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Le photojournaliste Mahmoud “Shawkan” Abu Zeid est libre, après cinq années passées en prison

mardi 5 mars 2019 à 17:37

Shawkan va rester sous “surveillance policière” durant encore cinq ans.

Shawkan a été arrêté en août 2013, alors qu'il couvrait une manifestation contre la destitution de l'ancien président égyptien Mohamed Morsi. Photo partagée par le mouvement “Freedom for Shawkan” sur Facebook.

Après plus de cinq années de détention, Mahmoud Abu Zeid, également connu sous le nom de Shawkan, a été libéré de sa prison égyptienne le 4 mars.

Le mouvement de soutien “Freedom for Shawkan” a annoncé sa libération dès les premières heures de la matinée ce lundi, en publiant une photo du journaliste avec son père et son frère.

Nous saluons son retour. Shawkan est libre. ❤

Shawkan a été arrêté le 14 août 2013 alors qu'il photographiait la manifestation de Rabaa El Adaweya, au cours de laquelle les partisans de l'ancien président égyptien Mohamed Morsi s'étaient rassemblés pour protester contre le coup d’État qui a mis fin à sa présidence le 3 juillet de la même année. Au moment de disperser la manifestation, les forces de sécurité égyptiennes auraient tué au moins 817 personnes et blessés de nombreuses autres, selon l'organisation Human Rights Watch.

Shawkan, qui travaillait pour Demotix au moment de son arrestation, a passé près de quatre ans en détention provisoire avant de recevoir sa condamnation. Il s'agit d'une violation de la législation égyptienne, qui fixe la durée maximale à deux ans. Il a été jugé avec 739 autres accusés dans un procès connu sous le nom de “l'affaire des expulsés de Rabaa.”

Le 8 septembre 2018, un tribunal pénal du Caire l'a déclaré coupable d'accusations mensongères, d'assassinat et d'affiliations avec les Frères Musulmans, aujourd'hui considéré comme un groupe terroriste par le gouvernement égyptien.

Au cours du même procès, 75 membres influents et sympathisants des Frères Musulmans ont été condamnés à mort et 47 autres accusés ont été condamnés à de la prison à vie.

Malgré cinq années passées en prison, les autorités égyptiennes ont maintenu Shawkan en prison sans explication officielle. En novembre 2018, le média égyptien Mada Masr a révélé que Shawkan et 214 autres personnes avaient été condamnés à effectuer une peine supplémentaire de six mois de prison, car les procureurs les avaient jugés incapables de payer pour les dommages provoqués au cours de la manifestation et de sa dispersion.

Malgré sa libération, Shawkan restera sous “surveillance policière” durant encore cinq ans, ce qui signifie qu'il devra se présenter chaque jour au poste de police en fin de journée. Il sera contraint de passer la nuit au poste de police jusqu'à ce que le tribunal ordonne de réduire les “mesures de précautions”.

Liberté de la presse en état de siège

La liberté de la presse reste assiégée en Égypte, où les autorités continuent d'arrêter, de poursuivre et de harceler les journalistes et les médias indépendants. Le 29 janvier, les autorités de l'aéroport international du Caire ont arrêté un journaliste et chercheur en droits de l'Homme, Ahmed Gamal Ziada en provenance de Tunisie, où il étudie le journalisme. Après sa détention, Ziada a disparu pendant deux semaines, jusqu'à ce qu'il soit inculpé de diffusion de fausses informations sur les réseaux sociaux le 13 février. Le 2 mars, il a été libéré sous caution, dans l'attente d'une enquête.

Le 19 février, des agents de la sécurité du même aéroport ont arrêté le correspondant du New York Times, David K. Kirkpatrick, à son arrivée. Kirkpatrick a eu son téléphone confisqué et a été retenu pendant sept heures, sans nourriture ni eau, selon le New York Times. Il a ensuite été expulsé vers Londres sans explication.

Montée des tensions entre le Pakistan et l'Inde après les manœuvres de représailles réciproques

lundi 4 mars 2019 à 12:09

Un hélicoptère Mi-17 de transport de troupes indien s'est écrasé en raison d'un problème technique le 27 février dans le district de Budgam au Jammu-et-Cachemire, faisant deux morts. Photo : Ieshan Wani, utilisée avec autorisation.

[Article d'origine publié le 27 février]

Le 27 février a connu une escalade de la tension, après que l’Armée de l'air pakistanaise a affirmé avoir abattu deux avions de chasse indiens et capturé leurs deux pilotes.

L'action du Pakistan était une riposte à la frappe aérienne de la veille, 26 février, de l'Armée de l'air indienne sur un camp d'entraînement du groupe armé Jaish-e-Mohammad (JeM) à Balakot dans la Province du Nord-Ouest. Frappe elle-même en représailles à l’attentat-suicide à la voiture piégée contre un convoi à Pulwama, un district du Jammu-et-Cachemire sous administration de l'Inde, qui a tué 40 policiers paramilitaires indiens.

La situation actuelle constitue la plus forte escalade des tensions en plus de trente ans entre les deux puissances nucléaires rivales d'Asie du sud. Avec le raid aérien sur Balakot, c'était la première fois en cinquante ans que l'aviation militaire indienne pénétrait dans l'espace aérien pakistanais, et le nombre des victimes et l'étendue des dégâts ont été contestés avec virulence, les décomptes des bureaux de Reuters des deux pays étant contradictoires.

Ligne de contrôle

D'après des comptes-rendus, les chasseurs de l'armée de l'air pakistanaise ont été repoussés par les patrouilles aériennes indiennes, et les deux côtés auraient perdu des aéronefs dans l'escarmouche.

En riposte aux frappes pakistanaises comme rapporté par le ministère des Affaires étrangères, l'aviation aérienne a franchi la Ligne de contrôle (LOC). L'aviation pakistanaise a abattu deux avions indiens à l'intérieur de l'espace aérien pakistanais. Un des avions est tombé à l'intérieur du Jammu-et-Cachemire (AJ&K), et l'autre dans le Cachemire occupé par l'Inde (IOK). Un pilote indien arrêté par des soldats au sol pendant que deux [étaient] dans la zone.

Un des chasseurs pakistanais aurait largué des bombes près d'un poste de l'armée indienne, une action que le ministère pakistanais des Affaires étrangères a par la suite justifiée comme “des frappes sur une cible non militaire, évitant des pertes humaines, pour démontrer le droit et la capacité à se défendre”.

J&K : Photos des cratères formés par les bombes pakistanaises larguées près du poste de l'armée indienne dans le secteur de Rajouri. Photo communiquée par des sources militaires)

L'Inde a immédiatement fermé cinq aéroports proches de la frontière avec le Pakistan, dont Srinagar, Jammu et Leh, et suspendu le trafic civil en déroutant tous les vols à destination de ces aéroports.

Le Pakistan a également interrompu ses vols intérieurs et internationaux depuis les aéroports de Lahore, Multan, Faisalabad, Sialkot et Islamabad. L'image de Flightradar24.com ci-dessous indique l'état de l'espace aérien au-dessus des deux pays aux environ de 16 heures (heure standard du Pakistan) :

L'espace aérien pakistanais vide à 16 heures le 27 février. Capture d'écran de FlightRadar24.com

La presse rapporte que les habitants des zones frontières ont reçu ordre de rester chez eux et de ne pas se hasarder à l'extérieur. Les chemins de fer indiens ont émis une alerte de sécurité sur leur réseau.

Dans le sillage des actions de l'Armée de l'air pakistanaise du 27 février, le premier ministre du Pakistan Imran Khan a proposé d'engager le dialogue avec l'Inde pour apaiser la situation.

“Nous comprenons la douleur que vous avez ressentie à Pulwama et sommes prêts à une enquête et à un dialogue”, a dit Khan, selon ses propos rapportés. “Asseyons-nous à une table et réglons ceci avec des discussions”, a-t-il ajouté.

A deux semaines seulement d'élections générales en Inde, cependant, le Premier ministre indien Narendra Modi, qui mène bataille avec son parti Bharatiya Janata (BJP) pour sa réélection sur fond de chômage important et de ralentissement de l'économie, a claironné le succès de la frappe aérienne sur Balakot. Prenant la parole à un rassemblement, Modi a réitéré qu'avec lui l'Inde était entre de bonnes mains, sans citer explicitement le raid du 26 février.

Le conseiller de Modi—et président du BJP—Amit Shah, moins circonspect, a tweeté que :

L'action vigoureuse d'aujourd'hui montre la volonté et la résolution d'une Nouvelle Inde. Notre Nouvelle Inde n'épargnera aucun acte de terrorisme, ni leurs exécutants et commanditaires.

Explosion des médias sociaux

Le spécialiste de politique étrangère Kabir Taneja a partagé sur Facebook son opinion que le raid sur Balakot était surtout “de nature symbolique” :

Will this end terrorism? No. Will it contain it in long term? Probably not. But a lot more was achieved in signaling and significantly altering the shackles of counter-terror policies than just destroying a campsite on a hilltop.

Est-ce que ça mettra fin au terrorisme ? Non. Est-ce que ça va le contenir à long terme ? Probablement pas. Mais bien plus a été réalisé pour envoyer un signal et s'affranchir significativement des limites des politiques anti-terroristes que la simple destruction d'un camp [d'entraînement] au sommet d'une colline.

Mais les médias sociaux, en Inde comme au Pakistan, ont explosé de mèmes et de chauvinisme célébrant tant ‘le succès’ que ‘l'échec’ du raid de Balakot. Si de nombreux Indiens l'ont salué comme une victoire, louant l'aviation indienne, les internautes pakistanais ont mis en doute la validité de ces prétentions. Les habitants déjà assiégés du Cachemire administré par l'Inde se sont amèrement plaints de la pression sans fin.

La journaliste indienne Barkha Dutt, qui est souvent la cible de la droite, a pris parti pour la frappe de l'aviation indienne sur Balakot :

Je suis une journaliste indienne qui a fait ses premières armes dans le reportage de guerre depuis le front. Je n'ai pas de fausse neutralité à propos de l'engagement de mon pays dans des décennies de guerre à basse intensité des groupes terroristes soutenus par le Pakistan. Mon soutien total à l'Armée de l'air indienne pour ceci. Ce n'est pas du bellicisme. C'est de la justice.

Dutt s'est fait rembarrer par des twittos pakistanais, comme par exemple le militant politique Ammar Rashid :

Vous croyez vraiment que la violence est réductible uniquement aux actes de l’État pakistanais ? Que sans cela le Cachemire serait intégré à l'Inde dans le bonheur ? Je critique et condamne totalement le dangereux militarisme de mon pays. Pouvez-vous condamner l'attitude répressive du vôtre ?

Ou encore par le professeur d'université pakistanais Nida Kirmani :

A tous ceux qui sans réfléchir prônent la guerre (y compris vous, Barkha Dutt) comme si c'était une sorte de jeu, écoutez les voix de ceux qui vivent près de la frontière. Ce sont eux et les soldats des deux côtés qui paieront le prix fort si l'escalade se poursuit.

D'autres voix rationnelles ont mis en cause les ‘cris de guerre de studio’ et plaidé pour la paix. Shah Faesal, ancien directeur de l'Enseignement au Cachemire sous administration indienne a soulevé la question de qui serait le gagnant d'une guerre :

Comment les pleureurs de hier peuvent-ils être les meneurs de la violence d'aujourd'hui ? Ce bellicisme, cette glorification de la violence, ces arguments sur la nécessité de la violence à des fins politiques, les fausses distinctions entre violence étatique et non-étatique, tout ceci va à l'encontre des valeurs élémentaires d'humanité.

Jahanzeb Hussain, rédacteur en chef du site pakistanais d'information Dawn.com, a tweeté :

C'est triste de voir l'Inde s'engager ainsi sur la voie du nationalisme. Elle a produit des commis de l’État, des universitaires, des intellectuels beaucoup plus compétents sans commune mesure avec ceux du Pakistan. Nehru et Gandhi : combinez l'intelligence collective des dirigeants pakistanais et ils ne se compareront pas à ces deux-là.

Ancien ministre-chef du Jammu-et-Cachemire Mehbooba Mufti a déploré les cris de guerre et leur effet sur les Cachemiris :

Les frappes d'aujourd'hui de l'aviation indienne ont été suivies d'une hystérie guerrière de masse sur Twitter et les chaînes d'information. La plupart de ces gens sont des ignorants qui ont perdu temporairement leur bon sens. Mais il est déconcertant que les privilégiés éduqués encouragent la perspective d'une guerre. Un vrai jahaalat [mot ourdou signifiant ‘barbarisme’, NdT]

Un autre Cachemiri s'est fait l'écho du ministre-chef :

Depuis l'attentat de Pulwama, les Cachemiris en font les frais : dehors avec les attaques en bande, et dedans à vivre dans un climat de guerre. Et maintenant, avec aujourd'hui la peur, l'anxiété, la perte de tout espoir d'un avenir de paix, le Cachemire continue à en subir davantage, en sachant que ce n'est toujours pas fini.

Une chanson sur la destruction nucléaire des États-Unis interprétée dans une cathédrale russe montre qu'en 2019, la parodie peut être mal comprise

dimanche 3 mars 2019 à 22:51

Photo en accès libre via Pixabay

De nombreux usagers des réseaux sociaux ont été déconcertés par un clip vidéo où, dans la célèbre cathédrale Saint-Isaac de Saint-Pétersbourg, un chœur interprète une chanson sur l'extinction nucléaire totale des États-Unis d'Amérique.

Les paroles de la chanson sont les suivantes:

На подводной лодочке с атомным моторчиком
Да с десятком бомбочек под сотню мегатонн
Пересек Атлантику и зову наводчика:
“Наводи, говорю,- Петров, на город Вашингтон!”

Тру-ля-ля, тру-ля-ля,
Все могу за три рубля!
Здравствуй, новая земля
Неприятеля!

Dans un petit sous-marin à petit moteur atomique
portant une dizaine de bombes pour une centaine de mégatonnes
je traversais l'Atlantique, et j'ai fait signe au canonnier :
“Petrov, je lui dis, vise-moi Washington!”

Tralala, tralala,
Pour trois roubles je fais tout ce que vous voulez !
Je te salue, terre étrangère
ennemie!

Cette chanson a été interprétée par le chœur de Saint-Pétersbourg le 23 février, Journée du défenseur de la Patrie. Juste après le discours [en] de Vladimir Poutine à l'Assemblée fédérale le 20 février, la télévision d’État avait diffusé une infographie avec une carte des cibles nucléaires potentielles aux États-Unis [en], et beaucoup ont exprimé leur inquiétude et leur dégoût en raison du militarisme triomphant de la chanson, et aussi parce qu'ils ne savaient pas dans quelles circonstances elle avait été interprétée : la cathédrale Saint-Isaac est une église en fonction, dans laquelle ont lieu tous les jours des services orthodoxes.

Certains ont fait remarquer que la chanson originale, écrite en 1980 par un dissident soviétique, avait été clairement conçue comme une parodie de la propagande soviétique et de ses rodomontades – son titre initial était «Dans mon petit sous-marin, ou le salaire des militaires (russes) – et que cette réinterprétation en 2019 pouvait s'entendre comme un clin d’œil ironique аu climat politique actuel :

Voilà l'affaire. Selon des gens bien informés à Piter [diminutif courant de Saint-Pétersbourg], ce scandale dans la cathédrale sur la destruction de Washington serait une blague délibérée, une provocation du directeur de la chorale. Invité à se produire au concert du 23 février, il a décidé, en réponse à un climat [politique] insensé, de l'exagérer jusqu'à l’absurde selon le principe du «plus d'enfer».

Après que le clip a fait sensation dans les médias, la chorale de concert de Saint-Pétersbourg a publié une déclaration [ru] sur sa page VKontakte où elle dément les allégations selon lesquelles cette prestation pourrait s'inscrire dans une activité politique subversive :

Не можем не ответить мастерам политической аналитики:

Не стоит всерьёз вникать в рассуждения про путинские и антипутинские концерты. Это отвратительно само по себе. А для понимания того, что было на нашем концерте, достаточно знать две вещи. Во-первых, песни, которые мы поем – это документы эпохи, среды, уникальные и вполне оригинальные. Разумеется, мы не переписываем тексты ради политкорректности или какой-то ещё конъюнктуры.

Во-вторых, концерт в храме не обязывает петь только литургические произведения. Мы поздравили наших слушателей, мы показали им, что ценим их праздник, их прошлое, их труд. Что мы вместе с ними. И они были рады это услышать и прочувствовать.

Приходите на концерты, не занимайтесь политиканством!

Nous ne pouvons pas ne pas répondre aux spécialistes de l'analyse politique :

Ce n'est pas la peine d'entrer dans des polémiques au sujet de concerts pro-Poutine ou anti-Poutine. En soi, c'est sans intérêt. Et pour comprendre ce qu'il en était de notre concert, il suffit de savoir deux choses. Premièrement, les chansons que nous interprétons sont des documents sur une époque, un milieu, ce sont des originaux et des pièces uniques. Il va de soi que nous ne réécrivons pas leurs textes au nom du politiquement correct ou d'une quelconque conjoncture.

Deuxièmement, ce n'est pas parce qu'on donne un concert dans une église qu'on est obligé d’interpréter uniquement des œuvres liturgiques. Nous avons fêté [la Journée du défenseur de la patrie] avec nos auditeurs, nous leur avons montré que nous accordions du prix à leurs fêtes, à leur passé, à leur travail. Que nous étions avec eux. Et ils étaient heureux de l'entendre et de le ressentir.

Venez aux concerts, ne faites pas de politicaille !

Bien que le chef de chœur insiste sur le fait qu'il s'agissait d'une blague bon enfant, l'auteur de la chanson, Andreï Kozlovski n'a pas été enthousiasmé [en] par la prestation. «Il n'en sortira rien de bon», a-t-il pronostiqué sur un site d'info local qui lui demandait de commenter l'événement. Le protodiacre de l'Eglise orthodoxe russe Andreï Kouraev, qui est aussi un personnage public, un théologien et un intellectuel souvent très critique de la hiérarchie orthodoxe, écrit dans son blog sur «LiveJournal» [ru] que beaucoup ont pu prendre cette parodie tout à fait au sérieux :

Песня сама по себе старая, из советского андеграунда. Тогда она была шуткой и даже сатирой на советский агитпроп. Но сегодня после путинских “мультиков” и “шуточек”, да еще в таком суперсерьезном исполнении это никак не смотрится шуткой. Питерская подворотня перестала быть подворотней. Она рулит. И исповедует принцип “ударь первым”. Потому что пролетариату нечего терять, кроме трех рублей.

La chanson en elle-même est ancienne, issue de l’underground soviétique. A l'époque, c'était une blague, et même une satire de la propagande soviétique. Mais aujourd'hui, après les “clips” et “petites blagues” poutiniennes, et d'autant plus avec une interprétation aussi professionnelle, ça ne peut en aucun cas être perçu comme une blague. Les voyous des cours de Saint-Pétersbourg [où a grandi Vladimir Poutine] [en] en sont sortis. Ils sont désormais au pouvoir. Et ils appliquent le principe “frapper le premier”. Car le prolétariat n'a rien à perdre, si ce n'est trois roubles.

Dans un contexte aussi complexe et dans le climat politique actuel où – un exemple – d'éventuelles frappes sur les États-Unis sont envisagées pendant les prévisions météo [en] à la télévision d'Etat, rien d'étonnant à ce qu'une prestation chorale suscite autant de remous angoissés. Même si la parodie de la propagande soviétique fonctionnait à l'ère brejnévienne, elle pourrait ne pas convenir à l’époque des réseaux sociaux.

Un activiste de Singapour condamné à 16 jours de prison pour avoir organisé un débat vidéo avec le jeune leader hongkongais Joshua Wong

samedi 2 mars 2019 à 22:32

Jolovan Wham, via Twitter.

Cet article a été écrit à l'origine par Holmes Chan et publié par Hong Kong Free Press (HKFP) le 21 février 2019. Cette version révisée est republiée par Global Voices dans le cadre d'un accord de partenariat de contenu.

L'activiste singapourien Jolovan Wham a été condamné à 16 jours de prison pour avoir refusé de payer une amende infligéepour un débat public qu'il a animé en 2016 et qui accueillait par Skype le militant pro-démocratie hongkongais Joshua Wong. Il est en liberté sous caution en attendant le résultat de son appel.

Wham est un activiste connu pour ses campagnes promouvant les droits des travailleurs migrants, la liberté d'expression à Singapour, ou encore la réforme des droits de détention de son pays et de la peine de mort.

Le mois dernier, Wham a été condamné pour une réunion illégale organisée lors d'un forum qu'il a organisé en novembre 2016 et qui avait pour sujet “la désobéissance civile et les mouvements sociaux”. Joshua Wong et d'autres militants liés aux médias locaux étaient invités. La police a indiqué à Wham qu'il avait besoin d'une autorisation pour que Wong puisse parler, mais il s'en est passé.

Le 21 février, le tribunal a infligé à Wham une amende de 2000 dollars singapourien (1300 euros) pour avoir organisé une réunion publique sans une autorisation de la police. Il a également écopé d'une amende de 1200 dollars singapouriens (780 euros) pour ne pas avoir signé la déclaration à la police.

Les médias de Singapour ont rapporté que Wham avait choisi de ne pas payer l'amende. Suite à ce refus, le tribunal l'a condamné à 16 jours de prison. Outre cette réunion illégale, Wham a été condamné pour avoir refusé de signer sa déposition de témoin à la police. Il a déclaré à cette époque qu'il avait refusé de signer car on ne lui avait pas remis de copie de cette déposition.

Wham a l'intention de faire appel de la décision du juge. Il a été relâché après avoir réglé la caution de 8000 dollars singapouriens (5185 euros), selon les médias.

Le forum en question était organisé par le Community Action Network, une association non gouvermentale engagée pour la liberté d'expression dans la cité-Etat. Selon Wham, la police lui a indiqué qu'il était obligatoire d'avoir un permis de travail et une autorisation de la police si l'un des intervenants n'était pas de Singapour, même si celui-ci s'exprimait à distance par liaison vidéo.

Après l'événement, Wham a été interrogé par la police pendant 45 minutes. Il a finalement été inculpé en novembre 2017 mais l'affaire n'est arrivée devant le juge qu'en janvier 2019.

Joshua Wong a déclaré à HKFP que les poursuites contre Wham étaient “une honte et une terrible injustice”, et qu'il regrettait profondément le jugement.

Jolovan generously invited me to share and exchange my experience in Hong Kong’s fight for freedom and justice with the Singaporean community – the irony is not missed here that Jolovan has become a subject of injustice as a result.

I’d like to express my respect and admiration for Jolovan’s perseverance of his values, and my wish for the Singaporean people to one day be able to enjoy true freedom and democracy.

Jolovan m'a invité généreusement à partager et échanger avec la communauté de Singapour à propos de mon expérience sur le combat de Hong Kong pour la liberté et la justice. L'ironie de l'histoire, c'est que Jolovan est devenu la victime d'une injustice suite à ce débat.

J'aimerais exprimer mon respect et mon admiration pour l'attachement de Jolovan à ses valeurs, et mon souhait pour les Singapouriens est qu'ils puissent un jour profiter de liberté et démocratie véritables.

“Une application abusive de la loi”

Kirsten Han, journaliste singapourienne et contributrice de Global Voices, qui était également une intervenante au forum de Wham, a dénoncé la peine qu'elle juge “scandaleuse”.

[The forum] posed no threat to public order whatsoever, and the stretching of the law to declare a forum illegal simply because a non-Singaporean Skyped in shows how broad Singapore’s public order laws are, and how they can be used to restrict Singaporean’s civil liberties…There’s no sentence that I’d consider fair, because he should never have been charged.

[Le forum] ne constituait aucune menace à l'ordre public, et l'application abusive de la loi pour déclarer un forum illégal simplement parce qu'un étranger y a communiqué par Skype montre à quel point les lois de Singapour concernant l'ordre public sont extensivs et peuvent être utilisées pour restreindre les libertés civiles des Singapouriens… Aucune condamnation ne pourrait être considérée comme juste pour moi car il n'aurait jamais dû être inculpé.

Han a également remis en doute le détail des faits énoncé par l'accusation. Selon Channel NewsAsia, cette dernière a affirmé au tribunal que des “milliers” de personnes étaient invitées au forum et que 366 personnes avaient indiqué être intéressées à y participer.

Au contraire, Han a déclaré que l'événement avait rassemblé à peine une soixantaine personnes et était “assez classique”. Elle a ajouté que “de toute façon, la salle n'était pas si grande.”

Netizen Report : Deux des principaux cyber-activistes égyptiens sur le point d'être libérés après des années de prison

samedi 2 mars 2019 à 22:02

Alaa Abd El Fattah. Photo Alaa (CC BY-SA 2.5)

Le Netizen Report d’Advox offre un aperçu des défis à relever, des victoires obtenues et des tendances émergentes en matière de technologie et de droits de l’homme dans le monde. Cette édition couvre des informations et événements qui concernent la période du 22 au 28 février 2019.

La libération de deux célèbres cyber-activistes égyptiens est attendue dans les semaines à venir. Le photographe Mahmoud Abu Zeid [sauf mention contraire, tous les liens sont en français ou en anglais] et le blogueur et militant politique Alaa Abd El Fattah ont passé la plus grande partie des cinq dernières années en prison.

Leurs familles et leurs soutiens sont déterminés à les voir libérés dans les temps. Mais l’inquiétude monte quant au fait que la sécurité d’État puisse différer leur retour à la liberté. Début février, les familles de 18 prisonniers politiques se sont vu refuser le droit de rendre visite à leurs proches en prison.

Si la peine d’emprisonnement d’Abd El Fattah arrive à son terme le 17 mars prochain, il restera par la suite sous étroite surveillance policière et devra passer toutes ses nuits, durant les cinq prochaines années, au poste de police situé près de chez lui.

Alaa Abd El Fattah a été l’un des meneurs des manifestations de 2011, qui ont conduit au renversement de l’ancien président Hosni Moubarak. Il n’a cessé depuis de faire des séjours en prison ou d’être poursuivi, quelle que soit la personne à la tête de l’État égyptien. Il s’est notamment vu infliger une peine de cinq ans de prison pour avoir enfreint la loi sur les manifestations, qui interdit tout manifestation publique sans autorisation policière préalable. Les procureurs ont par ailleurs instruit une autre affaire à son encontre en l’accusant d’avoir « insulté » le système judiciaire égyptien, par le biais d’un tweet dans lequel il critiquait ce dernier pour son manque d’indépendance.

En 2016, le Groupe de travail sur la détention arbitraire mandaté par l’ONU a considéré, dans ses conclusions, qu’Abd El Fattah avait été emprisonné de manière « arbitraire » et privé des garanties d’une procédure régulière et d’un procès équitable. En décembre 2018, sa famille a lancé et continue d’animer une campagne en ligne, intitulée « 100 jours pour Alaa » et réclamant qu’il soit bel et bien libéré à la fin de sa peine.

Mahmoud Abou Zeid, alias Shawkan. Photo diffusée sur Twitter par @Ciluna27.

Connu sur Internet sous le nom de Shawkan, Mahmoud Abu Zeid a été détenu illégalement puis jugé pour avoir photographié, pour le compte de la plateforme de journalisme citoyen et agence de photographie en ligne Demotix, la dispersion sanglante du sit-in de Rabaa El Adaouïa, en août 2013. Des partisans de l’ancien président égyptien Mohamed Morsi s’étaient rassemblés pour protester contre le coup d’État militaire ayant mené à la chute du régime un mois plus tôt. L’ONG Human Rights Watch avait à l’époque établi que les forces de sécurité égyptiennes avaient tué au moins 817 personnes et en avaient blessé beaucoup plus.

Suite à ces événements, Shawkan a passé près de quatre années en détention provisoire, ce en violation de la loi égyptienne qui fixe un délai de six mois à deux ans, en fonction de la gravité du crime. Le 8 septembre 2018, il a été condamné sur la base de fausses charges d’assassinat et d’affiliation aux Frères musulmans, désormais considéré comme un groupe terroriste par le gouvernement égyptien. Il a été condamné à cinq ans de prison, malgré le fait qu'il avait d’ores et déjà passé autant de temps derrière les barreaux.

Alors qu’il devait être libéré mi-février 2019, il est, à l’heure où ces lignes sont écrites, toujours incarcéré. Le 27 février dernier, l’International Press Institute a appelé les autorités égyptiennes à le libérer immédiatement.

Les manifestations en Algérie déclenchent des coupures de l’Internet

Depuis mi-février, les Algériens font fi des lois sur les manifestations et sont descendus à plusieurs reprises dans la rue pour demander le retrait du président algérien Abdelaziz Bouteflika des prochaines élections nationales. Les 21 et 22 février, l’ONG NetBlocks, qui fait de la veille en termes de cybersécurité et de gouvernance de l’Internet, a indiqué que plusieurs réseaux de fournisseurs d'accès Internet étaient rendus inaccessibles par intermittence, probablement en réponse aux manifestations.

Bouteflika est président depuis 1999 et est candidat à un cinquième mandat, en dépit de son mauvais état de santé. Âgé de 81 ans, il a été victime d'un accident vasculaire cérébral en 2013. Il est depuis cloué sur un fauteuil roulant et ne fait plus que de rares apparitions publiques. Les manifestants mettent l’accent sur la faiblesse et l’instabilité croissante de l’économie du pays – 29  % des moins de 30 ans sont au chômage.

Twitter et SoundCloud mis hors ligne au Venezuela

Le 27 février, le groupe de recherche technique vénézuélien VE Sin Filtro a fait savoir que Twitter et SoundCloud étaient tous les deux inaccessibles aux abonnés du plus important fournisseur Internet du pays, l’entreprise publique CANTV.

Depuis que le membre de l'opposition et président de l’Assemblée nationale Juan Guaidó s'est autoproclamé, mi-janvier, président par intérim de la République, défiant ouvertement le président en exercice Nicolas Maduro, des manifestations et des affrontements entre les forces armées, fidèles à Maduro, et les partisans des dirigeants de l'opposition, soutenus par les États-Unis, ont été accompagnés de nombreuses coupures de l’Internet et de blocages de sites et plateformes Web tels que Wikipédia, Instagram ainsi que de différents services appartenant à Google, y compris YouTube.

Un blogueur samoan arrêté pour « fausses allégations »

Installé en Australie, le blogueur Malele Paulo a été arrêté le 8 février aux Samoa, où il était venu assister aux funérailles de sa mère. Malele Paulo, alias King Faipopo, est connu pour ses critiques du gouvernement.

Le Premier ministre Tuilaepa Sailele Malielegaoi a déposé plainte à son encontre pour diffamation, suite à un post dans lequel le blogueur affirmait que le premier ministre était impliqué dans des affaires de corruption et de vol. Malele Paulo est poursuivi pour « fausses allégations dans l’intention de nuire à la réputation d’un membre de la communauté des Samoa » en vertu de la loi samoane contre la diffamation. Son procès devrait s’ouvrir le 5 mars prochain.

Les Russes pourraient bientôt avoir « droit à l’erreur », mais pas à la libre parole

Si elles sont adoptées par la Douma, le parlement russe, deux nouvelles lois pourraient menacer les internautes russes de censure et d’amendes en cas de partage en ligne d’informations « non fiables » ou de critiques envers le gouvernement. Seul point positif, le projet de loi a été amendé pour qu’il contienne un « droit à l’erreur ».

Cette modification du texte permettrait aux autorités russes d’envoyer des avertissements préalables aux personnes et médias dont les écrits seraient jugés mensongers ou offensants. S’il tient compte de ces avertissements demandant la suppression des contenus incriminés, l’internaute ne sera pas sanctionné lors d’une première infraction – les médias pourront quant à eux éviter le blocage de leur site. Il est à noter cependant que ces actions préventives ne concerneront que les médias disposant d’une licence octroyée par le gouvernement.

Au Népal, un projet de loi sur l’encadrement des technologies de l’information menace la liberté d’expression

En discussion au parlement népalais, un projet de loi prévoit d’élargir le pouvoir des autorités pour ordonner le retrait de contenus sur les réseaux sociaux, punir les internautes auteurs de posts « inappropriés » et bloquer l’accès aux plateformes numériques non enregistrées dans le pays. Les sociétés de services technologiques étrangères bien implantées au Népal, telles Facebook et Google, se verraient obligées d’ouvrir des bureaux locaux et seraient taxées sur les revenus générés par les utilisateurs népalais.

Le projet de loi viendrait remplacer l’actuelle Loi sur les transactions électroniques, invoquée par le gouvernement 106 fois ces trois dernières années dans le cadre de poursuites relatives à du contenu en ligne. Les défenseurs de la liberté d’expression craignent que la nouvelle loi n’ouvre la porte à des poursuites encore plus arbitraires, le texte n’imposant pas aux autorités de demander l’aval du tribunal avant d’ordonner aux fournisseurs d’accès Internet de bloquer des sites Web. Les FAI ne se pliant pas à ces injonctions se verront infliger des amendes.

Un site indonésien de vérification d’information ciblé par une cyber-attaque

Le site indonésien de vérification d’information Cekfakta.com [indonésien] aurait été attaqué et infiltré le 19 février dernier, deux jours après la diffusion nationale du second débat de la campagne présidentielle. Les hackers ont modifié la configuration du serveur DNS (Domain Name System) du site pour rediriger les visiteurs vers une vidéo fantôme sur YouTube. Cekfakta.com est un projet collaboratif qui réunit 24 médias indonésiens et a pour but de lutter contre les infox et la désinformation. L’Institut d’aide juridique à la presse a condamné l’attaque et appelé les forces de l’ordre à ouvrir immédiatement une enquête sur l’incident. L’intégrité du site a depuis été rétablie.

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Afef Abrougui, Ellery Roberts Biddle, Marianne Diaz, L. Finch, Juliana Harsianti, Leila Nachawati, Mong Palatino et Elizabeth Rivera ont contribué à cette édition du Netizen Report.