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L'accord de pêche Maroc-UE ignore l'occupation du Sahara occidental

mercredi 7 mars 2018 à 19:01

Une manifestation de soutien à la décision de la CJUE dans le camp de réfugiés de Smara, le 27 février. Crédit photo: Campagne sahraouie contre le pillage (SCAP)

Le 27 février était le 42e anniversaire de la déclaration d'indépendance du Sahara occidental d'avec l'Espagne. Bien que, pour le moment, il n'y ait pas d'indépendance à célébrer pour la majeure partie du territoire qui reste sous occupation marocaine, un petit triomphe pouvait être ressenti dans les camps de réfugiés sahraouis en Algérie, où réside la majorité de la population.

Le même jour, une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a été rendue en faveur de la décolonisation. Pour être plus précis, la décision concerne un accord entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc réglementant l'accès de l'industrie de la pêche européenne aux eaux marocaines.

Ce soi-disant accord de partenariat dans le secteur de la pêche est en place depuis 2006 et expirera en juillet 2018, tandis qu'un processus de renouvellement est en cours. La décision de la CJUE indique clairement que tout accord de ce type avec le Maroc ne pourra inclure les eaux au large du Sahara Occidental, sur lesquelles le Maroc revendique la souveraineté.

Le problème

La déclaration était anticipée, cohérente avec les décisions précédentes et peu controversée d'un point de vue juridique international. Cependant, ce n'est que le dernier développement d'un conflit entre différentes branches de la gouvernance de l'UE concernant le commerce de l'Union avec le Maroc. La controverse portant évidemment sur l'occupation par le Maroc du Sahara occidental, que l'ONU considère comme un “territoire non autonome“.

Cela concerne actuellement deux négociations distinctes que la commission européenne et le Maroc auront au printemps 2018 : l’ accord de partenariat dans le secteur de la pêche qui autorise les navires européens à pêcher dans les eaux marocaines, et un accord commercial concernant les produits agricoles et de la pêche [fr]. L'accord de pêche expirera en juillet et l'accord commercial en avril.

Bien que la CJUE ait clairement annulé en 2016 [fr] tout accord bilatéral avec le Maroc en ce qui concerne les territoires occupés, la commission commerciale de l'UE semble avoir insisté sur le renouvellement des accords en en concluant un nouveau avec le Maroc en janvier 2018. Une surprise qui a suscité des condamnations de la part du gouvernement en exil du Sahara occidental, des groupes militants, ainsi que du Parlement européen.

La semaine dernière, des parlementaires de l'UE ont adressé à leurs collègues une déclaration disant qu'ils étaient :

… inquiets de la façon dont la Commission gère le processus, du manque de transparence et des possibilités de contrôle pour les députés européens, et des tentatives de la Commission de contourner l'arrêt de la Cour de justice de décembre 2016.

L'un des signataires est Jytte Guteland, membre du groupe parlementaire social-démocrate qui figurait l'an dernier dans un groupe d'eurodéputés européens déclarés persona non grata par les autorités marocaines alors qu'ils essayaient d'entrer au Sahara occidental.

Sur la conduite de la commission commerciale, elle exprime des inquiétudes qui vont au-delà de ce cas particulier. Parlant à Global Voices, Guteland a noté que les actions de la commission étaient inquiétantes.

La façon dont la commission a traité la première décision de justice [2016] m'a beaucoup inquiétée. Ils ont choisi de négocier un nouvel accord commercial incluant le Sahara Occidental malgré la décision de la Cour. À une époque où le principe de l'état de droit est constamment remis en question, il s'agit d'une question de crédibilité de l'UE. L'UE doit respecter ses propres décisions et le droit international.

Dans une lettre ouverte de protestation, 89 organisations de la société civile sahraouies ont déclaré :

Le peuple sahraoui ne bénéficie pas, économiquement ou autrement, de l'exploitation illégale de ses ressources naturelles et du commerce avec l'Union européenne ; le consentement du peuple sahraoui n'a pas non plus été recherché de manière crédible. Tous les gains économiques et le développement résultant de l'exploitation de nos ressources naturelles et de leur commerce illégal avec l'UE sont distribués de manière sélective dans le seul but de renforcer l'occupation illégale du Maroc et de discriminer systématiquement davantage le peuple sahraoui qu'il occupe.

En tant que territoire non autonome, le droit international exige que le peuple du Sahara occidental ait son mot à dire dans toute activité économique qui se déroule dans le territoire et que cela lui soit bénéfique. Pour compliquer davantage la question, la majorité de la population dans les territoires occupés se compose aujourd'hui de colons marocains, tandis que la majorité du peuple sahraoui est exilé du Sahara occidental, vivant principalement dans les camps de réfugiés de l'Algérie voisine. C'est à partir de ces camps que fonctionne le Front Polisario [fr], reconnu internationalement.

Dans la même lettre de protestation, les groupes de la société civile accusent la commission d'essayer de contourner la loi au moyen d'un subtil changement de terminologie.

Nous constatons également avec frustration que la Commission remplace la terminologie délibérée du “peuple sahraoui” par “population”. Ces concepts sont fondamentalement différents. Consulter les organisations marocaines, les parlementaires et les entreprises au sujet du Sahara occidental ne peut jamais remplacer le consentement du peuple sahraoui.

Dans une dénonciation similaire, le réseau de surveillance international Western Sahara Resource Watch (WSRW) a rejeté une demande de consultation par la commission.

D'après ce que nous comprenons, les négociations avec le gouvernement du Maroc sont maintenant terminées et le texte convenu a été paraphé. Le gouvernement du Maroc ne représente pas les gens du territoire. Il est clair qu'aucun consentement n'a été reçu, comme la Cour l'exigeait. Nous ne voyons pas l'intérêt d'une consultation sur un accord qui ne serait pas approuvé par les habitants du territoire.

En réponse à la décision de mardi, le Front Polisario a annoncé qu'il était prêt à poursuivre les négociations avec l'UE sur l'accès aux eaux qui ne sont pas autorisées à être incluses dans l'actuel accord de pêche avec le Maroc. Selon Guteland:

Ce serait plus légalement justifié puisque l'ONU considère le Polisario comme le représentant du Sahara occidental. Pour continuer à établir un accord avec le peuple, la société civile sahraouie doit également être consultée.

Eaux encore poissonneuses

En tant que principal partenaire commercial, l'économie marocaine dépend fortement de l'UE pour ses exportations . Dans le même temps, de nombreux États membres européens font face à des pressions internes et à un fort lobbying de la part de leurs industries de pêche respectives pour avoir accès aux ressources du Sahara occidental.

Le stock de poissons et de créatures marines s'épuisant rapidement dans tous les océans du monde, l'importance des eaux territoriales du Sahara occidental dans l'Atlantique devrait augmenter. Aujourd'hui, ces eaux sont considérées comme les plus riches de tout le continent africain et, en raison de l'occupation, le Maroc se place au premier rang des exportateurs de poisson et de fruits de mer du continent. Les chiffres officiels suggèrent qu'environ 70% de la totalité des captures marocaines sont débarquées dans les ports du Sahara occidental alors que près de la moitié des captures restantes vont à Tan-Tan [fr] et à Agadir [fr] à proximité des territoires occupés. On estime que les navires étrangers dans ces eaux capturent plus de 90% de leurs prises dans les eaux du Sahara occidental.

La plupart de ce poisson ne finira pas directement dans votre assiette mais est plutôt la première étape d'une chaîne de production. Au Maroc et ailleurs, le poisson est transformé en tourteau ou en huile qui, à leur tour, sont exportés ailleurs sous forme de fourrage pour les industries de la viande et les fermes aquacoles. De même, le secteur principal de l'économie du Sahara occidental est l'exploitation de la roche phosphatée, une ressource dont le Maroc est déjà le premier exportateur mondial. Le phosphate est le principal composant des engrais synthétiques dont dépend l'activité agricole mondiale. En tant que tel, le Sahara occidental, souvent appelé la dernière colonie d'Afrique, est un territoire très important pour l'approvisionnement alimentaire mondial.

L'accord commercial entre l'UE et le Maroc concernant les produits de la pêche et de l'agriculture est, dans sa forme actuelle, un élément important de la transformation de l'occupation marocaine du Sahara Occidental en une zone rentable.

Mariages au Bangladesh : les temps changent, le menu aussi

mercredi 7 mars 2018 à 13:48

Jeunes mariés posant pour la photo de mariage. Photographie de Sanim Haque. Reproduite avec autorisation.

Tout le monde aime les mariages, et si vous êtes amateur de bonne chère, ne manquez pas une opportunité d'assister à un mariage bangladais. Quand on sait à quel point les Bengalis aiment leur cuisine, il n'est pas étonnant qu'ils redoublent d'efforts lors des festivités de mariage.

La saison des mariages au Bangladesh s'étend habituellement de décembre à janvier, quand la température se rafraîchit. Un menu de noces typique comprend entre autres des plats comm le pulau, le biryani, le poulet rôti, le korma, le kebab, le rezala [en] et le borhani. Des yaourts sucrés, du payesh, du jorda et différentes sortes de confiseries font partie des desserts. Quand le marié arrive, il est accueilli avec du sorbet et des bonbons.

Il y a encore quelques dizaines d'années, les mariages étaient organisés à la maison ou dans le quartier, et la famille et les amis y servaient les invités. Aujourd'hui, les festivités ont plutôt lieu dans une salle des fêtes ou d'autres salles similaires où chefs et services professionels de restauration se chargent de la nourriture. Le romancier et journaliste Iraj Ahmed se rappelle [bn] son enfance:

গলির মুখে লাল, সাদা আর সবুজ মেশানো কাপড়ের গেট। চনমনে রোদের মধ্যে হয়তো বাড়ির ভেতরের উঠানে বিরিয়ানির হাঁড়ি চড়েছে ইটের চুলার ওপর, লাকড়ির ধোঁয়ায় চারদিক অন্ধকার। ছাদে টানানো ত্রিপল অথবা সামিয়ানার নিচে ভাঁজ খুলে বসানো হয়েছে হালকা খয়ের রঙের চেয়ার, টেবিল। অনেক মানুষের ব্যস্ত ছোটাছুটি, কিছু মানুষ দুপুরের রোদে উদোরপূর্তি শেষে কাপড়ে ঝোলের দাগ মেখে বের হয়ে গলির মোড়ের দোকানে গলায় ঢালছে সেভেন আপ অথবা চিবাচ্ছে পান। বাতাসে ভাসছে কেমন এক আনন্দের সুর। বলছি অনেক বছর আগে এই ঢাকা শহরে বিয়ের অনুষ্ঠানের কথা।

Il y avait un immense portail recouvert de tissu rouge, blanc et vert au début de l'allée (pour accueillir les invités). Sous un soleil de plomb, d'énormes pots remplis de biryani reposaient sur des brûleurs en brique improvisés. L'endroit était rempli de la fumée de feu de bois des brûleurs. Sur le toit, des tables et des chaises gris clair étaient disposées sous la bâche. On pouvait voir des gens s'affairer comme des abeilles industrieuses. Et on pouvait en voir certains sortir de ce décor le ventre plein, des tâches de curry sur leurs habits de fête. Ils se dirigeaient nonchalamment vers l'épicerie de quartier pour acheter un Seven Up (la boisson) ou un paan. L'air était rempli de joie. Voilà à quoi ressemblait un mariage typique à Dacca, il y a bien des années.

À l'époque, les gens considéraient qu'il était impoli de servir de la nourriture de traiteur aux invités. Aujourd'hui cependant, la réalité des temps modernes semble s'imposer. Siddhratha Mukhopaddhay [bn], du Bengale-Occidental en Inde, aborde les changements dans les mariages bangladais :

এখন অবশ্য নিজেদের ক্ষমতা মত গৃহকর্তা ক্যাটারারের হাতে এই সব দায়িত্ব সঁপে দিয়ে নিশ্চিন্তে থাকতে চান৷ আসুন বসুন বলে খাওয়ানোর মানসিকতা বদলেছে ৷ আগে তো বাড়ি এসে নিমন্ত্রণ না করলে অনেকে আসতেনই না৷ কর্মব্যস্ততার কথা মাথায় রেখে এখন তো ফোন অথবা ফেসবুক- হোয়ার্টস অ্যাপ মারফতও নিমন্ত্রণ গ্রহণ করা হচ্ছে।

Maintenant, les hôtes veulent s'assurer de l'hospitalité en déléguant toute la responsabilité aux traiteurs. La tendance à servir les invités soi-même a changé. Avant, les invités ne venaient pas au mariage s'ils n'étaient pas invités en personne, lors d'une visite chez eux. Maintenant, cela se fait parfois par téléphone et les gens acceptent même des invitations de mariage sur Facebook ou Whatsapp !

Un aperçu du nouveau menu du repas de noces bangladais

La façon de célébrer les mariages a changé, mais aussi les plats servis aux noces dans la cuisine bangladaise. Avant, des plats simples comme un riz pulau au poulet rôti, un rezala (curry) de mouton épicé, du boeuf frit, des tikias (steak haché de mouton), de la salade avec des tomates et des concombres, un borhani, et des desserts comme un jorda ou un riz au lait, étaient habituellement servis. Maintenant, des plats plus complexes et sophistiqués tel que le biryani, issu de la cuisine moghole [en], apparaissent de plus en plus sur les menus.

Il existe même un arrangement spécial pour le marié : dans les familles aisées, la norme est de lui servir, ainsi qu'à son entourage, un agneau rôti entier.

Le marié est accueilli avec des confiseries. Photographie de Sanim Haque. Reproduite avec autorisation.

L'agneau entier rôti

Le marié est servi. Photographie de Sanim Haque. Reproduite avec autorisation.

Le pulau nature

Ce plat principal populaire était habituellement servi à presque tous les mariages bengalis. Le pulau nature est réalisé à base de riz parfumé (basmati, chinigura etc.) d'oignons, de piments verts, de petits pois, de ghee (beurre clarifié) et comprend parfois d'autres ingrédients. Il est servi avec un rôti et un curry (dans des plats séparés).

Le pulau nature, un plat simple de riz épicé. Photographie de Sanim Haque. Reproduite avec autorisation.

Le biryani

Servir un biryani, un plat de riz mélangé sud-asiatique, devient maintenant la norme. Des épices, du riz parfumé, de la viande (poulet, mouton, bœuf ou poisson), du ghee et d'autres condiments sont disposés en couches et cuits ensemble. À l'inverse d'un pulau (servi avec des plats de viande rôtie et de curry), le biryani est un plat complet comprenant de la viande et des épices (ainsi que des légumes).

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Le rezala de mouton (curry épicé)

Le rezala de mouton [en] est un curry originaire du Bengale à base de mouton et de légumes. Il est habituellement servi avec un pulau ou du riz.

Rezala signifie mouton tendre en sauce. Vous vous souviendrez longtemps de sa saveur. C'est un des plats habituels au menu d'un mariage bangladais. Photographie de Sanim Haque. Reproduite avec autorisation.

Le poulet rôti

Le poulet rôti est un autre plat couramment servi aux mariages bangladais. Photographie de Sanim Haque. Reproduite avec autorisation.

Le tikia (steak hâché de mouton)

Les tikias sont habituellement accompagnés de pulau ou de biryani. C'est donc un choix courant pour le repas de noces.

Des tikias, un plat fréquemment servi aux mariages. Photographie de Sanim Haque. Reproduite avec autorisation.

Le borhani

Le borhani est une boisson au yaourt mélangé à des feuilles de menthe, du poivre, des piments verts et de l'eau. Il aide à digérer la nourriture riche servie aux mariages.

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Le jorda

Le riz jorda est un dessert typique des mariages.

Le riz jorda est fait avec du riz, du ghee, du sucre, du safran ou du jus d'orange et d'autres condiments. Photographie de Sanim Haque. Reproduite avec autorisation.

Le paan

Le paan est une mixture de feuille de bétel, de noix d'aréca, de feuille de tabac et d'autres épices.

Servir des paans après le repas est une très vieille coutûme nuptiale. Photographie de Sanim Haque. Reproduite avec autorisation.

Bien que les plats servis aux mariages bangladais aient commencé à changer, une chose reste sûre : ils sont délicieux.

Les taxis jaunes d'Amman se disputent les clients après l'arrivée d'Uber et de Careem

mercredi 7 mars 2018 à 10:45

Un chauffeur de taxi prend un passager à Amman, Jordanie. Photo Monther Hammad, utilisée avec autorisation.

[Article d'origine publié le 3 janvier 2018. Tous les liens de ce billet renvoient vers des pages en anglais]

Dans la capitale de la Jordanie, Amman, environ 11.400 taxis jaunes transportent plus de 3,5 millions de résidents. La majorité des habitants de la ville prennent chaque jour le taxi et leurs attentes élevées ne sont pas satisfaites par les chauffeurs.

Les réclamations portent sur la manipulation du compteur, les jurons, le refus de certaines destinations et la cigarette dans la voiture. Voilà pourquoi de nombreux habitants d'Amman ont été soulagés à l'arrivée dans leur ville de sociétés privées comme Uber et Careem début 2016.

Une habitante d'Amman, Aseel Odeh, déclare à Global Voices (GV) :

J'habite à Jabal Al-Hussein, un endroit très fréquenté. J'ai quitté mon dernier travail parce que c'était à 30 minutes et que personne ne voulait me ramener chez moi. 

Et lorsqu'un taxi acceptait de la prendre en charge, il lui demandait un prix exorbitant. Or Aseel Odeh ne dispose pas de nombreuses options de transport. Un consultant en transport, Hazem Zureiqat, rappelle qu'Amman n'a que 350 grands bus pour desservir l'ensemble de la capitale et que le système de transport urbain ne représente que 5 % des besoins de transport quotidiens.

Par ailleurs, les prix du carburant sont relativement élevés par rapport aux pays voisins, avec des prix atteignant 3,44 USD par litre, contre seulement 0,24 USD en Arabie saoudite voisine.

Les sociétés de covoiturage promettent sécurité et sûreté

Les habitants d'Amman comme Yacoub Lambaz préfèrent les sociétés comme Careem et Uber aux taxis jaunes :

Careem est une entreprise et chaque chauffeur est un employé qui suit des règles et doit répondre devant l'entreprise s'il ne les respecte pas. Cela me rassure de savoir que si le chauffeur fait quelque chose d'interdit, on lui demandera des comptes et je serai dédommagée.

Dans un pays conservateur comme la Jordanie, la fonctionnalité de suivi d'itinéraire de l'application mobile rassure les familles sur le fait que les femmes se sentiront plus en sécurité. Avant l'introduction des applications Uber et Careem, un membre de la famille représentait la seule possibilité de transport pour les femmes.

Aisha Azzam, une habitante d'Amman, rapporte à GV :

Je me sens en sécurité avec Careem, parce que les chauffeurs nous respectent, veillent à notre confort et qu'ils ne se plaignent pas s'il y a du trafic sur la route.

Suzan, qui a 5 enfants, indique :

Je suis du genre à me faire du souci, donc je ne laissais jamais mes enfants aller nulle part si je ne pouvais pas les conduire moi-même. Mais, avec Careem, je les laisse aller partout tant qu'ils partagent leur itinéraire avec moi par Whatsapp.

Heyam, une fan d'Uber, affirme :

Uber est beaucoup plus sûr la nuit.

Vives contestations et batailles juridiques en conséquence

Careem avait promis de créer 10.000 emplois dans le pays entre 2016 et 2018. Toutefois, jusqu'en décembre 2017, la loi jordanienne interdisait à des voitures privées de fournir des services de transport, rendant illégales les activités de Careem et d'Uber.

Le gouvernement avait décidé de taxer plutôt que d'interdire ces services, mais des complications plus importantes sont arrivées sous la forme d'une contestation massive des chauffeurs de taxis jaunes, rapportant une baisse de 80 % de leur activité depuis l'arrivée d'Uber et de Careem. 

Les chauffeurs de taxi ont réagi en organisant plusieurs manifestations en quelques mois, accusant de façon répétée le gouvernement de ne rien faire pour les défendre.

Les protestations ont débuté en novembre 2016, lorsque Uber et Careem ont commencé à gagner en popularité. Les chauffeurs de taxi ont alors décidé de se rassembler et d'exprimer publiquement leur mécontentement.

Le gouvernement a ainsi été conduit à adopter de nouvelles mesures comme de mettre à la fourrière les voitures d'Uber et de Careem, d'imposer des amendes à leurs chauffeurs, de fermer leurs applications et même de consacrer une unité entière de la police de la route à les pourchasser.

Les réactions se sont poursuivies tout au long de l'année 2017, progressant de manifestations de mécontentement jusqu'à des menaces de la part des chauffeurs de brûler leurs taxis. 

Des manifestations ont eu lieu en janvier, avril, juillet, août, septembre et novembre 2017. 

Ces actions ne sont pas bien passées auprès des partisans de Careem et d'Uber qui s'étaient habitués à des voitures sûres et sans tabac.

Une habitante d'Amman, Farah Mohammed, raconte à GV :

 Lorsque les deux applications Uber et Careem ont été fermées pendant quelques jours, j'étais folle. Je ne pouvais plus aller nulle part. Même avec des taxis jaunes juste devant ma porte, je ne voulais pas les prendre. J'ai laissé mon père me conduire partout jusqu'au retour des applications.

Le fait que ces applications soient techniquement illégales n'a empêché personne de se déplacer avec Careem ou Uber, en particulier lors des difficiles conditions hivernales. 

Yacoub Lambaz explique :

J'ai utilisé Careem même quand c'était illégal et, une fois, un chauffeur de taxi nous a signalés à un policier. Le chauffeur et moi sommes parvenus à nous sortir de cette situation. Je lui ai mis une note de 5 étoiles pour cette course pleine d'action !

Finalement, le gouvernement a permis à Careem de faire une demande de licence, mais uniquement à la condition que la société ajoute un service de taxis jaunes à son application. Careem a accepté cette condition, pourvu que les nouveaux chauffeurs de taxi suivent une formation pour se conformer aux normes de la société. Le processus de légalisation a commencé en août 2017 et s'est terminé en décembre 2017.

Une autre manifestation a eu lieu suite à l'autorisation des applications.

Les plaintes de concurrence déloyale continuent

Les chauffeurs de taxi jugent toujours la concurrence déloyale, car Careem a seulement accepté de reprendre 5.000 taxis jaunes, laissant les autres sur la touche.

Abu Mahmoud, un chauffeur de taxi de 55 ans, explique :

J'ai travaillé comme chauffeur de taxi presque toute ma vie, économisant dans l'espoir d'acheter mon propre taxi un jour. Lorsque j'ai finalement dépensé les économies de toute une vie pour m'acheter un taxi, on n'a plus besoin de nous ! Je ne peux pas travailler, car personne n'utilise plus de taxis jaunes et personne ne veut racheter mon taxi, car ce n'est plus une activité lucrative.

Abu Al-Abed, qui a travaillé comme chauffeur de taxi pendant 13 ans aux côtés d'Abu Mahmoud, renchérit :

Je dois payer 25 dinars jordaniens (35 USD) au propriétaire du taxi que je loue. Récemment, j'ai dû payer l'essentiel de cette somme de ma poche, car je ne gagne même pas 15 dinars jordaniens (21 USD) la plupart des jours.

Les plaintes des chauffeurs de taxi n'ont rencontré que peu de sympathie chez la majorité des Jordaniens.

Une habitante d'Amman, Mariam, affirme :

Les taxis nous facturaient un surcoût pour certaines destinations, nous faisaient une conversation non souhaitée et posaient parfois des questions déplacées. Je ne recommencerai jamais à les utiliser après avoir commencé avec Uber.

Le syndicat des services de transport et des chauffeurs de taxi n'a pas officiellement commenté la décision du gouvernement, car il attend de lire la réglementation pour se positionner.

Pour les chauffeurs de taxi, la lutte pour les passagers est bien réelle. Auparavant seule option de transport privé en Jordanie, ils sont désormais totalement submergés par la nouvelle concurrence.

Répondant à Al Monitor, Hazem Zureiqat souligne que l'origine du problème est l'échec du gouvernement à fournir un bon système de transport public :

Si ces services ont du succès ici, c'est que le gouvernement a échoué à proposer un système de transport décent.

A Damas, la solidarité avec la Ghouta orientale assiégée est périlleuse

mercredi 7 mars 2018 à 10:29

‘La Ghouta,’ peinte par Randa Maddah. Utilisation autorisée. Source: Women Now.

Voici des témoignages depuis Damas, après les deux témoignages dans la Ghouta orientale (dans les environs immédiats de Damas) d'une infirmière et d'un dentiste, publiés respectivement le 21 février et le 6 mars, et mis à disposition par le collectif Act For Ghouta

Contrôlée par les rebelles anti-régime, la Ghouta orientale est assiégée par le régime syrien et ses alliés depuis la fin de 2013. Mais ces dernières semaines, la violence a atteint un paroxysme. Plus de 120 personnes ont été tuées entre le 6 et le 8 février seulement, et le 19 février, ce sont plus de 110 personnes qui sont mortes en une seule journée. Depuis le 18 février, plus de 650 personnes ont été tuées, dont plus de 150 enfants. Les infrastructures civiles sont aussi gravement endommagéesavec plus de 25 hôpitaux et centres de santé bombardés, certains plus d'une fois en quatre jours.

La catastrophe humanitaire de la Ghouta orientale dans les faubourgs de Damas continue à se dérouler pendant l'offensive militaire des forces syriennes et russes contre l'enclave rebelle assiégée par le pouvoir syrien depuis 2013.

Depuis le 18 février, 650 personnes auraient été tuées. Le bilan continue à s’aggraver avec les bombardements aériens et terrestre incessants et les dommages massifs aux infrastructures. Les images effroyables affluent de l'intérieur de la Ghouta sans discontinuer, donnant un aperçu de la gravité de la situation et des souffrances des gens là-bas.

Sur les médias sociaux, des partisans du Président Bachar al-Assad publient des plaidoyers pour que l’armée syrienne stoppe les attaques de roquettes sur la capitale Damas, c'est-à-dire celles envoyées par les rebelles de la Ghouta orientale, qui déferlent depuis le commencement de l'offensive impitoyable du régime contre la Ghouta.

Les médias d’État syriens diffusent des interviews d'habitants dans les rues de Damas, mécontents des fréquentes attaques de roquettes frappant leur ville, et accusant les rebelles de la Ghouta orientale. Et qui exhortent leur gouvernement à ‘éradiquer les attaques rebelles’.

Le despotisme du régime et l'ubiquité des agents de la sécurité rendent pratiquement impossible d'évaluer l'opposition à l'offensive contre la Ghouta à l'intérieur de Damas. Malaisées à trouver, de nombreuses voix étouffées ont émergé. La majorité reste silencieuse devant l'omnipotence de l'armée.

Salam (ce n'est pas son vrai nom), une mère de deux enfants qui vit à Damas, raconte à Global Voices que son fils développe une phobie depuis qu'il vit dans une peur permanente :

Mon fils de deux ans pleure hystériquement et s'accroche à moi quand un avion militaire vole au-dessus de nous ou quand il y a une explosion…Il a développé une phobie.

Elle ajoute que la vie est devenue difficile à Damas avec les roquettes rebelles, et qu'elle ne peut imaginer ce que ça doit être dans la Ghouta :

Depuis que l'opération Ghouta a commencé, on entend des explosions d'une intensité inusitée…le passage d'un avion dans le ciel fait trembler les bâtiments. Cela dépasse mon entendement d'imaginer comment les mères font face dans la Ghouta. Si j'étais là-bas, je serais devenue folle. Je suis une mère et je comprends ce que ressentent les mères. Je regarde des vidéos et suis des posts sur Facebook de mères de la Ghouta. Il m'est impossible de ne pas compatir.

Les missiles et les obus ont interrompu la vie ici à Damas. Il y a des quartiers où les gens n'envoient plus leurs enfants à l'école. alors imaginez la vie là-bas. Les civils des deux côtés paient le prix. Cette folie doit s'arrêter.

Ahmad (ce n'est pas son vrai nom), un fonctionnaire originellement de Harasta dans la Ghouta orientale, est parti pour Damas avec sa famille peu après le début de la répression des autorités contre les manifestations dans sa ville. Ahmad passe la plupart de son temps scotché à son ordinateur portable pour suivre les développements dans la Ghouta et vit maintenant dans une peur constante pour la vie de ses proches et de la paranoïa sur les lieux de travail à Damas :

J'ai de la famille et des amis dans la Ghouta orientale. Ils continuent à mettre en ligne sur les médias sociaux des nouvelles de leur enfer. J'ai déjà perdu trois amis depuis que l'opération a commencé.

Les employés qui viennent de la Ghouta sont étroitement surveillés. Il faut faire attention de ne pas même montrer de l'empathie. Il faut peser ses mots avec soin.

Interrogé sur les conséquences possibles, Ahmad répond :

Vous risquez d'être suspecté d'avoir des liens avec les ‘terroristes’, vous pouvez perdre votre emploi si quelqu'un vous dénonce. Vous risquez même la prison. D'une manière générale, il y a un accord tacite que le silence est ce qu'il y a de plus sûr.

Il explique ne pas savoir quelle réaction avoir quand ses collègues appellent à ‘éradiquer la Ghouta ‘ :

Quand des collègues se plaignent des obus et des attaques de roquettes et appellent à ‘éradiquer la Ghouta’ en représailles, tout ce que vous pouvez faire c'est serrer les dents et prendre votre mal en patience. Je suis dans une profonde amertume. J'ai des amis et de la famille là-bas. J'y ai ma maison dont je suis sûr qu'elle n'est plus qu'un gros amas de décombres. J'y ai mes souvenirs d'enfance et de jeunesse.

Au fond de moi-même je suis un lâche. Mais nous ne pouvons rien faire. Ils ont le pouvoir militaire de leur côté. Même les Nations-Unies et la communauté internationale se montrent incapables. Nous sommes piégés dans notre impuissance.

Omar (ce n'est pas son vrai nom), un étudiant d'université qui vient du district de Qaboun près de Damas fait écho à ces réflexions :

Je me rappelle comme si c'était hier qu'en 2006, nous avons hébergé dans notre maison de Qaboun une famille libanaise qui avait fui la guerre israélienne. Je me souviens que mes frères participaient à des actions de solidarité et collectaient des fonds pour les gens de Gaza pendant les opérations israéliennes. Avec la Ghouta, le luxe de témoigner de la solidarité nous est refusé. J'envie les gens à travers le monde qui peuvent manifester et crier à tue-tête en solidarité avec la Ghouta.

Omar dit avoir créé une faux compte Facebook pour participer à des campagnes en ligne et partager des comptes de personnes à l'intérieur de la Ghouta. Actif sur les médias sociaux, Omar dit qu'il traduit des comptes, des billets et des vidéos de personnes assiégées dans l'espoir de “galvaniser l'opinion publique à agir”.

Chaque fois que vous voulez fermer les yeux sur cette tragédie, un bruit d'explosion la ramène à votre attention. Impossible de l'ignorer…Le voisinage géographique, les liens de parenté et l'humanité l'imposent à vous.

Ce que nous apprend une base de données en ligne sur les prisonniers politiques au Vietnam

mardi 6 mars 2018 à 18:56

La base de données des prisonniers politiques vietnamiens

Lancée en janvier 2018, la Vietnamese Political Prisoner Database est une base de données en ligne fournissant des informations détaillées et régulièrement mises à jour sur les prisonniers politiques au Vietnam.

Mis en place par 88 Project, un groupe soutenant les prisonniers politiques et leur famille, le site liste actuellement 113 activistes en détention, dont 23 qui n'ont pas encore été jugés et font l'objet d'une enquête préliminaire.

Le site est mis à jour chaque semaine, ce qui permet aux chercheurs, journalistes, législateurs, activistes et à tous ceux qui souhaitent s'informer ou soutenir la cause des prisonniers de régulièrement s'enquérir de leur statut.

Contrairement à la couverture habituelle du sujet, où les médias se contentent généralement de mentionner l'affiliation politique des prisonniers, la base de données inclut le genre et l'origine ethnique des individus. La base de données recense ainsi 15 prisonnières politiques et 46 prisonniers appartenant à une minorité ethnique.

Le site souligne également que 49 individus purgent actuellement une peine de prison de plus de 10 ans, 33 sont chrétiens, 43 ont été arrêtés en 2017 et 83 sont détenus dans des affaires liées à la promotion de la liberté religieuse.

En somme, ces données confirment une analyse partagée par la plupart des observateurs, à la fois dans les médias et sur les réseaux sociaux, selon laquelle la persécution des dissidents s'est accentuée en 2017, comme en témoigne l'augmentation des peines de prison extrêmement sévères prononcées contre des journalistes citoyens et des activistes pacifiques.

La base de données confirme également le grand nombre d'individus inculpés en vertu du fameux article 88 du Code pénal, relatif à la “propagande anti-État”.

Le profil des individus détenus contient des informations détaillées sur leur activisme, l'historique de leur affaire, leurs conditions de détention ainsi que les campagnes menées pour leur libération.

Voici par exemple le profil de Hoang Duc Binh, qui a été arrêté pour avoir filmé et retransmis en direct une manifestation réclamant des mesures de protection de l'environnement en 2017. Il a été accusé d'avoir enfreint l’article 330, relatif à l'”abus des libertés démocratiques dans le but d'empiéter sur les intérêts de l'État”. Jugé coupable au début du mois de février 2018, il a été condamné à 14 ans de prison.

Profil de Hoang Duc Binh. Base de données des prisonniers politiques vietnamiens

Le profil résume le procès de Hoang Binh :

Binh received one of the harshest prison terms for a known prisoner at this time. At trial, he affirmed that he made comments about police brutality during the livestream, but he also maintained that this was not a criminal act because it was the truth.

Binh a reçu l'une des peines de prison les plus sévères. Lors de son procès, il a reconnu avoir commenté des faits de violence policière alors qu'il les filmait, mais il maintient qu'il ne peut s'agir d'un acte criminel puisque c'est la vérité.

La base de données met également en lumière l'impact que peut avoir la détention d'activistes et de journalistes citoyens sur leurs proches en fournissant des informations sur la situation actuelle des familles. En effet, l'un des objectifs de la base de données est de permettre de soutenir l'entourage des prisonniers politiques.

Par exemple, nous savons grâce aux articles de presse que la blogueuse Nguyễn Ngọc Như Quỳnh, alias Me Nam (Mère Champignon), purge actuellement une peine de 10 ans de prison pour avoir écrit sur la pollution environnementale et les droits humains. Mais c'est grâce à la base de données que nous apprenons la situation de sa famille :

Quynh’s mother, Nguyen Thi Tuyet Lan, is now caring for Quynh’s two young children. Lan has been followed and harassed by authorities since her daughter's arrest.

La mère de Quynh, Nguyen Thi Tuyet Lan, s'occupe désormais des deux enfants de sa fille. Depuis l'arrestation de la blogueuse, Lan a été suivie et harcelée à plusieurs reprises par les autorités.

Profil de Me Nam (Mère Champignon). Base de données des prisonniers politiques vietnamiens

Les activistes à l'origine du Projet 88 ont assuré que les fonds récoltés ne seraient pas utilisés pour mener des campagnes politiques, mais principalement pour soutenir les familles de prisonniers.