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Les habitants de Rio de Janeiro se mobilisent contre l'augmentation du coût de la vie

jeudi 23 janvier 2014 à 12:57

[tous les lien mènent vers des sites en portugais]

Les habitants de Rio de Janeiro ont commencé à se mobiliser pour combattre la hausse des prix des hôtels, des loyers, de la nourriture, des vêtements et des loisirs, qui ont fait de la Ville Olympique de 2016, et un des sites de la Coupe du Monde de 2014, une ville hors de prix.

Avec l'humour caractéristique des cariocas, la mobilisation sur les réseaux sociaux montre bien que le coût élevé de la vie dans la ville relève d'une situation qui a perdu le sens des réalités. Le terme “surreal” ["surréaliste"] s'utilise chaque jour davantage pour faire référence à ce qui se passe à Rio de Janeiro. Le Surreal est d'ailleurs le nom proposé, avec humour, par le webdesigner Toinho Castro pour la création d'une nouvelle monnaie exclusive pour la ville, en substitution au Real, la monnaie brésilienne. La proposition a été commentée dans un message publié dans un journal largement diffusé :

“Tem mais a ver com a nossa realidade”, diz, citando um diálogo-que-gostaríamos-de-ouvir: “Quanto é a água, moço?” E a resposta: “Cinco surreais…” [cerca de 2 dólares americanos]

“Cela est plus en rapport avec notre réalité” dit, en citant un dialogue-que-nous-aimerions-entendre: “L'eau est à combien, garçon?” et la réponse: ” Cinq surreais…” [environ 2 dollars américains]

 

 

"Os surreais: a cara da nova moeda que andam falando por aí..." Arte por Patrícia Kalil partilhada no Facebook.

“Les surreais: le visage de la nouvelle monnaie dont tout le monde parle là-bas…” Dessin de Patrícia Kalil partagé sur Facebook.

La page facebook Rio $urreal – NÃO PAGUE  “révèle les prix abusifs pratiqués à Rio et appelle au boycott”. Créée le 17 janvier de cette année, en trois jours, elle est déjà suivie par plus de 95 000 personnes. 

A gente aqui não faz a apologia de “tudo tem que ser barato”. Não, não é isso. Quem quiser comer ostra, beber espumante, jantar em um lugar cujo chef estudou no Cordon Bleu… Bem, tem que arcar com este preço. E, de vez em quando, todo mundo tem direito a tomar espumante, comer uma iguaria, enxugar a boca com guardanapo de pano – se puder pagar por este luxo ocasional. Comer bem dá alegria, dá conforto, é um convite à confraternização.

Bons ingredientes custam caro. Funcionários bem treinados também. Logo, ninguém aqui acha absurdo pagar mais por aquilo que de fato custa mais. É o justo. E você merece fugir do feijão com arroz e do trivial de vez em quando. Não merece?

Duro mesmo é pagar R$ 30 reais por batata frita [cerca de 13 dólares americanos]. Ou R$ 11 por um suco [4,7 dólares americanos]. Ou R$ 8, R$ 9 ou R$ 10 por uma garrafinha de água mineral [entre 3,4 e 4,3 dólares]. Ou R$ 15 pelo aluguel de cadeira e barraca na praia [cerca de 6,4 dólares]. Estes são alguns dos absurdos.

Les gens ici ne font pas l'apologie de “il faut que tout soit bon marché”. Non, ce n'est pas ça. Qui veut manger des huîtres, boire du mousseux, dîner dans un endroit où le chef a étudié au Cordon Bleu….ok, il doit pouvoir se le payer. Et de temps en temps, tout le monde a le droit de prendre du mousseux, manger un mets raffiné, s'essuyer la bouche avec une serviette en tissu – s'il peut se payer ce luxe occasionnel. Bien manger rend joyeux, apporte du bien-être, c'est une invitation à la convivialité. Les bons ingrédients coûtent cher. Les employés bien formés aussi. Donc, personne ne trouve absurde de payer plus pour ce qui, de fait, coûte plus cher. C'est le prix juste. Et chacun mérite de fuir le riz aux haricots et de s'accorder quelque chose de plus intéressant de temps en temps. Non ? Mais c'est vraiment dur de payer R$30 pour des frites [environ 13 dollars américains]. Ou R$11 pour un jus de fruit [4,7 dollars américains]. Ou R$ 8, R$ 9 ou R$ 10 pour une petite bouteille d'eau minérale [entre 3,4 et 4,3 dollars]. Ou R$15 pour la location d'une chaise longue et d'un parasol à la plage [environ 6,4 dollars]. Ce sont quelques unes des absurdités.

Un “cas d'hyper-réalisme” a été rapporté sur la page par une abonnée, Clarissa Biasotto :

Hoje fui à praia do leblon e me deparei com um gringo sul-americano perguntando a um vendedor ambulante se ali era a praia do leblon. O vendedor respondeu que ali era copacabana, ficou enrolando o gringo dizendo que não sabia e no fim disse que aqui no Rio tudo é pago e que, por isso, a informação também era paga.. enfim, o gringo já tava pegando a carteira e perguntando quanto o ambulante queria quando eu tive que gritar pro gringo que era sim a praia do leblon.. o gringo chegou a perguntar se aquilo foi uma pegadinha.. enfim, achei vergonhoso, surreal..

Cardápio de barraca na praia de Ipanema partilhada no Facebook de Marketing na Cozinha

Menu d'un marchand ambulant sur la plage d'Ipanema partagé sur le mur Facebook de Marketing na Cozinha

Aujourd'hui je suis allée à la plage de Leblon et j'ai vu un étranger sud-américain demander à un marchand ambulant si il était bien à la plage de Leblon. Le vendeur a répondu qu'on était à Copacabana. Il a embrouillé l'étranger en disant qu'il ne savait pas et finalement lui a dit qu'à Rio tout se paie et que c'est pour ça qu'il devrait payer pour avoir l'information…enfin, l'étranger était déjà en train de sortir sa carte bleue, et de demander au marchand combien il voulait, quand j'ai dû crier en direction de l'étranger, que si, ici c'était bien Leblon.. l'étranger en est venu à se demander si c'était un gag…enfin, j'ai trouvé ça honteux, surréaliste..

Mais les accusations les plus courantes prennent la forme de photos des menus aux prix abusifs, comme un stroganoff de poulet pour 72 reais (ou 30 dollars américains), un croque-monsieur pour 20 reais et une salade verte pour 43 reais (respectivement, 8,50 et 18,20 dollars américains ; voir la photo à droite).

Les administrateurs de Rio $urreal indiquent que la page a été créée avant tout avec “la prétention de contribuer à la réflexion des consommateurs” : 

Cabe a nós decidirmos quando queremos pagar o preço por determinada coisa – seja ela uma roupa, refeição ou um serviço. Está caro? Não compre. O prato é inviável? Mude de restaurante. Ainda assim não achou o que quer? Chame os amigos para jantar na sua casa. Foi à praia e o aluguel da cadeira tá um horror? Já pensou que ter a sua pode ser um bom custo-benefício? Consumo consciente – esta é nossa meta.

Il nous appartient de décider quand nous souhaitons payer le prix pour une chose déterminée- que ça soit un vêtement, un repas ou un service. C'est cher ? n'achète pas. Le plat est inabordable ? Change de restaurant. Et comme ça tu n'as toujours pas trouvé ce que tu veux ? Appelle tes amis pour dîner à la maison. Tu es allé à la plage et la location du transat est une horreur ? As-tu déjà pensé qu'en acheter un serait un bon investissement ? Consomme de façon responsable- c'est notre objectif.

D'autres initiatives sont également devenues populaires. La page Se Vira no Rio a plus de 14 000 abonnés et révèle les endroits où l'on trouve encore des prix accessibles pour manger et s'amuser.

L'ascension de la bulle immobilière

Dans l’une des publications, la page encourage les abonnés à partager des solutions pour renverser ou empêcher l'inflation du coût du logement. La quasi totalité des 300 commentaires du post rapportent des faits et proposent des solutions, dont la plupart portent sur des ”lois anti-spéculation” ou une intervention de l'Etat ; d'autres en appellent à une transformation du comportement des consommateurs, comme rechercher d'autres quartiers dans la ville ou de laisser tomber les agences immobilières.  

Beaucoup parient également que la bulle du marcher immobilier est prête à éclater. Vinicius Bito Trindade, de l'Université Fédérale de Rio de Janeiro, a commenté :

há quem diga que o que encarece os imóveis aqui é o excesso de crédito para o financiamento… inflaciona o mercado e tal, assim que a política econômica mudar, a tendência é cair e ferrar quem estiver preso a uma prestação irreal…

il y en a qui disent que ce qui renchérit le coût de l'immobilier ici c'est l'excès de crédit…ça crée de l'inflation etc…quand la politique économique changera, la tendance sera à la chute des prix et ceux qui se seront engagés dans des remboursements surréalistes vont se faire avoir…

Une autre initiative qui donne de la visibilité à l'augmentation critique du coût de la vie au Brésil est le site : ”Tem algo errado ou estamos ricos??” ["on est riches ou je me trompe ??"] qui compare les petites annonces des locations et de ventes de biens immobiliers au Brésil et à l'étranger. De cette manière, il expose les prix élevés, au Brésil, pour des biens anciens et mal entretenus, et les compare avec de très beaux biens, dans de bons quartiers en Europe ou dans les pays en développement, dont la valeur est similaire ou inférieure.

Le site montre, par exemple, un appartament de 600m2, à Rio, annoncé à 66 millions de reais (ou presque 30 millions de dollars américains). Avec quelques millions de moins, il serait possible d'acheter la demeure où John Lennon composait les musiques de Sergent Pepper's ou un immeuble entier dans le très huppé Upper West Side à New York. Dans un autre cas, des studios (des appartements où salon et chambre sont dans la même pièce) sont en vente pour plus d'un million de reais (environ 430 000 dollars). Avec les publications du site, on peut remarquer que l'envolée des prix n'est pas réservée à Rio de Janeiro.

Une petite maison dans une résidence privée à Valence-Alicante (Torremendo) [Espagne]. Maison toute neuve, près de la plage, à proximité d'un club de golf, dans une résidence privée avec de nombreux services (solarium etc…), garage pour deux voitures…belle vue…etc etc

 

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(…)

Immeuble neuf, résidence privée proposant de nombreux services, à proximité de la plage, beau etc…combien ?? environ US$88.952 (aux alentours de R$ 200 000- 210 000 reais… ça dépend de ce stupide dollar qui fluctue).

Mais ne sois pas triste mon cher petit Brésilien…tu as un large choix ici dans notre cher Brésil…dans la très chic ville de Lajeado dans le Rio Grande do Sul…dans le quartier Planalto on trouve une jolie maison pour le même prix!! Incroyable non ???

Jette un oeil…

 

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C'est une version +root (la rue n'est pas pavée…il n'y a pas de piscine dans la résidence, de club de golf…pas de plage…pas de vue…mais c'est le reflet de notre proximité avec les pays d'Europe, non ?? que peut-on y faire??

Pour la période de la Coupe du Monde, le Gouvernement Fédéral a annoncé des mesures pour contenir le prix des billets d'avion et des hôtels, telle que l’intervention du Procon (organisme de défense des droits du consommateurs) et les contrôles de l'Agence Nationale de l'Aviation, l'ANAC. Ainsi 1 973 nouveaux vols ont été autorisés pour augmenter la concurrence dans le secteur aérien durant les mois de juin et de juillet, lorsque que la Coupe aura lieu.

Opter pour une intervention de l'Etat pour contenir les prix est toujours une décision délicate dans les Etats où le marché est libre. Pour le secteur aérien, qui est régulé et considéré comme stratégique pour les intérêts nationaux, cette politique interventionniste est déjà une réalité dans le Brésil de la Coupe. Mais la maîtrise des prix des biens de consommation est encore un grand défi pour les Brésiliens et pour les secteurs traditionnellement dynamiques. Au moins sur les réseaux sociaux, la mobilisation a commencé.

“Conversation à la Cathédrale” de Vargas Llosa, 140 caractères à fois

jeudi 23 janvier 2014 à 12:47

Le compte anonyme Twitter caché derrière @EnLaCatedral a décidé de partager le contenu entier du roman “Conversation à la Cathédrale“, du prix Nobel de littérature Mario Vargas Llosa, 140 caractères à la fois. Le roman de l'auteur péruvien commence par ces mots republiés par @EnLaCatedral :

DEPUIS L'entrée du [journal] La Crónica, Santiago regarde l'Avenue Tacna, sans amour : des automobiles, des bâtiments irréguliers et décolorés

 

Qui vit vraiment dans les logements construits après le séisme en Haïti ?

mercredi 22 janvier 2014 à 23:47

Ceci est une version revue et abrégée d’un rapport original publié par Haiti Grassroots Watch le 8 janvier 2014 et repris sur Global Voices dans le cadre d’un accord de partenariat.

Quatre ans après le séisme du 12 janvier 2010, des questionnements hantent les quatre principaux projets de logements des administrations René Préval et Michel Martelly dans le cadre du processus de reconstruction d’Haïti. Qui occupe ces logements ? Qui contrôle les projets ? Les résidents peuvent-ils payer les loyers ou les prêts ? Sont-ils tous de véritables victimes du tremblement de terre ?

Selon certaines estimations, la catastrophe a tué plus de 200 000 personnes et fait 1,3 million de sans-abri. Mais ces nouveaux projets logent des personnes qui ne sont pas nécessairement des victimes, alors que 200 000 d’entre elles vivent encore dans des camps ou dans trois nouveaux grands bidonvilles appelés Canaan, Onaville et Jérusalem.

Habitations vides du Village Lumane Casimir. Photo de HGW/Marc Schindler Saint-Val

Habitations vides du Village Lumane Casimir. Photo de HGW/Marc Schindler Saint-Val

Une enquête menée par Haiti Grassroots Watch, qui a effectué plus d’une vingtaine d’interviews et plusieurs visites de terrain, a révélé que, même si des familles ont obtenu un logement, nombre d’entre elles (probablement la majorité) ne sont pas nécessairement des victimes du séisme. D’autres sont confrontées à la quasi-inexistence de services de base et à des actes incessants de vandalisme, des vols et du gaspillage.

Des maisons trop chères

Le 21 juillet 2011, le Président Martelly, l’ex-Président des États-Unis Bill Clinton et le Premier ministre de l’époque Jean-Max Bellerive ont inauguré l’Expo Habitat : une exposition d’environ 60 prototypes de maison à Zoranje.

Constituant l’un des premiers projets approuvés par la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti [anglais], l’Expo a coûté plus de 2 millions de dollars américains en termes de financement public pour la reconstruction. Les entreprises étrangères et haïtiennes de construction et d'architecture ont dépensé au moins 2 millions de dollars supplémentaires. L’idée était qu'elles parviennent à choisir parmi les modèles avant de s’engager dans la reconstruction.

L’Expo est considérée par tous comme un échec. Peu de gens l’ont visitée et très peu ont choisi un des modèles pour reconstruire, ces modèles étant pour beaucoup trop chers au regard des critères haïtiens [anglais].

Selon David Odnell, directeur de la division logement à l’Unité de Construction de Logements et de Bâtiments Publics (UCLBP), une des trois agences gouvernementales impliquées dans la question du logement :

Nous avons vu des solutions très atypiques. Certaines d’entre elles ne correspondaient pas à notre manière de vivre. En tant qu’Haïtiens, nous ne voyons pas la question des logements de cette manière. C’était des trucs importés.

Aujourd’hui, au milieu des herbes folles et des chèvres, les maisons abîmées à la peinture écaillée abritent plusieurs dizaines de squatteurs. Une jeune fille enceinte, dont les parents sont, d’après elle, « les locataires », déclare que :

Toutes les maisons ont de nouveaux propriétaires. Ils les ont accaparées. 

A woman cooking in front of a model house on the Expo site.  Photo: HGW/Marc Schindler Saint-Val

Une femme cuisinant devant l’une des maisons modèles du site de l’Expo Habitat. Photo de HGW/Marc Schindler Saint-Val

À quelques pas se trouve la jeune femme se disant « propriétaire » du logis de la fille. Elle tient un bébé dans ses bras. Toutes deux souhaitent garder l’anonymat, mais la jeune femme partage volontiers son histoire :

Je n’ai suivi aucune procédure pour l’avoir. J’étais là, c’est mon frère qui assurait la sécurité de la maison… Personne n’est venu nous demander de payer ou ne nous a dit quoi que ce soit. De toute façon, à qui irait-on payer ?

Selon au moins quatre résidents et un consultant dans un projet de l’État, les squatteurs sont tous des personnes qui vivaient déjà à Zoranje. De nombreuses maisons sont aujourd’hui en location.

Dans une interview datant de novembre 2013, Odnell a reconnu :

Oui, c’est possible, et vous savez pourquoi. Parce qu’il y a un vide… parce qu’il y a une absence de l’État. Mais [ce projet] n’est pas du « gaspillage ». Il s’agit plutôt d’une mauvaise planification, parce qu’on pourrait récupérer les maisons à l’avenir.

L’homologue d’Odnell à l’agence gouvernementale Fonds d’assistance économique et sociale (FAES), Patrick Anglade, est du même avis :

En dehors de la semaine d’inauguration, l’Expo est tombée à l’eau. Personne ne va là-bas parce que personne ne gère vraiment le projet. Les entrepreneurs partent et ne font pas la promotion de leurs logements. C’est un problème qu’on peut résoudre, mais il faut savoir comment s’y prendre. 

Le règne des squatteurs

Tout près de l’Expo se trouve un nouveau projet : 128 appartements construits pour un montant de 4,9 millions de dollars américains (selon les chiffres) par le gouvernement vénézuélien durant la présidence d’Hugo Chavez. On les appelle généralement « Kay Chavez yo », ou en français, « Les maisons de Chavez ».

Parasismiques, comportant chacun deux chambres à coucher, une salle de bain, un salon, une salle à manger et une cuisine et peints de couleurs vives, la plupart de ces appartements sont occupés par des personnes qui ont simplement défoncé la porte avant de s’y installer. Sur les 128 appartements, seulement 42 ont des habitants « légaux », invités par l’ambassade du Venezuela. Vides pendant 15 mois, certains ont été vandalisés. De nombreux équipements et objets, dont des toilettes, des éviers et des pompes à eau ont été emportés.

Les habitants font déjà des modifications : ils changent les portes, ajoutent des fenêtres, des barrières et érigent des clôtures. 

One of "The Chavez Houses". Photo: HGW/Marc Schindler Saint-Val

L’une des « maisons de Chavez ». Photo de HGW/Marc Schindler Saint-Val

Entouré de quelques voisins, Jules Jamlee est assis sur une chaise délabrée en face d’une maison en phase d’agrandissement. Comme ses amis, il est catégorique quant à son droit d’avoir « sa » maison :

Le président sait pertinemment que nous sommes des révolutionnaires. Il peut bien nous menacer, il sait que nous ne serons pas d'accord avec lui.

Les logements ne disposent toujours pas d’eau et les résidents se plaignent que, par conséquent, les toilettes ne fonctionnent pas correctement. De nombreux résidents vont faire leurs besoins à l’extérieur, dans les broussailles.

Quand Haiti Grassroots Watch a visité le lieu en juin 2013, les journalistes ont appris que six résidents sur les dix interrogés avaient déclaré qu’ils allaient chercher de l’eau à l’aide de seaux. Quatre ont déclaré que leurs toilettes ne fonctionnaient pas.

Mauvaise qualité

Connu sous le nom de « 400 % » parce que le président Martelly a promis de construire 400 maisons en 100 jours, le projet voisin de 30 millions de dollars américains et subventionné par la Banque interaméricaine de développement a été inauguré le 27 février 2012. Le projet comportait la construction de trois kilomètres de routes pavées, d’un système d’adduction d’eau, de circuits électriques, de lampadaires et d’une place publique avec un terrain de basket. 

Cependant, seule une partie des bénéficiaires sont de véritables victimes du séisme. Nombreux sont les employés de l’administration publique qui en profitent. Les maisons ont été attribuées au départ avec empressement. Et il y a d’autres complications, parce que ces maisons ne sont pas des cadeaux. Les bénéficiaires doivent payer une hypothèque sur cinq ans.

Les prêts hypothécaires se situent entre 39 et 46 USD par mois. Il est stipulé dans le contrat que « le non-paiement par le locataire-acquéreur de trois mensualités consécutives entraîne l’application d’une pénalité de 5 % du montant de la mensualité impayée » et que le « non-paiement pourrait entraîner l’expulsion ».

Le contrat provoque des grincements de dents. Yves Zéphyr, chômeur et père de deux enfants qui habite la cité depuis novembre 2012, fait remarquer :

Le président ne nous donne pas de maisons. Il nous les vend. Les maisons sont trop chères. Quelle activité peut-on exercer dans un pays où il n’y pas d’emploi ? Comment trouver 1 500 gourdes (39 USD) par mois ?

Le FAES admet qu’il fait face à un défi.

Le taux de récupération n’atteint pas 100 %. Il n’atteint même pas 70 %. Au moins 30 % des personnes sont en retard de paiement. 

Une mini-enquête réalisée par Haiti Grassroots Watch donne une idée de la raison de ces retards de paiement. Sur dix personnes interrogées, cinq affirment être des chômeurs.

Lorsque le projet a été lancé, le gouvernement n’a reçu de financement que pour la préparation du terrain, les maisons et l’électricité, pas pour les autres services nécessaires dans le cadre d’un projet de logements comme l’accès à l’eau et le service d'assainissement, un marché, des écoles, une clinique et un système de transport abordable. Odnell explique :

The unused toilet of one resident, who said the septic system  is not deep enough. Photo: HGW/Marc Schindler Saint-Val

Les toilettes de la maison d’Yves Zéphyr non utilisées, car le système de vidange manque n’est pas assez profond. Photo de HGW/Marc Schindler Saint-Val

 

Nous avons de l’espace pour tous les services nécessaires. Tout ceci était dans le plan de base. Mais malheureusement on n’est pas arrivé à les réaliser. Donc, finalement, ce sont uniquement les logements qu’on a érigé. Nous n'avons pu mettre en place le système de distribution d'eau que récemment, après avoir cherché et trouvé les financements nécessaires.

Si de nombreux résidents sont heureux de leurs nouveaux logements, il y a tout de même eu des problèmes. Des toits fuyaient dès qu’il pleuvait et certains résidents ont déclaré que l’électricité était rare. Certaines des habitations ont été vandalisées avant l’installation des résidents : des toits de tôle et des toilettes avaient disparu. Les fosses septiques de certaines maisons posent également des problèmes.

À la hauteur du défi ?

L’État haïtien reconnaît qu’il fait face à un énorme défi. Quelque 150 000 victimes du séisme vivent encore dans environ 300 camps et 50 000 autres dans trois zones anarchiques appelées Canaan, Onaville et Jérusalem. La moitié des camps n’a pas de services sanitaires et seulement 8 % sont approvisionnés en eau, d’après un rapport de l’UCLBP et du Camp Coordination and Camp Management (CCCM)/Shelter Cluster d’octobre 2013. Les résidents de plus de 100 camps sont en danger imminent d’expulsion. En décembre, 126 familles ont dû quitter les maisonnettes qu’elles avaient construites à Canaan, non loin du Village Lumane Casimir.

Selon le gouvernement, le déficit de logements continuera à s'accroître à mesure que les gens quitteront la campagne et les villes de province pour rejoindre les grandes villes.

Selon la nouvelle Politique du logement et de l’habitat (PNLH) de l’UCLBP, publiée en octobre 2013 :

Haïti devra faire face au défi de construire 500 000 nouveaux logements pour répondre au déficit actuel et aux besoins jusqu’en 2020.

La nouvelle politique reste ambitieuse, mais vague. Le langage du document implique que l’État cherchera à résoudre le déficit en partenariat avec le secteur privé. Cette orientation n’est pas forcément à éviter, mais il semble déjà que l’État ne construira plus de logements sociaux accessibles à la majorité de la population. 

Les projets hydro-électriques de Panama “promettent le développement mais créent la catastrophe

mercredi 22 janvier 2014 à 23:15

Bien que les promoteurs et les gouvernements insistent sur le fait que l'économie locale tirera bénéfice de ce projet, la réalité sur le terrain à Panama fait craindre le contraire : les communautés indigènes locales s'enfoncent encore plus dans la pauvreté, le dommage infligé à l'environnement est irréparable. Un témoin proche du projet  Chan 75 affirme : “ Le gouvernement et la compagnie AES (une multinationale de l'énergie basée aux Etats-Unis) ont promis le développement mais ont créé, au contraire, une catastrophe”.

Jennifer Kennedy a écrit pour Intercontinental Cry ( lien en anglais) un article sur les conséquences pour les communautés indigènes du Panama des projets de barrages hydro-électriques. Elle conclu ainsi :

Le coût humain et environnemental de la construction de grands barrages est indéniable. Les communautés indigènes continueront à défendre leurs moyens d'existence, leur environnement et leurs ressources en s'opposant farouchement aux projets de construction de grands barrages.

L'état de droit renversé à Nauru : que fait l'Australie ?Rule of Law Overturned in Nauru

mercredi 22 janvier 2014 à 19:01
Sydney Asylum Seeker Protest

Un manifestant au rassemblement de la Coalition d'Action pour les Réfugiés. Sur sa pancarte : ‘Fermez Manus et Nauru – Non aux goulags offshore de détention’. Photo Richard Milnes © Demotix (22 November 2013)

[Liens en anglais] La République de Nauru, un confetti de l'océan Pacifique, vient de voir imploser sa démocratie avec le renvoi du Magistrat Résident, opportunément appelé Peter Law [Pierre Loi], l'exil du Juge en chef Geoffrey Eames et la démission de l'avocat-général Steven Bliim en signe de protestation. Tous trois sont Australiens.

Nauru est au centre de la controverse politique sur l'usage que fait le gouvernement australien de ce pays comme d'un centre offshore de traitement des demandeurs d'asile arrivés par bateaux. Le centre de détention compte actuellement 900 pensionnaires. M. Law était sur le point d’auditionner l'accusation contre les dizaines de demandeurs d'asile qui se seraient mutinés en juillet 2013.

Le gouvernement australien a été lent à réagir, et certains sur twitter l'ont accusé de complicité, citant Ben Saul, professeur de droit international à l'Université de Sydney, dans la section ‘Comment is free’ du Guardian Australia :

“Les traces de doigts sales de l'Australie se trouvent partour dans le système judiciaire de Nauru et les agissements australiens y ont érodé la culture de la légalité” 

Les juristes universitaires se sont activés en ligne. Kevin Boreham a blogué sur The Conversation : l'Australie a des obligations envers les demandeurs d'asile que nous avons transférés à Nauru et nous avons un intérêt juridique au maintien de l'état de droit à Nauru.

L'avocat et défenseur des droits humains Julian Burnside est aussi allé sur le web, pour critiquer les gouvernements récents qui ont prôné la Solution du Pacifique [fr], une ‘politique d'acheminement des demandeurs d'asile sur des pays insulaires de l'Océan Pacifique, plutôt que de les laisser débarquer sur le continent australien’ :

…les deux gouvernements – à Nauru et en Australie – ont un intérêt à une faillite de l'état de droit à Nauru.

L'Australie est le trésorier de Nauru, qui fera à peu près tout ce que nous lui ordonnerons, car nous sommes sa principale source de revenu. C'est très commode pour l'Australie. Howard l'a reconnu ; Gillard et Rudd l'ont reconnu ; Abbott le reconnaît.

Nombreux sont sur twitter ceux qui ont appelé le gouvernement australien et la ministre des Affaires étrangères Julie Bishop à prendre des mesures vigoureuses, comme les boycotts imposés à Fidji en pareille circonstance :

Le gouvernement australien devrait demander à ce que Nauru soit suspendu à présent  du Commonwealth. [Mme] Bishop ? 

Où sont les protestations et sanctions officielles comme pour Fidji, au renvoi anticonstitutionnel du Juge en Chef de Nauru ?

Le système judiciaire de Nauru est appremment financé au travers du programme d'aide de la Nouvelle-Zélande :

Lundi, RNZI a interviewé le Ministre des Affaires étrangères néo-zélandais Murray McCully sur la crise judiciaire de Nauru.

Pendant ce temps, Human Rights Watch a critiqué dans son rapport annuel le traitement par l'Australie des demandeurs d'asile, pour ses

…mesures pernicieuses conçues pour dissuader les demandeurs d'asile au prix de leurs droits, avec le traitement offshore obligatoire des demandeurs d'asile arrivés par mer, le “filtrage resserré” ou les expulsions accélérées après des entretiens sommaires, et le retrait de l'assistance juridique publique aux demandeurs d'asile.

Rebondissement dans l'affaire :

La nouvelle loi controversée sur les expulsions de Nauru pourrait aussi s'appliquer aux demandeurs d'asile envoyés par l'Australie

Sur sa page Facebook, ‘représentant des députés indépendants à Nauru’, le Nauruan Eko Dogin met en garde :

Le fait que le gouvernement néo-zélandais envisage cette mesure [cesser le financement] montre bien qu'ils condamnent les actes du gouvernement Waqa/Adeang et ne continueront pas à soutenir un abus de pouvoir et mépris aussi flagrants de la démocratie, de la bonne gouvernance et de l'état de droit.

Nauru ne peut tout simplement pas se permettre de mettre en jeu le soutien de ses voisins et amis. Si notre économie est plus forte qu'il y a 10 ans, elle reste terriblement fragile, et à la même vitesse que ce gouvernement a détruit notre justice, il peut aussi ruiner notre économie en un éclair.

Le gouvernement nauruan a émis une série d'accusations contre Peter Law, qui l'a menacé d'un procès.

@NObservers, un ‘observateur politique indépendant à Nauru’, a tweeté :

Ça va être l'enfer sur Nauru.

Pour connaître la suite, suivez le mot-dièse #Nauru. Sur cette île de seulement 10.000 habitants nationaux et à peine 21 kilomètres carrés, il n'y a pas grand chose d'autre dans l'actualité.

Sydney Asylum Seeker Protest

A protester at the Refugee Action Coalition rally holds a sign reading: ‘Close Manus and Nauru – No offshore detention gulags’. Photo by Richard Milnes © Demotix (22 November 2013)

Democracy in the tiny pacific island Republic of Nauru has been imploding with the sacking of its Resident Magistrate, aptly named Peter Law, the exiling of Chief Justice Geoffrey Eames and the resignation of solicitor-general Steven Bliim in protest. All three are Australians.

Nauru has been the focus of political controversy over the Australian government’s use of the country as an offshore processing centre for asylum seekers who arrive by boat. Currently the detention centre has approximately 900 detainees. Mr. Law was due to hear charges against dozens of asylum seekers who allegedly rioted in July 2013.

The Australian government has been slow to react with some on twitter accusing it of complicity, citing Ben Saul, professor of international law at the University of Sydney, in Guardian Australia’s ‘Comment is free’:

Legal academics have been busy online. Kevin Boreham blogged at The Conversation: Australia owes obligations to the asylum seekers we have transferred to Nauru and we have a legal interest in the maintenance of the rule of law in Nauru.

Barrister and human rights advocate Julian Burnside also took to the web, criticising several recent governments who have supported the Pacific Solution, the ‘policy of transporting asylum seekers to detention centres on island nations in the Pacific Ocean, rather than allowing them to land on the Australian mainland’:

…both governments – in Nauru and Australia – have an interest in seeing the rule of law fail in Nauru.

Australia is Nauru's paymaster. It will do pretty much anything we tell it to, because we are its main source of income. That is very convenient for Australia. Howard recognised this; Gillard and Rudd recognised it; Abbott recognises it.

Many on twitter have been calling on the Australian government and Foreign Minister Julie Bishop to take strong action such as boycotts imposed on Fiji in similar circumstances:

The Nauru legal system is apparently funded through New Zealand’s aid program:

Meanwhile, in its annual report Human Rights Watch has criticised Australia’s treatment of asylum seekers for its:

…pernicious policies designed to deter asylum seekers at the expense of their rights, including mandatory offshore processing of asylum seekers arriving by boat, “enhanced screening” or fast-tracked deportations after cursory interviews, and withdrawing government-provided legal assistance to asylum seekers.

There is a new twist to this unfolding story:

On its Facebook page, ‘representing independant Members of Parliament in Nauru’, Nauru Eko Dogin warns:

The fact that the New Zealand Government is considering this action [terminating funding] is a significant statement that they condemn the actions of the Waqa/Adeang government and will not continue to support such blatant abuse of power and disregard for democracy, good governance and the rule of law.

Nauru simply cannot afford to risk the support of our neighbours and friends. Whilst our economy is stronger than it was 10 years ago, it remains incredibly fragile and just as quickly as this Government have destroyed our Judiciary, they can also ruin our economy in a flash.

The Nauruan government has made a range of accusations against Peter Law who has threatened to sue.

@NObservers, an ‘independent political observer in Nauru’ tweeted:

For further developments, please follow the twitter hashtag #Nauru. On this island with only 10,000 locals and an area of just 21 square kilometres (8.1 sq miles), not much else is making news.