PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Les grands groupes du tourisme à l’heure de la réinvention

mardi 2 septembre 2014 à 10:48
le port de Saint-Gilles CC BY 2.0

Le port de Saint-Gilles à La réunion – CC BY 2.0

La France a connu ses heures de gloire en matière d’innovation touristique. En témoigne l’esprit pionnier de groupes aujourd’hui devenus grands, à l’instar du Club Med et ses villages conviviaux dans les années 1950, ou encore de Pierre & Vacances et son principe de résidences touristiques dans les années 1980. Seulement, depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et les marchés ont changé. Ces groupes ont connu une ère d’incertitude, ont dû faire des choix. Certains ont décidé de s’adapter à ces mutations, d’autres se sont laissés distancer.

La presse s’est empressée d’enterrer le Club Méditerranée au moment de la publication de ses comptes en décembre 2013. Avec 9 millions de pertes nettes lors de l’exercice annuel clos fin octobre 2013, Henri Giscard d’Estaing devait faire profil bas, laissaient sous-entendre les différents observateurs. Une analyse à courte vue.

Car « dans un contexte exécrable », le maintien d’un résultat opérationnel positif « démontre une nouvelle fois la résistance du Club », analysait, dans une note, Guillaume Rascoussier, analyste chez Oddo. Les difficultés rencontrées par Pierre & Vacances en sont la preuve. La crise est encore loin d’être passée pour certains et les acteurs touristiques français n’en sont pas les seules victimes. Au même moment, le Britannique Thomas Cook affiche aussi des résultats dégradés. Ces trois groupes ont chacun leur méthode pour déjouer la crise et pister les marchés les plus profitables. Après examen de leurs différentes stratégies, il semblerait que l’heure soit venue de se réinventer.

La lente agonie de Pierre & Vacances

Après un départ en fanfare dans les années 80, le bilan du promoteur n’a rien de glorieux. Depuis 5 ans, ses marges se détériorent lentement mais surement. Le montant de l’action a été divisé par 3 depuis 2007, si bien qu’elle vaut 3 fois moins que celle du Club Med. Sa perte nette est de 47,5 millions d’euros sur l’exercice 2012-2013 tandis que le chiffre d’affaires a accusé un recul de 9,3 %. Et pour le moment, ce n’est pas la solidité de la gouvernance qui va permettre au groupe de se reprendre en main, Gérard Brémond, son fondateur, ayant congédié 4 directeurs en sept ans.

Le groupe n’a pas tellement de porte de sortie. Il n’y a pas de réorientation stratégique qui vaille, car c’est le modèle économique de Pierre & Vacances qui est remis en cause. Le principe de départ, simple, a très bien fonctionné à ses débuts (Gérard Brémond a inauguré le concept en 1979) : un promoteur réalise un programme de logements ensuite vendus à des investisseurs (des particuliers dans la plupart des cas) qui signent un contrat (souvent un bail commercial de 9 ans) avec un exploitant qui loue à des touristes et qui s’engage à verser un loyer aux propriétaires investisseurs.

Prenant le prétexte de la possibilité de défiscaliser ses biens immobiliers grâce à un arsenal législatif particulièrement avantageux en France (dispositif Censi-Bouvard), Pierre & Vacances n’a pas fait dans la dentelle, n’hésitant pas à gonfler le prix de vente de ses biens, jusqu’à 40 % au-dessus du marché. Juste retour des choses, il s’agissait d’assurer aux acheteurs de ses biens une rentabilité honorable via des loyers élevés. Le phénomène a encore été accentué avec l’indexation des loyers sur l’indice du coût de la construction (ICC).

Résultat : la réputation du groupe est sérieusement écornée par des propriétaires furieux de voir les promesses de rentabilité éconduites. Les banques rétrogradent et le promoteur a bien du mal à lancer de nouveaux programmes. Mais au lieu de reconsidérer son modèle, Pierre & Vacances a persuadé le Gouvernement de reconduire la loi Censi-Bouvard, histoire d’en profiter encore, jusqu’à épuisement.

Thomas Cook sauvé du naufrage ?

Du côté de Thomas Cook, les résultats n’ont rien d’exubérant non plus, mais les résultats 2013 laissaient percevoir une amélioration notable par rapport à 2012, et surtout par rapport à 2011, année au cours de laquelle le groupe s’est retrouvé au bord de la faillite : le voyagiste britannique a en effet vu sa perte nette annuelle fondre à 238 millions d’euros sur l’exercice 2012/2013 contre 585 millions l’année précédente. Ses revenus ont légèrement progressé de leur côté de 1,3 %.

Thomas Cook a engagé un programme de réduction des coûts et d’amélioration des bénéfices baptisé « Wave 1 » et a rationalisé la structure du groupe via la réduction du nombre de marques de 85 à 30, les rassemblant sous un même logo. Il a aussi renforcé le poids d’internet au détriment des agences.

Après s’être dite « ravie d’annoncer que les 365 premiers jours de la transformation de Thomas Cook ont été un grand succès », Harriet Green, PDG du groupe, a assuré qu’il était revenu sur « une trajectoire de croissance rentable », avant d’ajouter que :

 La mise en œuvre de notre stratégie de croissance rentable et durable ne fait que commencer ». « Nous sommes confiants de pouvoir faire significativement plus

a-t-elle conclu. Mais un simple programme de réduction des coûts suffira-t-il a remettre le groupe en selle dans un environnement touristique international de plus en plus compétitif ?

Le Club Med prépare son heure

Ce n’est pas « 365 jours de transformation » qu’a connus le groupe de loisir, mais une refonte complète de sa stratégie depuis 2003. C’est l’année où Henri Giscard D’Estaing décidait d’enclencher une stratégie de montée en gamme à l’international dans les pays émergents (BRIC), s’intéressant plus particulièrement à la Chine pour en faire son deuxième marché d’ici 2015. La participation au capital du groupe chinois Fosun, expert du marché et doté de ressources immobilières stratégiques, promet de faciliter cette implantation.

Cette stratégie exige de très lourds investissements avec la fermeture de plusieurs centres moyen de gamme (2 et 3 tridents) pour l’ouverture de centres haut de gamme (4 et 5 tridents) et contraint temporairement le groupe à renoncer à sa profitabilité. Les résultats dévoilés pour 2013 ne sont pas flamboyants. Mais un examen plus approfondi démontre que

Le Club Med a su préserver sa rentabilité opérationnelle grâce à la résistance de son nouveau modèle et à sa présence dans les marchés à croissance rapide.

dixit son PDG Henri Giscard d’Estaing.

Pour preuve, aujourd’hui la France ne représente plus que 38 % de la clientèle alors que les pays émergents, la Chine, le Brésil et la Russie en première ligne, pèsent 29 % de la clientèle mondiale, soit 354 000 clients. La Chine en totalise déjà 108 000, avec seulement 2 villages, ceux de Yabuli et de Guilin et abrite un vivier à très fort potentiel. La classe moyenne chinoise est en effet prête à payer le prix d’un service de qualité. L’amélioration significative de la marge d’exploitation induite par la montée en gamme fait de ce marché un véritable gisement de croissance.

Il semblerait donc que la France ait retrouvé son souffle innovant. Pierre & Vacances est dans les choux. Le Britannique Thomas Cook est pro actif, mais pas encore prêt à bouleverser son modèle. Le Club Méditerranée, en revanche, s’est lancé dans une aventure stratégique audacieuse. Il faudra attendre quelque temps encore avant de la voir pleinement porter ses fruits. Son succès potentiel n’est d’ailleurs pas dépourvu de belles perspectives pour l’économie française, le tourisme représentant pas moins de 7 % du PIB.

Afrique : le nouveau vivier des médias francophones ?

lundi 1 septembre 2014 à 15:35
Bangui, Central African Republic. The French language retains some of its former influence in the former French colonies in Africa.

Bangui, République Centrafrique. Le français maintient une partie de son influence dans les anciennes colonies françaises en Afrique. Photo tirée de Wikimedia Commons.

Lors d’un point presse organisé à Paris, Bertrant Méheut, le président de Canal +, a annoncé que le groupe lancerait une nouvelle chaîne de divertissement destinée à l’Afrique Francophone. Il faut bien dire que ce n’est pas dû au hasard, avec une perspective de 85 % des francophones rassemblés en Afrique en 2050, le marché s’annonce des plus florissants.

L’OIF annonce 750 millions de francophones en 2050

Avis aux plus audacieux, les médias français tels qu’on les connaît risquent de connaître de forts bouleversements dans les années à venir, et ce n’est que pour le meilleur. Si on compte aujourd’hui près de 215 millions de francophones dans le monde, ce chiffre pourrait être multiplié par trois à l’horizon 2050 avec 750 millions de personnes parlant le français. Ce pronostique a certes été établi en 2010 par l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), mais cette année, celle-ci confirme la tendance. Des chiffres vertigineux qui donnent à réfléchir quant à la nouvelle place des médias français dans le paysage mondial, et plus particulièrement en Afrique.

Répartitions des locuteurs par langue - via OIF

Répartitions des locuteurs par langue – via OIF

Ce sont 85 % des francophones qui seront rassemblés en Afrique en 2050 et pour cause, le continent jouira d’une formidable croissance démographique. La langue française boudée à tort pourra profiter de cet essor, qui fera d’elle l’une des premières langues parlées dans le monde, pour retrouver ses lettres de noblesse. Beau revers de médaille pour les mauvaises langues qui la croyaient déjà presque morte, aujourd’hui, la langue française et les médias français font l’objet d’une spéculation qui ne cesse de croître. Un rapport de recherche de la banque internationale de financement Natixis a d’ailleurs été intitulé « la francophonie, une opportunité de marché majeure ». La banque dans une note d’analyse a souligné que « cette perspective constitue une opportunité de marché majeure pour l’industrie des médias français ». Un secteur pris très au sérieux, puisque Jacques Attali devra prochainement remettre au gouvernement un rapport sur « la dimension économique de la francophonie ».

La fin de l’ère monopolistique

Il faut dire que jusqu’ici, la diffusion de la culture francophone n’a pas été des plus diversifiées, c’est la chaîne TV5 monde qui détenait l’essentiel de ce monopole avec une réception de 257 millions de foyers dans le monde (dont 12 millions en Afrique). Pourtant, avec la digitalisation africaine, cette propension devrait laisser place à une nouvelle tendance.

« Tout semble se mettre en place : émergence d’une classe moyenne, implantations de multiplexes, équipements structurels de haut débit pour diffuser vidéo et télévision »,

rapporte le groupe de travail sur la francophonie d’UniFrance, une association chargée de la promotion du cinéma français à l’international.
Un développement qui en attire plus d’un d’autant plus que les coûts de production restent modestes. Une série peut être produite pour quelques milliers d’euros par épisodes, cela va jusqu’à 40 000 euros pour celles tournées en Afrique du Sud.

Euronews a prévu de lancer pour 2015 Africanews, une chaîne panafricaine et multilingue qui émettra depuis Congo-Brazzaville. Vivendi entend également se faire une place et à l’initiative de Canal +, une chaîne familiale présentera un talent show baptisé « Island Africa Talent », un concours de cuisine africaine « Starchef », des magazines de mode « Blackamorphe » ou encore un concours de coiffure. Le groupe Lagardère a également choisi de se lancer dans l’aventure en proposant sa chaîne Gulli en 2015. Le groupe est d’ailleurs en pleine réflexion pour s’étendre à d’autres médias, notamment avec le lancement de nouvelles radios.  La presse écrite n’est pas en reste. Là encore, beaucoup ont imaginé la presse écrite à l’article de la mort.  Et pourtant, la langue française est en train de trouver un nouveau lectorat. Des journaux français comme « Le Point », « Le Monde » ou encore « Le Figaro » ont décidé de lancer des initiatives en créant des sites Internet, ou encore des sites mobiles.

La seule ombre au tableau ? Le concurrent chinois qui n’est pas des moindres.

  Les groupes chinois apportent simultanément des financements, la construction des réseaux et des opérateurs de contenus, alors que les sociétés de l’Hexagone se présentent en ordre dispersé

constate un observateur. Néanmoins, la francophonie est prête à livrer bataille et à se faire une place de choix pour faire de cette croissance démographique, une croissance économique dont les Africains seront les essentiels bénéficiaires. Formation de main-d’œuvre et créations d’emplois sont en effet des perspectives non négligeables.

Zambie : Le Président Michael Sata est-il en train de travailler dans les coulisses ou bien est-il malade ?

dimanche 31 août 2014 à 23:08
Arrêt sur une image du Président Michael Sata au cours d'une de ses dernières apparitions publiques. Image utilisée avec la permission du site Zambian Watchdog.

Arrêt sur une image du Président Michael Sata au cours d'une de ses dernières apparitions publiques. Image utilisée avec la permission du site Zambian Watchdog.

Il a manqué ce qui pourrait être présenté comme l'événement diplomatique le plus important impliquant les dirigeants africains en 2014: le sommet États-Unis-Afrique [fr] au cours duquel le Président Obama a accueilli plus de 40 chefs d'état africains. Il a également ignoré une tout aussi importante rencontre au sommet des chefs d'Etat des 15 pays membres de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) [fr] qui s'est tenue dans la ville de Victoria Falls au Zimbabwe, à la frontière avec la Zambie.

Sur la scène locale, le président Michael Sata de la Zambie a ignoré ce qui est devenu une tradition – le Président en exercice recevant les élus et des membres de la base de son parti pour faire campagne pour son candidat à une élection. Cela a été récemment organisé pour une élection dans la circonscription de Mangango, en Province de l'Ouest, que son parti, le Front patriotique (PF) a remportée.

La question au centre des débats concerne la santé de ce vétéran de la politique, dont les médias en ligne tels que Zambia Watchdog débattent depuis quelque temps. M. Sata, le président de la Zambie élu en septembre 2011, aurait été déjà malade, au vu de certains des comportements erratiques qu'il a eus de temps en temps. Le gouvernement n'a, cependant, pas reconnu le mauvais état de santé de M. Sata.

Tous les yeux sont tournés maintenant vers ​​le prochain grand événement politique national : l'ouverture officielle de la prochaine session du parlement, au courant de septembre. La nation va voir s'il va, selon la tradition, ouvrir l'auguste assemblée avec la cérémonie épuisante qui l'accompagne.

Le Président Sata a été vu la dernière fois en public à la mi-mai, quand il a accueilli le vice-président chinois M. Li Yuanchao. Son regard semblait hagard et il était maquillé.

La pire catastrophe en matière de relations publiques a été quand il a prêté serment devant le procureur général avec des images de télévision en sourdine confirmant à la nation les soupçons que celui que l'on appelait affectueusement “l'homme d'action”, n'était pas lui-même.

Plus tard, il est devenu clair pourquoi les images de la télévision lors de la cérémonie de prestation de serment avaient été coupées. Le président fait habituellement une déclaration de politique lors des cérémonies de prestation de serment. On a utilisé les images de la cérémonie de prestation de serment précédente devant le procureur général, dans une autre position afin de “montrer” son apparition publique, d'où la scène muette lors de la prestation de serment.

Au mois de juin, lorsque M. Sata a été évacué en Israël, de hauts fonctionnaires avaient déclaré à la nation qu'il y allait pour un séjour de travail et qu'il devait rencontrer le Président israélien Shimon Perez, jusqu'à ce qu'un journal israélien révèle qu'il avait été admis à l'hôpital.

Il y a, cependant, de plus en plus de voix demandant au gouvernement zambien d'invoquer l'article 36 de la Constitution pour constituer une commission médicale afin de déterminer l'aptitude de M. Sata à continuer à exercer ses fonctions de chef de l'Etat. Rappelant au Cabinet sa mission, l'homme politique et écrivain Alfred AK Ndhlovu (aucune relation avec l'auteur), a écrit :

Nous sommes une démocratie et les lois doivent être utilisées dans la gestion des affaires publiques. Le Président Sata ne doit pas être traité comme un malade condamné à une mort imminente. Dans notre démocratie, un président doit être aussi en pleine forme pour gouverner le pays. Lorsque le Président Sata est apparu en public à l'occasion de la Fête du travail, il avait l'air visiblement amaigri et faible ! Les anciens présidents Kaunda et Banda qui étaient présents avaient l'air en meilleure santé et forme. Pourquoi les collaborateurs du président Stata doivent prétendre qu'il se porte bien, qu'il est en bonne santé et capable de travailler. Vous pouvez cacher la maladie, mais la mort sera certainement connue. Comment vont-ils expliquer cette éventualité !

Cet auteur, qui s'était exprimé auparavant sur ​​le site web Zambia News Features en citant l'article 36, avait écrit:

Sans vouloir faire aucun mauvais présage sur le Président Sata, la préoccupation de tous les zambiens est de savoir si l'homme est physiquement ou mentalement incapable de remplir les fonctions de chef de l'Etat; c'est important que la nation soit informée. Mais, plus important encore, la constitution fournit à l'article 36 le processus à suivre dans ces circonstances.

L'analyste politique Brian Chisengalumbwe, dans un article publié sur le quotidien Lusaka Times, a estimé que le cabinet agissait illégalement, sans la supervision efficace du président, indiquant:

Les ministres agissent, donc, en VIOLATION de la CONSTITUTION ZAMBIENNE ; il est illégal tant pour les ministres que pour le vice Président de conduire les affaires du pays sans supervision effective du Président. Le gouvernement c'est le président, sans le président, il n'y a pas de gouvernement. Il est le seul  élu et mandaté par le peuple zambien pour présider aux affaires de la nation. Il choisit les ministres pour l'aider dans l'exercice de ses fonctions. S'il n'est pas en mesure de s'acquitter de ses fonctions présidentielles, les ministres ne peuvent pas continuer à exercer des fonctions ministérielles et gouvernementales ; la constitution OBLIGE les membres du cabinet à constituer une commission médicale.

Un leader de l'opposition, Nason Msoni, s'en prend à la première dame Mme Christine Kaseba qui, lors d'une visite récente dans une zone rurale de la Zambie, a déclaré que son mari travaillait tranquillement pour le progrès de la nation :

Mme Kaseba devrait arrêter simplement  de jouer avec l'intelligence des Zambiens. Nous méritons mieux que cela ; qu'est-ce qu'elle essaie de nous imposer? Si elle continue à faire de telles déclarations, nous ne ferons pas de distinction entre elle et son mari, nous l'attaquerons parce que le gouvernement s'est effondré en raison de sa paralysie et les victimes ultimes sont les pauvres zambiens qui subissent le poids de l'inaction du gouvernement [...] Ce ne sont pas des questions négligeables, nous faisons abstraction de sa déclaration, mais nous conseillons à Madame Kaseba de s'en tenir à ce en quoi elle est compétente.

La question à poser est de savoir si le président Sata poursuivra son mandat pendant les deux dernières années qui lui restent, compte tenu du fait qu'il est devenu un reclus contrairement à l'homme extraverti aimant la publicité qu'il a été tout au long de sa carrière politique.

Des Ukrainiens demandent à Mark Zuckerberg de mettre au pas les trolls du Kremlin

dimanche 31 août 2014 à 14:58
Ukrainians are appealing to Facebook's Mark Zuckerberg to stop Russian trolls. Images mixed by Tetyana Lokot.

Les Ukrainiens demandent à Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, d'arrêter les trolls russes . Photomontage Tetyana Lokot.

Les utilisateurs ukrainiens de Facebook se plaignent auprès de Mark Zuckerberg en personne du blocage d'innombrables comptes Facebook. Selon eux, l'armée de ‘bots’ du Kremlin en est responsable.

Un groupe d'Ukrainiens en a assez de ce qu'ils décrivent comme le blocage politique d'utisateurs connus sur Facebook. Plusieurs activistes pro-Ukraine connus, qui critiquent le Kremlin et les séparatistes pro-Russes en Ukraine de l'est, ont vu leur page Facebook bloquées ces dernières semaines. Ils pensent que les pages, qui en aucun cas ne violent les conditions d'utilisation de Facebook, ont été bloquées en raison d'un nombre inhabituels de signalements envoyés à Facebook,  par ce qu'ils appellent un “groupe organisé d'utilisateurs russes pro Poutine.” Ces Ukrainiens, outrés par ces tentatives de les réduire au silence, ont rédigé une lettre adressée directement à Mark Zuckerberg. la lettre a circulé sur le réseau social. Elle a été partagée plus de 900 fois en 24 heures.

Dans cette lettre (rédigée en anglais), les Ukrainiens rappelle à Zuckerberg l'importance de sites tels que Facebook dans la guerre de l'information qui se déroule entre l'Ukraine et la Russie. 

Face au blocage total de l'information et à une propagande pro-Russie agressive, Facebook reste probablement le canal le plus important pour donner des informations sur les événements et les points chauds de cette guerre, ainsi que le seul moyen de communication entre les Ukrainiens qui résident sur les territoires actuellement occupés par les soldats russes.

Les auteurs de la lettre relèvent plusieurs cas récents de blocage, comme celui de la page de Sergii Ivanov, un blogueur militant de Lugansk, dont le compte a été bloqué quand il a posté un appel aux mères des soldats russes, leur demandant de ne pas laisser leurs fils participer à une activité militaire contre l'Ukraine. Le compte de Ivanov a été bloqué trois fois durant le seul mois d'aout. Le 26 aout, un autre blogueur ukrainien populaire, Alex Zavodyuk, a lui aussi découvert que sa page avait été bloquée. Cet internaute, comme des dizaines d'autres, avait posté des critiques virulentes et provocatrices sur l'implication de la Russie dans le conflit en Ukraine, et fourni des preuves de la présence russe sur le sol ukrainien.

Le groupe derrière cet appel à Mark Zuckerberg pense que les blocages sont en lien direct avec l'intervention russe et sont obtenus par des signalements multiples à Facebook, effectués par des  ”groupes organisés de faux utilisateurs, enregistrés sur le territoire de la Fédération russe.” Ils font référence à la sinistre et célèbre ‘Agence de recherche sur Internet”, base russe de trolls du monde entier, dont l'existence avait été révélée par une enquête de Novaya Gazeta en 2013 et confirmée par la publication de mails par le collectif de lanceurs d'alertes Shaltai Boltai.

On spécule beaucoup sur l'importance réelle de l'ingérence russe. Certains utilisateurs avancent comme preuves des comptes Facebook récemment enregistrés dont l'adresse IP mène au siège de ‘l'armée russe des trolls', à Saint Petersbourg. L'utilisateur ukrainien Mykola Voskalo, sur FB, cite ses  'sources dans le monde du renseignement’ et dit que ces comptes n'ont que peu ou pas d'informations personnelles, mais, de façon étrange, ont comme lieu de résidence des villes ukrainiennes. Il ajoute que les administrateurs du réseau social sont actuellement en train de surveiller ces pages pour activités suspectes. 

La multiplication des atteintes à la liberté d'expression des Ukrainiens sur Facebook, peut-on lire sur la lettre, est rendue possible par le fait que la division Ukraine de Facebook est gérée actuellement depuis le siège russe, dirigé par Yekaterina Skorobogatova. Cette situation, selon les utilisateurs ukrainiens, invite à la manipulation et à la censure puisque les managers peuvent avoir des intérêts politiques divergents. 

Nous avons découvert que la partie ukrainienne de Facebook est gérée par une personne de nationalité russe, le pays qui tue des dizaines d'Ukrainiens chaque jour avec des armes lourdes aux mains de soldats russes. Il est bien connu que Facebook est un réseau social favorable à la liberté d'expression, et non à la propagande. Et à notre connaissance, l'activité de Facebook se base sur le respect de la dignité, des droits civiques et de la liberté de tous, sans distinction de classes sociales, raciale ou d'affiliation politique. Nous observons actuellement des atteintes graves à ces principes, commises par la direction russe de Facebook Ukraine.  

Les Ukrainiens demandent maintenant à Facebook de nommer une nouvelle direction pour le segment Ukraine du réseau, préférablement depuis un pays neutre, qui, contrairement à la Russie  “n'a pas d'intérêt caché à une nouvelle escalade du conflit.”

Si l'ampleur de la censure entrainée par les signalements des comptes ukrainiens est aussi considérable que la lettre l'affirme, une enquête approfondie est attendue de la part de Facebook. De quelle façon précise Mark Zuckerberg et d'autres responsables de Facebook réagiront à l'appel ukrainien est toujours Incertain (à l'heure de la publication, Facebook n'a pas répondu à une demande de commentaire sur la lettre). Mais ignorer ces accusations nuirait à l'image d'engagement pour la liberté d'expression affiché par Facebook.  

Trois ans après le printemps arabe, les musiciens tunisiens et égyptiens luttent toujours contre la censure

dimanche 31 août 2014 à 11:59
Lebanese rapper El Rass captured in a screenshot while performing at the TeMA Rebelle Festival  in February 2014, uploaded by YouTube user  campurr15

Le rappeur libanais El Rass en concert au Festival TeMA Rebelle en février 2014, capture d'écran de la vidéo chargée sur YouTube par campurr15

Plusieurs pays arabes ont eu beau connaître des bouleversements politiques en 2011 – le président Ben Ali chassé du pouvoir après 24 ans de règne en Tunisie, Hosni Moubarak déposé au bout de 30 ans en Egypte – beaucoup de limitations culturelles et politiques continuent à freiner la liberté artistique.

En 2012, les autorités égyptiennes ont censuré une chanson d'une superproduction grand public. Le style musical était de l’ ‘électro chaabi’ – un nouveau style d'électro originaire des banlieues pauvres et bidonvilles du Caire.

Le rappeur tunisien Weld El 15 a été emprisonné deux fois depuis le printemps arabe. En 2013, un autre rapeur, Klay BJJ, est resté six mois derrière les barreaux en Tunisie pour “avoir insulté les autorités dans ses chansons”.

En 2014, la journaliste franco-tunisienne Hind Meddeb a créé le Festival TeMa Rebelle afin de réunir les jeunes musiciens engagés du monde arabe, comme les musiciens d'électro chaabi cairotes, Weld El 15 et Klay BBJ, avec leurs homologues européens, pour les faire se rencontrer et travailler ensemble.

La journaliste de 36 ans est une spécialiste reconnue de musique urbaine arabe contemporaine. Elle est aussi une figure de la première heure de la scène musicale underground arabe. Depuis les révolutions arabes de 2011, quand les jeunes Arabes défilaient par milliers à travers la Tunisie, l'Egypte et d'autres pays de la région, revendiquant plus de droits et rejetant les dictatures, le travail de cinéaste de Hind Meddeb, qui explore les thèmes difficiles et donne la parole aux marginalisés, a pris de l'importance.

J’en ai ras le bol que les médias occidentaux ne nous présentent le monde arabe qu’avec des femmes en Niqqab, des types qui se font sauter et des salafistes à barbe. Je montre cette jeunesse comme elle vit.

Sous le mot d'ordre ‘Du punk au rap, indépendance et liberté de parole’, le festival a voulu mettre en valeur les artistes tunisiens et égyptiens qui repoussent les limites de la liberté d'expression dans leurs oeuvres, au Centre musical Barbara Fleury Goutte d'Or de Paris du 21 février au 1er mars 2014.

TeMA Rebelle festival poster

Affiche du Festival TeMA Rebelle

Missy Ness, la première femme DJ tunisienne, s'est produite au festival avec neuf autres artistes, dont Weld el 15 et Klay BBJ. Leurs concerts ont été complétés par la projection de films documentaires comme ‘Pussy Riots’ et ‘Electro Chaabi’, et des tables-rondes pour débattre de sujets comme ‘Rap et révolutions’ et ‘L'histoire du punk à travers l'histoire d'un punk’.
L'idée du festival est venue à Hind après sa rencontre avec Weld El 15 quand elle a couvert son arrestation et son procès pour la chanson Boulicia Kleb (Les flics sont des chiens).

En 2012, Weld El 15 a été rossé par des policiers et emprisonné pendant neuf mois, au motif qu'il aurait fumé du cannabis. En 2013, il a écrit la chanson ‘Boulicia Kleb’, qui lui a valu une condamnation à deux ans de prison. Grâce à des campagnes dans les médias à travers le monde, il a été remis en liberté en décembre 2013.

Hind Meddeb a pris l'affaire à coeur. Elle a assisté au procès et, quand le verdict a été rendu, elle a crié : “Pays de merde ! Je comprends maintenant pour de vrai ce que Weld a dit dans sa chanson.” Les autorités tunisiennes l'ont mal pris. Hind a été expulsée du tribunal par les policiers.

En novembre 2013, Hind Meddeb a été condamnée à quatre mois de prison, une peine relativement légère, finalement assortie de sursis du fait de sa qualité de journaliste française.

Dans les coulisses des préparatifs du Festival TeMA Rebelle, le 17 février 2014, j'ai mené des entretiens audio avec les artistes qui pendant les pauses discutaient en français des problèmes du moment.
La liberté de l'expression artistique a été vantée comme l'indicateur fondamental des progrès accomplis au Moyen-Orient depuis le printemps arabe. A la mention du sujet, les yeux las mais encore moqueurs du rappeur tunisien Don Emino ont brillé. Avec un sourire en coin, il a demandé :

Quelle révolution ? Ils ont tué la révolution. Weld a pris deux ans pour sa chanson. C'est la même vieille histoire que pendant la dictature de Ben Ali.

La conversation s'est animée. Elle a glissé vers la politique, et du français à l'arabe.

Weld el 15 a remarqué : 

Le sujet favori des Tunisiens, c’est désormais la politique : c’est déjà un gain important en terme de liberté d’expression.

Electro Chaabi – l'électro qui vient des marges

Les attentats terroristes de Casablanca [lien en anglais] en 2003 ont été un choc pour Hind. Elle est allée au Maroc et y a réalisé son premier film, ‘De Casa au Paradis’ qui raconte l'histoire de l'un des auteurs d'attentat-suicide. Elle a ensuite séjourné au Liban, où elle a travaillé sur l'usage par les factions politiques de la musique comme outil de propagande. Dernièrement; elle a passé du temps en Tunisie et en Egypte, où elle vient de terminer un documentaire sur le style musical électro chaabi :

Hind Meddeb a découvert cette musique en 2011, deux mois après la révolution égyptienne. Un de ses amis égyptiens lui a fait connaître un virtuose du clavier d'électro chaabi appelé Islam ‘Chipsy’. Il a piqué sa curiosité et elle a commencé à rencontrer d'autres personnages des quartiers défavorisés du Caire, et à parler avec des artistes et des publics généralement ignorés par les médias, du fait de leur statut socio-économique inférieur.

Hind a été étonnée par la liberté de ton et la diversité des sujets abordés. Cette musique explorait des tabous sociaux comme l'alcool, interdit en Islam, et présentait en bonne place le commentaire politique et social, avec des prises de position audacieuses rarement exprimées par d'autres artistes à l'époque.

Le documentaire a contribué à faire connaître les musiciens électro chaabi à un public plus vaste. Mais alors que l'électro chaabi commençait à gagner en visibilité sur la scène traditionnelle, leur création s'est trouvée vulnérable à la censure. Le film égyptien à succès ‘Abdo Mota’ de 2012 comportait dans sa bande-son un vidéo-clip d'électro chaabi. Le film avait effectué la coupure du passage censuré. Mais des présentateurs de talk show relevèrent qu'un passage de la chanson mentionnait des saints musulmans, et que citer leurs noms était indécent sur des images de danse du ventre. Le producteur et les musicians durent supprimer le passage et créer une version corrigée :

Les femmes innovent

Missy Ness a les mêmes centres d'intérêts et la même curiosité que Hind. La DJ pionnière emprunte avec dextérité à une grande diversité de styles musicaux. Quand elle a commencé à fréquenter la scène musicale underground tunisienne en 2006, elle n'a pas tardé à découvrir le hip-hop tunisien. Elle s'emploie depuis à travailler avec les rappeurs tunisien et à les promouvoir hors de leur pays. Elle est entrée dans l'histoire en devenant la première femme DJ dans une région, un pays et un secteur d'activité qui ne sont pas réputés favoriser une présence féminine égalitaire.

Au festival de Paris, Missy Ness m'a parlé en toute franchise de l'état actuel de la liberté d'expression en Tunisie :

On est passé de la dictature mafieuse à la dictature un peu religieuse. Le curseur va bien finir par trouver un juste milieu un jour ou l’autre. Le fait qu’il y ait une répression sauvage et une saga judiciaire sur Alaa Weld El 15 nous a vraiment montré où est la limite de la liberté d’expression. C’est là qu’on doit taper.

Les tabous et les cibles qui en découlent sont certes devenus un peu plus clairs : liberté d'expression religieuse et violences policières impunies en sont deux.

En attendant, les artistes underground continuent à repousser les limites et éclairer les points aveugles dans le dialogue culturel. Pendant la présidence Ben Ali, la détention d'un rappeur aurait été passée sous silence. La chanson de Weld a été plus vite et plus loin que le processus politique : elle a rendu les limites apparentes et, dans cette mesure, a forgé un espace neuf et plus étendu pour la liberté d'expression.

Cet article est une commande de Freemuse, le grand défenseur mondial des musiciens et Global Voices pour Artsfreedom.org. La republication de l'article est autorisée à des médias nonn-commerciaux, à condition de créditer l'auteur Victor Salama, Freemuse et Global Voices en liant au texte d'originen.