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Ségrégation dans la liberté : la Chine va créer une zone d'internet ouvert sur une île touristique

mardi 26 juin 2018 à 13:05

Haikou, capitale de la province de Hainan. Photo domaine public via Wikipédia.

Les internautes de Chine continentale se disent outrés par un projet des autorités de Hainan de rendre possible l'accès aux plate-formes de médias d'outre-mer censurées ailleurs en Chine.

La disposition s'est heurtée à de fortes critiques lorsqu'elle est parue le 21 juin sur le site web du gouvernement provincial. Certains l'ont dite “inéquitable” pour les autres provinces, l'accusant de donner des privilèges particuliers à Hainan, l'île-province dans la mer de Chine du Sud appréciée par les touristes étrangers. D'autres l'ont qualifiée de “forme d'apartheid de l'information”.

Le lendemain, le document a été retiré du site et toutes les critiques en ligne supprimées.

Sur la liste de 25 mesures du “Plan triennal d'action pour développer le tourisme international à Hainan” du gouvernement local se trouve un projet de création de zones spéciales où les visiteurs (touristes et hommes d'affaires étrangers) auraient accès aux plate-formes populaires de médias sociaux comme Facebook, Twitter et YouTube. Le document soulignait que le plan d'action s'alignait sur la décision du président chinois President Xi Jinping de transformer l'île touristique en port franc d'ici 2020.

La Chine exerce un strict contrôle sur son internet intérieur et n'autorise pas ses citoyens à accéder à la majeure partie des sites web hébergés hors du pays.

Le plan du gouvernement de Hainan d'accorder aux touristes l'accès aux sites de médias sociaux grand public paraît un pas vers l'ouverture pour les gens de l'extérieur. Mais de nombreux Chinois continentaux ont réagi avec inquiétude sur ce qui a toutes les apparences du deux poids, deux mesures.

Signe révélateur, la plupart des commentaires critiques sur le plan d'action ont été supprimés des plate-formes de médias sociaux. En voici quelques-uns collectés par Radio France Internationale :

完全是卑鄙无耻下流贱格的逆向种族歧视,垃圾!

Ce plan est la forme la plus éhontée de discrimination inversée. Une saleté !

抵抗歧视性待遇!

Résistons à la mesure discriminatoire.

如果上推特、脸书是正当的、无害的,凭什么只让外国人上、不让中国人上?

Si aller sur Twitter, Facebook est légitime et inoffensif, pourquoi le permettre seulement aux étrangers et pas aux Chinois ?

半封建半殖民地社会又回来了

Retour à l'âge semi-féodal et semi-colonial.

Bien que le gouvernement de Hainan ait retiré son document, le dispositif restera probablement inchangé, puisque Hainan a été désigné région économique spéciale par l'autorité suprême de l’État.

En avril 2018, le président Xi a déclaré que le comité central du Parti communiste chinois avait décidé d'avaliser le plan de Hainan d'instituer un port franc et de créer un espace d'expérimentation de développement économique.

L'utilisateur de Twitter @yjpc1989 indique avoir anticipé ce développement il y a un an :

L'an dernier, j'ai dit à un ami que Hainan allait devenir un pays à l'intérieur de la Chine. Maintenant c'est devenu réalité.

“La province de Hainan projette de construire une oasis internet pour touristes et de les laisser utiliser normalement l'internet.”

Baozi [“Brioche à la vapeur”, un surnom du président Xi] n'est pas idiot. La mesure vise à renforcer le contrôle sur le continent — à créer une Révolution Culturelle sur le continent tout en transformant Hainan en Hong Kong.

Pourquoi croyez-vous que Mao [Zedong] n'a pas récupéré Hong Kong ? Parce qu'ils avaient besoin d'une fenêtre [soupape de vapeur] ? Sans cela Jiang Qing n'aurait pas pu sortir autant de films. La Hong Kongisation de Hainan créera un terrain d'aventure où les privilégiés pourront se relier à la culture occidentale.

Hong Kong est une région administrative spéciale de la Chine dotée d'un haut degré d'autonomie. Chung Kin Wah, un professeur de Hong Kong, reconnaît que de telles “libertés spéciales” sont une constante de l'histoire chinoise. Il a écrit sur l'organe d'information citoyenne inmediahk.net :

三十多年前。當年,有一些特許店,只容許外國人或訪客進入,必須以外幣或「外匯券」付帳。當時還沒有互聯網可以上,但資訊流通也不是同樣受限制,同樣是內外有別?當年,只能在對外開放的大型酒店賓館,例如廣州的白天鵝及東方賓館,或北京的北京飯店,才可以買到 Newsweek, Time 及Economists。如果在海南這個特中之特的特區,只許外國人可以自由正常上網,又有什麼值得大驚小怪之處?必須一分為二,所謂「正常」,只對某些人是,對其他人便是「不正常」。所謂「自由」,也只是有選擇的,還得看永遠正確的共產黨如何為國民的自由下定義設界線。

Il y a une trentaine d'années il y avait [en Chine continentale], des magasins spéciaux réservés aux étrangers ou visiteurs. Ceux-ci devaient payer en “coupons de devises étrangères”. A l'époque, il n'y avait pas d'internet, pourtant le contrôle sur le flux d'information était le même. A l'époque, on pouvait seulement acheter Newsweek, Time et the Economist dans les grands hôtels ou dans des maisons d'hôtes comme le Cygne Blanc ou le Dongfang à Guangzhou ou la maison d'hôte de Pékin à Pékin.

Le projet de permettre aux étrangers d'aller librement sur Internet à Hainan, une région spéciale distincte, n'est donc pas une telle affaire. Il faut une ségrégation. Pour certaines personnes, [l'accès internet ouvert] est normal, pour d'autres, il est anormal. Cette soi-disant “liberté” est une ligne tracée par le Parti communiste chinois omniscient pour son peuple.

Hong Kong et Macao sont jusqu'à présent les deux seules villes à jouir d'un accès internet ouvert. La liberté des deux anciennes cités coloniales a été inscrite dans leurs mini-constitutions sous le principe “Un pays, deux systèmes” lorsque leur souveraineté a été rétrocédée à la Chine respectivement en 1997 et 1999.

L'avocate iranienne Nasrin Sotoudeh, défenseure des contestataires du voile, emprisonnée pour atteinte à la sécurité nationale

lundi 25 juin 2018 à 18:20

Nasrin Sotoudeh, une célèbre avocate des droits humains, est en prison pour avoir défendu celles qui manifestent contre le hijab en Iran.

Ce qui suit est une version adaptée d'un article initialement paru sur le site web du Centre pour les droits humains en Iran.

Les autorités ont déclaré l'avocate iranienne des droits humains Nasrin Sotoudeh coupable de deux crimes contre la sécurité nationale pour son travail de représentation de femmes encourant des peines de prison en Iran parce qu'elles avaient manifesté pacifiquement contre la loi de la République islamique imposant le port du voile.

Mme Sotoudeh a été arrêtée le 13 juin chez elle et informée sans plus d'explications qu'elle était emmenée à la prison d'Evin à Téhéran pour purger une condamnation à cinq ans. Un verdict dont elle n'avait pas connaissance, ayant été condamnée par contumace.

“Lors de l'interrogatoire, on lui a dit que les charges contre elle étaient ‘propagande contre l’État’ et ‘assemblée et conspiration’ parce qu'elle avait conspiré avec Mme Shaparak [Shajarizadeh] dans le tribunal de Kashan,” a expliqué le mari de Sotoudeh, Reza Khandan, au Centre pour les droits humains en Iran (CHRI).

“C'est totalement risible de dire qu'un avocat a rencontré son client et conspiré avec lui”, a-t-il ajouté. “Rencontrer un client est à la base du travail d'un avocat. Mais le plus intéressant est que Shaparak a été arrêtée à Kashan (à 225 km au sud de Téhéran) et Nasrin n'a pas pu y aller, et c'est pourquoi aucune rencontre n'a eu lieu au tribunal de Kashan”.

Depuis décembre 2017, des femmes iraniennes, dont Shajarizadeh, sont arrêtées pour avoir manifesté pacifiquement contre la loi de la République islamique sur le voile obligatoire en ôtant et faisant flotter leurs foulards dans des rues passantes. Connues sur les médias sociaux comme les “Filles de la rue de la Révolution,” au moins trois femmes ont été officiellement inculpées pour leurs actes de désobéissance civile.

Selon l'article 638 du code pénal islamique de l'Iran, “Les femmes qui paraissent dans les lieux publics et les rues sans porter un voile islamique, seront condamnées à une peine de 10 jours à deux mois de prison ou à une amende de 500 à 50.000 rials”.

L'article complète : “Quiconque, dans les lieux publics et les rues commet ouvertement un acte harām [immoral], en addition à la punition infligée pour l'acte sera condamné[e] à deux mois de prison ou à un maximum de 74 coups de fouet ; et si l'acte commis n'est pas punissable mais porte atteinte à la pudeur publique,sera seulement condamné[e] à un emprisonnement de 10 jours à deux mois ou à un maximum de 74 coups de fouet”.

Le mari de Sotoudeh poursuit : “Si vous me demandez l'idée que les autorités ont derrière la tête, je dirai que Ieur volonté est seulement que Nasrin reste à la maison et évite les affaires comme les Filles de la rue de la Révolution et cesse de défendre des activistes civiques et politiques et ne donne pas d'interviews aux médias.”

“Je crois vraiment qu'ils sont embarrassés”, ajoutait-il. “Ils l'ont incarcérée et maintenant ils fabriquent une affaire contre elle”.

Khandan a dit que Sotoudeh envisageait de rejoindre les manifestantes anti-hijab iraniennes pour protester contre sa propre arrestation.

“Nasrin m'a dit pendant la visite aujourd'hui [17 juin] qu'elle travaillait d'arrache-pied sur les affaires de ses trois clientes—les Filles de la rue de la Révolution—et est convaincue que le port obligatoire du voile est inhumain et contraire aux droits fondamentauxs, et que si sa détention se poursuit, elle aussi ôtera son foulard en prison”, a-t-il dit.

Khandan a aussi indiqué au CHRI que Sotoudeh a refusé d'engager un défenseur pour protester contre le récent établissement par le pouvoir judiciaire d'une liste de 20 avocats approuvés par l’État exclusivement autorisés à défendre les détenus pour charges à motivations politiques.

Le 17 juin, Khandan et les avocats de la défense Arash Keykhosravi et Payam Derafshan, ainsi que plusieurs militants civiques se sont retrouvés devant les portes de la prison d'Evin pour protester contre son arrestation.

Keykhosravi et Derafshan représentent la famille de Kavous Seyed-Emami, un universitaire et écologiste canadien-iranien mort dans des circonstances suspectes dans la prison d'Evin en février 2018.

Les agents de sécurité ont frappé les protestataires et retenu neuf d'entre eux pendant plusieurs heures, a rapporté Khandan. Keykhosravi et Derafshan, avec deux autres manifestants, “ont reçu de multiples blessures”, précisait-il.

“Nous nous sommes rassemblés devant Evin aux environs de 10 heures ce matin [17 juin], mais les agents nous ont repoussés et le rassemblement a eu lieu dans les faits sous le pont proche d'Evin”, raconte Khandan. “Dès que nos amis ont commencé à scander des slogans et à dresser leurs bannières, les agents nous ont attaqués à coups de poings et de pieds et ont arrêté neuf d'entre nous”.

“Nous avons été une heure dans un fourgon de police avant qu'on nous transfère dans un tribunal et finalement on nous a libérés au bout de deux heures”, ajoute-t-il. “Puis je suis immédiatement allé à la prison d'Evin voir Nasrin parce que le jour de visite pour les détenus était aujourd'hui”.

Après sa remise en liberté, Derafshan a indiqué au site réformiste d'information Etemad Online qu'un responsable judiciaire à Evin avait fait des excuses pour le traitement brutal.

“A la suite de la confrontation inappropriée avec les forces de sécurité, le représentant de la justice au tribunal d'Evin a présenté des excuses pour leur comportement fautif et a dit qu'il enquêterait méticuleusement sur l'incident dans l'intérêt de la sécurité et d'une gestion de crise convenable”, a dit Derafshan.

Entre criminalité et guerre commerciale, à quoi devra s'attendre le prochain président mexicain ?

lundi 25 juin 2018 à 12:23

Infographie de Pictoline. Les chiffres ci-dessus représentent le nombre de politiciens assassinés depuis le début du processus électoral. « Le Mexique est en train de traverser la période électorale la plus violente de ces dernières années et les chiffres sont alarmants ». Image utilisée avec permission.

Voici la troisième partie de notre série dédiée aux élections mexicaines qui se tiendront le 1er juillet 2018. Dans la première, nous nous étions intéressés aux antécédents [fr] de la démocratie mexicaine après 70 ans de gouvernement d'un parti hégémonique. Dans la seconde, nous avions brièvement présenté chacun des quatre candidats [fr] aspirant à accéder au poste présidentiel. Dans ce dernier arrêt sur image, nous nous penchons sur les sondages et sur l'état dans lequel se trouve actuellement le pays.

Que disent les sondages ?

Après les trois débats organisés par les autorités électorales à la mi-juin, il restait aux Mexicains deux semaines pour se rendre aux urnes. Les agences de sondages (Consulta MitofskyB&LGCE [es] parmi tant d'autres) et de statistiques électorales (Oraculus) identifient un leader incontestable. Toutes signalent de manière systématique que le candidat Andrés Manuel López [en] se place en tête de la course présidentielle avec presque 50 % des intentions de vote, suivi de loin par Ricardo Anaya [fr].

Comme nous l'avions expliqué dans le second articlepartie, Andrés M. López a été nommé par le parti politique qu'il a fondé en 2011 (Mouvement de régénération nationale [fr] – MORENA) après avoir concouru sans succès pour la présidence à deux reprises.

Comme nous l'avions remarqué dans le premier article, le Mexique subit encore les conséquences des conflits armés qui ont lieu depuis 2006 lorsque le Président de l'époque, Felipe Calderón, déclara la guerre contre le crime organisé. Depuis, les violences n'ont fait que de s'intensifier. Aucune trêve ni cessez-le-feu ne sont anticipés, même en pleine période électorale.

C'est dans ce contexte hostile que 112 candidats politiques ont été assassinés depuis l'enclenchement du processus électoral, comme l'illustre cette infographie de Pictoline [es] :

Image: 112 politiciens ont été assassinés au Mexique depuis le début du processus électoral ; 42 étaient candidats ou pré-candidats à des mandats électifs ; le plus grand nombre de meurtres a eu lieu à Guerrero, Puebla, Veracruz, et dans l’État de Mexico.

Tweet: Le Mexique est en train de traverser la période électorale la plus violente de ces dernières années et les chiffres sont alarmants.

« Les criminels en sortiront gagnants »

Le journal El Financiero a rapporté les propos suivants du militant Orlando Camacho [es] :

La violencia es lamentable, es un reflejo de la debilidad institucional; estas elecciones están siendo la radiografía exacta de la realidad del país en materia de violencia.

La violence est lamentable, c'est un reflet de la fragilité institutionnelle ; ces élections sont la radiographie exact de la réalité du pays en matière de violence.

Le professeur Jesús Silva-Herzog a quant à lui récemment écrit [es] dans le journal local El Siglo de Durango :

Hace unas semanas Eduardo Guerrero anunciaba en su artículo de El financiero al seguro ganador de las elecciones del 2018. No hacía proyecciones con los datos que arrojan las encuestas. No se refería a la elección presidencial. Hablaba de las organizaciones criminales que, sin aparecer formalmente en la boleta, están decidiendo la elección. Podemos estar seguros de que ganarán los criminales, adelantaba el experto en seguridad. Ganarán porque están eliminando a sus enemigos y porque han sometido a quienes ocuparán puestos en las alcaldías que son vitales para sus intereses.

Il y a quelques semaines, Eduardo Guerrero annonçait le grand vainqueur des élections de 2018 dans un article paru dans El Financiero. Il ne faisait pas de projection à partir des données recueillies dans les sondages. Il ne faisait pas référence à l'élection présidentielle. Il parlait des organisations criminelles qui, sans paraître formellement dans les bulletins de vote, décident des élections. On peut être sûr que ce sont les criminels qui en sortiront gagnants, avançait alors l'expert en sécurité. Ils gagneront parce qu'ils éliminent leurs ennemis et parce qu'ils sont parvenus à subjuguer ceux qui occuperont des postes dans les mairies qu'ils considèrent vitales pour leurs intérêts.

Il conclut [es] ainsi :

Hoy en México no se accede al poder mediante las armas pero se define el acceso al poder mediante las armas.

Aujourd'hui au Mexique, on n'accède pas au pouvoir par les armes mais on contrôle l'accès au pouvoir par les armes.

Ce climat de violence généralisée n'est pas passé inaperçu auprès de certains médias internationaux, comme El País qui a rapporté [es] que deux candidats à Oaxaca et Puebla (au sud du Mexique) ont été tués dans l'espace de 24 heures.

Négociation commerciale ou guerre économique ?

En même temps que ces incidents, le Mexique se trouve également en plein cœur d'une renégociation de l’Accord de libre échange nord-américain [fr] (ALENA, également connu sous le sigle TLCAN en espagnol) avec ses partenaires principaux et voisins régionaux : les États-Unis d'Amérique et le Canada.

La renégociation de l'accord a lieu après que Donald Trump a promis a ses soutiens d'établir des conditions plus favorables à son pays.

Le Président américain a également soutenu que le Mexique bénéficie de l'ALENA de manière disproportionnée et s'est livré à des remarques dénigrantes vis à vis du phénomène migratoire. L'exemple le plus récent a été de qualifier « d'animaux » certaines personnes arrivant aux États-Unis depuis la frontière mexicaine.

Cependant, pour en revenir à l'économie, la situation commerciale du Mexique est devenu difficile du fait des tarifs douaniers sur les produits importés, ordonnés par Donald Trump, lesquels ont provoqué des mesures de rétorsion de la part du Mexique.

Certains médias [es] d'information et d'opinion du Mexique, parmi lesquels SinEmbargo, ont qualifié la situation de « guerre commerciale [es] »

Dans la prochaine partie, nous aborderons le thème des élections présidentielles du point de vue de la liberté d'expression et nous discuterons des échanges brûlants qui ont eu lieu sur les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter.

Netizen Report : A qui le tour ? La crise politique au Venezuela crée une nouvelle vague de censure et de répression de la presse

dimanche 24 juin 2018 à 22:01

Une manifestante étudiante parle aux policiers de la Garde Nationale du Venezuela, durant les marches de 2014. Photo de Jamez42 via Wikimedia Commons (CC0)

Le Netizen Report de Global Voices Advox offre un aperçu des défis, des victoires et des tendances émergentes en matière de droits numériques à travers le monde.

La censure en ligne et la répression des usagers des réseaux sociaux atteint des proportions inégalées au Venezuela, où les citoyens continuent à manifester contre la situation désespérée de l’économie et de lasanté publique provoquée par la crise politique chronique dans le pays .

Il est devenu extrêmement difficile pour les journalistes d'informer, car ils sont souvent accusés de “troubler l'ordre public” ou de “menacer la révolution”. Les utilisateurs des réseaux sociaux qui dialoguent activement avec un large public sur des questions civiques sont aussi ciblés.

A la mi-mai, le célèbre utilisateur de Twitter Pedro Jaimes, qui parlait du climat, de la météo et du trafic aérien à près de 80.000 abonnés, a disparu. Peu de temps avant sa disparition, Jaimes avait publié un tweet sur le trajet d'un avion transportant le Président du Vénézuela Nicolas Maduro, une information accessible au public par le média en ligne Efecto Cocuyo.

Le 15 juin, plus d'un mois après sa disparition, Jaimes appela les membres de sa famille pour les tenir au courant de sa détention à l'intérieur d'El Helicoide, une installation militaire transformée en prison des services nationaux bolivariens de renseignement (SEBIN).

Pendant ce temps, il devient de plus en plus difficile d'accéder aux informations essentielles et aux plateformes de communications en ligne. Avec les réseaux électriques vacillants à cause du manque d'entretien et périodiquement désactivés dans un effort d'économie d'énergie, l'accès à internet n'est jamais assuré. Et les systèmes de communication et d'information en ligne sont de plus en plus pour les Vénézuéliens le seul moyen d'échanger et d'obtenir une information indépendante de l’État.

Au début du mois de juin, les sites web de deux grandes entreprises de presse, La Patilla et El Nacional, ont été bloqués, de même que les points d'accès au réseau Tor, qui permet aux internautes de contourner la censure en ligne. Les principaux sites web pornographiques ont aussi été bloqués, dans ce qui peut ressembler à une tentative de test de la capacité de censure du pays. Dans certains pays, les mesures de ce genre ont été les précurseurs des actions de renforcement de la censure en ligne.

Agressions de journalistes palestiniens et saisie de leurs téléphones cellulaires

Le 19 juin des journalistes couvrant une manifestation pour les droits du travail à Gaza ont rapporté à MADA (le Centre palestinien pour le développement et la liberté de la presse) avoir été agressés. Leurs téléphones portables et caméras ont soit été confisqués soit détruits par des hommes en tenues associés au Hamas, qui contrôle la bande de Gaza.

Lors d'une manifestation du 15 juin dans la cité de Ramallah en Cisjordanie, des journalistes ont rapporté que les forces de l'ordre de l'Autorité palestinienne ont employé les mêmes méthodes pour les empêcher de filmer et de faire un reportage sur la marche.

Une étudiante nigériane suspendue pour s'être plainte de la médiocrité des infrastructures universitaires

Kunle Adebajo, étudiante en droit à l'Université d'Ibadan au Nigeria , a été suspendue pour deux semestres pour avoir rédigé un article jugé critique à l'égard de l'administration de l'Université. Le 20 Avril, Kunle Adebajo a exprimé ses opinions, “UI: l'Ironie des toits à la mode et des intérieurs moches”, décrivant l'état déplorable de l'infrastructure des résidences étudiantes dans son université. Les administrateurs de l'Université ont alors convoqué Mme Adebajo devant un comité de discipline qui a qualifié l'article d'Adebayo de“grossier, insubordonné et diffamatoire” et prononcé sa suspension.

Dans un article pour Sahara Reporters, Fisayo Soyombo, un journaliste d'investigation primé et ancien élève de l'Université d'Ibadan, a qualifié la mesure disciplinaire contre Adebajo “de grand coup porté contre la liberté de la presse.”

Les autorités cubaines confisquent la carte de presse d'un blogueur célèbre

Fernando Ravsberg, journaliste uruguayen installé à Cuba depuis la fin des années 1990, blogueur chevronné et ancien correspondant de la BBC, s'est vu refuser pour la première fois ses accréditations de presse par les autorités de régulation des médias. Ravsberg s'était longtemps servi de ses revenus de journaliste étranger accrédité pour faire fonctionner son blog populaire “Cartas desde Cuba” (Lettres de Cuba), où il fait des commentaires critiques sur la vie publique et politique à Cuba, et où un seul billet compte régulièrement des centaines de commentaires de la part de ses lecteurs. Ravsberg s'est exprimé sur ce changement en ces termes :

Over these past 10 years, they have tried to tame me with kind words of advice, hidden threats, with breaking my teeth, demanding that I be expelled from the country, and ‘warnings’ directed at my children. None of this has worked until now, but removing my foreign media credentials has allowed them to give Cartas a coup de grace.

Au cours des dix dernières années, ils ont essayé de m'amadouer avec des conseils formulés gentiment, des menaces voilées, en me cassant les dents, en exigeant que je sois expulsé du pays, et des ‘avertissements’ adressés à mes enfants. Rien de tout cela n'a été marché jusqu'à présent, mais le retrait de mes accréditations de correspondant étranger leur a permis de donner un coup de grâce à Cartas.

Au Nicaragua, les forces pro-gouvernementales semblent vouloir modifier les noms des réseaux WIFI des gens

Avec les manifestations anti-gouvernementales qui font toujours rage au Nicaragua, des centaines de personnes ont rapporté en mi-juin que leurs SSID (noms de leurs réseaux Wi-Fi) avaient brusquement changé en pleine nuit. Tous ceux qui ont signalé cela étaient des abonnés de Claro, une filiale du géant mexicain des télécommunications América Móvil.

Les réseaux WiFi ont été rebaptisés “QuitenLosTranques,” ce qui signifie “ArrêtezLesBarricades” — en référence à une tactique de protestation locale, le blocage des routes. Ce message a été utilisé en permanence, comme hashtag des réseaux sociaux, par les acteurs du gouvernement et les partisans en ligne. Des barricades ont été érigées à travers le pays dans le but de faire pression sur le Président Daniel Ortega pour qu'il quitte le pouvoir et protège les collectivités de la violence de l’État.

Un projet en Inde offre gratuitement des téléphones aux pauvres — mais ne garantit pas la protection de la vie privée

Une initiative d'accès à la téléphonie mobile offre des téléphones gratuits aux femmes chefs de ménage vivant sous le seuil de la pauvreté dans l’État de Chhattisgarh dans le nord-est de l'Inde. Bien que les téléphones soient remis sans aucune contrepartie financière, les gens qui participent au projet doivent fournir leurs numéros de carte d'identité nationale– associés au système d'identification national controversé Aadhaar de l'Inde — et signer au gouvernement un document “de consentement d'utilisation de ces numéros Aadhaar.” Une étude menée par le site indépendant d'informations Scroll.in a révélé que les participants n'ont pas été informés de l'utilisation que le gouvernement fera de leurs numéros Aadhaar.

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Ellery Roberts Biddle, Marianne Diaz, L. Finch, Oiwan Lam, Laura Vidal et Sarah Myers West ont participé à la rédaction de cette synthèse.

Les marcheurs de la paix de Helmand veulent changer les représentations de l'Afghanistan

dimanche 24 juin 2018 à 12:26

“Nous voulons la paix” Photo de la marche de la paix, prise du site web d'information Etilaatroz et reproduite avec autorisation.

10.453 victimes civiles au total — 3.438 tués et 7.015 blessés — ont été documentées en 2017 en Afghanistan. Après Kaboul, la capitale, ce sont les habitants de la province méridionale de Helmand qui ont le plus souffert.

Le mouvement #HelmandPeaceMarch (Marche de la paix de Helmand) conduit par les jeunes de la province dit la lassitude de la guerre et met en lumière la recherche par la prochaine génération d'une vie meilleure dans un pays déchiré par la violence.

La marche a maintenant atteint Kaboul, après 700 kilomètres à pied à travers quatre des provinces les plus dangereuses de l'Afghanistan : Helmand, Zabul, Ghazni et Maidan Wardak. En chemin, les marcheurs ont tenu des réunions avec les villageois et expliqué le but de leur marche. De 7 au départ, ils se sont renforcés de 59 autres au long de leur trajet.

La caravane des Marcheurs de la paix est arrivée à Kandahar. ils sont partis du Helmand vers Kaboul en quête de paix et de sécurité pour leur patrie. Ces anges doivent être félicités et bien accueillis. Leur détermination, leur honnêteté et leur labeur sont admirables. J'espère que leur voix sera entendue et qu'ils obtiendront le résultat désiré.

Le Helmand est un enjeu stratégique tant pour le gouvernement que pour les talibans. On considère souvent que la population locale du Helmand a atteint un arrangement avec les insurgés, qui y contrôlent plus de territoire que le gouvernement. Un cliché que la marche a cherché à démonter.

Ce mouvement pacifiste d'origine rurale est né d'un attentat des talibans au Helmand en mars, qui a fait 15 morts et plusieurs dizaines de blessés.

Pour commencer, plusieurs tentes de sit-ins ont surgi dans le Helmand et dans d'autres provinces :  Herat, Nimruz, Farah, Zabul, Kandahar, Uruzgan, Ghazni, Paktia, Kunduz, Kunar, Nangrahar, Balkh, Parwan, Daykundi, Maidan Wardak, Bamyan et Jawzjan. Des grèves de la faim ont suivi.

La marche de Helmand à Kaboul a quatre revendications principales :

  1. Pour respecter le saint mois du ramadan, toutes les parties à la guerre doivent déclarer un cessez-le-feu.(Le ramadan a pris fin la semaine dernière, et malgré une trêve de courte durée, les talibans ont repris leurs attaques contre des cibles gouvernementales) ;
  2. Des canaux et adresses spécifiques pour des pourparlers de paix doivent être identifiés dans toutes les parties à la guerre, et des négociations de paix doivent être lancées ;
  3. Considérant les valeurs et intérêts nationaux et islamiques, des mesures concrètes doivent être prises pour constituer un système qui soit acceptable pour toutes les parties ;
  4. Sur la base de l'accord de toutes les parties à cette guerre, un calendrier spécifique doit être fixé pour le retrait des forces internationales de l'Afghanistan.

Les marcheurs ont généralement reçu un accueil chaleureux des gens sur leur route pour Kaboul. Certains ont même répondu à leur protestation avec des fleurs et des chants pour la paix.

La caravane de la paix de la province de Helmand vient d'arriver dans le district de Shajoi, et ils vont continuer à marcher jusqu'à la capitale Kaboul. Ils ont organisé une “manifestation en marche” et réclament un cessez-le-feu immédiat entre le gouvernement afghan et les talibans. Longue Marche vers Kaboul

Les mots-clics #Helmand2Kabul (de Helmand à Kaboul) et #HelmandPeaceMarch (Marche de la paix de Helmand) ont été largement partagés sur les médias sociaux par hommes, femmes, garçons et filles de toutes ethnies.

Des filles hazaras dans la province de Ghazni font la haie pour souhaiter la bienvenue aux garçons de la province de Helmand, qui effectuent une marche de près de 600 km pour la paix. Le message fort est “La guerre et la violence ne distinguent pas entre les ethnicités” et tout le monde est victime de la violence en Afghanistan

Kaboul dans l'attente de recevoir la Marche de la paix de Helmand – @ArtLordWorld peint une suite de fresques sur les routes menant à Kaboul pour accueillir nos Héros de la paix

La marche de la paix de Helmand est à Kaboul maintenant. Maman et moi sommes allées les saluer. Ils sont devant le complexe Mosquée-Madrassa en face de l'Ecole Habibia. Les voir a été pour maman et moi un moment de joie et de réconciliation. Accueillons-les à Kaboul avec chaleur et soutien.

Le 19 juin, les marcheurs ont rencontré le Président Ashraf Ghani, non pas dans le luxueux palais présidentiel de Kaboul comme les officiels l'ont initialement proposé, mais dans la rue, où leur mouvement a commencé. Les talibans ont refusé jusqu'à présent de les rencontrer à titre officiel quel qu'il soit, disent les marcheurs, même si ces derniers ont rencontré des combattants talibans et parlé avec eux chemin faisant.