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Et le président du Venezuela découvrit Facebook, 10 ans plus tard

mercredi 17 février 2016 à 08:39
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Le président du Venezuela, Nicolás Maduro, pendant un événement de sa campagne. Photo : Joka Madruga sous licence Creative Commons.

Facebook s'est rapidement propagé parmi les Vénézuéliens à partir de 2007. On estime que 40% des 30 millions d'habitants de ce pays d'Amérique du sud possèdent un compte.

Mais le 9 février, un nouvel utilisateur est venu s'ajouter aux statistiques, et pas n'importe lequel. Il s'agit du président de la république en personne, Nicolás Maduro.

Je vous invite toutes et tous à  me rejoindre sur mon compte Facebook que j'utiliserai dès aujourd'hui de façon quotidienne…

L'arrivée de Maduro sur Facebook, presque dix ans après le début du “phénomène” dans son pays, se produit à un moment très particulier pour le Venezuela. Une crise économique sans précédent frappe le pays avec de multiples répercussions sur la vie de ses habitants, telles qu'une très forte inflation et une pénurie de produits de première nécessité.

Le Venezuela est le pays où l'inflation est la plus élevée au monde et où les pénuries sont comparables à celles d'un pays en guerre.

Pour beaucoup, ce nouvel espace a immédiatement été l'occasion d'exprimer leurs revendications, mais il a aussi été le reflet de la forte polarisation politique. Avec un peu plus de 170 000 abonnés, on peut lire sur “son mur” :

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Capture d'écran du mur Facebook du président du Venezuela, Nicolás Maduro.

“Je ne vais pas jouer les hypocrites, ni faire le lèche-bottes, vous savez que le pays va mal, à cause de votre incompétence et de celle de votre gouvernement. Vous savez que le pays est ruiné parce que tout son capital a été pillé au lieu d'y être réinvesti. Soyez sensé et faites quelque chose de bien pour une fois comme par exemple démissionner et vous flinguer, puisque vous et les vôtres ne servez à rien. Allez vous faire voir [sic], Nicolas Maduro!”, lui dit celui qui s'identifie comme Geo Loyal.

Par ailleurs, Arelis Angarita commente :

Se le saluda mi presidente en verdad no quisiera estar en sus zapatos ,le ha tocado una guerra muy fuerte siempre sere leal , a pesar de las dificultades y saldre a defender el legado de mi amado gigante Chavez”

Bonjour, Mr le président, je ne voudrais vraiment pas être à votre place, vous avez une guerre très dure à mener, je vous serai toujours loyale, malgré les difficultés et je descendrai dans la rue défendre l'héritage de mon cher et grand Chavez”

“M. le président, la sécurité sociale est remplie d’escuálidos (NDT : terme désignant les anti-chavistes), à commencer par Rotondaro, virez-le [sic], beaucoup de conflits institutionnels, les directeurs sont des escuálidos, la chef du personnel est une escuálida, et ainsi de suite DIEU vous bénisse union lutte bataille et victoire nous vaincrons”, lui fait remarquer José Ontiveros.

Ruben D. Sanchez lance sans détour :

Entre aquí por curiosidad pero no puedo mantenerme un minuto mas en esta pagina al ver tantos comentarios de gente tan ignorantes que aun creen que este señor es lo mejor que le ha pasado a nuestro pobre país”.

Je suis arrivé ici par curiosité mais je ne peux pas rester une minute de plus sur cette page quand je vois autant de commentaires de gens ignorants qui croient encore que ce monsieur est ce qui est arrivé de mieux à notre pauvre pays”.

Il est vrai que le chavisme a eu une posture variable par rapport au monde virtuel durant ces 17 années. Au début, on est allé jusqu'à diaboliser la plateforme de microblogging Twitter, l'accusant d'être un “outil d'infiltration impérialiste pour mentir aux Vénézuéliens”.

Mais cette vision a changé en avril 2010 quand le président Hugo Chávez a créé son propre compte @chavezcandanga qui a été un véritable succès et qui a été, pendant plus de deux ans, une importante source d'information pour le monde entier sur les déclarations et les opinions du président.

Toute à l'heure, j'ai discuté avec notre amie Mme la présidente Dilma… Et avec les Camarades Présidents Poutine, Luckashenko, Evo et Rafael Correa!!!

Néanmoins, plusieurs utilisateurs de twitter ont fini en prison pour avoir exprimé leurs opinions et le service a même été bloqué en 2014, pendant les manifestations de février de la même année.

Son héritier et fils politique, Nicolás Maduro, une fois devenu officiellement chef d'État des Vénézuéliens, a continué sur la même lancée en ouvrant le compte @NicolasMaduro. Il aujourd'hui a 2 700 000 abonnés.

Ainsi, l'arrivée de l'ère 2.0 a surtout été perçue comme une opportunité de “contrattaque” idéologique et elle fait partie de la politique de communication de l'État. Le chavisme a cessé d'ignorer et de stigmatiser cet aspect et s'y est intégré.

Baroud d'honneur pour les médias indépendants du Burundi

mardi 16 février 2016 à 19:59
The Press House in Bujumbura. Photo by Flickr user DW Akademie - Africa. CC BY-NC 2.0

La Maison de la Presse à Bujumbura, dont l'accès a été bloqué pour les radios indépendantes. Photo sur Flickr de DW Akademie – Africa. CC BY-NC 2.0

Les médias indépendants du Burundi ne sombreront pas sans lutter.

Dans ce pays où l'escalade de la crise politique menace la liberté d'expression, les journalistes tiennent bon pour que les événements ne passent pas inaperçus.

L'insécurité impose toutefois imagination et discrétion. Les canaux internet gagnent une importance neuve, et utilisent radio en continu et médias sociaux pour informer les citoyens. Ces organes d'information contestent les récits publiés par les médias officiels ou favorables au parti au pouvoir le CNDD-FDD, qui ignorent systématiquement les témoignages contraires à la version autorisée par le pouvoir.

Les diffuseurs indépendants sont bloqués et attaqués depuis qu'il y a un an le Président Pierre Nkurunziza s'est présenté à un troisième mandat, qu'il a gagné, déclenchant des manifestations suivies d'une insurrection armée. Le gouvernement pour sa part – avec son mouvement de jeunesse, les ‘Imbonerakure’, sa police et ses services de renseignement, est accusé de violations à grande échelle des droits humains, avec torture, arrestations arbitraires et assassinats. L'instabilité a déjà fait des centaines de morts, et plus de 200.000 réfugiés, selon l'ONU.

Les principales radios indépendantes d'information : Bonesha, Radio Publique Africaine (RPA), Isanganiro, et RadioTélévision Renaissance, sont empêchées d'émettre depuis l'attaque de leurs bureaux pendant une tentative avortée de coup d'Etat en mai 2015, et ensuite fermées pour enquête judiciaire.

La télévision pro-gouvernementale Rema a elle aussi été attaquée, ce qui laisse le paysage médiatique autrefois animé du Burundi à la seule Radio-Télévision Nationale du Burundi (RTNB), sous contrôle du pouvoir.

Les radios migrent sur le Web

Si les radios indépendantes restent dans l'incapacité d'émettre, Bonesha, Isanganiro, et RPA ont continé à tenir à jour leurs sites internet. Le dernier article sur YouTube de Bonesha et sa dernière émission d'information sont datés du 12 mai, juste avant le coup d'Etat.

Tandis que l'indépendante Radio Télévision Renaissance continue à poster sur sa page YouTube, son site web a été suspendu, puis rendu accessible pour sa dernière vidéo sur la tentative de coup d'Etat des rebelles, avant d'être à nouveau rendu inaccessible.

D'autres journalistes ont commencé à émettre à la radio rwandaise, à l'intention des Burundais du Rwanda voisin, et du nord- et ouest-Burundi. L’émission de Bonesha en langue Kirundi sur la radio rwandaise Isango Star de juin 2015 a atteint six provinces. RPA a aussi diffusé son émission “Humura Burundi” depuis le Sud Kivu en République Démocratique du Congo, atteignant les audiences du Burundi de l'Ouest et les internautes, avant de subir en octobre une rafle arbitraire par les autorités de RDC amies de Nkurunziza.

Un collectif d'exilés a créé l'émission d'information en ligne, en français et en kirundi, “Inzamba”, qui serait victime de cyber-attaques et d'un site web contrefait visant à répandre la désinformation. Un service par téléphone joignable par un numéro d'appel américain, listé en ligne, permet aux Burundais de la diaspora d'écouter Bonesha.

Iwacu et SOS Médias Burundi

Le journal en ligne de premier plan Iwacu est le dernier organe de presse burundais indépendant à opérer “officiellement”, essentiellement sur Internet et papier plutôt qu'à la radio. Le site subit cependant la pression des autorités.

En août, le Conseiller présidentiel aux Communications Willy Nyamitwe a indiqué que les médias suspectés de “soutenir les rebelles” resteraient fermés. Peu après, il a accusé Iwacu de mensonges, invitant les menaces agressives des internautes partisans du gouvernement.

Malgré l’hostilité des officiels et les menaces en ligne, Iwacu a vu son audience augmenter et est en quête de nouveaux financements. Le service WazaOnline de la Radio internationale des Pays-Bas et le Yaga-blog ont aussi lancé à l'intention des Burundais le blog ‘WazaVote’, en partenariat avec Iwacu.

En mai, des journalistes qui n'avaient pas fui en exil ont créé SOS Médias Burundi à l'aide de Facebook, Twitter et SoundCloud, obtenant rapidement des milliers d'abonnés. Conscients de leur accès Internet limité, ils ciblent aussi les audiences anxieuses de la diaspora et de l'international, et leur site web appelle à la solidarité internationale. Dépourvus de studios et de sécurité, ils continuent à informer “clandestinement” à l'aide de smartphones et des médias sociaux.

Le même mois, WhatsApp et Viber auraient été bloqués par les principales sociétés de télécoms.
Une centaine de journalistes avaient fui jusqu'à décembre, par des voies périlleuses.

Fuir la violence cyclique

La baisse des revenus et les exils précaires des journalistes menacent la capacité des radios à rouvrir un jour, de même que l'avenir des médias burundais. Le discours du pouvoir fait souvent l’amalgame entre rebelles ou tueurs non identifiés et journalistes ou militants des droits humains en une unique ‘opposition’ pour justifier de faire taire même les critiques inoffensives, en signalant des hommes politiques à Interpol ou en ‘punissant’ les contestataires.

La méthode militariste du gouvernement cherche à contrôler ou à étouffer les médias critiques et l'opposition, considérés comme des menaces existentielles plutôt que des partenaires démocratiques. Mais la répression incite à la rébellion, qui se ‘légitiment’ mutuellement, à l'origine de divisions dégénérant en violence cyclique, et d'un espace politique qui s'amenuise.

Ce journalisme ‘souterrain’ contribue à défier l'impunité pour les exactions et à informer les citoyens à l'intérieur et l'extérieur du Burundi. Au milieu des rafles policières et des grenades insurgées, les médias de confiance peuvent appuyer les droits civiques et un large dialogue, nécessaires pour que les Burundais ne restent pas indéfiniment pris au piège entre militarisation autoritaire et rébellion.

Ce n'est pas un camion-restaurant, c'est une cuisine ambulante pour les réfugiés en Europe

lundi 15 février 2016 à 23:18
Ghafoor Hussain and his brother Fazel stand outside Ghafoor's bus-turned-mobile kitchen. They're supplying 3,000 hot meals a day, and 10,000 cups of tea. Credit: Adeline Sire. Used with PRI's permission

Ghafoor Hussain et son frère Fazel devant le bus transformé en cuisine ambulante de Ghafoor. Ils servent 3.000 repas chauds par jour, et 10.000 tasses de thé. Crédit photo : Adeline Sire. utilisée avec l'autorisation de PRI

Cet article d’Adeline Sire pour The World est initialement paru sur PRI.org le 10 février 2016, et est reproduit ici dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

Où qu'ils soient, la plupart des camps de réfugiés nécessitent une armée de bénévoles pour aider à la distribution de couvertures, de vêtements, et surtout de nourriture et d'eau.

Listen to this story on PRI.org »

Certains de ces bénévoles sont particulièrement engagés.

Depuis des années, Ghafoor Hussain donne de son temps pour aider à nourrir et vêtir les nécessiteux. L'automne dernier, il a quitté sa maison de Stockton-on-Tees dans le nord-est de l'Angleterre et s'est rendu dans des camps de migrants en Croatie, Slovénie et Autriche.

Dans un camp en Autriche, il a vu distribuer aux réfugiés des sandwichs froids. Il a alors pris deux décisions : ils devaient manger chaud, et c'est lui qui s'en occuperait.

Désormais il ne va plus seul dans les camps, il amène un bus, qu'il a acheté sur Internet en décembre et réaménagé avec un équipement spécial.

“Nous l'avons ramené au garage où je travaille, l'avons dépouillé entièrement, et mon neveu m'a donné un coup de main pour le transformer de fond en comble en cuisine ambulante toute équipée”, raconte M. Hussain, qui a 44 ans.

Ghafoor Hussain (second from right) with his team of volunteers. When he saw refugees being fed cold sandwiches, he decided to supply them with hot meals. Credit: Khalid Siddiqi. Used with PRI's permission

Ghafoor Hussain (deuxième à partir de la droite) avec son équipe de bénévoles. Quand il a vu les réfugiés nourris avec des sandwichs froids, il a décidé de leur fournir des repas chauds. Crédit photo : Khalid Siddiqi. Utilisée avec l'autorisation de PRI

Le bus est devenu une cuisine ambulante professionnelle équipée de deux plans de travail, un évier à deux bacs, cinq fourneaux à gaz professionnels et un réservoir d'eau de 1.000 litres. Les réservoirs de gaz et le stockage sont à l'arrière et en-dessous. L'achat et la transformation du bus lui ont coûté l'équivalent de 8.000 euros, mais il a été aidé par des amis et des collègues.

“Tout le monde a mis au pot, et on a eu une cagnotte”, raconte-t-il. “Les gens ont donné de la nourriture, des vêtements et tout. Et ils m'ont aussi fait des dons, en argent, alors ce matin nous sommes allés à l'entrepôt et avons acheté deux palettes d'eau”.

Depuis la mi-janvier, la cuisine mobile de Hussain est stationnée au camp de migrants de Grande-Synthe près de Dunkerque, dans le nord de la France. Son beau-frère l'a conduit depuis le Royaume-Uni. Hussain avait d'abord prévu de s'arrêter aux camps jalonnant la route des migrants qui remontent à travers l'Europe Centrale, mais il a reçu un appel téléphonique lui décrivant les conditions de vie déplorables dans ce camp français, et demandant son aide. Il a confié le garage familial à son fils pour se consacrer à sa cuisine mobile.

A présent Hussain distribue dans les 3.000 repas chauds par jour aux habitants du camp de toile. Et aussi des boissons chaudes.

“Nous faisons dans les 5.000 tasses de thé le matin, et 5.000 autres le soir”, explique-t-il. “Comme vous le constatez, il fait très froid, ce matin tout était gelé. Et à part ce que nous distribuons, il n'y a pas d'autres boissons chaudes dans tout ce camp”.

Quant aux menus, Hussain dit qu'ils cuisinent riz, lentilles, pois chiches, haricots rouges, haricots à oeil noir, pâtes et porridge. A la vérité, le porridge n'a pas eu beaucoup de succès dans ce camp à majorité de réfugiés kurdes. Comme la plupart des gens ici sont musulmans comme lui, Hussain cuisine des plats végétariens pour échapper à la nécessité de la viande halal, chère et difficile à trouver dans cette petite ville française.

Ghafoor Hussain is the chef in his mobile kitchen. He says his family thinks he's "a bit mad." Credit: Tally Oliver. Used with PRI's permission

Ghafoor Hussain est le chef de sa cuisine mobile. Il dit que sa famille le trouve “un peu fou”. Crédit photo : Tally Oliver. Utilisée avec l'autorisation de PRI

Préparer 3.000 repas par jour lui coûte environ 400 euros, mais il ne craint pas de manquer de moyens. Il dit recevoir des dons de toute l'Europe, et aussi d'Abou Dhabi et du Pakistan, où il est né.

“A voir comment ça se passe avec mes amis et ma famille”, dit-il avec un petit rire, “je ne crois pas que ma caisse va être vide. Ils sont très gentils”.

Il dit aussi qu'il y est pour longtemps, tant qu'il aura du soutien. Mais que pense sa famille de son absence ?

“Ils pensent que je suis un peu fou”, répond-il en riant, “mais j'ai le total soutien de ma famille. J'espère rentrer [chez moi] quelques jours la semaine prochaine, puis revenir et continuer”.

De fait, Hussain vient d'acheter un deuxième bus, qui deviendra prochainement une cuisine toute équipée, pour répondre à la demande croissante de repas chauds dans les camps.

L'ex-réfugiée derrière l'une des rares librairies du Liberia

lundi 15 février 2016 à 20:05
Girls like Miatta (left) come to storytime at One Moore Bookstore in Monrovia. Owner Wayétu Moore (right) also publishes books like the one they're reading, "Gbagba," a Liberian word that means "corruption." Credit: Prue Clarke. Used with PRI's permission

Des filles comme Miatta (à gauche) viennent à l'heure du conte à la librairie One Moore de Monrovia. Sa propriétaire Wayétu Moore (à droite) publie également des livres comme celui qu'elles sont en train de lire, « Gbagba », un terme libérien qui signifie corruption. Crédit: Prue Clarke. Utilisée avec la permission de PRI.

Cet article de Prue Clarke pour The World est initialement paru sur PRI.org le 30 janvier 2015 et est reproduit ici dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

La librairie One Moore, une petite enseigne dans une rue bondée du centre-ville de Monrovia, est à plusieurs titres sans précédent. Même s'il y a des boutiques ici qui vendent des livres, elle est la première à en vendre uniquement pour le plaisir. Et ses propriétaires publient quelques-uns des rares livres destinés aux enfants libériens. La librairie est un endroit à part où les gamins peuvent se faire lire une histoire juste pour se divertir.

Dans cette nation pauvre d'Afrique de l'Ouest ravagée par la guerre, la misère et plus récemment Ebola, lire n'est en général pas quelque chose que les gens font pour le plaisir. Les enfants lisent quand il le faut pour l'école, mais le Liberia compte toujours l'un des taux d'alphabétisme les plus faibles au monde.

Tout cela changera si la propriétaire de la librairie One Moore parvient à ses fins. Agée de 30 ans, Wayétu Moore est une écrivaine basée à Brooklyn qui a fui le Liberia avec sa famille lorsqu'elle avait 5 ans. Elle a ouvert cette librairie dans le pays l'année dernière. Et elle publie des livres pour les enfants libériens depuis 2011.

Comme les enfants d'autres pays pauvres, la plupart des gamins ici ont uniquement la possibilité de lire des ouvrages donnés par des Occidentaux.

« Ces livres parlent de Bobby qui joue au baseball, ou de Cindy dans une impasse », observe Wayétu Moore. «Et de pizza, et de choses qui ne sont absolument pas caractéristiques d'un enfant libérien ordinaire du coin. »

Pour la jeune femme, les livres donnés servent aussi à idéaliser les cultures étrangères et à les faire apparaître comme plus légitimes que celle des enfants. Au final, cela rend la compréhension de la lecture plus difficile.

« Si les enfants comprennent le concept, alors vraiment tout ce qu'ils vont s'efforcer de faire est d'apprendre à lire », affirme-t-elle. « Mais s'ils ne comprennent pas le concept, alors ils devront apprendre à lire et apprendre à quoi le contenu fait référence. »

Some of the titles in One Moore Book's series for Liberian children. Credit: Prue Clarke. Used with PRI's permission

Certains des titres de la collection pour les enfants libériens de One Moore Book. Crédit: Prue Clarke. Utilisée avec la permission de PRI.

Alors, avec sa sœur Wiande, qui est également écrivaine et leur sœur Kula, qui est artiste, Wayétu Moore a entrepris de changer cela. Elles ont écrit «J is for Jollof Rice», le premier livre jamais conçu pour des enfants libériens. Par la suite sont parus des livres d'autres auteurs libériens et des livres illustrés par Augustus, leur frère artiste. Leur maison d'édition One Moore Book a enchaîné avec la création d'une collection avec l'auteure haïtiano-américaine Edwidge Danticat. Et elles publient maintenant des livres destinés au Brésil et à la Guinée; une cinquième collection sera lancée au Ghana plus tard dans l'année.

« Les livres ont un puissant impact », affirme la spécialiste de l'éducation libérienne Mamawa Freeman Moore. «Tu vois la réaction des enfants face à ces livres. Ce sont des choses qui éveillent leur intérêt et les encouragent à lire. »

En tant que professeure de l'Université du Liberia, Mamawa est bien placée pour juger de l'impact des livres. Mais elle occupe un rôle plus important dans leur création: elle est la mère de Wayétu Moore.

Une opération de sauvetage

En 1989, Mamawa Moore était professeure et mère de trois petites filles au Liberia. Elle a obtenu une prestigieuse bourse d'études Fulbright pour étudier les sciences de l'éducation à l'Université de Colombia et sa famille a décidé que c'était une opportunité trop importante pour qu'elle la laisse passer. Mamawa a quitté ses enfants et son mari pour New-York, sans avoir conscience du malheur qui allait frapper leur pays.

En quelques mois, Charles Taylor, qui deviendrait par la suite le premier ancien chef d'Etat condamné pour crimes de guerre par un tribunal pénal international, avait lancé le règne de la terreur, qui ferait 250 000 morts. Le père de Wayétu a fui la capitale avec les filles sur son dos. Ils ont erré des semaines, se cachant dans la forêt et mangeant tout ce qu'ils pouvaient dénicher. Ils ont finalement trouvé refuge dans un village.

A New-York, aucune information ne parvenait jusqu'à Mamawa. Il n'y avait ni téléphone fixe, ni portable, ni Internet. « Les seules nouvelles que j'ai reçues de la famille sont celles que j'ai vues sur CNN », déclare-t-elle.

Et ces reportages regorgeaient d'histoires de brutalité et d'enfants soldats. Pour couronner le tout, Mamawa était enceinte. Elle allait mettre au monde un fils à New-York, sans savoir si le reste de sa famille était encore en vie.

Children read "Gbagba," a book by Liberian author Robtel Neajai Pailey about corruption. Credit: Prue Clarke. Used with PRI's permission

Des enfants lisent «Gbagba», un livre de l'auteur libérien Robtel Neajai Pailey qui parle de corruption. Crédit: Prue Clarke. Utilisée avec la permission de PRI.

Après la naissance du bébé, elle sut qu'elle devait partir à leur recherche. Mamawa s'est envolée pour la Sierra Leone voisine, et à la frontière, elle a trouvé une femme combattante qui connaissait ses proches et était prête à les faire sortir du Liberia.

Revivre ce moment lui fait encore monter les larmes aux yeux. « Presque une semaine plus tard, elle a amené ma famille », confie-t-elle. « C'était un jour de fête. Très, très heureux. Je n'oublierai jamais ce jour. »

Wayétu avait cinq ans quand ils ont fui. La famille s'est finalement établie à Houston, mais le traumatisme a rendu Wayétu timide et hantée par des cauchemars. Mamawa a poussé ses enfants vers les arts, espérant que cela leur procurerait du réconfort.

Un sanctuaire de mots

« Je lis et j'écris et je lis et j'écris », note Wayétu. « Et cela m'a aidé à guérir. Cela m'a aidé à trouver ma voix. »

La jeune femme veut que les enfants libériens aient accès au même sanctuaire que celui qu'elle a découvert. Alors qu'elle regarde les gamins lire dans sa librairie, elle dit être portée par un sens du devoir. Elle connaît des filles qui doivent vendre tous les jours de l'eau en sachet en sortant de l'école, et ne peuvent rentrer chez elles que lorsqu'elles ont tout vendu. Les filles comme elles n'ont pas le temps de faire leurs devoirs, mais Wayétu comprend.

« Je pourrais être cette femme qui envoie sa fille dehors après l'école pour vendre [de l'eau] juste pour joindre les deux bouts», déclare-t-elle, et l'émotion la saisit à la gorge. «Je serais dans l'attente que quelqu'un s'en soucie assez pour revenir sur ses pas et qu'il lui vienne en aide. »

Les révélations sur le mariage religieux du président mexicain

lundi 15 février 2016 à 19:53
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Angelica Rivera et Enrique Peña Nieto le jour de leur mariage, célébré à la Cathédrale de San José de Toluca. Photo : Aristegui Noticias.

Ce reportage a été réalisé par Carmen Aristegui, Daniel Lizárraga, Rafael Cabrera, Irving Huerta et Sebastián Barragán pour Aristegui Noticias (Mexique). Il est republié par CONNECTAS dans le cadre d'un accord sur la diffusion de contenus.

À la télévision, le mariage religieux de l'actuel président du Mexique, Enrique Peña Nieto, avec l'actrice populaire Angélica Rivera semblait tout droit sorti d'un conte de fées. Cependant, il n'a été possible que grâce à un procédé semé d'irrégularités, de mensonges et de simulacres au sein du diocèse de Mexico.

Pour que ce mariage ait lieu, il a fallu manœuvrer afin d'annuler et de dissoudre l'union religieuse entre Angélica Rivera et son ex-mari, le producteur de télévision José Alberto Castro, privant par la même occasion de l'exercice de son ministère sacerdotal, le prêtre Luis Salinas Aranda, qui réalisait aussi des activités pastorales sur la chaîne Televisa. C'est ce que révèlent le site d'information Aristegui Noticias et l'hebdomadaire Proceso.

Ces révélations sont intervenues quelques jours avant la visite du Pape François au Mexique, où il a été reçu par des millions de croyants et par le président Enrique Peña Nieto, qui a tenté d'étouffer l'affaire, selon les révélations publiées sur la plateforme d'information latino-américaine CONNECTAS.

À l'époque du mariage, célébré le 27 novembre 2010, à la cathédrale de Toluca, la presse people avait couvert l'événement de façon détaillée. Le mariage scellait une candidature présidentielle préparée et impulsée de toute évidence par la télévision. Néanmoins, ce qui s'est passé avant cette cérémonie a été qualifié de “flagrante parodie de justice” par la Rote romaine, au Vatican.

La hiérarchie de l'Église, des autorités du Saint-Siège et Enrique Peña Nieto lui-même, alors qu'il était Gouverneur de l'État de Mexico, ont eu connaissance du procédé douteux utilisé pour annuler la première union religieuse d'Angélica Rivera. Toutes les procédures qui ont facilité le mariage de celui qui est aujourd'hui premier représentant du Mexique ont également affecté la carrière du père Salinas Aranda, décédé au mois d'octobre dernier, sans que personne ne s'intéresse à ses requêtes pour lever la sanction pesant sur lui, sanction irrégulière selon les documents du clergé et qui a freiné le déroulement normal de sa vie d'homme d'Eglise.

Dans la dernière lettre que le père Salinas a envoyé au Pape François, il a ainsi supplié :

Lo hago con el corazón en la mano y movido por la enorme confianza en la misericordia que le distingue. Pongo confiadamente en su corazón de padre y pastor esta situación que me agobia”.

Je le fais en toute sincérité et mû par l'immense foi en la miséricorde qui vous caractérise. Je dépose en toute confiance cette situation qui m'accable, dans votre cœur de père et de berger”.

Dans la même lettre, le prêtre a expliqué :

Esta misiva tiene varias intenciones. La fundamental es hacer aclaraciones necesarias para resarcir mi persona en el ejercicio del ministerio sacerdotal, frente a infundios y calumnias por las que me he visto sometido a la sanción canónica y en las que se encuentran involucradas personas que pertenecen a la jerarquía de la Iglesia, así como otras pertenecientes en activo a instancias políticas”.

Cette missive a plusieurs intentions. La plus fondamentale est d'apporter les clarifications nécessaires pour dédommager ma personne dans l'exercice du ministère sacerdotal, face à des calomnies sans fondement à cause desquelles j'ai été soumis à la sanction canonique et dans lesquelles se trouvent impliquées des personnes de la hiérarchie de l'Église ainsi que des élites politiques”.

D'après ses lettres, le père Salinas était convaincu que “quelqu'un” avait fait pression pour qu'on accorde à Angélica Rivera l'annulation de son mariage avec José Alberto Castro afin qu'elle soit libre de se marier avec Enrique Peña Nieto, aujourd'hui président du Mexique.

Angélica Rivera et José Alberto Castro ont commencé à vivre en union libre au début des années 90. De leur relation, sont nées trois filles : Sofía (1996), Fernanda (1999) et Regina (2005).

En 2004, il se sont mariés lors d'une cérémonie intime, en l'absence de la presse à sensation, à l'église Notre Dame de Fátima, dans la capitale mexicaine.
Neuf jours après, le samedi 11 décembre 2004, ils se sont rendus, avec leurs familles et amis, à la plage de Pichilingue, à Acapulco, pour une cérémonie dans le seul but d'offrir leurs remerciements pour le sacrement célébré plus tôt à Mexico. Cette cérémonie a été présidée par le père Salinas.
En 2008, Mme Rivera et M. Castro ont signé leur divorce civil. En mars 2009, l'actrice aurait sollicité l'annulation de son mariage. Le19 mai de cette même année, le Tribunal ecclésiastique de Mexico a publié un décret annulant le mariage de Mme Rivera et M. Castro, invoquant un défaut d'ordre canonique, notamment au sujet de la cérémonie à la plage.

Lors d'une interview, Mme Rivera a commenté :

Después de mi divorcio civil, pedí la anulación de mi matrimonio por la Iglesia y hasta entonces me enteré de que la Iglesia no puede hacer válido el supuesto matrimonio de la iglesia de Fátima porque no se corrieron amonestaciones, en la ceremonia del 2 de diciembre no hubo anillo, no hubo lazo y, por si fuera poco, el padre de la iglesia de Fátima que firmó el acta no tenía permiso para celebrar el sacramento.

Après mon divorce civil, j'ai demandé l'annulation de mon mariage par l'Église et ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai appris que l'Église de pouvait pas valider le soi-disant mariage de l'église de Fátima parce que les bans n'avaient pas été publiés, lors de la cérémonie du 2 décembre, il n'y a pas eu d'anneau, ni de chapelet et qui plus est, le prêtre de l'église de Fátima qui a signé l'acte n'avait pas la permission de célébrer le sacrement.

Au moment de l'annulation, le diocèse a aussi mis en place une procédure contre le père Salinas qui a été sévèrement puni pour avoir officié une messe d'action de grâce, mais il n'a jamais pris de mesure contre le père Ramón García López, qui a lui, bel et bien marié Mme Rivera et M. Castro à l'église de Fátima, et qui d'ailleurs, continue à exercer le ministère.

Lisez ici pour comprendre comment s'est déroulé le premier mariage d'Angélica Rivera et la procédure complexe qui a donné lieu à son annulation pour permettre la cérémonie religieuse avec Enrique Peña Nieto.

Pour lire le reportage complet, cliquez ici :

CONNECTAS