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La cuisine persane souffle le chaud et le froid pour le plaisir des papilles

lundi 20 juin 2016 à 18:00
By Joe mon bkk - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=38878979

Photographie de Joe mon bkk CC BY-SA 4.0

L'une des clefs pour comprendre la cuisine persane consiste à savoir que certains aliments sont soit chauds soit froids. Qu'est-ce que cela veut dire exactement ? Global Voices a demandé à la spécialiste de la cuisine persane Maryam Sinaiee, du site Persian Fusion, d'en expliquer le concept :

La notion de chaud et de froid ne fait pas vraiment référence à la température de la nourriture ou des ingrédients mais plutôt à la description des propriétés des ingrédients entrant dans la composition des plats, qui produisent des effets sur le corps.

Ce concept est basé sur la médecine Unani [une ancienne tradition médicinale grecque], selon laquelle les individus ont différentes natures au niveau corporel, certains ayant une nature chaude et d'autres une nature froide. Ces qualificatifs sont associés à la couleur et à la température de la peau, au tempérament, etc.

En pratique, cela veut dire que si vous avez un problème de santé qui est catégorisé comme étant “chaud”, vous devriez manger de la nourriture froide pour contrebalancer ses effets. Le contraire est également vrai : si vous avez une nature dite “froide”, manger trop de nourriture de nature froide peut entraîner un déséquilibre complet.

Sinaiee explique :

C'est assez élaboré et compliqué donc je vais vous donner une version très simplifiée. En général, les aliments riches en énergie, en graisses ainsi que la plupart des épices sont considérés comme chauds. Beaucoup de légumes et de céréales, tels que le riz, sont considérés comme froids. L'objectif de la cuisine persane est d'obtenir un équilibre entre les ingrédients de nature chaude et de nature froide dans un plat, en tant que composants d'un repas, ou pour corriger le déséquilibre causé par la consommation d'un aliment.

Chaque cuisinier iranien a-t-il donc une carte des aliments chauds et froids, ou une carte des besoins alimentaires pour chaque repas ?

La plupart des Iraniens, en tout cas la vieille génération, connaît ces choses ou demande à des personnes plus averties autour d'eux. Quand il devient trop difficile de résoudre des problèmes à l'aide de remèdes maison, il arrive qu'on consulte un spécialiste pratiquant la médecine traditionnelle.

Par exemple, tout le monde sait que le chocolat et les noisettes sont des aliments chauds. Si une personne a une rougeur, on lui conseillera immédiatement de retirer ces aliments de son alimentation. On lui conseillera de boire de l'eau distillée de chicorée car cela a un effet refroidissant sur le corps et cela aidera à se débarrasser de la rougeur.

La coriandre et les prunes aigres sont considérées comme de nature froide. Si une personne a de la fièvre, on lui donnera une soupe de coriandre et de prunes aigres (ash-e geshniz ba alu) pour calmer la fièvre.

Est-ce que cela commence à faire sens ? La version iranienne du bouillon de poule de votre grand-mère, c'est la soupe à la coriandre et à la prune. Ça a l'air délicieux ! Sinaiee ajoute :

Les plats traditionnels sont généralement très équilibrés. Prenez le délicieux ragoût de poulet ou de canard dans une sauce aux noix et à la grenade. Les noix sont considérées comme des ingrédients chauds et la grenade comme froide. Prenez également le riz avec des fèves que l'on appelle baghali polo. Les fèves sont considérées comme très froides, le riz également, le plat est équilibré avec l'ajout d'aneth, une herbe chaude. C'est pareil avec le poisson ou une viande froide. Ils sont généralement accompagnés de riz garni d'herbes comme l'aneth, de même que l'ail, un autre ingrédient “chaud”. Le yaourt, un aliment froid, ne sera jamais servi avec du poisson sur une table persane.

Duck Fesenjoon by Flickr User Insatiablemunch. Some rights reserved

Canard fesenjoon – Photo du compte Flickr de Insatiablemunch. CC BY 2.0

En d'autres termes, les catégories “chaud-froid” peuvent également aider à équilibrer un menu :

Les Persans aiment manger des cœurs de laitue romaine, tendre, de saison, avec du sirop à base de vinaigre de vin et de sucre. Cela est dû au fait que la laitue est un ingrédient froid et que la chaleur du sirop va venir équilibrer le tout.

Il n'est pas surprenant que les mois d'été et d'hiver requièrent leurs propres mets — froids pour l'été et chauds pour l'hiver :

En général, les plats chauds sont servis pendant les saisons les plus froides. Normalement, le riche et abondant fesenjoon est gardé pour les mois plus froids, à moins qu'il n'y ait une grande fête avec un grand choix de plats. En été, les gens ont tendance à manger de la nourriture de nature froide — des plats qui sont moins riches et qui sont préparés avec beaucoup de légumes, de concombre et de yaourt.

La règle du chaud-froid s'applique également aux desserts — et le yaourt est une valeur sûre pour contrebalancer la chaleur des aliments de nature chaude :

Après un repas avec un plat de nature froide comme le poisson, une famille persane servira un dessert chaud contenant beaucoup de sucre, de gras et d'épices telles que la cannelle. Le khagineh est un exemple type. Il s'agit d'une sorte de grande crêpe déchirée en morceaux et noyée dans un sirop à base de pointes de safran.

Le yaourt est souvent servi ou mélangé avec d'autres plats s'ils sont de nature chaude. Chez mes grands-parents, il y avait un bol d'écorces d'orange amère, hachées, séchées et mélangées avec du gingembre (tous deux des ingrédients de nature chaude) et il y avait également du sucre sur la table, comme si toutes les précautions prises par ma grand-mère (un cordon-bleu) ne suffisaient pas. Mon grand-père en prenait une cuillerée après la plupart des repas, vraisemblablement parce qu'il les considérait comme étant de nature froide.

Peut-on manger cette photo?

Pour les visiteurs qui viennent pour la première fois à une fête iranienne, l'étalage de nourriture peut être impressionnant — cela n'a pas empêché les fans de cuisine iranienne de partager leurs photos sur Instagram.

Sur cette photo partagée par un utilisateur d'Instagram, shore.coli, il y a énormément de plats de nature chaude et froide au choix :

غذایی مانوس با طبیعت ، از دریا تا کوه و جنگل… تنها گیلانیان اند که می دانند چگونه طبیعت را به لذت تبدیل کنند عکس از میهمان عزیزمان: @vanilla.bakery

Une photo publiée par رستوران محلی شور کولی (@shore.coli) le

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La nature est généreuse…de la mer aux montagnes…une joie de la nature propre aux Gilanis [peuple de la province de Gilan dans le nord de l'Iran]. Photo de l'un de nos invités @vanilla.bakery.

Cette photo du bagali polo, qui mélange chaud et froid, a été téléchargée par foodie_express, utilisateur d'Instagram

M A H I C H E 🍗🍚 – Tendre jarret d'agneau, cuit lentement dans une sauce au safran et à la tomate, accompagné de riz persan sur lequel sont superposés des fèves et de l'aneth frais #Persian #Iran #mahiche #kebab #persianfood #persianrice #nihari

Une photo publiée par @foodie_express le

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Cette photo de cœur de laitue romaine trempée dans du sirop de vinaigre et de menthe (sekanjabin) a été partagée par vida.rahimzadeh, utilisateur d'Instagram :

. . #كاهو #سكنجبين يكى از #نوستالژى هاى منه ☺️😌 . آيا شما هم همچنين حسى نسبت بهش داريد😉

A photo posted by @vida.rahimzadeh on

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 #Lettuce #sekanjabin [sirop de vinaigre et de menthe]…l'un de mes plus beaux souvenirs ☺️😌. Est-ce que vous partagez également ce sentiment 😉

Prêt à essayer vous-mêmes ?

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Que signifie la célébration du Ramadan pour les musulmans du Sri Lanka ?

dimanche 19 juin 2016 à 21:06
Let's perform Salah! Image by @iamnjb via The Ramadan Project.

Faisons le bien ! Photographie de @iamnjb tirée du Ramadan Project.

Ce billet est paru le 8 juin 2016 sur Groundviews, un site de journalisme citoyen primé au Sri Lanka. Une version adaptée est publiée ci-dessous dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

Avec l'apparition de la lune croissante dans la nuit du 6 juin, le Ramadan a officiellement commencé au Sri Lanka. Ce mois revêt une immense importance pour les musulmans, son aspect le plus concret, pour les non-initiés, étant le jeûne quotidien de l'aube au coucher du soleil. Le Ramadan ne se résume pas uniquement au fait de s'abstenir de manger et de boire. Groundviews s'est entretenu avec quelques personnes au sujet des perceptions et des croyances existant autour du Ramadan ainsi que de sa signification intime pour les musulmans.

"To me, Ramadan represents a time for the renewal of relationships." Image by @mufarris via The Ramadan Project.

“Pour moi, le Ramadan est un moment pour renouer des liens.” Photographie de @mufarris tiré du Ramadan Project.

“Vous renouez les liens avec vous-même en développant une discipline à travers laquelle vous prêtez attention au temps qui s'écoule, à la nourriture et au sommeil, tout en restant concentré”, indique Amjad Mohamed-Saleem, chargé de cours à l'Institut des études supérieures de l'Islam en Malaisie.

En dehors du renouveau intime, le Ramadan renoue le lien entre le musulman et Dieu, particulièrement à travers le jeûne quotidien. Cependant, ce mois est également un moment réservé à la famille et les amis : “C'est un moment au cours duquel vous rompez le jeûne ensemble ou vous allez à la mosquée”, et vous vous reconnectez à la communauté. “A travers les prières nocturnes additionnelles à la mosquée, vous nouez le dialogue avec le reste de la communauté d'une manière qui diffère de ce que vous feriez à n'importe quel autre moment”. Au-delà de cela, le Ramadan consiste également à renouer les liens avec la société. “Vous comprenez les épreuves et tribulations des nécessiteux ; vous priez pour ceux qui sont opprimés et vous êtes solidaires avec vos voisins dans le jeûne”.

"You learn to be more compassionate so that you treat people as you wish to be treated.” Image by @nazlyahmed via The Ramadan Project

“Vous apprenez à avoir plus de compassion, de manière à traiter les gens comme vous souhaiteriez qu'ils vous traitent.” Photographie de @nazlyahmed via The Ramadan Project

Ces aspects sont souvent de l'ordre du mystère pour les non-initiés—en fait, les non-musulmans considèrent le Ramadan comme un “mois mort”. ” Personne ne sait vraiment ce qu'il se passe” explique Saleem. D'où le Ramadan Project, dont Saleem assure la co-gestion. Le Projet Ramadan (voir sa page Facebook) vise à rendre le Ramadan plus humain, à aider les personnes à comprendre la fête religieuse et les épreuves singulières que les musulmans endurent pendant ce mois.

Images via the Ramadan Project at Instagram

Photographies tirées du Ramadan Project sur Instagram

“Pour moi, le Ramadan est un moment de réflexion et de rapprochement avec Dieu. C'est une occasion de passer en revue le déroulement de mon quotidien dans un contexte chargé spirituellement, en renforçant et affermissant mes objectifs. A la base, [c'est] comme un programme d'exercices spirituels” selon le consultant Abdul-Halik Azeez (@colombedouin).

La photographe Aamina Nizam (@aaminanizar) indique : “Ce mois signifie faire la paix avec moi-même et les autres, chercher le savoir, passer du temps avec ma famille et développer mon esprit. Le temps passé à la contemplation et à la prière est un rappel au fait qu’ il y a plus dans la vie que la nourriture, le travail, l'argent et la renommée.”

"I look forward to Ramadan because it takes me on a spiritual retreat that keeps me grounded to what is important in life." Image by By @amjadms via The Ramadan Project

“J'attends le ramadan avec impatience parce que cela m'amène à une retraite spirituelle qui m'enracine à ce qui est important dans la vie.” Photographie de @amjadms tirée du Ramadan Project

Le mois du Ramadan consiste à maîtriser sa volonté et cultiver la patience, indique Mareena Thaha Reffai, présidente fondatrice d'Al Muslimaat, une initiative créée en 1990 pour l'éducation des femmes. “C'est, dans son essence, une sorte d'atelier d'un mois sur comment être une bonne musulmane. Pendant ce mois, vous essayez de distinguer et de rester éloigné de toute forme de pêché. De plus, vous pratiquez le tawbah (chercher le pardon). Nous faisons ces choses pour augmenter la piété. Pendant cette période, nous croyons qu'il est plus facile de faire le bien, et la récompense des bonnes actions est multipliée” précise Mme Reffai.

Les musulmans utilisent également cette période pour pratiquer la zakat (une sorte d'aumône et d'impôt religieux), en donnant le surplus de leur épargne aux plus nécessiteux, afin qu'ils puissent eux aussi pratiquer leur foi. Le mois du Ramadan aide également à construire un sentiment d'unité au sein de la communauté musulmane.

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Photographies tirées du Ramadan Project sur Instagram

L'interne en médecine Hasna Nivas indique que le Ramadan est un moment particulier, car chaque prière est récompensée soixante-dix fois, particulièrement pendant la Laylatul qadr (la Nuit du Destin), qui marque la date à laquelle le Coran a été révélé. “Ce mois lunaire ne se résume pas à de longues heures de jeûne et au fait de nous empiffrer à la fin de la journée. Cela ne se résume absolument pas aux jours de célébration de l'Aid qui s'ensuivent… Cela consiste à comprendre comment nous pouvons réellement [compatir] avec un enfant affamé ou d'un animal mourant d'inanition. Il s'agit de comprendre comment chaque jour ouvre un nouveau champ d'opportunités, pas uniquement pour se rapprocher d’Allah mais pour faire bien plus que ce que nous oublions de faire les jours ordinaires”.

Pour Mohamed Hisham, le directeur du Halal accreditation council et membre du comité du Conseil des musulmans du Sri Lanka, le Ramadan ne consiste pas seulement à jeûner, à faire de l'introspection ou à chercher à s'améliorer, il permet également de cimenter le lien durable entre musulmans et non-musulmans, “cela va du partage des snacks et du Kanji (porridge) pendant la rupture journalière du jeûne au partage du Biriyani et du Watalappan [NdT : mets traditionnels sri-lankais] à la fin du mois du Ramadan”. Cela va dans les deux sens, note Hisham, dans la mesure où les non-musulmans étendent souvent la bienveillance à la communauté musulmane pendant le jeûne, que ce soit au travail, dans les universités ou dans les institutions publiques.

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Photographies tirées du Ramadan Project sur Instagram

L'esprit de camaraderie est particulièrement important cette année, au lendemain des inondations et des glissements de terrains survenus à travers le pays. “Nous avons vu de nombreux exemples de communautés musulmanes travaillant avec des bouddhistes, des hindous et des chrétiens afin de s'entraider” explique Hisham. Cela s'est même étendu aux membres du clergé qui sont venus appeler à l'unité dans le cadre des opérations de secours aux sinistrés. Regardez cette video téléchargée sur YouTube par Noorhaliza MN Naufer :

L'observation de la nouvelle lune a été signalée sur les réseaux sociaux, des responsables mondiaux aux personnages de dessins animés adressant les voeux de Ramadan aux musulmans.

Heureux Ramadan à mes frères musulmans, j'espère que vous passerez tous un mois rempli de bénédictions.

Bien que le Sri Lanka se débatte avec les divisions ethniques et religieuses internes, dans les moments difficiles les citoyens s'entraident, laissant de côté leurs différences à la faveur d'un esprit d'unité et de solidarité.

Toutes les photographies sont utilisées ici avec l'aimable autorisation du Ramadan Project sur Instagram. Ce projet a été initié par une douzaine de photographes de Colombo. Ouvert à tout le monde quelque soit son appartenance religieuse, il saisit en images les dimensions cachées de ce mois saint au Sri Lanka.

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Le Brésil prend des airs de « Game of Thrones » dans un climat politique houleux

dimanche 19 juin 2016 à 19:03
independencia brasil

Une représentation de l'indépendance du Brésil par le peintre français François-René Moreau, datant du milieu du XIXe siècle. Au centre se trouve Dom Pedro I, le premier monarque brésilien, fils de celui qui était alors roi du Portugal John VI. Domaine public.

Il faut remonter 127 ans en arrière pour revenir à l'époque où le Brésil était encore une monarchie, mais la possible destitution de la présidente Dilma Rousseff a offert aux héritiers de la dernière dynastie à avoir régné l'occasion de défendre auprès de leurs partisans un retour à l'Empire, et le rôle des médias sociaux pourrait être décisif pour y parvenir.

La semaine dernière, le prince Don Rafael (qui serait quatrième dans l'ordre de succession si le Brésil était toujours une monarchie) a partagé une vidéo sur sa page Facebook officielle qui est bientôt devenue virale. Dans la vidéo, Rafael salue les « monarchistes » du pays et affirme que « le retour de la monarchie n'est qu'une question de temps. » Avec plus de 400,000 vues, la vidéo a permis de multiplier par trois le nombre de fans de Rafael sur Facebook qui sont passés de 6000 à presque 20,000 en quelques jours.

Le Brésil fut une colonie portugaise de 1500 à 1815 avant d'être élevé au rang de royaume lorsque la Cour du Portugal fut transférée dans sa colonie la plus importante au moment des invasions napoléoniennes dans le pays. En 1822, suite au retour de la famille royale au Portugal, le Brésil obtint finalement son indépendance, mais assez curieusement, son plus grand héros national était Dom Pedro, le fils du roi portugais lui-même, qui était resté afin de gouverner le pays en tant que prince régent.

Dom Pedro possédait le soutien de l'aristocratie rurale des propriétaires d'esclaves, qui se sentait menacée à la fois par l'emprise du Portugal et les mouvements républicains révolutionnaires qui balayaient l'Amérique latine. L'aristocratie défendait la monarchie constitutionnelle comme le meilleur moyen de préserver ses propres intérêts, tout en surfant sur la vague nationaliste amenée par la Révolution française. C'est seulement en 1889, après que la nation a vu l'émergence d'une classe d'entrepreneurs urbains et été témoin des tensions entre l'armée et l'aristocratie royale, que le Brésil est finalement devenu une république et a déposé le souverain de l'époque Dom Pedro II.

En réaction à la vidéo de Don Rafael, de nombreux utilisateurs de Facebook ont commencé à tourner en ridicule le prince en puissance, imaginant plusieurs blagues basées sur la série télévisée Game of Thrones, ainsi ces commentaires qui suggèrent que des dragons ou une armée de Dothraki devraient l'aider à récupérer le trône brésilien. Mais beaucoup d'autres internautes semblent réellement être en faveur d'une restauration de la monarchie. Ces Brésiliens ont l'air de croire que les régimes monarchiques suédois, danois et britannique sont la raison pour laquelle ces pays connaissent une telle prospérité et égalité dans la société. Plus surprenant encore, il semblerait que l'immense majorité des nouveaux défenseurs de la monarchie soient des jeunes.

En mai, la journaliste et animatrice de débat télévisé Mariana Godoy a réalisé un sondage sur son compte Twitter pour savoir quelle était la meilleure forme de gouvernement pour le Brésil selon les lecteurs. Même si l'enquête n'a absolument aucune validité scientifique, 41% des sondés ont de manière étonnante choisi la monarchie

Mariana Godoy devait recevoir Dom Bertrand d'Orléans-Bragance dans son émission. Celui-ci, à l'instar de son frère Dom Luís – tous deux descendants de Dom Pedro II, second et premier prétendants à un trône hypothétique –semble progressivement apprendre comment tirer parti de la dynamique conservatrice dans le pays pour plaider sa cause. Lors du débat télévisé, D. Bertrand a défendu le coup d'état militaire de 1964, qui a plongé le Brésil dans 21 ans de dictature, la primauté du droit à la propriété privée sur tous les autres et il a condamné en vertu de « la loi divine » l'homosexualité et tout « privilège » accordé à la communauté LGBT.

Brazil's last emperor, Dom Pedro II. Public Domain.

Le dernier empereur du Brésil, Dom Pedro II, déposé en 1889. Domaine public.

L'Empire (essaye de) contre-attaquer

Si l'idée de restaurer la monarchie au Brésil paraît étrange pour beaucoup de gens, l'ancien drapeau impérial du pays est de plus en plus visible lors des manifestations contre le Parti des travailleurs qui ont débuté fin 2014. Dom Bertrand (qui, selon les revendications de la branche Vassouras de la famille, est premier dans l'ordre de succession au trône brésilien) a fièrement annoncé que ses partisans se rassemblaient spontanément. « Les gens en ont marre de la république, » insiste-t-il.

Au cours de l'année écoulée, plusieurs princes de l'ancienne famille royale du Brésil sont souvent apparus aux côtés des « gens ordinaires » lors des manifestations contre Dilma Rousseff, s'affichant avec le vieux drapeau impérial. Cette stratégie diffère de celle qui a prévalu dans le passé. Quand ont eu lieu les protestations massives de juin 2013 qui ont vu des millions de Brésiliens descendre dans la rue pour manifester contre l'augmentation des tarifs de bus et la corruption, la « maison impériale » a officiellement demandé à ses partisans de rester chez eux. D'après BBC Brasil, les monarchistes jugeaient alors nécessaire de « s'abstenir » de participer aux rassemblements de masse.

Avant l'élection présidentielle de 2014, une note signée D. Luís, publiée sur le site monarchy.com, abordait la question des « droits naturels », citant Cicéron, Aristote et la Bible, enjoignant les partisans de la monarchie à ne pas voter pour « des candidats qui contestent ces enseignements [sur les droits naturels] » ou pour « des partis dont le programme est une offense à la loi divine. »

Dans un entretien au journal Folha de São Paulo, Dom Bertrand explique pourquoi sa famille a maintenant décidé de se joindre au mouvement de contestation politique :

O Brasil está com saudade de um regime que faça à nação o que uma nação deve ser: uma grande família com destino comum a realizar.

Quando brasileiros bradam ‘Quero meu Brasil de volta’, bradam ‘Eu quero o Brasil do Cristo Redentor e de Nossa Senhora Aparecida’.

Le Brésil a la nostalgie d'un régime qui fait d'une nation ce qu'une nation doit être : une grande famille avec un destin commun à accomplir.

Quand les Brésiliens crient « Je veux le retour de mon Brésil », ils crient « Je veux le retour du Brésil du Christ Rédempteur et de Notre-Dame d'Aparecida » [sainte patronne du Brésil].

Les 10% et quelques

Lorsque D. Pedro II, l'arrière-arrière-grand-père des deux princes qui défendent maintenant la restauration de la monarchie au Brésil, a été évincé par les républicains en 1889, il n'a pas opposé de résistance. Au lieu de cela, la famille royale a plié bagages et s'en est allée vivre en Europe.

En 1993, profitant des réactions violentes liées au processus de destitution d'un autre président, un plébiscite a demandé aux Brésiliens quel serait leur régime politique favori. Les monarchistes, qui ont eu du temps d'antenne à la télévision pour défendre leurs idées, n'ont reçu que 10,2 % des voix. Aujourd'hui, ce scénario semble être resté le même. Une campagne de financement collaboratif visant à assumer le coût de la publicité de la monarchie sur Internet n'a recueilli que 33 % de son objectif de 5000 BRL (environ 1300 €).

Les partisans de la monarchie au Brésil pourraient néanmoins n'en être qu'à leurs débuts. En mai dernier, le Sénat brésilien a reçu une proposition de restauration de la monarchie parlementaire présentée comme un remède au « présidentialisme corrompu et corruptible » du pays. Le Sénat a publié la proposition sur son site web, où les gens ont jusqu'en septembre 2017 pour se prononcer en faveur du texte. Il bénéficie à ce jour du soutien du nombre prodigieux de 19 personnes.

En Inde, la collaboration artistique d'une grand-mère et sa petite fille pour créer sur les médias sociaux

dimanche 19 juin 2016 à 13:37
Miss Pickles 2010. Image via indrimspickles.com

Miss Pickles 2010. Image via indrimspickles.com

Une vieille dame en blouse de laboratoire fixe la caméra. Elle s'appelle Dr. Indri Pickle, et elle annonce à l'auditoire qu'elle va expliquer la confection des mangues marinées, très aimées dans les pays d'Asie du Sud. Puis elle en inscrit la formule de base sur le tableau noir de son Pickle Lab : soleil + mangues.

Le Dr. Indri Pickle, c'est Inderjit Kaur, diminutif Indri, 84 ans, et elle n'est pas vraiment une spécialiste de la mangue marinée. Dans la vidéo récemment chargée sur YouTube, elle joue. C'est avec l'aide d'outils de médias sociaux comme YouTube, les blogs, Twitter et Facebook — et celle de sa petite-fille Jasmeen Patheja — qu'Indri réalise son rêve de devenir actrice.

Jasmeen, elle, est une artiste, féministe et fondatrice du collectif d'arts publics et de proximité Blank Noise, qui confronte le harcèlement des femmes dans la rue, et elle voulait apprendre la photographie et la vidéo. Sa grand-mère, avec sa vocation d'actrice, est devenue une artiste enthousiaste et sa collaboratrice. Ensemble, elles ont produit une série de performances photo basées sur des personnages choisis par Indri, outre la vidéo du Pickle Lab.

Indri raconte aussi l'histoire de sa vie sur son blog.  Dans le billet, elle indique qu'elle est née et a grandi en Birmanie et se rappelle les attaques des Japonais pendant la Deuxième guerre mondiale, alors qu'elle était toute petite. Elle narre le long voyage entrepris par sa famille pour partir en Inde (Lahore) en 1941. Elle est retournée à Mogok, en Birmanie après la guerre. Indri a été mariée à l'âge de 19 ans et a vécu en Birmanie jusqu'en 1970.

Global Voices a interrogé Indri et Jasmeen sur leur travail.

Global Voices (GV) : Vous avez appris à votre grand-mère l'utilisation des médias sociaux ? Qu'est-ce qui a été difficile pour elle ?

Jasmeen Patheja : Je ne lui ai pas appris à se servir des médias sociaux, j'ai été là pour les lui présenter, ou donner un coup de main en expliquant les concepts, les fonctionnements et les natures de participation sur le web. J'adore qu'elle utilise régulièrement YouTube pour ‘voyager’, elle visite les jardins zen japonais avec YouTube, ou utilise YouTube pour apprendre avec les tutoriels de bonsaï. Elle utilise aussi YouTube pour écouter ses hymnes du matin. Tout ça pendant des années de découverte au hasard de nouveaux espaces sur le web, dont YouTube, Facebook, Twitter. J'interviens quand elle a des questions sur les différentes sortes d'espaces, du genre “Quelle différence y a-t-il entre Instagram, Twitter, Facebook, Tumblr ?”, il y a différents formats, et chacun implique un type différent de fonctionnement. Indri utilise Facebook, Google, YouTube, WhatsApp avec la plus grande facilité. Dès le début, Indri a appris à se servir de paint, Microsoft Word, à jouer aux cartes (solitaire), à envoyer des voeux électroniques.

Indri vit seule et est indépendante. Elle est ravie que l'internet lui permettre d'utiliser les portails web pour faire ses courses (Flipkart/Bigbasket). En ce moment, elle est décidée à apprendre comment réserver un billet pour voyager !

J'ai demandé à Indri ce qui lui paraît le plus difficile, et elle a cité la langue et le vocabulaire.

Inderjit Kaur : Le monde entier apprend, pourquoi pas moi ? J'ai encore beaucoup à apprendre. Il faut aller avec son temps.

Indri Acting

Indri joue dans une performance photo. Image via indrimspickles.com

GV : Qu'est-ce qui vous a donné l'idée et fait avancer dans ce projet ?

Jasmeen Patheja : Je voulais prendre des photos. Ma grand-mère voulait jouer. Ma grand-mère Indri et moi collaborons depuis des années.

J'ai aussi suivi une école de Beaux-Arts, spécialité photographie/arts de proximité. Le désir d'Indri d’être actrice a été le point de départ de cette collaboration. Cette prémisse a conduit à un échange mutuel, a abouti à une série de performances photo basée sur les personnages qu'Indri désire endosser. La collaboration naît du jeu, de la curiosité, du désir. Indri incarne une reine, une femme politique, une scientifique.

Nous collaborons parce que nous nous amusons dans l'affaire. Nous pensons toues les deux que nous “nous perdons dans le jeu de rôle et la réalisation des photos”, cela nous fait grandir toutes les deux. Cela nous rend heureuses.

Le Indri Pickle Lab est sorti de la série la plus longue de performances photo, Indri y joue une scientifique fabricant des mangues marinées dans son laboratoire. L'idée est venue spontanément, mais aussi d'observer la confection des pickles, la précision, la science, le labeur et la transmission du savoir.

Jasmeen Patheja with her Grandma Indrajit Kaur.

Jasmeen Patheja avec sa grand-mère Indrajit Kaur. Image via indrimspickles.com

GV : Comment ont réagi vos lecteurs ?

Jasmeen Patheja : De façon très affectueuse et avec beaucoup d'encouragements aussi. Indri et moi nous sommes faits de nouvelles amies par cette collaboration. Les femmes (amies de la famille et famille étendue) de l'âge d'Indri ont répondu avec surprise, encouragements, exprimant souvent le désir de faire elles aussi équipe avec leurs petites-filles.

Nous sommes aussi allées ensemble en résidence à l'Akademie Schloss Solitude [un programme allemand de résidences artistiques] en 2010, une institution qui a soutenu cette collaboration dès ses débuts.

Les lecteurs ont réagi avec amour et encouragement et nous sommes très heureuses d'avoir créé quelque chose qui est reçu avec amour.

Indri posing

Indri prend la pose. Image via indrimspickles.com

GV : Beaucoup d'individus de notre génération perdent le contact avec leurs parents âgés car les familles deviennent plus éclatées et les gens vivent loin les uns des autres. Comment les médias sociaux et les outils du web peuvent-ils contribuer à jeter des ponts ?

Jasmeen Patheja : Ma famille est dispersée à travers villes et pays. Je vis à Bangalore, ma grand-mère vit à Calcutta. A ce jour ma grand-mère n'a pas vu ses petits-fils depuis deux ans, ni ne connaît son arrière-petite-fille de cinq mois. Son désir d'être en contact l'amène à utiliser le web. Oui, l'internet peut jeter des ponts.

Dans le Midwest américain, un chant traditionnel perpétue la mémoire du peuple hmong

samedi 18 juin 2016 à 18:58

Cet article a d'abord été publié sur PRI.org le 26 mai 2016, il est republié ici dans le cadre d'un accord de partage de contenu.

Il faut imaginer le kwv txhiaj comme de la poésie chantée, ou mieux encore comme la version hmong du blues. Dans cette optique, on peut voir dans le kwv txhiaj ce que décrivait l'écrivain américain Ralph Ellison comme étant sa conception du blues : “une expression lyrique de la chronique autobiographique d'un drame personnel.”

La citation d'Ellison ouvre un nouveau livre sur les kwv txhiaj et l'un de ses chanteurs nommé Bee Yang. L'histoire a été écrite par sa fille, l'auteure plusieurs fois primée Kao Kalia Yang. Elle s'intitule “The Song Poet: A Memoir of My Father” (Le poète de la chanson : En mémoire de mon père).

Listen to this story on PRI.org »

Son livre souhaite montrer que, à l'instar du blues,un kwv txhiaj peut être apaisant pour l'âme.

“Il me met en connexion avec mon père” dit Yang. “Tout le monde en Amérique le connaissait et, moi-même, j'en parlais comme d'un mécanicien, mais je sais que dans sa tête et dans son cœur il était un poète. Alors maintenant, quand j'entends un kwv txhiaj, je repense à l'homme qui, bien avant que je ne sache conduire une bicyclette ou une voiture, m'a fait découvrir le monde sur ses épaules. Sur ses épaules, il me poussait au sommet des arbres en me disant : “Un jour, tes petites mains et tes petits pieds ne limiteront plus les voyages de ta vie. Tu marcheras vers des horizons que ton père n'a jamais vu. Voilà pourquoi, quand j'entends un”kwv txhiaj” j'ai en tête ce qu'il me disait, le futur qu'il imaginait pour moi.”

Un futur bien différent de son passé marqué par la guerre. Son père avait fui le Laos pour un camp de réfugiés en Thaïlande pendant la guerre américaine au Vietnam. En 1987, il avait pu s'installer avec sa famille dans l'Etat du Minnesota, aux Etats-Unis.

“En tant qu'enfant hmong, je savais que nous étions là à cause d'une guerre. Mais ayant grandi en Amérique, je n'ai jamais su exactement de quelle guerre il s'agissait. Pendant les leçons d'histoire, on nous parlait seulement d'une guerre au Vietnam entre les Américains et l'armée nord-vietnamienne. Appartenir à un peuple qui a été effacé si totalement de l'histoire est une chose très triste. Mon père ainsi que d'autres chanteurs traditionnels hmong de kwv txhiaj ont essayé de rappeler tout cela dans leurs chansons. Rappeler comment la guerre s'est abattue sur leur peuple, comment des vies furent perdues, comment nous nous sommes relevés.”

Un kwv txhiaj, c'est aussi de l'histoire.

Yang ajoute que, pour beaucoup d'enfants de réfugiés comme elle, ces kwv txhiaj les rattachent à leurs racines, les ressuscitent, mais peu d'élus sont capables de les entonner.

“On ne peut pas comme ça se dire chanteur de kwv txhiaj. On doit être né avec le don, car votre voix est la seule musique qui puisse accompagner vos paroles en ce monde.”