires. Les intentions peuvent être bonnes, mais sans plans concrets et résultats mesurables, il est difficile d'aboutir à des réalisations à moyen et à long terme. Cette formation est nécessaire car, dans de nombreux cas, les enseignants continuent à reproduire les stéréotypes qui limitent les possibilités d'une véritable éducation interculturelle.

Le racisme de tous les jours se manifeste par une série de stéréotypes sur la population afro-costaricienne et les régions du pays où se concentrent les personnes d'ascendance africaine, comme la province de Limón, souvent associée à la violence et au trafic de drogue.

Pour plus de représentativité dans l'activisme pour le féminisme et la justice sociale

Je pense que l'élément central de l'activité politique d'Epsy, à la lumière de la profonde méfiance qui existe entre les gens et leurs représentants gouvernementaux, est qu'elle reste très attachée à son travail de militante et à sa propre expérience personnelle. Son parti capitalise certainement sur son image et le nombre de personnes dans les secteurs qu'elle représente.

Cependant, le fait qu'elle soit maintenant au nombre des représentants politiques élus du peuple cristallise la lutte de longue date pour la présence afro-descendante dans les cercles de décision.

Pour cette communauté, Epsy représente une conscience afro-descendante. Les personnes d'ascendance africaine dans les Amériques ne la connaissent pas à cause de sa participation à la politique partisane du Costa Rica, mais à cause de son travail pour les droits de la population afro-descendante de la région. Avec plusieurs autres leaders, Epsy a beaucoup contribué à l'idée d'un mouvement latino-américain noir et d'un mouvement féministe noir et latino-américain.

Sur cette dernière question, la lutte a également été interne – affrontant la résistance des féministes blanches en soulevant des questions concernant les femmes noires. Le mouvement féministe latino-américain, comme celui des autres régions, a été bouleversé par la nécessité de remettre en question ses préceptes afin d'incorporer, ou du moins de considérer, l'existence d'autres types de féminisme.

La mobilisation des femmes noires dans la région a entraîné le besoin de comprendre que les femmes ne sont pas homogènes. Au contraire, les conditions historiques et sociales des femmes noires sapent les bases d'un mouvement conçu selon la même logique coloniale qui exclut celles considérées comme “l'autre”.

S'ils ne nous comptent pas, nous n'existons pas

Actuellement, dans la plupart de nos pays, la représentation politique des personnes d'ascendance africaine est très limitée. Les communautés afro-descendantes continuent d'avoir des indices de santé et d'éducation plus bas et se heurtent à des obstacles majeurs pour accéder à des niveaux acceptables d'éducation ou de santé. Par conséquent, afin de faire une différence tangible, il a été extrêmement important de nous comprendre comme un mouvement, et pas seulement un mouvement costaricien, mais aussi comme un mouvement qui opère au niveau latino-américain et mondial.

Un élément de la lutte est la présence de communautés afro-descendantes dans le recensement [fr]. J'ai eu l'opportunité de travailler avec un groupe faisant campagne pour incorporer une question sur l'ethnicité dans les enquêtes officielles sur la population. Le processus comprenait une collaboration avec d'autres experts d'ascendance africaine dans plusieurs pays d'Amérique latine. Cela a été un travail difficile, et ce n'est pas fini – certains pays n'incluent toujours pas cette question parce que les organismes responsables refusent de reconnaître l'importance de la quantification.

S'ils ne nous comptent pas, nous n'existons pas.

Nous le savons parce que, jusqu'à présent, les personnes d'ascendance africaine n'ont pas eu leur mot à dire dans les institutions décisionnelles lorsque ces institutions décident de ce qui se passe dans nos propres communautés. Nous ne sommes pas une priorité lorsque des politiques destinées à traiter ces populations de manière adéquate sont formulées.

Ce n'est qu'avec la représentation des personnes de ces communautés qu'il sera possible de mettre en œuvre des politiques publiques cohérentes et des actions affirmatives qui démantèlent progressivement les inégalités qui existent depuis des siècles.

Un mouvement en croissance

Lors de ces élections, nous nous sommes battus pour protéger les droits fondamentaux sur lesquels nous avons construit ce pays. Un des candidats gagnants au premier tour du scrutin présidentiel était un pasteur et chanteur chrétien évangélique dont la campagne était basée sur l'opposition aux droits de la communauté lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre, queer et intersexe (LGBTQI) . Il a également promis de transformer l'Institut national des femmes en “Institut national de la famille” – une perspective très préoccupante dans un pays où les féminicides atteignent des chiffres alarmants.

Bien que nous comprenions qu'Epsy est vice-présidente d'un petit pays comme le Costa Rica, je pense toujours que c'est un fait significatif. C'est un pas, un exemple et un élan. Alors que Marielle Franco a été assassinée [fr] au Brésil pour être eu une voix noire, féministe et dissidente en politique, Epsy Campbell, une dirigeante reconnue du mouvement afro-latino-américain, a été élue vice-présidente au Costa Rica.

Epsy représente un mouvement qui grandit. Les personnes d'ascendance africaine en Colombie, au Brésil, au Pérou, en Équateur, en Uruguay et dans d'autres pays se sentent représentées. Et pas parce qu'elle les représente directement (après tout, elle n'est que la vice-présidente du Costa Rica). C'est parce que la représentativité compte. Voir une femme noire qui vient de cette communauté et y est active est très important.

C'est un miroir dans lequel les garçons et les filles noirs peuvent se voir et s'identifier.

Que s'est-il passé en matière de droits numériques depuis 7 ans? La réponse au fil des 300 numéros du Netizen Report !

samedi 14 juillet 2018 à 21:30

Manifestations à Budapest en octobre 2014. Photo Marietta Le, reproduite avec son accord.

Le Netizen Report de Global VoicesAdvox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de libertés numériques dans le monde. Pour célébrer la publication de sa 300e édition, nous vous proposons cette semaine de revenir sur sept années de veille internationale en matière de libertés numériques.

Lorsque nous avons lancé le Netizen Report, en 2011, il s’agissait de commencer à recenser, à travers le monde et de manière hebdomadaire, les différentes façons d'exercer son droit à la liberté d’expression grâce à la technologie, ainsi que les obstacles et menaces rencontrés par ceux qui s'y attelaient.

Nous avons relayé les prolongements en termes de droits numériques de mouvements sociaux [tous les liens sont en anglais ou en français] depuis Hong Kong jusqu’au Venezuela, en passant par l’Ukraine, les attaques à l’encontre de l’activisme numérique depuis Cuba jusqu'à la Tanzanie, en passant par Bahrheïn, ainsi que les lois relatives à l’Internet édictées dans plus de 100 pays répartis sur tous les continents.

Le terme Netizen n’est pas seulement un mot valise judicieux

Le mot Netizen a été employé pour la première fois en Chine, où les membres des communautés en ligne ont commencé à s’identifier en tant que wǎngmín (网民, soit littéralement “citoyen du Net”) et wǎngyǒu (网友, qui signifie “ami du Net”).

Derrière ce jeu de mot des plus astucieux, ces communautés ont bâti des espaces où les gens pouvaient prendre la parole, critiquer et débattre d'une manière jusqu’alors non tolérée dans la société chinoise. A l’international, les Netizens se définissent comme des citoyens actifs sur Internet, alors qu'ils ne peuvent l’être que très peu dans la vraie vie.

Dans des pays comme l’Éthiopie, le Maroc ou la Syrie, notre équipe a suivi les procès et fait état des peines d’emprisonnement de blogueurs et de militants en ligne, dont le travail a été à la source de changements à grande échelle pour leurs communautés et a déclenché des mesures juridiques de rétorsion sur le long terme de la part de leurs gouvernements.

Nous n'écrivons pas sur les principes des droits numériques, ni ne tentons de les théoriser, mais sur leur interaction avec la vie des gens. Semaine après semaine, le travail mené par notre équipe de bénévoles permet de montrer combien l’expression en ligne est devenue une formidable force au sein de la vie publique et comment elle a accru le pouvoir des communautés et des mouvements politiques face à celui des états et d'autres acteurs puissants.

Au fil du temps, nos rapports ont montré comment un événement de grande ampleur – une catastrophe écologique, une crise de réfugiés, une attaque violente – peut déclencher une vague de réactions telle que les droits numériques se retrouvent à chaque fois menacés à travers le monde. Et nous avons suivi de près cette tendance mondiale, qui touche tant de gens sans pour autant faire toujours les gros titres, à tenter de réprimer par des moyens légaux la liberté d’expression.

Voici quelques-unes de nos éditions préférées du Netizen Report, témoignant de l'étendue et de l’intensité du travail conduit depuis 2011.

Travailler dans l’intérêt public devient de plus en plus risqué

Les droits d'une personne énonçant des vérités face au pouvoir sont au cœur de l’action de plaidoyer menée par Global Voices. Semaine après semaine, nous avons relevé les menaces à l’encontre de la liberté d’expression, allant de l’arrestation des dix militants d’Istanbul (#Istanbul10), en Turquie, au procès intenté au collectif de blogueurs éthiopiens de Zone 9, en passant par les attaques menées des années durant contre les blogueurs agissant au Bangladesh.

Au Bangladesh, des manifestants réclament la peine de mort à l’encontre des criminels de guerre, 2013. Photo Mehdi Hasan Khan / Wikimedia (CC BY-SA 3.0)

Les effets effrayants de l’après-Charlie : la censure au nom de la sécurité nationale

L’attentat contre Charlie Hebdo, à Paris, a déclenché un vif débat autour de l’importance de la liberté d’expression et conduit plusieurs gouvernements, européens ou non, à restreindre la liberté de parole et à étendre leurs dispositifs de surveillance. Ce n’est que l’un des nombreux exemples de la manière dont les gouvernements ont invoqué la menace de la violence extrémiste pour justifier le frein mis à la liberté d’expression et à d’autres droits fondamentaux – un thème récurrent du Netizen Report.

Photo prise lors d’une manifestation à Paris. © DR

En situation d’« état d’urgence », les citoyens peinent à se connecter à l'Internet régulièrement coupé

Dans de nombreux pays, les bouleversements politiques et les manifestations publiques ont conduit à la mise en place d’un « état d’urgence » et, par voie de conséquence, à la suspension de beaucoup de droits fondamentaux comme à des coupures récurrentes de l’accès à Internet. Citons plus particulièrement ici les cas de l’Éthiopie et du Venezuela, deux pays parmi tant d’autres ayant subi des fermetures de l’accès à Internet. Nous avons également relayé des faits similaires, touchant l’Internet ou/et les réseaux sociaux en Chine, en Syrie, au Pakistan, au Cameroun, en Iran, au Togo, en Inde, en Irak, en Égypte, au Gabon, en République Démocratique du Congo, en Somalie et au Soudan.

Lors d’une manifestation au Venezuela, en 2014, une étudiante s’adresse aux forces de la Garde nationale. Photo Jamez42 / Wikimedia Commons (CC0)

Vous pouvez encrypter, mais nous pouvons espionner : l’affaire du piratage de Hacking Team

La divulgation de nombreux documents internes appartenant à Hacking Team, entreprise italienne spécialisée dans les outils de surveillance informatique, a révélé que différents gouvernements espionnaient des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des opposants politiques – ce qui a confirmé des années de soupçons allant dans ce sens et prouvé le recours ciblé à des logiciels malveillants que nous avions étayés au fil du Netizen Report. Notre communauté a rendu compte des conséquences de ces événements au Bahreïn, en Equateur, en Égypte, au Liban, au Mexique et en Serbie.

Dessin signé Doaa Eladl via Flickr / Web We Want ( CC BY-SA 2.0)

Des activistes demandent des réponses de la part de Facebook

En tant que communauté de rédacteurs et de militants, nous avons dû faire face à de la censure, du harcèlement et à des menaces directes du fait de notre activisme sur Facebook, ce depuis les tout débuts de la plateforme. Les archives du Netizen Report regorgent d’exemples de discrimination et de harcèlement de la part de la plateforme, soulignent la minutie des recherches menées au sujet de Free Basics (projet de Facebook destiné à créer une « rampe d’accès » à Internet pour les habitants de pays en développement) et témoignent du tollé ayant émané des activistes du monde entier, demandant des comptes à Facebook suite aux révélations dans l’affaire Cambridge Analytica.

Un manifestant devant le Centre des étudiants de l’Université de Dacca, au Bangladesh. Sur sa pancarte, est écrit : « Combien d’excuses encore ? Libérez Viber, Messenger, WhatsApp et Facebook MAINTENANT. » Photo Zaid Islam., reproduite avec son accord.

Grâce à une équipe en constant développement de rédacteurs, chercheurs, militants et experts en droits humains, originaires de 41 pays (voir la liste ci-dessous), et à l’indéfectible soutien des éditeurs de Global Voices, nous avons publié 300 numéros du Netizen Report depuis 2011.

Rejoignez-nous sur Twitter pour porter un toast virtuel à ces efforts conjugués. Et aux années à venir qui nous verront continuer à écrire l’histoire mondiale des droits humains et de l’Internet !

Sincèrement vôtre,

L’équipe du Netizen Report

Abir Ghattas, Afef Abrougui, Alex Laverty, Alexey Kovalev, Amira Al Hussaini, Angel Carrión, Arzu Geybullayeva, Asteris Masouras, Bojan Perkov, Corey Abramson, Diego Casaes, Dragan Kucirov, Elaine Díaz, Elizabeth Rivera, Ellery Roberts Biddle, Endalk Chala, Filip Stojanovski, Firuzeh Shokooh Valle, Georgia Popplewell, Hae-in Lim, Hisham Almiraat, Inji Pennu, Ivan Sigal, J. Tadeo, James Losey, Janine Mendes-Franco, Jessica Dheere, Jillian York, Joey Ayoub, Juan Arellano, Juke Carolina, Karolle Rabarison, Kevin Rothrock, Kofi Yeboah, L. Finch, Laura Vidal, Leila Nachawati, Lisa Ferguson, Lova Rakotomalala, Don Le, Marietta Le, Mahsa Alimardani, Marianne Díaz, Mohamad Najem, Mohamed ElGohary, Mong Palatino, Nevin Thompson, Nwachukwu Egbunike, Oiwan Lam, Pauline Ratze, Rayna St, Rebecca MacKinnon, Renata Avila, Rezwan, Rohith Jyothish, Sadaf Khan, Sahar Habib Ghazi, Salma Essam, Sarah Myers West, Silvia Viñas, Solana Larsen, Suzanne Lehn, Taisa Sganzerla, Talal Raza, Tanya Lokot, Tetyana Bohdanova, Tom Risen, Torie Bosch, Weiping Li et Yuqi Chen ont chacun contribué à un ou plusieurs Netizen Report(s) depuis 2011.

Les contributeurs du Netizen Report sont originaires d’Azerbaïdjan, de Bahreïn, du Bangladesh, du Brésil, de Bulgarie, de Chine, d’Égypte, d‘Éthiopie, de France, du Ghana, de Grèce, du Guatemala, de Hong Kong, de Hongrie, d’Inde, d’Indonésie, du Japon, d’Iran, du Kenya, du Liban, de Macédoine, de Madagascar, du Mexique, du Maroc, du Nigeria, du Pakistan, du Pérou, des Philippines, du Porto Rico, de Russie, de Serbie, de Corée du Sud, d’Espagne, de Suisse, de Syrie, de Tunisie, de Turquie, d’Ukraine, des États-Unis, du Venezuela et du Vietnam.

 

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Le Cachemire à nouveau endeuillé après les tirs de l'armée indienne sur des manifestants, tuant trois personnes

samedi 14 juillet 2018 à 09:25
Des soldats des forces armées indiennes en service au Jammu-et-Cachemire. Image de Flickr par Kris Liao. CC BY-NC-ND 2.0

Des soldats des forces armées indiennes en service au Jammu-et-Cachemire. Image de Flickr par Kris Liao. CC BY-NC-ND 2.0

Trois civils ont été tués après que les forces indiennes ont ouvert le feu sur des manifestants dans les plus récentes violences dans le sud du Cachemire sous administration indienne, où un mouvement d'autodétermination a intensifié ses actions ces dernières années.

L'armée est entrée dans le village de Redwani, au sud de l'État, pour mener une opération de recherche d'insurgés présumés ayant pris les armes contre la domination indienne dans la vallée du Cachemire. Des témoins ont déclaré que les soldats ont commencé à frapper les gens. En colère, les habitants se sont rassemblés dans les rues, lançant des pierres sur les militaires.

En réponse, l'armée a tiré dans la foule assemblée. Parmi les victimes se trouvait une adolescente, qui a été identifiée comme Andleeb Jan. Les autres tués étaient Shakir Ahmad Khanday, 22 ans, et Irshad Ahmad, 20 ans.

Le journaliste Umar Meraj a posté une vidéo des funérailles des personnes tuées :

Scènes d'émotion aux funérailles de civils tués après que l'armée a tiré sur les manifestants samedi dans le sud Cachemire à Kulgam. Le dernier adieu du père à sa fille tuée : il l'étreint et l'embrasse et le frère tapote affectueusement les cheveux du cadavre de son frère

Trois autres civils ont été blessés lors des tirs et ont été transportés dans un hôpital local où ils sont soignés.

Après les tueries, des manifestations ont éclaté dans la région. Les dirigeants du mouvement de résistance à la domination indienne ont également appelé à des manifestations contre la détention du leader séparatiste Asiya Andrabi par l'agence d'enquête indienne, la National Investigation Agency (NIA). Les autorités l'accusent d'avoir mené une guerre contre le pays et d'avoir prononcé des discours haineux.

Le gouvernement a suspendu le service Internet mobile dans la vallée et imposé le couvre-feu dans plusieurs zones pour contrecarrer d'autres manifestations.

Voir notre dossier : Le peuple cachemiri contre l'État indien

Le Cachemire a connu de nouveaux troubles depuis le 8 juillet 2016, lorsque Burhan Muzaffar Wani, commandant d'un groupe séparatiste, a été tué par les forces de sécurité indiennes dans une opération de contre-insurrection.

Wani était populaire sur les médias sociaux, et avait été présenté trois ans plus tôt dans un article du journal britannique The Guardian aux côtés de plusieurs jeunes garçons qui prenaient les armes contre la domination indienne dans cet État déchiré par le conflit.

Depuis sa mort des dizaines et des dizaines de civils ont été tués. Le  portail d'informations en ligne The Kashmir Walla a compilé une liste de tous les civils tués dans l’État du Jammu-et-Cachemire depuis 2015.

Les groupes de défense des droits humains affirment que les forces de sécurité ont commis de graves abus dans leur tentative d'écraser l'insurrection, assassinats, enlèvements et actes de torture, le tout largement en toute impunité.

“Parce qu'on est là, parce qu'on existe” : le média Nofi (Noir et Fier) et la représentation de la culture noire dans les médias

jeudi 12 juillet 2018 à 21:22

Capture d'écran de la vidéo interview du créateur de Nofi, Christian Dzelatt, dans Le Monde

Nofi est un média, principalement un site web et une page Facebook, qui s'affiche “premier sur la culture noire” depuis sa création en 2014. Son créateur, Christian Dzelatt, revendique un “parler direct” pour s'adresser à une communauté qui souffre d'un déficit majeur de représentation dans les médias généralistes en France. La page Facebook de Nofi affiche plus de 1,8 million de followers et le site web attire 500 000 visiteurs par mois en moyenne. Une “petite” communauté grandit aussi sur Instagram: déjà 83 000 membres. Les contenus éditoriaux abordent, pêle-mêle, actualités, lifestyle et histoire de la culture noire. Parfois controversé comme pour la sortie de son magazine papier Negus, le média a le mérite d’œuvrer à mettre la question de la représentativité sur le tapis d'une société française particulièrement frileuse lorsqu'il s'agit de parler de communautés. On en parle avec Christian Dzelatt.

Global Voices GV: Pourquoi avez-vous décidé de faire un site en plus de la page Facebook, qui était antérieure ?

Christian Dzelatt CD : L’idée c’était d’aller plus loin. « Nofi » c’est la contraction de « noir et fier », ça vient d’un t shirt du même nom que j’ai créé en 2004. A l’époque le seul réseau social que j’avais à emmener avec moi c’était la rue. L’idée avec ce t shirt c’était de connecter les gens, de créer une émulation et plus de solidarité entre gens de la communauté noire. Il y a les noirs d’Afrique, les noirs des Antilles, les Maliens, les Sénégalais, les Congolais… Pour moi, à 22 ans, il fallait essayer d’unifier un peu tout ça sous une même bannière. Dans la foulée nous avons créé la page Facebook « noir et fier », et l’impact a été rapide car nous sommes arrivés tôt, dès 2008-2009. On parlait de tout ce qui avait trait à la communauté noire, en termes d’actualités et de divertissement. Puis on a voulu aller plus loin, parce que Facebook… c’est Facebook, quoi. On voulait créer un vrai média. On a commencé à faire un travail de rédaction de contenus plutôt que seulement du partage. C’est de là qu’est né Nofi le 21 février 2014 : le jour anniversaire de la date de l’assassinat de Malcolm X. On voulait un symbole fort. On est donc dedans depuis 4 ans, avec des rédacteurs et des journalistes. Et on développe parallèlement une activité d’agence en travaillant avec des marques comme Netflix et Orange.

Modèle noire américaine – CC0 Creative Commons

GV : A qui vous adressez-vous avec Nofi ?

CD : On s’adresse majoritairement aux Noirs, mais aussi aux amoureux des cultures afro, de la culture noire dans son ensemble. Et puis finalement, au même titre que Le Monde ou Le Figaro, on s’adresse à tous. L’idée étant que chacun puisse y trouver son bonheur.

GV : Est-ce qu’une démarche comme celle de Nofi peut aider à faire bouger les lignes de représentation dans des médias plus généralistes ?

CD : J’ai compris que lorsqu’on commence à être visible, qu’on a une audience, les gens – et du même coup les médias, nos confrères – commencent à nous regarder plus. Pour vous donner un exemple : la rédaction d’AJ+ regarde régulièrement Nofi, ils ont déjà écrit pour nous demander de les aider à partager certains contenus qui pourraient toucher notre audience. Et quand je regarde aujourd’hui ce qu’ils produisent, je constate que nous les inspirons: ils ont un langage plus direct qu’il y a 1 ou 2 ans, ils parlent « noir », sans détour. Et puis certaines questions ne peuvent être traitées que par les personnes concernées. Trop souvent certains sujets en France sont abordés dans les rédactions sans être maitrisés.Je ne vais pas me mettre à parler de l’histoire de la ville de Paris si je n’ai pas fait des recherches ou que je ne suis pas historien.

GV : Cette démarche pourrait aussi contribuer, du coup, à faire en sorte qu’il y ait plus de journalistes et rédacteurs noirs dans les rédactions en général…

CD : Tout à fait. C’est très important. Je suis content qu’on puisse contribuer à donner leurs chances à des gens qui sortent d’école de journalisme. Par exemple notre rédactrice en chef a commencé par faire un stage à Nofi. 3 ans plus tard elle était rédactrice en chef, et peut-être qu’après elle continuera son chemin ailleurs. Tant mieux. Il faut qu’on soit à l’avant-garde pour qu’après les choses se normalisent.

GV : Faites-vous de la veille sur les blogueuses et blogueurs qui pourraient vous intéresser pour donner plus de contenus à Nofi ?

CD : On essaie, mais ce n’est pas évident. Comme aujourd’hui nous avons une visibilité importante, lorsque nous avons des besoins nous faisons une annonce sur le réseau. Cela se passe aussi souvent par bouche à oreille ou via des candidatures spontanées. Mais la veille est rare, ça ne marche que pour les trucs vraiment dingues.

GV : Quel est votre modèle économique ?

CD : Comme pour beaucoup de rédactions, nous avons un modèle économique très compliqué de rémunération à travers la publicité. Mais ça ne suffit pas. C’est pour ça que nous avons créé notre agence : aujourd’hui on fait du consulting, on produit du contenu, comme on a pu le faire récemment pour Orange. On doit aller chercher toujours plus loin. On fait aussi un peu de merchandising, comme on l’avait fait au début avec le t shirt « noir et fier ». Et de l'édition : nous avons sorti un livre récemment. On se diversifie en restant dans la même dynamique et le même environnement pour garder une cohérence d'ensemble.

GV : Qu’avez-vous envie de répondre à ceux qui pourraient considérer qu’un « média noir » est excluant ?

CD : Prenons Elle, par exemple, pour l’avoir déjà ouvert, dedans, il n’y a que des femmes blanches. Ça ne me dérange pas. Mais c’est pour ça aussi que nous avons appelé le média « Nofi », parce qu’on voulait sortir un peu du message « noir et fier » dans lequel je peux comprendre qu’on puisse voir « noir, donc pas les autres ». Avec « Nofi » on est dans quelque chose de plus simple, efficace, plus doux aussi, et beaucoup plus ouvert. Si des gens pensent qu’on les exclue, c’est parce qu’eux-mêmes veulent s’exclure. Moi je rêve d’aller au Japon, j’aime la culture japonaise et je ne me sens pas exclu. Le Japon n’est pas réservé qu’aux Japonais.

GV : J’ai cru comprendre que vous alliez ouvrir un bureau en Afrique : quels sont les objectifs de ce bureau pour Nofi ?

CD : Nous voulons êtres plus en phase avec le terrain, là où les choses se passent. En France, la communauté noire a une réalité, avec ses problématiques et ses modes de vie. En Afrique, il y a d’autres réalités. Aujourd’hui on peut parler de certaines choses mais si on les vit pas au quotidien ce n’est pas évident. Il est important de donner cette voix à des gens qui savent écrire, et qui ont envie de dire et de montrer des choses. Ne serait-ce que la beauté de ce merveilleux continent.

GV : Où s’ouvrirait ce bureau ? Et quand ?

CD : Idéalement ce sera en Côte d’Ivoire, ou au Sénégal peut-être. Structurellement la Côte d’Ivoire serait plus équipée pour un lancement. Il y aurait plus de liens évidents avec notre bureau à Paris. L’ouverture devrait se faire en septembre de cette année.

GV : Quels sont les sujets qui marchent le mieux sur Nofi ?

CD : Ce qui marche vraiment bien, c’est tout ce qui concerne l’histoire et la culture, de façon constante. Les gens en veulent toujours plus. Il y a une vraie soif d’apprendre et de découvrir. Nous avons une approche de l’actualité avec le paradigme de la culture afro. Un exemple : quand il y a a eu l’affaire avec Antoine Griezmann et son « blackface ». Nous ne réagissons pas à chaud, mais nous faisons un devoir de mémoire pour expliquer ce qu’est le « blackface ». C’est une pédagogie nécessaire du réel qui permet de mieux appréhender l’actualité. Un autre exemple, sur une note plus positive : nous avons travaillé avec Netflix sur la nouvelle saison de “Luke Cage”. Nous sommes allés au-delà de la célébration d’avoir un super-héros noir, pour aller explorer tous les codes qui dans la série rappellent la « blaxploitation » et les engagements de la communauté noire aux États-Unis par rapport à la ségrégation. Les retours que nous avons eu de Netflix est que cela leur donnait de nouveaux éclairages sur leur propre série.

GV : Le fait de produire beaucoup d’articles historiques permet-il de recréer cette idée d’un socle commun ?

CD : C’est sur. Lorsqu’on va parler de ségrégation aux États-Unis, tous les Noirs vont se sentir concernés. De près ou de loin. Et c’est pareil quand on parle des grandes figures d’Afrique : on parle d'un pays mais tout le monde se sent concerné quand même. Ou quand on parle d’un ancien esclave qui a découvert la technique de la culture de la vanille à la Réunion. On se sent tous concernés parce qu’on parle de Noirs.

GV : Voyez-vous les choses bouger par rapport aux représentations dans la culture mainstream en France, que ce soit dans les médias ou dans la culture, les films, les séries ?

CD : On peut avoir l’impression que ça bouge, mais en fait, dès qu’il y a une pénétration de la culture noire dans la culture mainstream, je trouve qu’elle est gommée : on la remplace par des mots. Généralement on est plus présents, mais pas forcément plus représentés. Et ce n’est pas la même chose. On est pas représentés si les personnes présentes n’ont pas le droit de s’exprimer en notre nom. C’est la même chose dans l’entrepreneuriat: c’est fou le nombre d’entreprises créées par de Noirs dans les 5-10 dernières années ! C’est génial, et dans des domaines qui vont bien au-delà des clichés de la musique et du sport. Mais il y a comme un plafond de verre qui gomme tout quand on arrive à un certain niveau, pour que ça reste blanc.

GV : J’ai l’impression qu’il y a une similitude dans ce plafond de verre entre la sous-représentation des Noirs et celles des femmes.

CD : Les choses se rejoignent, ça c’est clair. Surtout quand on parle de représentativité.

GV : Quelle est la place des femmes dans Nofi ?

CD : La femme noire a une place centrale dans la culture africaine. Au Congo, certaines ethnies sont culturellement matriarcales. C’est important pour nous, et nous faisons la promotion de beaucoup d’héroïnes, femmes et noires, sur le site. Qu’elles soient du passé ou actuelles. Des femmes qui font des choses, qui écrivent des bouquins, qui entreprennent. On a besoin d’en découvrir toujours plus.

GV: Comment envisagez-vous l’avenir dans 10 ans ?

Je veux qu’on soit incontournables. Pour qu’on puisse offrir une réponse à cette question de la représentativité. Parce qu’on est là, qu’on existe, qu’on est réels et qu’il y a un besoin. On doit aller au-delà de la fois dans l’année où on va parler des Noirs pour la sortie de « Black Panther 2 ». On a envie de répondre au quotidien, avec un site internet, des réseaux sociaux, des magazines, et pourquoi pas une chaine de télé. Un groupe média fort et puissant qui serait le reflet de la communauté.

 

Découvrir Tokyo en vidéo, une rue à la fois

jeudi 12 juillet 2018 à 15:38

“Je recherche l'esthétique.”

“Café Takashi Murakami, gacha mystérieux & vues de Nakano, Tokyo vlog”. Arrêt sur image de la chaîne YouTube de Mimei.

Avec son commentaire énergétique et amical sur fond de musique dynamique, la vloggueuse tokyoïte Mimei montre les rues de la ville la plus peuplée du Japon, une par une, sur YouTube, Instagram, Twitter et d'autres médias sociaux.

Mimei est originaire d'Auckland, en Nouvelle Zélande et s'est inscrite sur YouTube en 2010 après avoir vécu au Japon pendant un an. Mimei Land est en fait un dérivé de sa chaîne, qui elle, s'adresse à un public japonais

Elle décrit Mimei Land comme un endroit où elle peut “partager ma vie, mes aventures et mes étranges découvertes avec vous” La chaîne YouTube de Mimei compte plus de 165.000 abonnés et a accumulé plus de 14 millions de vues depuis sa création en août 2011.

Mimei appelle affectueusement les abonnes de sa chaîne “les ananas”, et les gâte avec des vidéos leur montrant les différents visages de Tokyo, des ruelles au quartier marchand de Kagurazaka et à la célèbre intersection de Shibuya. Presque toutes les vidéos commencent par “la rue du jour”, mettant en valeur les rues animées de la ville. Consultez son introduction vidéo pour en savoir plus sur Mimei.

Le compte Instagram de Mimei est également populaire. Il contient des instantanés de Tokyo et d'autres endroits.

ok, i will let it go after this last picture 🌸 can't wait to see the cherry blossoms again next year ✨

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Mimei Land ne fait pas qu'explorer les trésors cachés de Tokyo, mais aussi ceux d'autres endroits intéressants du Japon, comme le château de Himeji et le célèbre cerf de Nara.

La chaîne propose aussi des séquences de ses voyages dans d'autres pays, dont la Corée du Sud et l'Allemagne.

spent the day at Himeji with my best friend in the world yesterday 🏯💕 昨日友人と一緒に姫路城に行ってきた☺

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Les centres d’intérêts de Mimei ajoutent au charme de ses vidéos, avec des sujets aussi variés que les restaurants végétaliens, les gashapon (distributeurs automatiques de jouets) et les essais des dernières boissons des Starbucks japonais. L'excitation à documenter ses aventures dans Tokyo est contrebalancée par de courtes vidéos avec son mari, Japonais lui aussi actif sur YouTube sous le nom de PDR-san, et leurs trois chats.

Chaque vidéo est mise en scène avec des prises de vue sophistiquées de différentes parties de Tokyo et couplée avec une musique électronique entraînante, et témoigne de la passion de Mimei pour la photographie et la vidéo.