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Le gouvernement vénézuélien veut réglementer la haine sur les médias sociaux

lundi 28 août 2017 à 10:09
Imagen de Esther Vargas en Flickr. Usada bajo licencia (CC BY-SA 2.0)

Image : Esther Vargas sur Flickr (CC BY-SA 2.0)

L'Assemblée Nationale Constituante vénézuélienne (ANC) — entrée en fonctions il y a à peine quelques jours après son intronisation le 21 août — entend réguler l'usage des médias sociaux pour réprimer ce qu'elle décrit comme des “crimes de haine”.

Cette semaine, l'ANC a commencé à examiner un projet de loi intitulé “Ley de Convivencia Pacífica, contra la Intolerancia y la Violencia” [loi de coexistence pacifique, contre l'intolérance et la violence]. L'ANC voit dans ce projet de loi un élément de son mandat de produire une nouvelle constitution nationale dans un cadre temporel de deux ans, pendant la durée duquel toutes les autres autorités publiques sont soumises à sa suprématie.

En juillet 2017, l'Assemblée Nationale Constituante a assumé tous les pouvoirs législatifs jusque-là de la compétence de l'Assemblée Législative Nationale, où l'opposition détenait la majorité, équivalant en pratique à une dissolution du parlement et à une répudiation définitive par le gouvernement vénézuélien du corps législatif élu. Le gouvernement avait déjà déclaré l'Assemblée Législative coupable d’outrage, invalidant d'avance tous ses actes.

L'ANC a été instituée au milieu d'une vague de manifestations qui dévaste le pays depuis des mois, et sur fond de sérieuses interrogations sur la légitimité de ses opérations, sans compter les soupçons de fraude électorale, exécutée par la société même qui a fourni la logistique de l'élection — et le refus international d'en reconnaître la légitimité.

Que le régime chaviste s'en prenne aux médias sociaux, voilà qui n'a pourtant rien de nouveau : en 2010, le gouvernement accusait déjà les réseaux en ligne d'incitation à la haine et à la violence, et leurs utilisateurs courent des risques croissants d'arrestation. En 2014, un projet de loi déposé par le parti au pouvoir voulait catégoriser la contestation sur internet de “cyberterrorisme.”

Delcy Rodríguez, le président en titre de l'ANC, a déclaré :

Las redes sociales se han convertido en la plataforma más grotesca y brutal para atentar contra el pueblo. Esas expresiones, amenazas de muerte, esas expresiones de odio deben acabarse en Venezuela y por eso esta ley va a contener sanciones para el delito de odio, va a contener sanciones y regulaciones en los medios de comunicación.

Les réseaux sociaux se sont convertis en plateforme la plus grotesque et brutale pour ceux qui veulent attenter au peuple. Ces expressions, menaces de mort, ces expressions de haine doivent cesser au Venezuela et c'est pour cela que cette loi contiendra des sanctions contre le délit de haine et des régulations des moyens de communication.

Parmi d'autres critiques, des citoyens ont relevé l'opacité autour de la proposition de loi, dont le texte n'est pas disponible en ligne. Même si ses adeptes affirment que la loi sera discutée “avec le peuple”, c'est monnaie courante que de traiter ce genre de discussions comme une simple formalité, et de les mener en groupes organisés de partisans du pouvoir.

Le projet de texte contre la haine n'est pas mis à la disposition des citoyens pour le lire 

Certains commentateurs ont aussi rappelé une série d'atteintes précédentes à la liberté d'expression, auxquelles peut aujourd'hui se rattacher la volonté de réglementer les médias sociaux.

Maduro continue à réprimer les libertés civiles en bloquant les canaux étrangers et en voulant contrôler les réseaux sociaux. Le Venezuela subit une pleine dictature.

Le projet de loi, présenté devant l'ANC par le président Nicolás Maduro le jour même de sa prestation de serment au “supra-constitutionnel et plénipotentiaire”, veut punir la “haine” sur les réseaux de médias sociaux d'une peine de prison allant jusqu'à 25 ans. Aujourd'hui, avec une ANC toute-puissante uniquement composée de représentants du parti au pouvoir, rien ne paraît pouvoir empêcher l'adoption de la loi.

Priver les mères adolescentes d'école ne va pas réduire les grossesses des élèves en Tanzanie

dimanche 27 août 2017 à 11:24

Cependant, le président tanzanien John Magufuli le croit.

Credit: PesaCheck.org

Ce billet a été publié à l'origine sur PesaCheck.org, première initiative de vérification des faits d'Afrique de l'Est.

Le président tanzanien, John Magufuli, a décidé d'exclure des écoles [fr] les adolescentes mères ou enceintes alors qu'elles étaient encore scolarisées et de ne les laisser y retourner qu'après l'accouchement.

Parlant lors d'un rassemblement à Chalinze, une petite ville dans la région orientale de Pwani, le Président Magufuli s'en est pris aux ONG travaillant en Tanzanie pour encourager les mères adolescentes à retourner à l'école, déclarant qu'elles “achevaient le pays” et le menaient à un état de dégradation “morale :

Si une fille tombe enceinte, délibérément ou par accident et retourne à l'école après son accouchement, elle enseignera à ces autres camarades qui n'ont pas vécu l'expérience, c'est OK. La même fille peut alors repartir et tomber enceinte, accoucher et retourner à l'école. Et encore pour la troisième fois. Est-ce que nous éduquons des parents ?

Le président a ajouté que les mères adolescentes qui fréquentaient l'école primaire ou secondaire seraient expulsées et ne seraient admises qu'après leur accouchement:

Je veux leur dire, ainsi qu'aux ONG que pendant mon administration, aucune fille qui a accouché ne pourra retourner à l'école.

Le président a poursuivi en disant que les mères adolescentes pouvaient aller ailleurs si elles voulaient obtenir une éducation, comme à la Vocational Educational and Training Authority (l'Autorité de l'éducation et de la formation professionnelle), ou même se lancer dans l'agriculture.

L'annonce a déclenché l'indignation dans les médias sociaux, les Tanzaniens utilisant le hashtag #ArudiShule (retour à l'école) pour critiquer la décision, en particulier compte tenu du fait que plus de 8 000 filles tanzaniennes quittent l'école chaque année en raison d'une grossesse selon un rapport de Human Rights Watch [fr].

La question est donc : les mères encore à l'école influencent-elles le comportement reproductif de leurs camarades ?

L'institut PesaCheck a étudié la question, avec l'apport du projet centré sur le citoyen Twaweza, et trouve que la déclaration du Président Magufuli est trompeuse pour les raisons suivantes :

Causes des grossesses chez les adolescentes

Selon les résultats de l'Enquête sur la santé et la démographie en Tanzanie (THDS) 2015-16, le taux de 27% de grossesses chez les adolescentes en Tanzanie continentale est très élevé. Quels facteurs contribuent à ce chiffre ?

Une publication de HakiElimu a révélé que l'opinion des citoyens sur les principales causes de grossesse chez les adolescentes comprend le faible revenu de leur famille d'origine. La publication indique que près de 31% des répondants (y compris les parents et les adolescentes) pensaient que la pauvreté était un facteur clé, les situations économiques difficiles poussent les parents à marier leurs enfants car ils ne sont pas en mesure de répondre à leurs besoins fondamentaux.

Le rapport THDS montre également que la fertilité varie selon les revenus, diminuant avec l'augmentation de la richesse des ménages. Les ménages plus riches ont également un âge de primo-parentalité plus élevé, ce qui signifie que les ménages les plus pauvres sont plus susceptibles d'avoir des mères plus jeunes, très probablement d'âge scolaire.

Corroborant ce fait, un rapport de l'UNICEF montre qu'une femme sur six de 15 à 19 ans est mariée en Tanzanie. Ces filles sont affectées psychologiquement, ce qui signifie que beaucoup d'entre elles ne peuvent plus retourner à l'école une fois qu'elles l'ont abandonnée.

Un autre facteur identifié dans la publication de HakiElimu était “la  mauvaise éducation des filles et leurs aspirations personnelles”. Les enquêteurs ont relevé que certains parents ne passaient pas de temps à l'éducation morale de leurs enfants. Une autre constatation a été le manque d'informations sur la reproduction qui puisse aider les adolescents à comprendre pleinement la puberté. “Beaucoup de parents dans les villages ne parlent pas à leurs filles qui atteignent la puberté”. Les données du rapport de la TDHS 2015 montrent que plus de la moitié des filles ont eu une expérience sexuelle déjà avant l'âge de 16 ans.

Le rapport HakiElimu a également mis en évidence un autre facteur contribuant à la vision sociétale de la valeur d'une fille : elle doit se marier et procréer. 

Le rapport TDHS 2015-16 montre que les taux de fécondité sont fortement liés au niveau de scolarité. Les filles sans éducation ont 3,3 fois plus d'enfants que les femmes ayant fait des études secondaires. Les adolescentes n'ayant pas d'éducation sont 5 fois plus susceptibles de commencer leur procréation que celles qui ont fait des études secondaires ou supérieures. Le rapport TDHS 2010, comme indiqué dans celui de l’ UNICEF (p.12), a constaté que pour la majorité des filles qui accouchent alors qu'elles sont “encore des enfants elles-mêmes” ne sont en fait pas à l'école.

Les mères écolières sont-elles les principales personnes qui influencent les grossesses chez les adolescentes ?

Selon le THDS, avec 8 pour cent, Zanzibar a un taux de grossesses chez les adolescentes sensiblement plus faible par rapport à la Tanzanie continentale. L'ile de Zanzibar a introduit une politique de retour à l'école en 2010 comme mesure visant à réduire les décrochages scolaires. Le Kenya se situe juste entre la Tanzanie continentale et Zanzibar avec 18% de grossesses chez les adolescentes. Dans ces deux endroits, les élèves mères vont à l'école et la fertilité de l'adolescente est beaucoup plus faible.

Par conséquent, la thèse selon laquelle les élèves mères qui retournent à l'école influenceraient les autres élèves et entraîneraient une augmentation des grossesses parmi les adolescentes est infondée. La plupart des recherches concernant les grossesses chez les adolescentes les attribuent à des facteurs économiques et à l'attitude de la communauté ainsi qu'à l'éducation des filles.

Ce billet a été rédigé par la chercheuse Mwegelo Kapinga, consultante en développement et écrivain, auprès de PesaCheck. Mwegelo a précédemment travaillé pour Twaweza East Africa en tant qu'analyste de recherche. L'infographie a été élaborée par le membre de PesaCheck Brian Wachanga, technologue civique kenyan intéressé par la visualisation des données. Ce billet a été édité par Eric Mugendi, rédacteur en chef de PesaCheck .

L'institut PesaCheck, cofondé par Catherine Gicheru, est la première initiative de vérification des faits en Afrique de l'Est. Son but est d'aider le public à distinguer les faits de la fiction dans les déclarations publiques sur les chiffres qui façonnent notre monde, en mettant particulièrement l'accent sur ceux concernant les finances publiques qui illustrent la performance des gouvernements dans la gestion des “services publics de développement durable” ou ceux relatifs à la poursuite des Objectifs de développement durable (ODD) tels que la santé, le développement rural et l'accès à l'eau / assainissement. PesaCheck surveille également la précision des reportages multimédias. Pour en savoir plus sur ce projet, visitez pesacheck.org.

La querelle diplomatique entre Serbie et Macédoine résorbée, pas de guerre en vue

dimanche 27 août 2017 à 04:35

Les unes du quotidien macédonien Sloboden Pečat pendant la crise diplomatique entre la Serbie et la Macédoine. 22 août (à gauche) : “C'est donc nous qui les espionnons pour une fois !” 23 août (centre) : “Skopje répond par le calme aux provocations de Belgrade : Frères serbes, nous vous aimons !” ; 24 août (à droite) : “Vučić et Zaev promettent au téléphone de construire des relations amicales et de dialoguer sur les divergences.”

Deux jours après avoir commencé, la querelle diplomatique entre la Serbie et la Macédoine semble termimée.

La tension est retombée après une conversation téléphonique entre le Premier ministre macédonien Zoran Zaev et le Président serbe Aleksandar Vučić conclue par l”annonce conjointe de leur engagement à résoudre tous les malentendus par le dialogue. La Serbie a annoncé le retour progressif de son personnel à l'ambassade de Skopje.

Les unes des médias pro-gouvernement serbes, qui criaient à la guerre et accusaient les Macédoniens de les “poignarder dans le dos”, ont pris un ton moins incendiaire, avant d’abandonner complètement le sujet. Sur les médias sociaux, la réaction à la frénésie médiatique e été presque unanime dans toute la région, d'indignation contre le bellicisme.

L'essentiel est que les peuples de Serbie et de Macédoine ont REFUSÉ d'être entraînés dans la dispute l!
RE-FU-SÉ !!!

Comme nous les Serbes se sont usé les doigts jusqu'à l'os à retweeter et à se répondre mutuellement ces deux derniers jours. Ce que je veux dire par là c'est que personne ne peut mieux unir qu'un idiot commun !

Les habitants de toute la région ont loué le quotidien macédonien “Slobodon Pecat” pour sa riposte appropriée à la rhétorique guerrière des tabloïds serbes. Sa une du 23 août avait étalé des unes anti-macédoniennes accompagnées d'un gros titre en serbe déclarant “Frères serbes, nous vous aimons !” écrit en cyrillique macédonien.

Telle devrait être la réponse à toutes les tentatives de lynchage de tabloïds. Vous nous haïssez ? Oh. Nous, on vous aime chers frères serbes.

De nombreux utilisateurs de Twitter ont aussi continué à moquer le bellicisme, et à relever les points communs entre les régimes populistes de Vučić et de l'ex-premier ministre Gruevski (2006-2017).

Les Macédoniens ont atteint la troisième place dans la liste des plus grands ennemis des Serbes.
Derrière les promaja et Roms,
devant les Croates et le savon.

Mes armes dans la guerre contre les Serbes seraient la rakija jaune et la viande d'agneau. De leur côté ils peuvent apporter du kajmak et de la couenne de porc. Je ferais une guerre comme ça pendant trois jours.

Un Twittos serbe a fait allusion au mouvement de ‘Révolution colorée’ qui a contribué à mettre à bas le régime autoritaire en Macédoine :

A propos, les Macédoniens, il vous reste de cette peinture ? Nous avons de la peinture à faire d'ici le Nouvel An.

‘Incident clos’ — rien n'est moins sûr !

La crise diplomatic a révélé de nouvelles informations concernant les circonstances de la présence de l'agent de renseignement serbe Goran Živaljević dans le Parlement macédonien durant l'attaque du ‘Jeudi sanglant‘ le 27 avril, quand il avait prisun selfie.

Dans un entretien le 22 août sur la Radio Télévision de Serbie (RTS), le Président serbe Vučić a expliqué que l'agent s'y trouvait avec l'autorisation des plus hautes autorités exécutives de Macédoine. De son côté, le VMRO-DPMNE, le parti aux commandes à l'époque en Macédoine, publiait un démenti affirmant que Vučić ne disait pas la vérité.

Personne [au gouvernement] n'était joignable [par téléphone] pendant l'attaque préméditée contre le Parlement. Živaljević A DEMANDÉ et reçu l'autorisation d'entrer des autorités exécutives. Quand au juste et de qui ?

Le lendemain, RTS a diffusé un communiqué de Živaljević lui-même affirmant que sa présence avait été autorisée par un conseiller à la sécurité du président macédonien Gjorge Ivanov. Ivanov doit son poste au VMRO-DPMNE et a la haute main sur le Service de Renseignement.

Le cabinet d'Ivanov a alors publié un démenti de son cru, clamant que l'agent serbe n'avait pas demandé d'autorisation, mais avait téléphoné ultérieurement pour s'assurer un alibi. Et de souligner que “l'incident concernant la présence non autorisée de M. Živaljević au Parlement est clos après qu'un accord a été trouvé entre les services”, mais tout porte à croire qu'il n'en est rien.

Si c'est exact, ça implique que le Premier ministre Dimitriev, le ministre des Affaires étrangères Poposki, ainsi que le Président Ivanov et son conseiller R sont impliqués dans un coup d'Etat et une Haute trahison

Les appels à une enquête approfondie sur tous les aspects du ‘Jeudi Sanglant’ se sont intensifiés ces derniers jours. Les citoyens réclament une enquête qui pourrait déboucher sur des accusations de haute trahison et/ou une destitution de hauts responsables de mèche avec des services secrets étrangers pendant cette nuit cruciale d'avril, qui a failli voir basculer la Macédoine dans la guerre civile.

La comique française musulmane Samia Orosemane en mission pour créer des liens

samedi 26 août 2017 à 12:00

Samia Orosemane rit des stérétotypes maghrébins dans son spectacle parisien. Photographie : Adeline Sire

Cet article d’Adeline Sire est d'abord paru sur PRI.org le 16 aout 2017. Il est reproduit ici dans le cadre d'un partenariat entre PRI et Global Voices.

Ce n'est pas un petit exploit que de se faire un nom sur scène, et encore plus en tant que comique, quand on est une musulmane issue d'une banlieue défavorisée de Paris.

Mais voici Samia Orosemane.

Au début de son spectacle parisien “Femme de couleurs”, la comique de 37 ans d'origine tunisienne fait son entrée sur une bande-son mélangeant “les Dents de la mer” et “la Guerre des étoiles”. Voilée de noir de la tête aux pieds, elle arpente la scène d'une façon menaçante. Puis, dans un murmure parodiant Dark Vador, elle annonce : “Je suis ta mère”. L'audience éclate de rire.

“Oh, c'est ça qui vous fait peur ?”, demande-t-elle en pointant son voile du doigt. “Ne vous inquiétez pas, c'est une décapotable.”

Elle enlève le voile et montre sa tête couverte d'un turban.

Ça, c'est Orosemane qui s'attaque au tabou du hidjab. En France, tous les signes extérieurs religieux, dont le voile islamique, sont bannis des écoles publiques et pour certains fonctionnaires. À la place, Orosemane porte un turban coloré, ce dont, explique-t-elle, certains s'offensent : elle devrait être plus modeste et ne pas se montrer.

“J'ai envie de leur dire ‘Mêlez-vous de vos oignons’. Certains disent que mon turban n'est pas aussi correct qu'un vrai foulard parce qu'on voit encore les lobes de mes oreilles et que c'est trop sexy. J'ai envie de leur répondre ce qu'un comique m'a dit une fois : ‘Sur scène, tu es sensée être nue, comment peux-tu y arriver avec un foulard sur la tête ?’ Ça fait partie de moi, c'est comme si je vous disais que je n'aime pas votre coupe de cheveux. Je suis là pour faire rire les gens, pas pour me retrouver prise dans une conversation religieuse. Mon travail, c'est la comédie, et je trouve que je le fais bien.”

Le jour où je l'ai rencontrée, Orosemane portait un turban rose saumon avec une veste, un rouge à lèvres et une ombre à paupières assortis. S'habiller comme bon lui semble est sa propre position féministe.

Dans son spectacle, Orosemane se moque de nombreux accents et stéréotypes, des Maghrébins aux jeunes bourgeoises parisiennes. La satire est mordante mais jamais méchante. Elle considère que son style d'humour donne la même chance à tous d'être offensé, et le public le comprend.

“C'est difficile de me définir”, pense-t-elle. “En fait, même les gens de mon milieu ne comprennent pas ce qu'il se passe. Comme je m'en prends à tout le monde, personne ne sait qui je suis. Je suis un ovni. Je suis un femme, née en France de parents tunisiens, habillée comme une Africaine noire, qui vit sa vie et porte un turban. Je prends mes propres décisions. Je n'essaie de rentrer dans aucun moule. Je n'essaie pas de plaire.”

Orosemane se moque aussi de sa propre culturel tunisienne. Au cœur de son spectacle se trouve la longue bataille qu'elle a mené avec sa mère quand elle est sortie avec un homme noir, un Français de la Martinique converti à l'islam. Elle mime la réaction de sa mère quand elle lui a annoncé qu'elle voulait l'épouser. C'est un hurlement de désespoir.

Pour certains parmi la communauté d'Orosemane, épouser quelqu'un qui ne vient pas du Maghreb ne se fait pas, même si cette personne est musulmane.

“Ma mère me disait souvent ‘Je préfèrerais un Arabe qui boit à un Noir qui prie'”, dit-elle. “C'est un racisme viscéral qui prévaut au Maghreb, comme partout. Chacun a peur de l'autre. S'attaquer à ce sujet sur scène est une façon de faire réfléchir les gens.”

La mère d'Orosemane a fini par donner sa bénédiction au mariage. Sur scène, Orosemane se vante d'être une épouse peu conventionnelle.

“Chez nous, c'est lui qui fait le ménage, les courses, la cuisine, et moi je mets le bazar. Quand je rentre à la maison, je jette mon foulard ici, mon manteau là-bas, mon sac à main ailleurs, et il me dit ‘Samia, respecte mon travail !’ “

Elle se déplace rapidement sur la scène et ajoute doucement, avec un sourire : “C'est tellement bien de ne pas être casée avec un Arabe !”

Elle ajoute ensuite : “à toutes les mères arabes du public qui vont m'attendre à la sortie du spectacle, je voudrais faire une remarque. J'arrêterais de dire ça quand vous apprendrez à vos fils à nettoyer après eux.”

Ce qui lui vaut rires et applaudissements.

L'objectif de son spectacle est bien sûr de faire rire son public, mais elle veut aussi élargir leur horizon.

“J'essaie d'être le plus utile possible. Si je peux créer des ponts là où il y a des murs, alors je suis heureuse. De toute façon, j'essaie. Si ça marche, tant mieux. Sinon, je m'adresserai à d'autres.”

Une expérience sur le genre et l'éducation dans l'état du Gujarat en Inde

vendredi 25 août 2017 à 16:00

Image de Wikimedia Commons par Will Humprey. Enfants recevant des bonbons, Sri Ram Ashram, Shyampur, Inde. CC BY-SA 3.0.

Cet article de Madhura Chakraborty a été publié à l'origine sur Video Volunteers, une organisation internationale primée de médias communautaires basée en Inde. Une version adaptée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Les garçons ne pleurent pas. Assieds-toi comme une dame. Barbie pour les filles et Lego pour les garçons. Ce sont des adages inoffensifs avec lesquels des générations ont grandi. Mais sont-ils vraiment innocents ou même bien intentionnés ?

Les filles ne doivent pas seulement porter du rose : elles doivent aussi jouer avec des aspirateurs et être proches d'animaux doux à câliner. Les garçons, quant à eux, doivent porter du bleu et être des aventuriers.

La plupart des gens n'ont jamais remis en question ces préjugés inflexibles et finissent même par les répéter tout au long de leurs vies. Quand une petite fille reçoit un aspirateur et un petit garçon un T-shirt de la NASA, les adultes leur montrent ce qu'ils attendent d'eux : la fille doit devenir femme au foyer et le garçon devrait être astronaute.

Apparently we can't even read the same stories any more. Also, boys like aliens, girls like bunnies 🙄😒 #genderstereotypes #whyweneedfeminism #startemyoung

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Apparemment on ne peut même plus lire les mêmes histoires. De plus, les garçons aiment les extra-terrestres, les filles, les lapins.

How strategic of @toysrus to display the toy vacuum cleaners directly beneath the princess costumes. Aspire higher, ladies. #genderstereotypes #sexismisreal #greatpretenders

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Emplacement stratégique de @toysrus présentant les aspirateurs juste à côté des costumes de princesse. Visez plus haut, mesdames.

Ça ne se limite pas à une différence de rôles, c'est une différence hiérarchisée. Pour la plupart des gens, il n'y a aucun doute qu'être astronaute est plus difficile que de passer l'aspirateur dans une maison.

Notre consœur Daxaben Punjabhai du Gujarat a décidé d'enquêter dans une zone rurale sur la façon dont ces enfants se fient aux stéréotypes de genres normalisés dans leurs familles et entourage. Bien que le Gujarat soit un état économiquement développé, il reste à la traîne en termes de mesures d'égalité sociale. Daxaben Punjabhai a demandé aux enfants de jouer différentes situations : comment les garçons pleurent-ils, rient-ils, s'assoient-ils, se tiennent-ils debout, marchent-ils et dansent-ils ? Et qu'en est-il des filles ? Leurs réponses ne sont pas aussi similaires qu'on pourrait s'y attendre, comme le montre la vidéo ci-dessous :

Parfois, les différences de genre ne sont que vestimentaires : les garçons portent le dupatta (écharpe) pour montrer qu'ils endossent leurs rôles féminins. Les filles portent des lunettes de soleil et un chapeau pour prendre leurs rôles masculins.

Dans tous les cas, il y a une vraie différence entre les deux genres quand on leur demande de montrer ce qui les différencie lorsqu'ils s'assoient, se tiennent debout, marchent et dansent, alors qu'ils pleurent ou rient à peu près de la même manière. Pour les deux, lorsque les filles s'assoient, elles le font sans ambiguïté d'une façon “féminine” : main sur la joue et jambes sagement croisées. Quand les garçons s'assoient, il émane d'eux une insouciance désinvolte masculine : les bras croisés sur la poitrine de façon autoritaire ou les jambes confortablement entrouvertes.

Quant on leur demande de s'asseoir comme des garçons, garçons comme filles prennent des postures autoritaires.

Quand elles marchent, les filles doivent se dehancher comme si elles défilaient. Les garçons roulent des mécaniques, relèvent leur cols et portent souvent des lunettes de soleil (apparemment).

Les stéréotypes dictent aux filles de marcher comme si elles défilaient.

La différence la plus remarquable est leur perception de la danse. Les filles sont apparemment plus réservées, se servent surtout du dupatta et ne bougent que leurs mains et hanches.

A l'inverse, les filles pensent que les garçons ne dansent que le Punjabi bhangra, une danse décomplexée et joyeusement exubérante. Les garçons pensent même que leurs pas de danse doivent démontrent leur capacités physiques – ils font la roue et des pas de breakdance compliqués.

D'après cette petite fille, un garçon danse comme ça.

Les filles se déhanchent, d'après ce garçon.

Bien que ce soit amusant de les voir se prêter au jeu avec autant d'enthousiasme, mais la vidéo démontre aussi la hiérarchie inhérente des rôles de genre patriarcaux. Les filles dansent sans complexe quand elles imitent les garçons. Elles n'en sont pas incapables ou moins compétentes, ni même aiment moins le faire. Mais une chose les limite : leur environnement patriarcal.

Certains peuvent être tentés d'argumenter que les choses se passent mieux pour les filles en ville ou dans les métropoles. Mais qu'en est-il vraiment ? Radhika, qui travaille au bureau de Goa de Video Volunteers, se souvient qu'elle devait affirmer sa féminité quand elle était enfant :

I had short hair. So all the neighborhood kids would keep referring to me as a boy. I countered them by pointing out my painted nails: how could I be a boy if I was wearing nail polish?!

J'avais les cheveux courts. Donc tous les enfants du voisinage s'adressaient à moi comme à un garçon. Je leur montrais pourtant mes ongles vernis : comment pouvais-je être un garçon si je portais du vernis à ongles ?!

Mais tous les exemples ne sont pas si anodins : les garçons sont grondés s'ils pleurent ou agissent “comme une fille”, ce qui peut avoir de sérieuses conséquences psychologiques. Suivant les rôles patriarcaux assignés, les garçons ne doivent jamais exprimer leurs émotions ou leur vulnérabilité, bien que ce soit très certainement horrible de condamner un jeune enfant à ce comportement.

De la même façon, on complimente les filles en leur disant qu'elles sont “mignonnes” ou “jolies”. Elles ne sont pas “courageuses”, elles sont des “princesses”. Une étude démontre que les parents sont quatre fois plus susceptibles d'avertir leurs filles que leurs garçons des mésaventures de l'enfance qui, bien que non mortelles, entraînent une visite aux urgences.

My Son with his newly demanded Kitchen Set. Thanks to his Father who helps me in #BreakingStereotypes of job roles. #livingfearlesslyauthentic #indianstereotypes #jobroles #genderstereotypes #kitchensettoys

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Mon fils avec sa nouvelle dînette. Reconnaissante envers son père qui m'aide à rompre les stéréotypes des rôles.

Quand les enfants ne se conforment pas aux stéréotypes de genre, ils apprennent à voir le monde autrement qu'en rose et bleu. Un garçon qui joue avec des ustensiles de cuisine peut apprendre à aider aux tâches ménagères plutôt que d'avoir besoin de publicités pour lessive, pour lesquelles le “partage des tâches” se borne à mettre la machine à laver en route de temps en temps.

De plus en plus de jeunes femmes à travers le monde écrivent, peignent et créent des mèmes pour contester et renverser les attentes des rôles traditionnels. Elles le font avec humour et empathie, mais se font souvent harceler en ligne par des trolls qui lancent des attaques toujours plus vicieuses pour “défendre” leur privilèges masculins. Il nous incombe à tous de parler et d'écrire sur ce sujet pour qu'un jour un petit garçon portant une jupe et une petite fille jouant aux soldats ne soient plus des aberrations.

Video Volunteers est le seul réseau d'information qui a pour objectif de couvrir les territoires les plus pauvres et les plus occultés par la grande presse indienne.