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Le premier smartphone Made in Africa

mercredi 22 avril 2015 à 11:42
Les usines de CZ Electronics  avec permission

Les usines de CZ Electronics avec permission

La compagnie sud-africaine CZ Electronics lance la première marque de smartphones et tablettes made in South-Africa. Elle vise spécifiquement le marché africain. Partant du constat qu’aujourd’hui 20 millions de téléphones cellulaires  sont importés chaque années en Afrique du Sud mais seulement 18% des Sud-Africains ont un smartphone, CZ Electronics a décidé de créer le smartphone de même qualité et avec les mêmes fonctions mais accessible à la plus grande partie de la population.

L’accès au smartphone n’était jusque-là qu’une espérance lointaine pour la majorité des africains, mais une compagnie de Limpopo a résolu ce problème. En effet Mint Electronics a lancé les premiers smartphones et tablettes made in Afrique. Une opération qui est le fruit du rachat de CZ electronics par la filiale Mint Electronics du groupe Sekoko, une compagnie sud-africaine qui opère dans les secteurs des mines et de l’énergie.

Au cours des 2 dernières années CZ Electronics a investi près d’1 million de dollars en recherche et développement pour la création d’une manufacture de Smartphones et tablettes. Sagran Pillay, le directeur exécutif de CZ Electronics, affirme haut et fort que ses smartphones et tablettes sont des appareils de technologie de pointe tout en étant abordables. Cela dans le but d’élargir la clientèle ciblée et atteindre une plus large partie de la population.

Entre 45 et 115 euros pour des écrans de 7 et 10 pouces !

L’expert en nouvelle technologies, Arthur Goldstuck, estime que pour que ce téléphone séduise les Sud-Africains, il doit avoir les mêmes attraits que les marques internationales. Ceci signifie qu’il doit avoir une apparence similaire et doit être doté des mêmes fonctions mais ceci à un prix inférieur.

Pour Pillay, c’est un pari réussi. En effet avec un éventail de prix entre 45 et 115 euros pour des écrans entre 7 et 10 pouces, ils entrent dans les critères qui donneraient accès à ce marché. Un risque persiste cependant : que ces téléphones fabriqués localement ne soient perçus que comme de pâles copies des versions importées. Cela serait certainement synonyme d’échec.

Prototype du nouveau prototype  du smartphone sud-africain. Permission de l'auteur.

Prototype du nouveau prototype du smartphone sud-africain. Permission de l'auteur.

Aucune chance de s’insérer dans le marché ?

Le plus grand défi des nouvelles marques est de parvenir à entrer dans un réseau. On ne peut pas simplement produire un nouveau téléphone et s’attendre à commencer à le vendre. Si le produit n’est pas porté par un réseau, il n’a aucune chance de s’insérer dans le marché.

déclare Goldstuck.

Effectivement le marché actuel est mené par le réseau et cela encore plus dans le domaine des nouvelles technologies. Ainsi le nouveau venu doit s’assurer du soutien et de l’engagement de celui-ci avant son entrée sur le marché. Mais CZ Electronics et Mint Electronics sont des compagnies anciennes et bien implantées sur le territoire donc cela ne devrait pas être un problème. Voilà de quoi rassurer les investisseurs !
Ambitieuse, la compagnie, qui compte actuellement 250 employés pour la production des tablettes et smartphones, pense déjà à développer des usines dans d’autres pays africains et à vendre ses produits à travers le continent.

L'Arabie Saoudite annonce la fin des frappes aériennes sur le Yémen

mardi 21 avril 2015 à 23:53
'Breaking - Coalition's SP: "End of OpDecisiveStorm doesn't mean ceasefire" ..what did I just tell ya! #Yemen ," tweets @Omeisy

‘Dernière heure – Service de presse de la coalition : “Fin de l'opération Tempête Décisive ne signifie pas Cessez-le-Feu” ..qu'est-ce que je vous disais ! #Yemen ,” tweete @omeisy

L'Arabie Saoudite a annoncé aujourd'hui 21 avril qu'elle mettait fin à ses frappes aériennes au Yémen après avoir “réalisé ses objectifs militaires”.

Ceci après que 944 personnes ont été tuées et 3.487 blessées dans les combats au Yémen depuis que ‘Arabie Saoudite a lancé sa campagne militaire contre le pays le 26 mars. Avec l'appui de leurs alliés du Golfe, d'Egypte, de Jordanie et du Maroc, le Soudan et l'Arabie Saoudite ont débuté une opération de frappes aériennes, baptisée Tempête Décisive, contre les rebelles houthistes qui ont pris le contrôle du Yémen en janvier..

Si les frappes de l'Opération Tempête Décisive se donnent pour cible les installations militaires et les dépôts d'armes afin d'étouffer la rébellion houthiste soutenue par le président déchu Ali Abdullah Saleh, leur résultat est une accumulation de mort, d'exode et de destruction dans tout le pays. Malgré la quantité massive de frappes ces dernières semaines, la violente agression Houthi/Saleh s'est diffusée au sud et intensifiée, notamment à Aden, et tue de nombreux civils tout en détruisant les quartiers résidentiels.

L'Arabie Saoudite a annoncé son passage à l'opération Restaurer l'Espoir, destinée à trouver une solution politiquer dans le pays qu'elle vient de bombarder.

Le Yéménite Nasser Maweri ne mâche pas ses mots pour dire sa première réaction à la nouvelle :

Minute ! La coalition n'a fait que détruire les forces armées du Yémen = empêcher les houthistes de nuire à l'Arabie Saoudite ! En quoi cette guerre est “POUR SAUVER LE YEMEN” ?

Cette guerre était donc seulement pour sauver les fesses des Saoudiens de la menace houthiste ! Rien à y gagner pour le Yémen ! Vous avez tué des Yéménites juste pour sauver votre peau !

La blogueuse yéménite Noon Arabia écrit que le changement de nom de l'opération n'est qu'un truc de marketing :

La guerre contre le Yémen est rebaptisée d'Opération Tempête Décisive à Opération Restaurer l'Espoir. Ça ne veut pas dire qu'il y aura un cessez-le-feu

Dans un autre tweet, elle donne les pertes humaines de la guerre à ce jour :

Assez de guerre au Yémen, chaque vie compte

Le journaliste Adam Baron, qui couvre le Yémen et y a vécu de 2011 à 2014, dit qu'il est trop tôt pour dire ce qu'apportera le lendemain. Il tweete :

A mon avis, il est beaucoup trop tôt pour dire que ceci est la fin de la guerre au Yémen. Le temps nous dira comment les choses vont se dérouler.

Voici pourquoi :

Plutôt que la fin de la guerre, une très forte possibilité (probabilité) que l'annonce d'aujourd'hui ne signale qu'une nouvelle phase–et une nouvelle forme.

La Palestinienne Lina Alsaafin tweete :

Les Saoudiens ont annoncé la fin de l'opération militaire sur le Yémen. Réconfortant de savoir qu'ils ont rempli chacun de leurs objectifs mais laissé des centaines de morts civils.

De Bahreïn, Abu Omar Al Shafee note :

Opération Tempête Décisive : Elle a commencé brusquement et fini brusquement

Pas de quoi s'étonner, dit Ammar Al-Aulaqi :

A ceux qui ont commencé récemment à suivre le Yémen et n'y comprennent rien : pas de panique, j'ai vécu ce drame toute ma vie et reste perdu aussi

Quoi qu'il en soit, les internautes yéménites continuent à tweeter qu'ils entendent des raids aériens dans le ciel de la capitale Sana'a.

Le journaliste Adam Baron tweete :

Bon, on rapporte en ce moment même des frappes aériennes à Sanaa… 50 minutes après l'annonce officielle de la fin de Tempête Décisive…

Mazen Al-Hebshi indique :

Les canons anti-aériens ont commencé maintenant à tirer à Sanaa

Et Mohammed Al-Assadi ajoute :

Grosses explosions & pilonnage et tirs de DCA dans les quartiers ouest de Sanaa. Une heure de plus d'attente pour la nouvelle phase ?

Le changement de nom apportera-t-il l'espoir aux Yéménites ?

Lire aussi :

Les pénuries aggravent les souffrances des Yéménites sous les bombardements de la coalition saoudienne

“Nous contournons la mort” : Des blogueurs yéménites racontent les horreurs de la guerre

 

Les pénuries aggravent les souffrances des Yéménites sous les bombardements de la coalition saoudienne

mardi 21 avril 2015 à 22:32
"#Yemen is deep into the humanitarian disaster. Monitors can't see the reality & won't. People are starving in #Aden,' tweets @yemen-updates, who shares this photograph of Yemenis in Aden queuing for food

“Le #Yémen est au fond de la crise humanitaire. Les observateurs ne voient pas la réalité, en sont incapables. C'est la famine à #Aden,’ tweete @yemen-updates, avec cette photo de Yéménites attendant une distribution de nourriture à Aden

Les Yéménites sont coutumiers depuis toujours d'un manque de services de base, avec coupures d'électricité et pénuries d'eau, mais les pannes de courant pendant des journées entières à cause de la guerre intensifient leurs souffrances et mettent en danger la vie des patients dans les hôpitaux.

Des centaines de personnes auraient été tuées dans les combats au Yémen depuis que l'Arabie Saoudite a lancé sa campagne militaire contre le pays le 26 mars. Avec l'appui de leurs alliés du Golfe, d'Egypte, de Jordanie et du Maroc, le Soudan et l'Arabie Saoudite ont débuté une opération de frappes aériennes, baptisée Tempête Décisive, contre les rebelles houthistes qui ont pris le contrôle du Yémen en janvier.

Si les frappes de l'Opération Tempête Décisive se donnent pour cible les installations militaires et les dépôts d'armes afin d'étouffer la rébellion houthiste soutenue par le président déchu Ali Abdullah Saleh, leur résultat est une accumulation de mort, d'exode et de destruction dans tout le pays. Malgré la quantité massive de frappes ces dernières semaines, la violente agression Houthi/Saleh s'est diffusée au sud et intensifiée, notamment à Aden, et tue de nombreux civils tout en détruisant les quartiers résidentiels.

Les Nations Unies estiment qu'environ 150.000 personnes ont été déplacées, et l'Organisation Mondiale de la Santé recense 944 tués et 3.487 blessés en moins d'un mois.

Le dernier rapport publié par le Bureau des Nations Unies pour la Coordination de l'aide humanitaire donne un aperçu des infrastructures détruites, endommagées, ou désorganisées suite aux combats, et ajoute :

L'insécurité alimentaire est en hausse. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) estime que le nombre de personnes en insécurité alimentaire au Yémen atteint 12 millions – une augmentation de 13 % depuis le début de la crise. Avant l'escalade du conflit, plus de 90 % des denrées alimentaires de base du Yémen étaient importées, mais la fermeture des ports et les autres restrictions sur les importations ont fait baisser la disponibilité.

[…]

Le carburant est épuisé dans de nombreuses zones. Là où il y en a, les prix ont explosé – Oxfam estime que les prix du carburants ont quadruplé à certains endroits. Le carburant est un besoin urgent pour pomper l'eau souterraine et maintenir le fonctionnement des hôpitaux et autres intallations cruciales soumises à de fréquentes coupures de courant.

Déjà avant cette guerre, le Yémen connaissait la crise humanitaire. Environ 16 millions de personnes, soit plus de 61 % de la population, dépendaient de l'aide humanitaire fin 2014.

Le rapport des Nations Unies explique :

L'escalade en cours va notablement exacerber les besoins chez beaucoup de ces gens déjà vulnérables, sans compter qu'elle affectera des personnes qui n'avaient pas précédemment besoin d'aide humanitaire.

Les services de base sont au bord de l'implosion au Yémen. Le gouvernement est largement incapable de payer les salaires des fonctionnaires, ce qui a des conséquences directes sur la fourniture des services de base. On reçoit de plus en plus d'informations de fermetures d'installations de santé et de nutrition, ou de réduction drastiques de leur fonctionnement dans les zones affectées, notamment dans le sud et à Sa’ada. La scolarité est également suspendue pour plus d'1,5 million d'enfants depuis le début de la crise.

Oxfam a condamné les frappes aériennes de la coalition à direction saoudienne, qui ont bombardé son entrepôt contenant aide humanitaire et eau potable vitales. Le directeur d'Oxfam pour le Yémen a publié un communiqué :

C'est un scandale absolu surtout si on considère que nous avons communiqué à la Coalition les informations détaillées sur la localisation de nos bureaux et installations de stockage. Le contenu de l'entrepôt n'avait aucun intérêt militaire.

Sur Twitter, les internautes yéménites partagent des petits bouts de leur quotidien en temps de guerre.

De Sana'a, Hisham Al-Omeisy écrit que les coupures de courant et la pénurie d'essence affecte les générateurs de secours dans les hôpitaux, mettant en danger la vie des patients :

Ça ne pourrait pas être plus morbide..Sans essence pour faire fonctionner les générateurs des hôpitaux, beaucoup de gens vont bientôt mourir

Yémen Updates explique :

Sanaa comme d'autre villes s'enfonce dans un blackout total. Les houthistes s'en foutent et la coalition saoudienne ne renoncera pas. Les deux tuent les Yéménites à leur façon.

Nisma Alozebi ajoute que “vivre dans une jungle serait meilleur” :

Ma vie quotidienne pas d'électricité pas d'eau rien à manger pas de sécurité. On vivrait mieux dans la jungle.

A Aden, les Yéménites se plaignent d'épreuves similaires. Mohammed Alsalafi tweete :

La situation à Aden est extrêmement grave ! Des parents me disent : “pas d'eau, pas d'électricité et il fait chaud” ajoutant “cadavres partout dans les rues”

Recharger les téléphones 

Communiquer par téléphone mobile et partager les horreurs de la guerre entre eux et avec l'extérieur est la préoccupation de nombreux Yéménites, alors que les coupures d'électricité les en empêchent complètement.

Ammar Al-Aulaqi partage cette photo d'une file de téléphones attendant leur tout d'être chargés :

Photo amusante qui circule. Conséquences de la coupure de courant

Akram Al-Akhali partage une photo similaire de “soirée rechargement” :

un ami chanceux a trouvé du carburant pour le générateur, a invité des amis pour une “soirée rechargement” 50 heures sans électricité et ça n'est pas fini

Pénuries de nourriture, essence et eau 

A cause du blocus aérien, terrestre et maritime du Yémen, aucune importation ne parvient dans ce pays qui en dépend étroitement pour son approvionnement alimentaire et en carburant. Le Yémen dépend des importations pour 90 % de son blé et 100 % de son riz. La pénurie a provoqué un pic des prix de la nourriture et de l'essence et paralyse aussi la mobilité de l'ensemble du pays. Le carburant sert aussi à produire l'électricité et à maintenir en marche la fourniture d'eau ainsi que les générateurs des hôpitaux. Des sources en eau ont subi des dommages supplémentaires de par le conflit, que ce soient les frappes aériennes qui ont visé une base miliitaires à côté d'une réserve d'eau ou les milices Houthi/Saleh qui ont détruit un aqueduc principal qui desservait 1 million de personnes dans la ville d'Aden.

Rasha Jarhum explique :

Le système principal de distribution d'eau d'Aden est à Jabal Hadid où un dépôt de munition a explosé

Une vidéo mise en ligne par SamaYemen montrerait les dégâts à une canalisation d'eau potable dans le quartier de Mualla, à Aden :

Yemen Updates met en garde contre une “catastrophe humanitaire” :

Le Yémen s'enfonce dans la catastrophe humanitaire. Les observateurs ne voient pas la réalité, ne le peuvent pas. On meurt de faim à Aden.

Wesam Qaid écrit que les boulangeries d'Aden n'ont plus de farine :

La situation humanitaire empire : les boulangeries d'Aden ferment et celles qui sont ouvertes n'ont plus de farine

Tandis que le compte Twitter du journal Yemen Post publie des photos de Yéménites qui font la queue pour du pain :

Crises de la faim au Yémen : des centaines de personnes font la queue dans l'espoir de pain. La boulangerie ne rouvre pas par manque de farine.

Pas d'eau

Les internautes yéménites rapportent de graves pénuries d'eau. A Aden, Unicef Yemen publie cette affiche :

Aden le service de l'eau qui dessert 1 million de gens endommagé doublement par les combats et la pénurie de carburant

Fatik Al-Rodaini montre des enfants faisant la queue pour l'eau à Aden :

Les files d'attente sont partout au Yémen mais à Aden les enfants font la queue pour chercher de l'eau pour leurs familles

Muraisi RedDevil raconte les difficultés traversées par les gens pour obtenir de l'eau :

Pénurie d'eau massive à Aden. Les gens couvrent de grandes distances pour se procurer les nécessités de base.

Pas de carburant 

Les pénuries de nourriture et d'eau sont exacerbées par le manque d'essence pour les voitures et les générateurs. De Sana'a, Ala'a Assamawy mesure un embouteillage de 2,6 km pour l'attente à une station-service :

Nouveau record de souffrances au Yémen.. un bouchon de 2,6 km de voitures pour prendre de l'essence à Sanaa en ce moment

Ahmed Sayaghi, de Sana'a, partage cette photo :

photo : les plus longues queues aux stations d'essence

Le journal Yemen Post tweete :

Des centaines de véhicules entourent une station-service pendant des jours… pas d'essence…

Le compte Twitter de ce même journal montre un Yéménite entreprenant, qui cherche à recharger son téléphone à l'aide d'un chargeur portatif à l'énergie solaire :

Il cherche désespérément à recharger son mobile. Energie solaire portative… Grâce à 6 jours de coupures d'électricité au Yémen

Le covoiturage – à moto — est une autre option valable pour de nombreux Yéménites.

Pas d'essence ? Voilà la solution au Yémen !!!

Restez connectés pour de nouvelles informations sur ce pays déchiré par la guerre.

Lire aussi :

“Nous contournons la mort” : Des blogueurs yéménites racontent les horreurs de la guerre
 

Tanzanie: La loi sur la cybercriminalité, trop de pouvoir à la police, peu de droits aux internautes

mardi 21 avril 2015 à 21:08
Un jeune homme envoyant des textos sur son téléphone portable à Dar Es Salaam, en Tanzanie. Photo par Pernille Baerendtsen, utilisée avec permission.

Un jeune homme envoie des textos sur son téléphone portable à Dar Es Salaam, en Tanzanie. Photo par Pernille Baerendtsen, utilisée avec permission.

Pernille Baerendtsen a contribué à l'écriture de ce billet

Le 1er avril 2015, le Parlement tanzanien a adopté une loi sur la cybercriminalité qui vise à lutter contre la pédopornographie, la cyber-intimidation, l'usurpation d'identité en ligne, la production électronique de contenus racistes et xénophobes, des messages non sollicités (c-à-d des spams), l'interception illégale de communications et la publication de fausses informations – le tout dans une seule loi.

Au cours de la même session du parlement trois autres projets de loi ont été présentés, sur l'accès à l'information (ATI), aux services de médias et un projet de loi sur la statistique. Cependant, le projet de loi sur la cybercriminalité est nouveau, et sa version mise en ligne (pas la version finale) a provoqué un débat instantanément.

Comme dans de nombreux autres pays, la fraude en ligne et les escroqueries financières sont, en effet, une menace persistante en Tanzanie. Mais le projet de loi vise à lutter contre beaucoup plus que cela.Et il a été approuvé par le parlement, malgré les critiques de l'opposition, des utilisateurs des médias sociaux et des militants des droits de l'homme. Les principaux adversaires de la législation au sein de la société civile menacent de traduire le gouvernement devant les tribunaux si le président signait le projet de loi. The Citizen [Le Citoyen], un journal local, a relevé plusieurs des points les plus préoccupants du projet de loi pour les utilisateurs d'Internet.

Dans une analyse pour le CIPESA [sigle anglais de “Collaboration sur les politiques internationales des TIC en Afrique orientale et australe”] un centre d'analyse de politique régionale en matière des TIC, la journaliste et analyste ougandaise Juliette Nanfuka écrit que l'objectif premier du projet de loi sur la cybercriminalité devrait être de sauvegarder les droits des citoyens sur Internet.Au lieu de cela, dit-elle, il montre un “mépris manifeste pour la liberté de presse et la liberté d'expression, [attribue] des pouvoirs excessifs à la police, et [limite] les protections accordées aux citoyens ordinaires.”

Le projet de loi interdit la publication d'informations “mensongères, trompeuses ou fausses”, une mesure, relève Nanfuka, qui représente une menace claire contre une expression libre et ouverte en ligne. Elle donne à la police l'énorme possibilité de violer les domiciles de personnes qu'elle suspecte d'avoir enfreint la loi pour rechercher et saisir leur matériel électronique et exiger leurs données des fournisseurs de services en ligne. Aidan Eyakuze et Ben Taylor, qui travaillent tous deux pour l'initiative indépendante Twaweza, ont fait valoir que le projet de loi donne trop de pouvoir à la police sans aucune surveillance significative :

… Le projet de loi donne même à des policiers très jeunes le pouvoir de rechercher et / ou saisir tout équipement ou des données informatiques, y compris le contenu des messages, sans justification significative ni supervision. Cela va jusqu'à exiger des informations des fournisseurs de services Internet et des réseaux de téléphonie mobile.

Le blogueur tanzanien Thinklessactmore [“Penser moins agir plus”] relève que la police pourrait utiliser la loi pour “harceler les militants en ligne au nom de la suspicion de cyberintimidation sans [aucun processus] judiciaire.” L'utilisateur de Twitter Sultan Rajab, un conseiller fiscal et financier en Tanzanie, a dit le bien qu'il pensait du projet de loi, mais qu'il s'inquiétait des pouvoirs qu'il octroie à la police :

c'est un bon projet de loi / loi. Je suis inquiet au sujet du pouvoir accordé à nos policiers. Les personnes à revenu faible et ignorantes pourraient en pâtir.

Le projet de loi criminalise également l'envoi d'informations “sans sollicitation préalable” par des moyens électroniques. Bien que cette section vise les spams et le phishing, elle  pourrait être interprétée de façon très large.Maria Sarungi Tsehai, expert et fondatrice de l'organisation Change Tanzania Communications, se demande :

Qu'est-ce qu'est un message transmis avec sollicitation ? M'appeler pour me demander de vous envoyer un e-mail ?

Le projet de loi sur la cybercriminalité est en rapport avec les nouveaux projets de loi mentionnés ci-dessus sur l'accès à l'information, les services de médias et la statistique – ce qui pourrait avoir un impact sérieux sur la libre expression en Tanzanie. Mais contrairement au projet de loi sur la cybercriminalité, aucun de ces trois projets de loi n'a été partagé avec le public dans leurs versions actuelles.

Les intervenants sur les médias sociaux et les journalistes livrent des opinions sur les raisons qui poussent le gouvernement tanzanien à garder ces projets de loi loin du public, alors que dans le même temps il accélère la procédure pour son approbation. Certains se demandent si c'est dû au fait que la Tanzanie se prépare pour les élections à la fin d'octobre 2015. Le parti au pouvoir en Tanzanie, Chama Cha Mapinduzi [fr] (CCM), s'est confronté au cours des dernières années de plus en plus à l'influence croissante des partis de l'opposition. Dans le même temps, les journalistes et les médias ont également fait face à des menaces et à de la violence.

S'exprimant sur le blog du Washington Post, Keith Weghorst et Ruth Carlitz soutiennent qu'accélérer le processus d'approbation est “cohérent avec le comportement d'un parti prêt à s'accrocher au pouvoir à tout prix.” Ils écrivent : “Plus le gouvernement peut affaiblir la légitimité des critiques de l'opposition- en monopolisant le flux de l'information publique – mieux ils sont positionnés pour éviter que leurs scandales et la mauvaise performance fassent du mal dans les urnes”.

Thinklessandactmore est surpris que la Tanzanie ait réalisé la nécessité de réglementer l'utilisation de l'Internet, mais a déclaré que l'examen du projet de loi a été précipité au parlement :

Il est important d'avoir [une] loi qui réglemente les activités en ligne et l'utilisation d'Internet, mais elle devrait être élaborée d'une manière juste. Il n'y a pas de raison de se presser pour avoir une telle loi ; il n'y en pas eu au cours des 53 dernières années de l'indépendance. Si ça prenait un ou deux ans pour avoir une loi meilleure sur la cyber-criminalité qu'il en soit ainsi, faisons suffisamment de recherches sur le sujet ; recueillons des opinions différentes sur le projet de loi avant qu'il ne soit présenté au parlement.

Lwanda Magere, un ingénieur logiciel, a accusé ses auteurs d'utiliser le “copier-coller” :

La loi sur la cybercriminalité de la Tanzanie : c'est du copié/collé, presque aucune capacité pour son application.

Le blogueur tanzanien PATO ironise avec une photo montrant le nombre de députés qui ont voté la loi :

Voilà vos députés qui ont adopté la loi hier ! Votez judicieusement en octobre les gars !

Sibérie, cinq ans après : mêmes incendies, même incurie

mardi 21 avril 2015 à 20:39
Only so-and-so can prevent wildfires. Images edited by Kevin Rothrock.

Le seul à pouvoir arrêter les feux de prairie. Photomontage de Kevin Rothrock.

D'énormes feux de forêt parcourent la Sibérie, plus particulièrement dans les régions de Khakassie, où ils ont fait 23 morts, et de Transbaïkalie plus à l'est. Il y a presque cinq la Russie connaissait déjà ce genre de ravages, lorsque les incendies de prairie de 2010 avaient tué au moins 56 personnes. RuNet Echo avait raconté ces feux, et la riposte des internautes, avec leur travail impressionnant pour crowdsourcer le bénévolat, et une critique massive de la réaction des autorités à la catastrophe. En 2015, la réaction des Russes aux nouveaux feux est comparable à celle de 2010, mais avec plusieurs différences majeures.

Mécontentement

A l'identique de la réaction de nombreux blogueurs russes en 2010, les critiques montent à la fois contre le traitement des incendies par les autorités centrales et la couverture des médias nationaux. La différence essentielle entre les feux de 2010 et de 2015 est que les premiers incluaient de vastes incendies proches de Moscou (en même temps que dans les régions lointaines), alors que ceux de 2015 se limitent jusqu'à présent à la Sibérie. Conséquence d'un cycle de l'information russe dominé par Moscou, les médias russes accordent beaucoup moins d'attention à ce qui reste un problème oriental, d'où le ressentiment de nombreux Sibériens contre Moscou, et par extension le Kremlin, accusé de déformer les priorités du pays.

La communauté d'internautes “Tchita typique” (Typichnaya Chita), dont les membres partagent mèmes et informations sur l'actualité locale, donne à voir ce sentiment répandu. Sur le groupe, un appel public des habitants du Kraï de Transbaïkalie (où est située Tchita) adressé au gouvernement fédéral s'attire quelque attention :

Эээй, правительство, мы Забакайльский край, мы не отделялись. Мы Россия и мы горим! Хватит обсуждать Украину, помогите сначала своему народу!!!

Hé, le gouvernement ! Ici le Zabaïkalsky Krai, nous n'avons pas fait sécession. Nous sommes la Russie et nous sommes en feu ! Assez discuté de l'Ukraine, aidez d'abord votre propre population !

Les Russes affectés par les incendies en cours en Transbaïkalie ont aussi lancé une pétition demandant au Président Poutine une aide supplémenaire. Plus de 10.000 personnes l'ont signée, et laissé des centaines de commentaires.

Вчера, 13.04.2015 года в непосредственной близости к г.Чита полностью сгорели несколько дачных кооперативов, погибла 3х летняя девочка. Люди тушили пожар практически своими силами. Пожарные машины прибывали на место без воды. Электроснабжение было отключено, жители поселков даже не могли использовать собственные скважины.

При этом губернатор Забайкальского края К.К. Ильковский заявил ранее что край готов к пожароопасному периоду, а также заявил телеканалу Россия 24 что сил и средств для ликвидации пожаров в Забайкалье достаточно, хотя это фактически не так. Чита задыхается, с неба падает пепел. Забайкальцам не остается ничего как только продолжать тушить пожары своими силами и надеяться что Вы не оставите преступные действия Ильковского без внимания.

Hier, 13 avril 2015, à proximité immédiate de la ville de Tchita, plusieurs lotissements de datchas ont entièrement brûlé, une fillette de 3 ans est morte. Les gens ont éteint l'incendie pratiquement par leurs propres moyens. Les camions des pompiers sont arrivés sur les lieux sans eau. La distribution électrique était coupée, les habitants du bourg ne pouvaient même pas utiliser leurs puits.

De plus le gouverneur du kraï de Transbaïkalie Konstantin Ilkovsky venait d'annoncer que la région est prête pour la saison de risques d'incendies, allant jusqu'à déclarer à la télévision [nationale] Russie 24 que les moyens et hommes sont suffisants en Transbaïkalie pour combattre les feux, alors que dans les faits il n'en est rien. Tchita suffoque ; il pleut des cendres. Nous n'avons d'autre choix que de continuer à éteindre ces incendies avec nos propres forces et espérer que vous ne laisserez pas sans réponse les agissements délictueux d'Ilkovsky.

La supplique des habitants de Khakassie et Transbaïkalie a peut-être été entendue. Pendant sa séance télévisée annuelle de questions-réponses le 16 avril, Poutine a annoncé un dispositif d'aide de 100 millions de dollars destiné essentiellement à secourir ceux dont les biens ont été endommagés par les incendies.

Ceci dit, ce ne sont pas seulement des internautes râleurs qui se plaignent de la couverture médiatique nationale des feux de prairie. Les représentants d'au moins un gouvernement provincial—le compte Twitter appartenant au Ministère de l'industrie de la construction, du logement et des infrastructures de la République de Khakassie—s'en est pris à l'agence d'information Vesti pour l'inexactitude de son reportage :

Vesti Russie écrit “ils ont réussi à sauver plus de 60.000 maisons”. Nous n'en avons que 16.000, immeubles collectifs y compris. Ça vient d'où ???

L'action des bénévoles

Contrairement aux incendies de 2010, il n'y a pas eu de véritable essor d'innovations technologiques pour crowdsourcer les actions de sauveteurs bénévoles en faveur des victimes des feux. Probablement du fait que les récents incendies ont été brefs (ceux de 2010 se sont prolongés pendant des mois), et la proximité des feux de 2010 avec Moscou, d'où la visibilité et l'urgence plus grandes dans la société russe.

Les Sibériens n'en ont pas moins exploité les médias sociaux pour faciliter les actions de bénévolat en faveur des victimes en Khakassie et Transbaïkalie. Ainsi, les membres du groupe en ligne “Tchita typique” ont diffusé les coordonnées des personnes nécessitant de l'aide dans les zones touchées par les incendies, tels qu'individus et familles isolés ou nécessitant une fourniture d'eau potable. Des internautes ailleurs sur VKontakte, partagent eux aussi les localisations de zones recherchant des bénévoles, ainsi que des itinéraires routiers et des numéros de téléphone pour quiconque souhaite participer aux actions de sauvetage.

S'ajoute à cela l'activité débordante depuis le début des incendies d'un groupe VKontakte de pompiers volontaires dans le Kraï de Transbaïkalie. Les volontaires de ce groupe échangent des informations sur les personnes à contacter, les lieux de collecte d'aide humanitaire, les points de rencontre pour combattre les brasiers, et d'autres choses.

Quel rapport avec l'Ukraine ?

La différence qui saute aux yeux entre la Russie des feux de 2010 et celle de la crise actuelle n'a rien à voir avec les incendies, et tout à voir avec la guerre en cours en Ukraine. Si les rapports entre les feux de prairie et le conflit ukrainien peuvent sembler rien moins qu'évidents à première vue, les Sibériens ont facilement fait le lien. D'après une dépêche supposée des forces séparatistes pro-russes en Ukraine orientale, des combattants rentreraient en Russie renforcer les pompiers en sous-effectif :

Горит Сибирь и Дальний Восток. Ополченцы-сибиряки временно возвращаются на малую родину, чтобы помочь землякам в тушении пожаров. Горят тысячи гектаров леса, сотни людей лишились крова. Ветеран иловайской кампании, прибывший к местам тушения пожаров, заявил, что когда он прибыл на пепелище, то по привычке подумал, что по поселку прошлись украинские каратели, настолько сильный был ущерб, нанесенный огненной стихией.

La Sibérie et l'Extrême-Orient sont en feu. Les supplétifs sibériens rentrent temporairement dans leur petite patrie aider leurs compatriotes à éteindre les incendies. Des milliers d'hectares de forêt brûlent, des centaines de personnes sont sans-abri. Un vétéran de la campagne d'Ilovaïsk [en Ukraine de l'Est], arrivé sur les lieux de l'extinction des incendies, a déclaré qu'en marchant dans les cendres il a pensé que les vengeurs ukrainiens avaient fait un tour dans le village, si forte était la dévastation apportée par le feu.

A ce jour, les récits tels que ceux des volontaires russes de retour chez eux pour éteindre les incendies n'ont pas été vérifiés. Un utilisateur russe de Twitter a relevé l'ironie de l'envoi récent d'un convoi humanitaire de Khakassie vers le Donbass ravagé par la guerre :

La Khakassie, actuellement en feu, envoie dans le meilleur style d'une partie d'échecs multidimensionnelle un convoi humanitaire dans le Donbass.

Pas de répit pour la Sibérie

Cinq années et un climat géopolitique très différent ont beau séparer les deux grandes épidémies d'incendies en Russie, celles-ci ont des points communs  : grogne contre la réponse des autorités, et exemplarité des actions de crowdsourcing et de bénévolat montées grâce aux médias sociaux. Parce que les incendies de 2015 sont localisés en Sibérie, l'Etat et les médias russes dominés par Moscou ont montré relativement peu d'intérêt pour cette crise.

Et les gens de la région eux-mêmes semblent voir les incendies, au moins en partie, à travers le prisme du conflit ukrainien.