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Pourquoi l'opposition veut renverser le gouvernement du Monténégro

lundi 2 novembre 2015 à 20:29
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Tentes dressées dans la rue en face du Parlement à Podgorica. Photo tirée de la page Facebook de Sloboda Traži Ljude, avec sa permission.

Le Monténégro, petit pays situé sur la côte adriatique et resté relativement discret durant l'histoire turbulente des Balkans, a fait la une des journaux dans les médias internationaux au mois d'octobre.

Menés par les leaders de l'opposition, des milliers de citoyens monténégrins sont descendus dans la rue durant le week-end du 17 octobre 2015 pour faire entendre leur insatisfaction face à un gouvernement qui est au pouvoir depuis près de 30 ans ; ils n'ont été accueillis que par des violences policières.

Ce qui aux yeux du reste du monde apparaît comme un renversement soudain de l'atmosphère régnant dans le pays n'est pas une surprise pour les habitants de la région.

La mainmise historique de Milo Djukanovic sur le Monténégro

Le premier ministre Milo Djukanovic dirige les affaires du pays – d'une façon ou d'une autre – depuis 1991. Certains disent que Djukanovic est de facto au pouvoir depuis 26 ans, depuis qu'avec les membres de la ligue communiste Momir Bulatović et Svetozar Marović il s'est emparé des rênes du pays et a pris le contrôle institutionnel total du Monténégro en janvier 1989.

Selon les chiffres, il est le dirigeant non royal qui, en Europe, règne depuis le plus longtemps. Djukanovic fut premier ministre de 1991 à 1998, puis président du Monténégro de 1998 à 2002, puis à nouveau premier ministre de 2003 à 2006, après quoi il annonça qu'il se retirait de la politique. Il mit rapidement fin à sa retraite et occupa de nouveau le poste de premier ministre en 2008. Les allégations selon lequelles il n'aurait eu, durant sa courte retraite, aucune influence sur les décisions politiques prises dans le pays, laissent très sceptique.

Un protestant au Monténégro tient une affiche qui symbolise la présence au pouvoir de près de 27 ans de Djukanović -- depuis ses débuts dans le parti communiste d'ex-Yougoslavie jusqu'à la mainmise qu'il a aujourd'hui sur le pays, que beaucoup ont qualifée de fasciste.

Un manifestant au Monténégro tient une affiche qui symbolise la présence au pouvoir de près de 27 ans de Djukanović — depuis ses débuts dans le parti communiste d'ex-Yougoslavie jusqu'à la mainmise qu'il a aujourd'hui sur le pays, que certains ont qualifée de ‘fasciste’. Photo tirée de la page Facebook de Sloboda Traži Ljude, avec sa permission.

#Le Monténégro est le seul pays d'Europe qui n'a pas connu de changement de pouvoir depuis la chute du Mur de Berlin… #protesticg

Il fut un allié de Slobodan Milošević, le “Boucher des Balkans” à la main de fer qui dirigea la Serbie puis l'ex-Yougoslavie durant les années 1990, avec lequel il a fini par chuter.

Djukanovic et les membres de son régime ont aussi été liés à des activités illégales comme de la contrebande, des réseaux organisés de vols de voiture en Europe, du blanchiment d'argent, du racket, accusations qu'ils récusent. Dans un article récent, le journal Balkanist décrit quelques unes des activités dans lesquelles Djukanovic et ses associés auraient été impliqués :

When harsh war sanctions befell Montenegro, Djukanovic’s solution for rescuing the country’s exchequer was to facilitate an international cigarette-smuggling ring, in collaboration with the Italian mafia. In the process, he and his crew of crooks took a substantial share of the spoils, amassing millions offshore.

Lorsque les dures sanctions de guerre ont touché le Monténégro, la solution de Djukanovic pour sauver les finances du pays a été de faciliter les réseaux de contrebande de cigarettes en collaboration avec la mafia italienne. Au cours de l'opération, lui et son équipe ont prélevé une part importante des sommes engrangées, mettant de côté des millions.

Pro-Russe ? Pas tout à fait

Depuis que les manifestations au Monténégro ont fait les Unes à l'international, de nombreux médias ont attribué l'instatisfaction du peuple monténégrin vis-à-vis de son gouvernement aux  “nationalistes serbes” ou “pro-Russes” dans la société monténégrine. Toutefois, comme pour les manifestations d'Euromaidan en Ukraine en 2014 et les plus petites manifestations anti-gouvernementales qui ont régulièrement lieu en Macédoine, les raisons des manifestations anti-gouvernementales au Monténégro sont plus profondes.

Tandis que le PIB du pays est en constante augmentation depuis une décénnie, et que le Monténégro est le seul pays non-européen à avoir introduit l'euro comme monnaie officielle, il possède un des gouvernements les plus corrompus d'Europe. Selon les données de la banque mondiale, plus de 11% de la population du pays vit sous le seuil de pauvreté et la plupart des habitants sont globalement insatisfaits de la qualité de vie dans le pays.

Le 17 octobre, mené par les leaders de l'opposition, les Montenegrins se sont rassemblés pacifiquement par centaines dans le centre-ville de Podgorica et d'autres villes afin de manifester. Les organisateurs ont mis en place un site internet et une page Facebook qui sert non seulement à lancer les appels à manifester, mais aussi à fournir des informations régulières sur les manifestations et sur les incidents provoqués par les violences policières. Les médias étant, dans la région, généralement influencés politiquement ou possédés par l'Etat, les organisateurs ont aussi fourni une couverture en direct des manifestations sur YouTube, affirmant sur leur site : “Ne laissez pas les médias vous servir l'information, regardez les vidéos des manifestations ou suivez notre blog en direct”.

Des affrontements qui font des blessés

En quelques heures, les forces de police ont réprimé les manifestants, laissant plus de 120 blessés derrière eux. Selon les compte-rendus officiels de la police et des médias nationaux, l'action de la police fut une réponse aux attaques de certains manifestants contre les agents de police.

Les manifestations ont néanmoins continué et les participants ont dressé des tentes dans la rue et, à Podgorica, dans le parc en face du bâtiment où siège le Parlement.

Durant la nuit du 24 octobre, la police a à nouveau réprimé les manifestants, cette fois-ci utilisant ce que de nombreux témoins oculaires ont qualifié de quantités excessives de gaz lacrymogènes et de force physique. De nombreux protestataires ont été arrêtés et des dizaines d'entre eux blessés.

#DERNIERE MINUTE : De violents heurts ont eu lieu au #Montenegro après un rassemblement anti-gouvernemental

Des bavures policières filmées

Afin de contrecarrer les affirmations officielles selon lesquelles la force employée par la police fut provoquée par des attaques à l'encontre des agents de police, des personnes ont filmé ceux qui ont “provoqué” les attaques contre la police et ont posté la vidéo sur YouTube. Cette vidéo montre plusieurs hommes en tenue décontractée et sweats à capuche sortir de jeeps de la police sur un parking du centre-ville de Podgorica et se diriger vers les manifestants. Les organisateurs des manifestations considèrent que ces hommes sont des agents de police ou qu'ils ont été embauchés par la police pour infiltrer les manifestations et pour inciter à la violence, afin que les forces de police puissent réagir plus violemment.

D'autres vidéos similaires sont disponibles sur la chaîne YouTube des organisateurs ainsi que des enregistrements vidéos d'agressions ou de destruction de biens privés par les forces de police.

Une autre vidéo, qui a été visionnée plus de 150 000 fois, montre deux dizaines d'officiers de police entourant un véhicule à un feu de signalisation, matraquer le véhicule puis sortir son chauffeur dans la rue pour le battre et lui donner des coups de pied. Cet homme s'appelle Milorad Martinović, et il est le représentant de l'association de boxe monténégrine ; il a été admis à l'hôpital après l'agression, souffrant de “blessures physiques graves”.

Les manifestants avaient toutefois décidé de redescendre dans la rue et les manifestations ont continué le 31 octobre. Selon les informations partagées sur les réseaux sociaux, les manifestations n'étaient pas seulement prévues à Podgorica mais aussi dans d'autres villes du pays. Les manifestants se sont rassemblés pour écouter les leaders d'opposition dans une salle de concert de Herceg Novi, tandis que d'autres continuaient à protester dans les rues de Podgorica, Herceg Novi et ailleurs.

Il semble qu'il n'y ait plus aucune peur parmi les manifestants à #Podgorica, peut-être pour la première fois depuis 25 années de Djukanovic au pouvoir #protesticg

Le peuple rassemblé à Herceg Novi le 31 octobre pour soutenir des semaines de manifestations dans la capitale Podgorica. Photo tirée de la page Facebook de Sloboda Traži Ljude, avec sa permission.

Le peuple rassemblé à Herceg Novi le 31 octobre pour soutenir des semaines de manifestations dans la capitale Podgorica. Photo tirée de la page Facebook de Sloboda Traži Ljude, avec sa permission.

En Indonésie, des survivantes des massacres de 1965 sortent du silence

lundi 2 novembre 2015 à 16:14
Vena Taka. Her brother and father were arrested in 1966. "I didn’t know that my dad and younger brother had been detained, where they had been killed. Even where they had been buried, I didn’t know." Photo from Asia Justice and Rights

Vena Taka. Son frère et son père ont été arrêtés en 1966. «J'ignorais que mon père et mon plus jeune frère avaient été arrêtés, et l'endroit où on les a tués.  Même l'endroit où ils ont été enterrés, je ne le connaissais pas.» Photo de Asia Justice and Rights.

Le groupe Asia Justice and Rights a réalisé une série d'entretiens avec 26 femmes qui ont survécu aux massacres et violence survenus en Indonésie durant la purge anticommuniste menée par l'armée en 1965.

Cinquante ans ont passé depuis l'arrestation par l'armée de centaines de milliers de communistes et de leurs partisans présumés dans le cadre d'une campagne visant à sauver le pays du “fléau du communisme”. On estime qu'un demi-million de personnes ont été tuées au cours de l'hystérie anticommuniste et bien d'autres Indonésiens ont subi ′la torture, les disparitions forcées, le viol, l'esclavage, agressions sexuelles, les arrestations arbitraires et la détention, les déplacements forcés et le travail forcé’ après 1965. L'armée prétendit qu'elle avait seulement riposté, et accusa les communistes d'avoir d'abord attaqué les forces gouvernementales.

Le général Soeharto est arrivé au pouvoir durant cette période et est resté à la tête de l'Indonésie jusqu'en 1998, date où un soulèvement populaire l'a forcé à démissionner. Lorsqu'il était au pouvoir, Soeharto n'autorisait pas les médias, les universitaires ou les citoyens à évoquer ou enquêter sur ce qui s'était réellement passé en 1965. Cela se produisit uniquement après son éviction, quand des victimes et des témoins se manifestèrent pour partager leur histoire.

En 2012, la Commission nationale des droits humains d'Indonésie a déclaré que l'armée avait commis des violations graves des droits humains en 1965.

En août dernier, le président Jokowi a proposé la formation d'une commission de réconciliation afin de traiter les questions liées aux massacres de 1965 encore en suspens. L'importance persistante de l'héritage de Soeharto est cependant apparue lorsque les principaux partis politiques indonésiens et l'armée ont rejeté la proposition de Jokowi.

Ce mois-ci, un festival littéraire dont l'objectif était de partager des histoires autour des événements de 1965 a été annulé sous la pression du gouvernement.

Cependant, si le gouvernement hésite à regarder en arrière et à réfléchir aux enseignements des massacres de 1965, de nombreuses personnes et collectifs en Indonésie sont prêts à creuser plus profondément dans le passé et réclament justice au nom des victimes de violences et autres crimes contre l'humanité.

Une session du tribunal international des peuples est organisée le mois prochain à La Haye afin d'enquêter sur la responsabilité du gouvernement indonésien lors des violences de 1965.

Dans le même temps, les recherches menées par Asia Justice and Rights sont une manière poignante et dérangeante d'en apprendre davantage sur les gens ordinaires qui ont supporté des décennies de violence et de discrimination sous le régime de Soeharto. De nombreuses survivantes sont des épouses ou des filles de prisonniers politiques et de soutiens présumés des communistes. Leurs histoires nous rappellent que la quête de vérité et de justice demeure une revendication politique essentielle mais insatisfaite en Indonésie.

Frangkina Boboy. Her father was suspected of being involved with the Communist Party, and was arrested and detained in 1965. "My father had land in Lasiana—a house and rice fields—but because he was accused of being a communist, his family took it. We had nothing, and had to squat on land that was actually owned by my parents." Photo from Asia Justice and Rights

Frangkina Boboy. On a accusé son père d'avoir des liens avec le Parti communiste, ce qui a conduit à son arrestation et à sa détention en 1965. «Mon père possédait des terres à Lasiana—une maison et des rizières—mais quand on l'a accusé d'être communiste, sa famille s'en est emparée. Nous n'avions rien, et devions occuper illégalement des terres qui appartenait en réalité à mes parents.» Photo de Asia Justice and Rights.

Migelina A. Markus, detained in 1965 along with both of her parents and her siblings. "The ‘65 tragedy made us lose our parents, my older brother, and there were a lot of disappearances without any trial or evidence [showing] they had betrayed the state or nation. I want to testify so that people know the truth about the events we experienced." Photo from Asia Justice and Rights

Migelina A. Markus, arrêtée en 1965 avec ses deux parents et ses frères et sœurs. «La tragédie de 65 a provoqué la perte de nos parents et de mon frère aîné et de nombreuses personnes ont disparu sans qu'aucun procès ou indice [ne démontre] qu'elles avaient trahi l'Etat ou nation. Je veux témoigner afin que les gens apprennent la vérité sur les événements que nous avons vécus.» Photo de Asia Justice and Rights.

Lasinem's husband was arrested and tortured in 1969, and eventually sent to Buru Island. "[My husband] was picked up by soldiers, his own friends, and taken to the village office (Kelurahan). He was beaten, sat upright in a chair and beaten. His back was trampled on until he was wounded all over. At first I was confused and scared, terrified, and I realized I had lost my protector, and my source of financial support. What about my young children? They need to eat!…I’m still wounded because I remember things that happened in the past… There is still a wound in my heart." Photo from Asia Justice and Rights

Le mari de Lasinem a été arrêté et torturé en 1969 jusqu'à son transfert sur l'île de Buru. «[Mon mari] a été emmené par des soldats, ses propres amis et conduit au bureau du village (Kelurahan). On l'a battu, assis droit sur une chaise et battu. On lui a écrasé le dos jusqu'à ce qu'il soit complètement meurtri. Au départ, j'étais désorientée et effrayée, terrifiée, et j'ai réalisé que j'avais perdu mon protecteur et ma source de soutien financier. Et qu'en serait-il de mes jeunes enfants? Ils ont besoin de manger!… Je souffre toujours car je me souviens de choses qui se sont produites dans le passé… Je suis toujours blessée dans mon cœur.» Photo de Asia Justice and Rights.

Kadmiyati was studying at a teacher’s college in Yogyakarta in 1965 when she was arrested. "When will there be justice? Who is sadistic and cruel? The communists? Or the perpetrators of the killings? Find out the truth." Photo from Asia Justice and Rights

Kadmiyati étudiait dans un institut de formation des enseignants à Yogyakarta en 1965 quand on l'a arrêtée. «Quand justice sera-t-elle rendue? Qui est sadique et cruel? Les communistes? Ou les auteurs des massacres? [Nous devons] découvrir la vérité.» Photo de Asia Justice and Rights.

Hartiti. Arrested in 1966, one of her children passed away from an illness while she was detained. "My first child was old enough to understand her mother’s suffering. She thought about it until she died. She also often heard news about me. She died because she heard people saying things  that hurt her." Photo from Asia Justice and Rights

Hartiti. Arrêtée en 1966, un de ses enfants a été emporté par une maladie au moment de sa détention. «Ma fille aînée était assez âgée pour comprendre la souffrance de sa mère. Elle y a pensé jusqu'à sa mort. Elle entendait souvent parler de moi également. Elle est morte parce qu'elle a entendu des gens dire des choses qui l'ont blessée.» Photo de Asia Justice and Rights.

Oni Ponirah. She was 17 when she was arrested in 1965. "I was told I was only being taken in for questioning. It turns out I was held for 14 years. From 1965 until end of December 1979… We never got justice. I hope the government will apologize to the victims." Photo from Asia Justice and Rights.

Oni Ponirah. Elle avait 17 ans lorsqu'elle a été arrêtée en 1965. «On m'a dit que l'on m'emmenait simplement pour m'interroger. J'ai été en réalité emprisonnée pendant 14 ans. De 1965 à fin décembre 1979… Nous n'avons jamais obtenu justice. J'espère que le gouvernement présentera ses excuses aux victimes.» Photo de Asia Justice and Rights.

Photos et légendes reproduites avec l'aimable autorisation de Asia Justice and Rights.

Une première au Canada : un immigré somalien remporte un siège au Parlement

samedi 31 octobre 2015 à 17:58
M. Justin Trudeau en pleine campagne, visitant alors le candidat Ahmed Hussen dans son district de Toronto. Ahmed Hussen a remporté la course, devenant le premier élu au Parlement canadien  d'origine somalienne au Canada. Crédit: Adam Scotti. Utilisé avec la permission de PRI.

M. Justin Trudeau en pleine campagne, visitant alors le candidat Ahmed Hussen dans son district de Toronto. Ahmed Hussen a remporté la course, devenant le premier élu au Parlement d'origine somalienne au Canada. Crédit: Adam Scotti. Utilisé avec la permission de PRI.

Cet article et le reportage radio de Carol Hills pour The World ont été publiés à l'origine par  le 22 octobre, 2015, et est republié ici dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

En 1993, Ahmed Hussen arrivé au Canada seul, était un réfugié de 16 ans originaire de Somalie. Cette semaine, l'avocat et père de deux enfants a été élu au Parlement du Canada, une première pour un citoyen d'origine somalienne.

Listen to this story on PRI.org »

“Je pense que c'est une première”, dit-il. “Cela montre que le Canada est l'un des plus grands pays au monde où vous pouvez vous intégrer rapidement dans la classe moyenne et devenir tout ce que vous voulez être.”

M. Hussen représente York South-Weston, un quartier de Toronto fortement peuplé d'immigrés. Le Canada abrite environ 150.000 canadiens d'origine somalienne. “Pour une communauté qui est relativement nouvelle et fermée, je pense que beaucoup de canadiens d'origine somalienne et beaucoup de jeunes avec lesquels j'ai travaillé voient cette victoire comme quelque chose qui doit les inciter à travailler plus dur”.

La route de M. Hussen pour le Parlement est une aventure à la Horatio Alger [fr] auCanada (Alger était un romancier américain célèbre pour ses histoires sur les garçons qui échappent à la pauvreté grâce à leur honnêteté et à leur dur travail). Après son arrivée en provenance de Somalie, adolescent, M. Hussen a terminé l'école secondaire, il vivait avec sa famille dans un HLM et exerçait des emplois faiblement rémunérés pour économiser de l'argent pour le collège. Il a également été bénévole pour les politiciens locaux. Cela lui a procuré des recommandations pour du travail rémunéré et finalement M. Hussen a obtenu un emploi pour un candidat du Parti libéral, qui a fini par devenir premier ministre de l'Ontario. Il a quitté son poste pour devenir président de l'organisation du Congrès des somaliens canadiens. Mais Hussen est catégorique: “Je suis canadien d'abord et somalien ensuite”. 

Si l'Amérique est célèbre comme melting-pot, le Canada tient à une autre métaphore: c'est une mosaïque.

“Melting pot signifie que vous venez de partout et tout le monde est assimilé tout simplement dans un ensemble géant,” dit M. Hussen. “Au Canada, nous encourageons les gens à chérir leur patrimoine et leur culture, mais aussi à essayer d'embrasser les valeurs canadiennes communes, comme le respect des droits humains et des minorités.”

Comme les États-Unis, le Canada est composé de gens provenant de partout dans le monde et M. Hussen dit que la force du pays provient de cette diversité. “Contrairement à d'autres pays qui sont déchirés en raison des différences de religion et l'ethnicité, le Canada a réussi dans une large mesure à rester fort et uni en dépit de toutes ses différences “.

M. Ahmed Hussen dit que la communauté canadienne-somalienne apporte avec elle certaines forces naturelles. “Depuis la Somalie, ils apportent une histoire très riche en matière d'entrepreneuriat, une volonté de prendre des risques pour faire des affaires dans des endroits perdus. Ils ont apporté cela aussi au Canada.” Hussen dit dans que dans des quartiers entiers d'Edmonton, Alberta, les somaliens-canadiens ont revitalisé dans l'ouverture de petits commerces, des restaurants et des échoppes.”

La communauté somalienne-canadienne n'est pas sans ses défis. Il y a le chômage, la pauvreté et la violence des jeunes. Et les fonctionnaires canadiens disent qu'ils ont intercepté ou sont intervenus dans quelques cas impliquant de jeunes somaliens canadiens voulant rejoindre l'organisation militante al-Shabaab en Somalie. Mais M. Hussen dit que leur nombre est très faible. “La grande majorité de la communauté va de l'avant. Ils s'intègrent. Les jeunes sont diplômés de collèges et d'universités. Ils sont de plus en plus nombreux à accéder à des emplois qualifiés et à des professions libérales. “

Un pays dévasté par un séisme fait face à l’embargo indien : bienvenue au Népal.

samedi 31 octobre 2015 à 11:42
Bikes queue up at the Sajha petrol pump in Pulchowk, Lalitpur in Nepal. Image by Kristine Lau. Copyright Demotix (September 29th, 2015)

Des motos faisant la queue à la station essence à Pulchowk, Lalitpur, Népal. Image de Kristine Lau. Copyright Demotix (29 septembre 2015)

Tous les liens associés dans ce billet renvoient à des pages en anglais, sauf mention contraire.

Le Népal souffre aujourd’hui d’une pénurie majeure de fuel et de vivres en raison de plusieurs milliers de camions bloqués à la frontière entre l’Inde et le Népal, contenant des marchandises en provenance de l’Inde. La pénurie de fuel est tellement critique que le gouvernement népalais a mis en place un rationnement du fuel dans tout le pays le vendredi 25 septembre 2015. Le Népal est un pays enclavé aux frontières ouvertes avec l’Inde sur trois côtés et qui dépend des vivres en provenance d’Inde, notamment pour les produits alimentaires et le fuel.

Les représentants du gouvernement du Népal ont accusé l’Inde d’imposer des “restrictions économiques non officielles”, empêchant les camions d’introduire des vivres au Népal près de la zone frontalière de Madhes. Par ailleurs, l’Inde s’est défendu en soutenant que les groupes ethniques Madhesis qui protestent contre la Nouvelle Constitution du Népal sont les vrais responsables de l’obstruction à la frontière. Les représentants officiels indiens déclarent qu’ils ont par conséquent seulement arrêté le trafic vers le Népal pour des raisons de sécurité.

Le 20 septembre 2015, la nouvelle constitution du Népal a remplacé la précédente, la Constitution d’Interim, qui a duré huit longues années. Près de 90% de l’Assemblée Constituante ont participé au vote concernant la nouvelle Constitution, et 95% d’entre eux ont voté en sa faveur.

Nepalese people attend a celebration program to mark the beginning of constitution in the country. Image by Sunil Sharma. Copyright Demotix (21/9/2015)

Le peuple népalais participant à un programme de célébration marquant le début de la Nouvelle Constitution dans le pays. Image de Sunil Sharma. Copyright Demotix (9 Septembre 2015)

Nombreux sont ceux au Népal qui ont bien accueilli la Nouvelle Constitution, espérant qu’elle mettrait fin aux tensions entre les Maoïstes et les autres groupes politiques.

Plusieurs minorités népalaises, tels les Madhesis, les Tharums et les Janjatis, se sont cependant opposées à la Nouvelle Constitution, disant qu’elle entravait leurs droits. D’après ces minorités, la Nouvelle Constitution n’honore pas la Constitution d’Interim et les anciens accords signés avec les Madhesis et les autres minorités. Ces accords concernaient les droits pour une province de pouvoir choisir sa langue officielle, son autonomie et son droit à l’auto-détermination.

Amit Ranjan explique à Madhesi Youth pourquoi les Madhesis sont contre la Nouvelle Constitution:

Les Madhesis, dont les Tharus, représentent 40-50% de la population du Népal. Avec la nouvelle Constitution, les Madhesis recherchent une représentation égalitaire auprès du gouvernement de l’Etat et le gouvernement central. De sérieuses accusations ont été portées par des dirigeants Madhesis sur une tentative de division des groupes de Madhesis et de Tharus, ce qui limiterait la représentation politique des Madhesis. […]

Il ne s’agit pas d’une protestation communautaire contre une ethnie particulière ni une personne en particulier. Mais cependant, le gouvernement et les dirigeants, dans leur statu quo, ont tenté de montrer que le programme des Madhesis était communautaire et que le but était de séparer les personnes originaires des collines des Madhesis (originaires des plaines), ce qui n’est tout simplement pas le cas.

Durant les derniers mois, des manifestations contre la nouvelle Constitution se sont révélées être violentes et ont causé de nombreuses morts dans différentes parties du Népal. L’Inde a de plus compliqué la situation, le Premier Ministre Narendra Modi ayant envoyé tout spécialement le Ministre des Affaires Etrangères Subrahmanyam Jaishankar. Ce dernier a tenté de trouver un accord entre la coalition dirigeant le pays et les dirigeants Madhesi-Tharu, avant que la nouvelle Constitution ne soit adoptée. L’Inde a aussi défendu sept amendements de la nouvelle Constitution pour s’assurer qu’elle soit acceptée par les Madhesis et les Janjatis.

Mais de nombreux Népalais n’ont pas pris l’intervention de l’Inde à la légère. Certains ont réagi en ligne avec le hashtag #BackOffIndia, qui a connu une propagation virale sur Twitter:

Ce pays récupère toujours du séisme dévastateur d’avril qui a tué plus de 9000 personnes et laissé des millions de personnes sans abri ou à devoir se déplacer. Avec ces camions en provenance d’Inde, transportant du fuel pour la cuisine, de l’essence, du sel, du sucre et du riz, qui sont bloqués à la frontière, la colère publique contre le gouvernement indien a continué d’augmenter. Les glissements de terrains causés par le tremblement de terre a détruit les routes alternatives d’approvisionnement en provenance de Chine, laissant le Népal dépendant des importations venant d’Inde.

Pour de nombreux Népalais, l’Inde punit le Népal pour avoir ignoré ses craintes concernant la Nouvelle Constitution du Népal.

Dans les rues de certaines villes, les manifestants crient des slogans anti-indiens. Les opérateurs népalais de télévision par câble ont bloqué 42 chaînes indiennes en protestation contre le soi-disant non-officiel « blocage de produits » à entrer dans le pays. A Katmandou, les cinémas ont aussi cessé la projection de films indiens.

En vertu de la section 10, article 125, de la Convention relative au commerce de transit des Etats enclavés (sans littoral), le Népal a un droit d’accès à la mer. Le Népal et l’Inde ont aussi signé l’accord de libre-échange de l'Asie du Sud. Certains experts disent que la décision de l’Inde d’arrêter les approvisionnements vers le Népal constitue une entrave aux conventions internationales et aux accords multilatéraux.

Certains Népalais sont frustrés que le reste du monde ne porte pas plus d’attention à ce problème:

Des manifestations ont même eu lieu à l’étranger :

Quel que soit le résultat de ces manifestations de protestations et de la Nouvelle Constitution, il semblerait bien qu’il n’y ait pas de fin proche aux difficultés subies par les Népalais.

Le pays comme miroir : Réflexions d'un jeune Colombien à Bristol

vendredi 30 octobre 2015 à 10:18

Voici la deuxième de notre série d'interviews qui explorent les expériences de Latino-Américains ayant quitté leur pays d'origine en quête d'opportunités nouvelles et qui regardent derrière eux, avec des idées différentes. Dans ce post, Ana Hernández converse avec Pablo Uribe, un jeune politologue colombien qui a acquis la nationalité espagnole et qui a aussi fait de Bristol son lieu de résidence. La première de ces interviews, celle d'un commerçant dominicain en Espagne, peut être lue ici.

Pablo

Pablo Uribe, photographié par l'auteure à Bristol (Royaume Uni).

Pablo Urib, c'est de la pure poésie politique. Cela fait quatorze ans qu'il vit loin de la Colombie et, pour lui, le sancocho rime avec nostalgie. Il vient de Medellín, et de Madrid aussi. Pablo a quitté la Colombie à l'âge de dix-neuf ans et est, actuellement, citoyen espagnol. Ce qui ne freine pas ses envies d'explorer le monde. Ce jeune Colombien et Espagnol vit maintenant à Bristol, d'où il réfléchit pour cette interview à Medellín, aux idées de partir, de revenir et de se reconnaître en un seul et unique pays :

J'étais décidé à retourner en Colombie, tant et si bien qu'à mes débuts à Madrid, j'étais très réticent au fait de penser à ma situation administrative en tant qu'étranger. Avec le temps, je suis finalement devenu citoyen espagnol. Mais quand tu en es à deuxième migration, la maison qui te reste la plus familière est celle que tu viens de laisser derrière toi. Tu finis dans un chaos identitaire important.

Le jeune politologue ravive ses racines grâce au contact avec sa famille et ses amis. Et grâce au résumé que lui font les réseaux sociaux depuis l'autre côté de l'Atlantique. De plus, Semana, El Espectador, La Otra Orilla et La Silla Vacía, ne serait-ce que pour la politique, sont également des points de référence importants pour lui.

Même s'il n'a pas quitté son pays avant l'âge de 19 ans, Pablo a eu le temps d'attraper son sac à dos et de parcourir la Colombie. Il a commencé à l'âge de 14 ans, profitant des week-ends ou des ponts, et a continué pendant les vacances scolaires :

C'est pendant ces années d'adolescence que j'ai visité la Côte Atlantique, mais aussi la montagne, la Cordillère dans la zone productrice de café, tous les environs de Medellín. Je suis aussi descendu jusqu'à Bogotá et j'ai continué ensuite avec d'autres lieux. C'est peut-être parce que la Colombie n'a pas de grands points d'attraction comme le Machu Pichu, les ruines aztèques du Mexique ou le Perito Moreno en Argentine. Mais dans l'ensemble, elle est très attrayante. Chaque partie forme un tout dont les habitants sont ce qu'il y a de mieux.

Pablo raconte aussi que c'est sûrement pendant son enfance que Medellín, plongée dans les conflits venus du trafic de drogues, a vécu sa période la plus agitée :

Dans les années 1980, et jusqu'à la mort de Pablo Escobar en 1993, le fondateur et leader du Cartel de Medellín, le taux d'homicides était quasi le double de celui que connaissent aujourd'hui quelques villes d'Amérique Centrale. Ce fut une guerre ouverte et totale.

Sans perdre son sourire et en expliquant calmement les choses, Pablo rappelle comment une bombe avait été déposée devant la maison de sa grand-mère, comment il avait l'habitude de penser que son père ne reviendrait pas du travail ou comment, devenu adolescent, il se souvient être entré dans un restaurant pour avoir de l'eau et avoir rencontré trois guérilleros armés en train de jouer au billard :

Tu ne te retrouves pas souvent face à un type avec un fusil au-dessus d'un billard, mais c'était quelque chose qui ne faisait pas peur. Par la suite, oui. Les choses se sont compliquées après et on courait un risque en sortant, le danger était objectif. Maintenant, je remets cela avec perspective et je pense que voyager dans le pays en solo est quelque chose que je n'aurais pas dû infliger à ma maman.

Pablo, qui a aujourd'hui 33 ans, ne peut pas laisser passer l'occasion de parler de ce qu'il faisait en Colombie quand il était sur le point de partir :

La montrée d'une extrême-droite, qui se présentait face à tous avec un discours radical qui appelait à la peur et au nationalisme, a laissé peu de marge à la critique.

C'est justement à ce moment-là que Pablo a découvert la politique, ce qui l'a amené ensuite, en Espagne, à étudier les Sciences Politiques :

Là-bas, il était inévitable de ne pas me confronter à la réalité politique de la Colombie, et en vivant cela au loin, je crois que je me suis trouvé dans une position privilégiée. En voyant la situation à distance et en ayant des modèles avec lesquels comparer. Je me suis donc beaucoup confronté à la Colombie. Et même aujourd'hui, il me reste à me réconcilier avec beaucoup d'aspects de mon pays.

Pablo reprend la critique, ou plutôt le manque de celle-ci, et évoque la résistance à la critique de certain groupes lorsqu'il s'agit d'une partie de leur identité :

Quand un pays, une religion ou une idéologie sont stigmatisés, il devient victime et critiquer devient alors mal vu. C'est ce qu'il se passait en Colombie. La nation entière portait le stigmate d'être un pays dangereux, un pays de narcotrafiquants. Ainsi, lorsque [l'actuel ex-président de la Colombie] Álvaro Uribe est arrivé et qu'il a eu un discours droitiste, très agressif envers la critique qui venait de l'extérieur, tout est monté en puissance. Et celui qui se trouvait en dehors n'était pas considéré comme suffisamment autorisé, son jugement n'avait pas la même valeur et on l'accusait de méconnaissance et de vision biaisée. Un jour, un journaliste qui n'était pas colombien a expliqué que Medellín était le plus grand bordel à ciel ouvert du monde. Il a senti la réprobation s'abattre sur lui.

Finalement, Pablo partage une réflexion sur les images que donnèrent les médias traditionnels à travers les “narco-telenovelas”, un genre de séries télévisées basées sur des histoires liées au narcotrafic, et sur comment d'autres initiatives dans le monde des arts et de la culture ont réussi à ouvrir le spectre des images qu'ont les Colombiens d'eux-mêmes :

[Nonobstant] Nous avons appris à vivre avec les différences. Et même si nous avons été exportateurs de narco telenovelas qui ont contribué à stigmatiser la population ou à transformer en objet et dénigrer la femme, il y a de nos jours en Colombie beaucoup de gens qui font de très bonnes choses. Il y a des choses très intéressantes dans le monde de la culture, de l'art ou de la musique. Il ne manque plus que la normalisation politique, mais elle finira par arriver.