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À l'approche de l'élection du Directeur général de l'OMS, le candidat éthiopien confronté à de graves accusations

vendredi 19 mai 2017 à 23:24

Une pompe financée par l'Unicef en Éthiopie. © UNICEF Ethiopia/2016/Ayene. CC BY-NC-ND 2.0.

En janvier 2017, lorsque le candidat de l'Éthiopie au poste de directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr. Tedros Adahanom, a été sélectionné pour figurer parmi les trois finalistes [fr], éliminant six autres postulants, ce fut un grand moment pour le gouvernement éthiopien.

Le Dr. Adahanom a surmonté une opposition féroce de la part de certains de ses concitoyens, offrant l'occasion d'une victoire de propagande aux médias officiels éthiopiens. Pour sa campagne bien financée [fr], M. Adahanom s'est rendu dans plus de 120 pays et ses partisans se sont dits convaincus que son élection n'était qu'une question de temps.

Puis, le 13 mai, le New York Times publiait un article soutenant qu'un “éminent expert mondial de la santé” avait accusé Adahanom d'avoir dissimulé trois épidémies de choléra de 2008 à 2011 lorsqu'il était ministre de la santé éthiopien. Ces allégations émanent de Lawrence O. Gostin, un conseiller informel de l'un des adversaires du Dr. Adahanom dans la course au poste de directeur général, le médecin britannique David Nabarro, mais ce dernier a déclaré au New York Times qu'il n'avait pas donné d'instructions à Gostin de lancer les accusations en son nom.

Enfin ! Le NYTimes dénonce le candidat au poste de DG de l'OMS le DrTedros pour avoir couvert l'épidémie de choléra en utilisant l'euphémisme de la diarrhée aiguë liquide.

Abebe Gellaw, un éminent journaliste éthiopien de la diaspora, a écrit sur Facebook que ce n'était qu'un début :

Le New York Times a publié un article critique sur Dr. Tedros Adhanom. Celui-ci dit qu'il s'agit d'une “campagne de dénigrement”. Mais la révélation n'est que la pointe d'un iceberg. Beaucoup d'autres choses paraîtront dans les prochains jours …

Capture d'écran de l'article du New York Times sur Tedros Adahanom. Cliquer sur l'image pour lire l'articles sur le site nytimes.com

L'article explosif a mis Dr. Adahanom et ses amis sur la défensive tout en créant un sentiment de revanche chez ses adversaires. Adahanom a nié les allégations. Un ancien journaliste de l'agence Reuters qui avait couvert l'épidémie de choléra en 2009 a répondu sur Twitter que les accusations détaillées du New York Times étaient conformes à ce qu'il avait vu.

En 2009, lorsque Tedros était ministre de la Santé, j'ai obtenu un procès-verbal d'une réunion ONG / ONU, dans lequel une épidémie de choléra était confirmée.

Les ONG, les Nations Unies et le gouvernement ont refusé de commenter. Et les officiels de l'ONU ont fait pression sur moi pour ne pas écrire d'article. Histoire complète ici:

À l'époque, les fonctionnaires de l'ONU se plaignaient régulièrement en privé que le gouvernement les empêchait de faire entrer davantage d'aide.

En réponse aux allégations, le Dr. Adahanom a accusé le camp du Dr. Nabarro de s'engager dans une campagne de dénigrement à visées impérialistes. Les mouvements pro-gouvernementaux ont porté cette ligne d'accusation encore plus loin, en affirmant que Dr. Nabarro travaillait avec des groupes d'opposition éthiopiens qualifiés de “terroristes”.

Le journal d'information semi-officiel d'Éthiopie accuse le conseiller spécial actuel du Secrétaire général de l'ONU, le Dr David Navarro de terrorisme.

Depuis avril 2014, un mouvement de protestation populaire défie le gouvernement, qui de son côté a réagi brutalement. Selon l'organisation non-gouvernementale Human Rights Watch, au moins 800 personnes sont mortes, et des milliers d'opposants politiques ainsi que des centaines de dissidents ont été accusés de terrorisme. Depuis octobre 2016, les autorités ont imposé certaines des lois de censure les plus strictes au monde après avoir déclaré l'état d'urgence [fr].

La tactique consistant à qualifier ses adversaires de “terroristes” s'est maintenant répandue au-delà des frontières éthiopiennes et pourrait se retourner contre le Dr. Adahanom, car son bilan est examiné de manière critique par les médias internationaux.

Les ministres de la santé des États membres de l'OMS éliront le nouveau directeur général le 23 mai 2017.

Les Argentins défilent contre l'impunité des crimes commis durant la dictature

vendredi 19 mai 2017 à 21:44

Moment central de la manifestation contre le “2×1″ sur la place de Mai de Buenos Aires. La banderole indique “Messieurs les juges : Jamais Plus. Aucun génocidaire en liberté. 30 000 détenus-disparus.” Photographie de Nuevo Encuentro, partagée publiquement sur Facebook.

Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages en espagnol.

Ce mercredi 10 mai, les Argentins ont défilé dans toutes les villes du pays pour manifester contre l'application d'un calcul d'une remise de peines, connue sous le nom de “2×1″ (“deux fois un”), visant un militaire condamné pour des crimes contre l'humanité commis lors de la dernière dictature militaire en Argentine [fr] (1976-1983). Le jugement renvoyait à une ancienne convention du droit pénal argentin qui, en son temps, avait pour objectif de réduire la population carcérale et d'après laquelle on admit alors que les détenus sans procès au-delà de deux ans avaient le droit de compenser leur attente (devant la lenteur de l'État à les faire passer devant les tribunaux) en prenant en compte le “double de la durée durant laquelle ils ont été détenus sans jugement”.

Pour ceux qui manifestent, le danger de ce jugement réside dans l'éventualité que restent en liberté ceux-là mêmes qui ont participé aux organes répressifs du gouvernement d'alors. La vidéo suivante, produite par le collectif Emergentes, résume la portée de ce jugement pour les gens et les raisons de le refuser :

La gente manifestándose también es una respuesta simbólica y firme [de] lo que no queremos que vuelva a pasar nunca más

On manifeste aussi car c'est une réponse symbolique et ferme au fait que nous souhaitons que ça n'arrive jamais plus.

Le jugement polémique, approuvé à la majorité par la Cour suprême de justice le 3 mai 2017, a été rendu en faveur de Luis Muiña, co-auteur du délit de “privation illégale de liberté aggravé par l'usage de la violence ou des menaces”. Dans un pays où les blessures de la dictature n'ont toujours pas fini de cicatriser, un jugement comme celui-ci a été reçu comme un coup bas par ceux qui luttent depuis quarante ans pour qu'advienne la justice. La réaction des organisations de droits de l'homme, des partis politiques et des citoyens ne s'est pas fait attendre, tant dans la rue que sur les réseaux sociaux, où l'on pouvait sentir l'indignation dans les tweets de ceux qui utilisaient des tags tels que #Noal2x1 (Non au 2×1) et #Noal2x1aGenocidas (Non au 2×1 pour les génocidaires) :

Non au 2×1 pour les génocidaires… Ce pays ne vaut vraiment plus rien… Et puis quoi encore ?! Quand même, quelle injustice !

Ce mercredi, réunissons-nous tous à la Place [de mai].
A la mémoire des 30 mille camarades (détenus disparus) !

Ce mercredi, mobilisons-nous aux côtés des organisations de défense des droits de l'homme pour montrer que ce pays se tient debout ! #Noal2x1 #NoAl2X1Genocida

#NOal2x1aGenocidas “L'Argentine ne saurait faire marche-arrière en matière de droits de l'homme. Le message de l'impunité ne doit pas envahir nos rues” @SergioMassa

Ils ont séquestré, torturé, violé, tué, volé des bébés, planifié la misère.
Que pas un génocidaire ne demeure en liberté.

La consigne générale consolidant le rassemblement était claire : “ni oubli, ni pardon, ni réconciliation”, et les foulards blancs, symbole des Mères de la Place de Mai [fr], ont surplombé la manifestation. Voici quelques images du défilé de la foule partagées par le collectif Emergentes :

Le centre de Buenos Aires se remplit de foulards blancs. Photographie d’Emergentes, utilisée avec autorisation.

Défilé contre le 2×1 pour les génocidaires à Buenos Aires (“Nunca más”, Jamais Plus). Photographie d’Emergentes, utilisée avec autorisation.

Défilé contre le 2×1 pour les génocidaires à Buenos Aires. Photographie d’Emergentes, utilisée avec autorisation.

Représentation symbolique des victimes de disparition forcée durant la dictature. Photographie d’Emergentes, utilisée avec autorisation.

Réponse du gouvernement

Le secrétaire aux droits de l'homme Claudio Avruj a nié toute ingérence du pouvoir exécutif dans le pouvoir judiciaire, affirmant qu'il serait erroné de confondre le jugement de la Cour avec une décision du gouvernement : “Notre premier souci fut d'abord de respecter de l'indépendance des pouvoirs. Ceci n'a rien à voir avec notre engagement inébranlable dans la lutte contre l'impunité.”

Le jour même du défilé, le président argentin Mauricio Macri s'est prononcé contre le 2×1 dans un geste que beaucoup ont considéré comme tardif. Entre-temps, le Sénat national a promulgué une loi, préalablement approuvée par consensus lors d'une session d'urgence de la Chambre des députés, limitant la portée de cette compensation et excluant son application aux condamnés pour des crimes de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre.

Les “grands-mères de la Place de Mai” lors de la session du Sénat retirant la compensation du 2×1 aux condamnés pour des crimes contre l'humanité. Photographie d'Emergentes, utilisée avec autorisation.

Malgré la rapide promulgation de la loi et des déclarations du secrétaire des droits de l'homme, cette semaine de controverse ne favorise pas du tout l'image du président Mauricio Macri à l'approche des élections législatives, qui se tiendront en octobre 2017, et ce malaise cristallise le mécontentement général d'un pan entier de la société argentine, ayant déjà montré à plusieurs reprises son rejet à l'égard de plusieurs politiques mises en œuvre durant ces seize mois de gouvernement.

Les jeunes des Premières Nations utilisent le hip-hop pour préserver leur culture

vendredi 19 mai 2017 à 19:29

Session d'enregistrement de la chanson “Home to Me”, dans la Première nation Grassy Narrows. Photographie utilisée avec l'autorisation de N'we Jinan.

Sauf mention contraire, tous les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.

Les jeunes membres des Premières Nations du Canada profitent d'une série d'ateliers itinérants pour se pencher sur des problèmes qui leur tiennent à cœur à travers le hip-hop.

Depuis 2014, l'association N'we Jinan se rend dans des écoles et centres de loisirs avec des studios d'enregistrements mobiles. Les organisateurs des ateliers y apprennent aux jeunes l'écriture de chansons, l'enregistrement, la production audio et vidéo et les concerts.

A l'origine, ces ateliers étaient conduits par David Hodges, un éducateur de Montréal qui a travaillé avec dix communautés cries du nord du Québec, puis avec le groupe de hip-hop cris The NorthStars. Une session commence typiquement par une conversation avec les participants et explore leurs thèmes, comme “l'identité culturelle, la langue, la lutte, l'amour, l'acceptation de soi”. Les jeunes s'en inspirent ensuite pour réaliser des chansons et des vidéos dont ils sont les interprètes. La popularité de ces ateliers a conduit l'équipe à travailler avec d'autres communautés des Premières Nations de Colombie britannique, et même avec la tribu winnebago du Nebraska, aux États-Unis.

Cette vidéo par exemple, réalisée par l'école ‘Na Aksa Gyilak'yoo de la nation kitsumkalum, en Colombie Britannique, raconte l'histoire de l'autoroute 16, “l'autoroute des larmes [fr]“. Une vingtaine de jeunes femmes, en majorité issues des communautés natives, ont disparu ou été assassinées sur ce tronçon de route. Leurs cas n'ont pour la plupart pas été résolus.

La vidéo ci-dessous, de la nation crie nemaska, utilise le thème du jeu vidéo pour communiquer sur l'importance de maintenir des coutumes et pratiques traditionnelles malgré l'influence de la globalisation.

Bien que les jeunes participants ne maîtrisent pas tous leurs langues couramment, la plupart des titres des chansons sont dans les langues natives. Dans celle-ci, enregistrée dans la nation crie whapmagoostui, le refrain est chanté en cris. Ces jeunes ont reçu l'aide de Gary Jolly, du groupe The Northstars, qui les a accompagnés pour un couplet en cris de la baie de James.

La page Facebook de N'we Jinan donne la transcription du couplet en question et sa traduction anglaise :

Metch agah endun ehpsgatikyaan aydaytiman
Sook maak engah gwitchtan, ewt stcheet jeh bimtayyaan
Enjeesh jigga behtoonoh, eh yashkawayyat
mwetch endeh eh whinchinyat ay snacksiyat ewsneejuuyat,
muk indabwehten bayg a jeeshagow jeh psigoodowt
Mwee naawee waptan endwee ayshaa bimatchewdow
Jenndowchjehdow, Neeganshgohdowt ewshneejew gehweeyow
jeh dootkoh dan guysh eechimgoodot Chemindoo

Parfois c'est comme si personne ne se souciait de moi
Mais je continuerai à marcher ma vie sur terre
Voici le jour où vous entendrez notre cri
Parce que notre jeunesse perdu le chemin de sa vie
Mais je sais qu'un jour nous nous relèverons
Je ne veux pas les voir mener une mauvaise vie
Pour qu'ils grandissent et mènent notre jeunesse aussi
Pour qu'ils accomplissent ce à quoi le créateur les a destinés

Le professeur et défenseur du cris Kevin Brousseau a apporté sa contribution aux commentaires de ce billet en transcrivant le couplet dans le système syllabaire cris (aussi publié sur son blog et reproduit ici avec autorisation) :

ᒬᐦᒡ ᐁᑳ ᒥᑐᓐ ᐁ ᐱᓯᔅᑳᑎᑲᐎᔮᓐ ᐁ ᐃᑌᔨᐦᑕᒫᓐ
ᓲᐦᒃ ᒫᒃ ᓂᑲ ᑯᒋᐦᑖᓐ ᐆᑕᐦ ᐊᔅᒌᐦᒡ ᒉ ᐱᒧᐦᑌᔮᓐ
ᐊᓄᐦᒌᔥ ᒋᑲ ᐯᐦᑕᐎᓈᐙᐤ ᐁ ᐊᔮᔑᐦᑴᔮᐦᒡ
ᒬᐦᒡ ᐊᓐᑌ ᐁ ᐗᓂᔑᓂᔮᐦᒡ ᑖᓐ ᐁᔑᓈᑯᓯᔮᐦᒡ ᐁ ᐅᔥᒋᓃᒌᐎᔮᐦᒡ
ᒥᒄ ᓂᑖᐺᐦᑌᓐ ᐯᔭᑯ ᒌᔑᑳᐤ ᒉ ᐸᓯᑰᑣᐤ
ᒨᔾ ᓂᐐ ᐙᐸᐦᑌᓐ ᓇᑕᐐᔾ ᐁ ᐃᔑ ᐱᒫᑎᓰᑣᐤ
ᒉ ᓂᐦᑖᐎᒋᑣᐤ ᐁ ᓃᑳᓂᔥᑲᐙᑣᐤ ᐅᔥᒋᓃᒋᐤᐦ ᑲᔦ ᐐᔭᐙᐤ
ᒉ ᑑᑕᐦᒀᐤ ᑖᓐ ᑳ ᐃᑕᔓᒥᑯᑣ ᒋᔐᒪᓂᑑᐦ

Montrer la créativité de ces jeunes en seulement trois vidéos est extrêmement difficile, mais toutes les chansons de ce projet peuvent être écoutées et regardées sur la chaine YouTube de N'we Jinan. Cinq CD de compilation de ces différents ateliers vont également sortir.

L'Ukraine bannit VKontakte et d'autres sites et réseaux sociaux russes

vendredi 19 mai 2017 à 15:29

Montage de Tetyana Lokot.

Le président ukrainien Petro Porochenko a signé un décret ordonnant aux principaux fournisseurs d'accès internet du pays de bloquer plusieurs réseaux sociaux russes majeurs, selon un décret publié sur le site de l'administration présidentielle.

Le décret, à la portée très large, du Conseil national de sécurité et de défense (NSDC, National Security and Defense Council) concernant le “Recours à des mesures économiques spéciales ou à d'autres mesures restrictives (sanctions)” est daté du 28 avril 2017 et cible un hébergeur d'individus et entreprises russes, dont Aeroflot, la plus grande compagnie aérienne de Russie.

Les réseaux sociaux VKontakte et Odnoklasniki, tous les services sous le contrôle de la holding Mail.Ru, ainsi que le célèbre moteur de recherche Yandex et ses filiales, figurent parmi les sites qui seront bloqués. VKontakte, réseau social dont les fonctions et l'interface rappellent celles de Facebook, comprenait en 2014 27 millions d'utilisateurs ukrainiens. Quant à Odnoklasniki, site web mettant en relation d'anciens élèves, il connaît surtout du succès auprès des générations plus anciennes et totalisait en 2014 11 millions d'utilisateurs en Ukraine.

Des fonctionnaires russes, dont ceux issus du parti Russie Unie, actuellement au pouvoir, aussi bien que des représentants des deux Républiques populaires séparatistes de Donetsk et Luhansk situées à l'est de l'Ukraine figurent parmi les personnes sujettes au blocage.

Total de la fréquentation des réseaux sociaux en Ukraine (2014) : VKontakte 27 millions, Odnoklassniki 11 millions, Facebook 3,2 millions, Twitter 430.000. Avec l'autorisation de Yandex.

Les entités récemment bloquées ont rejoint la liste de plus de 450 entreprises et 1 200 personnes ciblées par le gouvernement ukrainien, depuis que le gouvernement russe a annexé la Crimée et a commencé à apporter son soutien aux séparatistes ukrainiens dans l'est de la région en 2014.

Au mardi [16 mai 2017] après-midi, aucun site web dirigé par les entreprises ajoutées à la liste de celles à sanctionner n'a encore été bloqué.

Un porte-parole de l'administration présidentielle a bien confirmé que le président Porochenko avait signé le décret et s'attend à ce que le Conseil national de sécurité et de défense (NSDC) émette à son tour un commentaire prochainement.

Plusieurs médias russes ont aussi été inclus dans ce régime de sanctions, dont les chaînes de télévision TV Center, NTV Plus, TNT, Zvezda, et RBK. La compagnie de cybersécurité Kaspersky Labs, dont la relation avec le gouvernement russe fait l'objet d‘investigations par les services de renseignement américains, a été sanctionnée.

Evgeny Revenko, député à la Douma [l'assemblée nationale russe], a condamné la décision, déclarant que “bloquer les sites sur internet est stupide et irrationnel. Les internautes vont contourner le blocage d'une façon ou d'une autre.”

 

A Beyrouth, Journées militantes de Veille du Patrimoine pour défendre les sites historiques en danger

jeudi 18 mai 2017 à 16:27

Partie de l'affiche annonçant la Journée de Veille du Patrimoine. Toutes les photos

Dans les années qui ont suivi la guerre civile libanaise de 1975-1990, Beyrouth a connu une frénésie de privatisation et de promotion immobilière qui a altéré l'aspect de la ville, depuis le front de mer jusqu'aux collines entourant la péninsule.

Cette période, appelée ‘l'ère de la reconstruction’ renvoyant souvent aux années 1990 mais qui dure encore, a vu de nombreux monuments historiques de Beyrouth menacés de destruction pour faire place à la ‘rénovation urbaine’.

Les universitaires préfèrent dire ‘effacement spatial’, expliquant que “l'effacement spatial initié par les destructions de la guerre se consolide lors de la reconstruction d'après-guerre”, selon les mots de Marwan Ghadour et Mona Fawaz. Bruno Marot et Serge Yazigi vont encore plus loin en soutenant que “l'essor d'un urbanisme orienté par le marché, l'absence de véritable planification urbaine et la polarisation confessionnelle à grande échelle” pourraient semer “les graines d'un conflit futur”.

Des militants au Liban ont riposté en organisant une Journée de Veille du Patrimoine [‘Heritage Watch Day’, nom officiel de l'événement] pour attirer l'attention internationale sur un certain nombre de sites historiques menacés, et encourager les Beyrouthins à les défendre activement. Deux sites seront au centre de cette édition : le Palais de Hneine et la Péninsule de Dalieh.

Le Palais de Hneine est un des édifices les plus remarquables de Zokak el-Blat, autrefois un quartier-jardin huppé à l'extérieur des murailles de la vieille ville. Quand la guerre civile a éclaté en 1975, son rez-de-chaussée a abrité des familles déplacées, qui ont subdivisé les grands espaces avec des cloisons improvisées.

Les derniers occupants ont été expulsés en 1990, et le palais est désormais vide et délabré. Le bâtiment a de multiples copropriétaires, sans consensus clair sur son avenir, pendant que s'intensifie la cadence du développement immobilier dans le quartier.

Quant à la Péninsule de Dalieh, c'est un lieu marquant de la corniche de front de mer, à riche valeur sociale et culturelle. Depuis des siècles, la zone rocheuse ouverte qui longe le bord de mer est mise à profit par les familles populaires pour des activités récréatives quotidiennes : elles y nagent, célèbrent les fêtes religieuses, mais aussi pêchent et jardinent.

L'accès public aux plages de Beyrouth est une longue tradition, qui remonte à l'Empire Ottoman (depuis le 16ème siècle jusqu'à 1918) et s'est poursuivie pendant le mandat français (1920-1943) avec des lois interdisant la promotion immobilière en bord de mer.

Mais depuis les années 1960, une série de changements législatifs a fait disparaître la plupart des protections du littoral, permettant une construction presque sans frein.

Une opportunité saisie par les grands investisseurs immobiliers, qui ont réussi à s'approprier la presque totalité du site. Les propriétaires actuels envisagent la réalisation d'une marina privée. Les phases initiales des travaux incluent la démolition des abris de pêche et la clôture du site pour empêcher son accès public.

La Journée de Veille du Patrimoine est organisée par deux collectifs.

Celui de Save Beirut Heritage (Sauver le patrimoine de Beyrouth), une association de bénévoles qui œuvre à la surveillance collective des bâtiments du patrimoine et agit comme lanceur d'alerte à chaque soupçon de démolition illégale, a porté la candidature du palais de Hneine Palace à la Liste de surveillance du World Monuments Fund (WMF, Fonds mondial pour les monuments) Le WMF est une organisation internationale privée à but non lucratif “fondée en 1965 par des particuliers préoccupés par la destruction accélérée dans le monde de trésors artistiques essentiels”.

Quand à the Civil Campaign to Protect the Dalieh of Raouche (la Campagne civique pour protéger le Dalieh de Raouche), cette coalition de particuliers et d'associations, partageant un engagement fort pour la préservation des espaces communs et de la diversité écologique et culturelle de Beyrouth, a emboîté le pas pour la péninsule de Dalieh.

Image via Beirut Report. Source.

La Journée de Veille du Patrimoine, qui se déroulera de fait sur plusieurs jours du 18 au 21 mai, proposera des conférences et discussions publiques, des interventions artistiques spéciales aux sites, des expositions, ateliers scolaires et visites de sites, des concerts, marchés alimentaires et foires de rue.

Le programme vise à faire reconnaître les citoyens et usagers de la ville comme des partenaires actifs dans la bataille pour sauver le patrimoine, et leur donner la possibilité d'exprimer leurs inquiétudes devant la façon dont le développement immobilier mû par le marché et le règne de la déréglementation transforment le caractère et l'identité de Beyrouth.

Image via Beirut Report. Source.

Les sites ont tous deux rejoints les 48 déjà inscrits sur la liste, avec l'espoir que cela attire l’attention sur d'autres sites du patrimoine menacés. 

Des lieux comme la Maison Rouge dans le quartier de Hamra à Beyrouth, qui daterait du 18ème siècle, La Maison Rose, une des plus anciennes grandes demeures de Beyrouth datant du 19ème siècle, Ramlet El Bayda, la dernière plage publique de Beyrouth, la Brasserie Laziza, aussi appelée La Grande Brasserie du Levant, une des premières grandes usines du Liban et qui serait la plus ancienne brasserie du Mouen-Orient, Horsh Beirut, le plus grand espace vert de la ville, et les vestiges antiques découverts dans ce qu'on a surnommé le Quartier Digital de Beyrouth au centre de la capitale sont quelques exemples de l'indifférence de la ville pour ses atouts culturels, auxquels elle préfère l'urbanisation et la promotion immobilière massives.

Comme l'a expliqué Florence Massena, ce sont “les symboles de l'absence de planification urbaine dans la capitale libanaise, où le patrimoine succombe à l'argent”.

La Maison Rouge a été retirée de la “liste des bâtiments protégés” en février 2017, sept mois seulement après y avoir été inscrite. Le sort de la Maison Rose est incertain lui aussi depuis qu'un artiste britannique a réussi à la ramener brièvement sous les projecteurs des média. Fin 2016, elle a été rouverte au public pendant deux mois. Quant à la Brasserie Laziz, sa démolition a débuté en mars 2017 pour “faire place à un complexe d'appartements de luxe”.

Pendant ce temps, Horsh Beirut est sous la menace aujourd'hui “de la construction en cours à l'intérieur du parc d'un poste médical avancé” malgré son classement en site naturel depuis 1940. Le parc, qui couvrait à l'original 125 hectares, est aujourd'hui réduit à un triangle de 33 hectares. Il a été rouvert au public en septembre 2015 après vingt ans de fermeture.

Quant aux vestiges antiques, ils n'ont été découverts que récemment et semblent remonter à l'époque romaine. Habib Battah, du blog renommé ‘Beirut Report’ a réussi à y jeter un coup d’œil et s'est fait après cela agresser physiquement par des promoteurs et menacer verbalement par un fonctionnaire de haut rang pour avoir publié des photos des ruines.

Pour le programme exhaustif des activités prévues de la Journée de Veille du Patrimoine, cliquer ici.