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Un journal russe met la clé sous la porte après plusieurs années de confrontation avec les services de sécurité

dimanche 22 avril 2018 à 10:41

Igor Roudnikov, journaliste des «Novye Kolesa», le bras plâtré après avoir subi un interrogatoire des services de sécurité. // Page Facebook d'Igor Roudnikov

[Article d'origine publié le 9 avril 2018 sur Global Voices Advox. Les liens sont en russe.]

Le journal indépendant de Kaliningrad «Novye Kolesa» met la clé sous la porte après vingt-trois années de parution.

Dans un post Facebook daté du 4 avril, Youri Grozmani, le rédacteur en chef par intérim, écrit ceci :

Независимый еженедельник “Новые колёса”, основанный журналистом и депутатом Игорем Рудниковым в мае 1995 года, прекращает своё существование… Газета, которая издавалась на протяжении 23 лет, и на идеалах которой выросло целое поколение, уходит из нашей жизни. А вместе с ней – и целая эпоха, заявившая о себе после распада СССР и провозглашения принципов свободного развития общества и независимых СМИ.

Le quotidien indépendant «Novye Kolesa», fondé par le journaliste et député Igor Roudnikov en mai 1995, cesse d'exister… Après vingt-trois années de parution, le temps d'inspirer toute une génération avec nos idéaux, le journal sort de nos vies. Avec lui, c'est une ère qui prend fin, une ère de progrès sociétaux et d'indépendance des médias qui a commencé avec la chute de l'URSS.

L'histoire des «Novye Kolesa» s'est écrite en relevant des défis politiques et financiers au moyen de solutions créatives, nécessaires pour faire exister un média indépendant dans un pays post-communiste.

Le journal, né au début des années 90, commence par être un support publicitaire pour une entreprise locale florissante de commerce de voitures d'occasion. Il s'intitule alors «Kolesa» [«les Roues»] seulement. Le port sur la Baltique de l'oblast de Kaliningrad, la région la plus occidentale de la Russie, est devenu le point d'entrée des voitures d'importation, un luxe soudainement accessible après la chute de l'URSS

Roudnikov, ex-intendant dans la marine soviétique, crée «Kolesa» en 1993 en s'appuyant sur l'expérience de journaliste qu'il a acquise au journal «Straj Baltiki» («la Sentinelle de la Baltique»), ainsi que sur le réseau des agences de presse navales.

Deux ans plus tard, la marine russe, propriétaire des fonds utilisés par Roudnikov pour créer le titre, décide de récupérer des revenus en croissance rapide. Roudnikov démissionne alors et fonde les «Novye Kolesa» («Nouvelles Roues»).

Pour lutter contre la concurrence, Roudnikov a su transformer un journal de petites annonces de vente d'automobiles en tabloïd à large audience.

«Les Nouvelles Roues» se concentrent sur la criminalité organisée, un fléau dont les manifestations ne manquent pas dans les villes portuaires des années 90. Les journalistes, la rédaction et Roudnikov lui-même ont été plus d'une fois victimes d'agressions. En 2016, Roudnikov a failli perdre la vie dans une attaque au couteau. Mais loin de céder, il continue à publier des enquêtes incisives sur les liens entre chefs des bandes criminelles locales et policiers corrompus ou agents du FSB.

Parallèlement, Roudnikov se lance avec succès dans la politique au niveau local. Unique candidat indépendant de l'oblast de Kaliningrad en 2016, il bat dans les urnes le représentant de Russie Unie (le parti au pouvoir).

Mais là où la mafia a échoué à réduire au silence Igor Roudnikov et sa publication retentissante, sensationnaliste et à l'audace presque suicidaire, il semble que les services secrets aient fini par réussir…

En novembre 2017, le FSB perquisitionne la rédaction des «Novye Kolesa», Roudnikov est interpellé. Après un interrogatoire — au cours duquel il perd connaissance, et dont il sort avec un bras cassé — il se retrouve accusé d'extorsion de fonds sur un fonctionnaire. Igor Roudnikov est depuis incarcéré dans un centre de détention provisoire (SIZO) à Moscou.

Malgré l'arrestation de leur fondateur et rédacteur en chef, les «Novye Kolesa» continuent à paraître jusqu'au numéro 592, qui contient un article sur un cas local de brutalité policière faisant les gros titres de la presse nationale.

L'arrestation et le décès d'Alexandre Zakamski

En mars 2018, les services spéciaux du FSB de Kaliningrad arrêtent Alexandre Zakamski. Les motifs de cette arrestation n'ont jamais été éclaircis, mais les médias locaux supposent qu'elle pourrait être liée aux activités de Zakamski dans l'extraction d'ambre [l'une des ressources de la région].

Sa femme Elisaveta a déclaré publiquement que la dernière fois qu'elle avait vu son mari, c'était en sang et menotté. Selon ses déclarations, il aurait été ensuite emmené dans un lieu indéterminé où il a été battu et torturé pendant plusieurs heures pour lui faire avouer sa participation à un trafic de drogue.

Le 8 mars, son corps est retrouvé dans sa cellule, pendu avec un morceau de drap. Elisaveta Zakamski se refuse à croire que la mort de son mari serait due à un suicide, et accuse le FSB de torture et de meurtre.

La sortie des «Novye Kolesa» est prévue pour le 29 mars. La une montre, en photo, le visage de deux agents du FSB, avec un témoignage affirmant qu'ils ont pris part à des actes de torture sur Alexandre Zakamski. Les auteurs de l'article les qualifient de «sadiques» et donnent des détails insoutenables sur le traitement subi par Zamanski, incluant coups violents et torture à l'électricité.

Mais le journal n'arrivera jamais en kiosque. Les «Novye Kolesa» sont imprimées hors des frontières de l'enclave russe, les imprimeurs locaux refusant de travailler pour le journal par crainte de représailles. Le dernier numéro est saisi et pilonné par le FSB à la sortie de son imprimerie lituanienne. Il est toujours disponible en version PDF.

Kaliningrad sur la carte. Crédit : Google Maps.

Dans un éditorial publié sur son site annonçant la fermeture du journal, le rédacteur en chef par intérim Youri Grozmani écrit qu'il ne croit guère à des conséquences pénales pour les agents du FSB coupables de censure. Il promet pourtant de se battre pour obtenir des pressions de l'étranger sur les agents accusés d'abus de pouvoir :

Мы избрали другой путь – начали рассылку во все правозащитные организации, иностранные посольства и консульства, а также министерства иностранных дел Европейских государств требование о включении ДАННЫХ лиц в ЧЁРНЫЕ СПИСКИ. Аннулировать им Шенгенские визы, к чёртовой матери! Чтобы никто из них больше не смог выезжать за пределы Российской Федерации. Пусть свою Родину любят по месту прописки, а не с Лазурного побережья. И тратят деньги, заработанные в России, не в Европе, а в нашем родном Светлогорске.

Nous avons choisi une autre voie : nous avons commencé à envoyer à toutes les organisations de droits de l'homme, ambassades et consulats étrangers ainsi que ministères des Affaires étrangères des États européens une demande de mise sur LISTE NOIRE d'individus PRÉCIS. Il faut que leur visa Schengen soit annulé, merde ! Qu'aucun d'entre eux ne puisse plus sortir de la Fédération de Russie. Qu'ils aiment leur patrie depuis le lieu indiqué sur leur passeport, et non depuis la côte d'Azur. Et qu'ils dépensent l'argent gagné en Russie non pas en Europe, mais dans notre propre Svetlogorsk [station balnéaire de l'enclave russe].

Igor Roudnikov est en détention depuis déjà cinq mois et a récemment été reconnu prisonnier d'opinion par l'ONG de défense des droits de l'homme Memorial. Dans une déclaration sur son site web, l'organisation fait état d'incohérences dans la version du parquet, et considère l'affaire Roudnikov comme à motivation politique.

Voces de Mujeres [Voix de femmes]: “Prendre la parole est un acte révolutionnaire”

vendredi 20 avril 2018 à 21:11

La seconde édition [du projet Voces de mujeres raconte] les histoires de ces militantes du genre, femmes indigènes, poétesses, journalistes, footballeuses, boxeuses, activistes pour la protection du territoire et de la nature, motocyclistes, sportives, coursières à vélo, guérisseuses, sages-femmes, bisexuelles et de celles qui ont perdu la vie à cause de violences. Capture d’écran de la vidéo souvenir des ateliers, disponible sur YouTube.

Voces de Mujeres : des histoires qui nous transforment est un laboratoire multimédia qui cherche une nouvelle façon de raconter des histoires sur des femmes qui influent sur leur environnement social et le modifient. Pour les organisatrices, les conventions de genre sont une clé importante pour comprendre comment est perçu le rôle des femmes dans la société et comment les narratifs qui décrivent cette participation ont été élaborés.

Une vidéo du projet disponible sur YouTube met en scène les images et les témoignages de la seconde édition qui a eu lieu en 2017. La réalisation de ce projet a rassemblé des femmes et des militantes du genre de milieux différents et a servi de base à d’autres projets ayant pour but de raconter les histoires  de ces « femmes indigènes, poétesses, journalistes, footballeuses, boxeuses, militantes du genre, activistes pour la défense du territoire et de la nature, motocyclistes, sportives, coursières à vélo, guérisseuses, sages-femmes, bisexuelles et de celles qui ont perdu la vie à cause de violences ».

Eloísa Diez, une des organisatrices, nous explique :

Trabajamos con mujeres y disidentes de género en un laboratorio multimedia donde reflexionamos sobre cómo el género afecta la manera en que se han contado nuestras historias, construyendo narrativas y apropiándonos de la tecnología para visibilizar el rol transformador que tenemos.

Nous travaillons avec des femmes et des militantes du genre dans un laboratoire multimédia où nous analysons de quelle manière le genre influe sur la façon de raconter nos histoires, en élaborant des schémas narratifs et en nous appropriant les technologies qui nous permettent de mettre en évidence le rôle moteur que nous tenons dans ces changements.

Porteuses des sagesses ancestrales, guérisseuses et gardiennes du territoire

Les projets de Voces de Mujeres sont nombreux et l’objectif des ateliers est d’ouvrir des espaces de discussion et de donner des outils à celles qui y participent, pour raconter des histoires qui transforment. Actuellement, dans le cadre de la dynamique de Voces de Mulheres le mot-clé est élargir :  il faut que les participantes travaillent sur les projets d’autres femmes et d’autres militantes du genre, plutôt que sur leurs propres projets. C’est la condition essentielle.

Le travail de Judzil Palma Ortega en est un bon exemple avec son portrait vidéo de Rosalía Méndez Xool. Rosalía est une femme maya du Yucatán, rompue aux pratiques médicinales traditionnelles qui s’imposent aujourd’hui face aux changements découlant des évolutions culturelles mexicaines de la modernité. Ce témoignage met en évidence l’importance de la transmission orale des connaissances qui ont bénéficié aux générations passées et qui peuvent continuer à soigner et nourrir celles d’aujourd’hui :

Esta mujer representa a las mujeres mayas actuales que contribuyen a que la cultura maya resista a los constantes cambios que ocurren en la cultura. Rosalía, nos enseña la importancia de la transmisión oral de estos conocimientos, ya que el uso de plantas en la alimentación y en sus prácticas medicinales han sido favorables para las generaciones pasadas, y las actuales, además de que han mantenido un equilibrio con el medio ambiente.

Cette femme représente les femmes mayas actuelles qui contribuent à ce que la culture maya résiste aux nombreux changements culturels. Rosalia insiste sur l’importance de la transmission orale de ses connaissances, car l’utilisation des plantes dans l’alimentation et les pratiques médicinales, au-delà des bienfaits qu’elles ont apportés aux générations passées et présentes, préservent l’équilibre environnemental.

D’autres expériences, comme celle de Mikeas Sánchez, sont en lien avec la protection des patrimoines culturels et la préservation du territoire. Dans cet extrait audio que l’on peut écouter sur SoundCloud, Azalia Hernández s’entretient avec Mikeas et examine le rôle des femmes dans la communauté Zoque (qui se trouve dans les États mexicains de ChiapasOaxaca et Tabasco) et qui ont la charge des nouvelles générations et de leur éducation conformément aux traditions de la communauté :

Mi abuela nunca aprendió español. Tuvo miedo del olvido de sus dioses. Tuvo miedo de despertarse una mañana sin los prodigios de su prole en la memoria. Mi abuela creía que solo en [lengua] zoque se podía hablar con el viento. [Mi abuela y mi madre] eran mujeres de fuerte carácter [aunque no tuvieran] la posibilidad de acceder a la educación [formal]. Para mi fueron un ejemplo claro de lucha y de justicia social […] Siempre me educaron para conocer toda la filosofía del pueblo zoque.

Ma grand-mère n’a jamais appris l’espagnol. Elle craignait d'oublier ses dieux. Elle craignait de se réveiller un matin, la mémoire vide de toutes les grâces de ses enfants. Ma grand-mère croyait qu’on ne pouvait parler au vent qu’en [langue] zoque. [Ma grand-mère et ma mère] étaient des femmes fortes [même si elles n’ont pas eu] accès à l’éducation [formelle]. Elles ont été pour moi un véritable exemple de lutte et de justice sociale […] Elles m’ont appris à tout savoir de la philosophie du peuple Zoque.

D’autres extraits sonores racontent des histoires de femmes qui apprennent à d’autres femmes à se familiariser avec les différentes et nombreuses manières de prendre soin de leur corps au moment de l’accouchement. Cet extrait s’appelle Femmes qui accouchent et on y découvre les connaissances des femmes sur leur propre corps, le fait qu’elles savent accoucher et « qu’il y a autant de façons de le faire qu’il y a de femmes ».

On trouve de nombreux extraits sonores, vidéos, mais aussi des témoignages d’autres projets sur les réseaux de Voces de Mujeres et dans les archives où sont rassemblés les projets réalisés pendant le programme. On y entend les voix de jeunes joueuses de football originaires des communautés mazahuas, de femmes boxeuses, de « clitoridiennes », de jeunes journalistes, de coursières et bien d’autres encore.

L’expérience Voces de Mujeres, dure depuis environ six mois et lors de sa dernière édition a rassemblé plus de 20 femmes et militantes du genre. Les associations organisatrices comme Luchadoras, La Sandia Digital, SocialTIC, Subversiones et WITNESS [fr] ont apporté leur soutien basé sur leurs activités axées sur la communication pour le changement, la maîtrise de la technologie, les efforts communautaires et les langages de production multimédia du point de vue du genre et du féminisme.

Le Bangladesh, pays le plus végétarien du monde ? Pas tout à fait

vendredi 20 avril 2018 à 16:39

Marché aux poissons à Sylhet. Image de Flickr par David Stanley. CC By 2.0

[Sauf mention contraire, tous les liens de ce billet renvoient vers des pages en anglais.]

Un article récent publié par le journal britannique The Telegraph a désigné le Bangladesh comme le « pays le plus végétarien au monde ». Le rapport cite une étude réalisée en 2009 par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture dévoilant que chaque Bangladais ne consomme que quatre kilos de viande par an, un contraste frappant avec les 120 kilos de viande consommés aux États-Unis.

Cependant, sur les réseaux sociaux, les commentateurs n'ont pas tardé à souligner que l'étiquette de « végétarien » était inexacte : les Bangladais consomment très peu de viande parce que le poisson est un aliment de base traditionnel et que la viande est généralement chère.

Sumit Kumar Banshal de New Delhi, en Inde, conseille aux lecteurs de se faire une opinion sur l'article entier, et non uniquement sur le titre « végétarien », qui est trompeur :

This is stating the lowest consumption of meat per capita as the vegetarian country!! First of all low meat consumption does not make one vegetarian even metaphorically!!

Secondly, Bangladesh is a fish eater country at first place so there should be less consumption of meat!!

Very ill-use of statistical inference in this article!!

Il transforme la plus basse consommation de viande par tête en un pays végétarien !! Tout d'abord, une faible consommation de viande ne rend pas quelqu’un végétarien, même métaphoriquement !!

Deuxièmement, le Bangladesh est en premier lieu un pays consommateur de poisson, donc il devrait y avoir moins de consommation de viande !!

Très mauvais usage de l'inférence statistique dans cet article !!

Le Bangladesh [fr] est l'un des pays les plus peuplés du monde avec une population estimée à 163 millions d'habitants en 2016 pour une superficie de 147.570 kilomètres carrés. Son économie est essentiellement agricole et les aliments de base des Bangladais sont le riz, le poisson et le daal (lentilles) avec un large éventail d'autres currys. Le Bangladesh est réputé pour sa pisciculture en eau douce et se situe au quatrième rang mondial en termes de production de poissons.

Étant donné qu'il s'agit d'un pays à majorité musulmane, les protéines comme le bœuf et la volaille occupent une place plus importante dans les menus qui comprennent de la viande. Cependant, beaucoup de plats végétariens sont communs dans les ménages, parce que les Bangladais moyens, surtout ceux qui vivent dans les zones rurales, n'ont souvent pas les moyens d'acheter de la viande pour tous leurs repas.

L’informaticien bangladais expatrié Bickey Russell a commenté sur Facebook un menu typique d'aliments urbains au Bangladesh :

I'm not an expert by any means, but to my knowledge, Bengali culinary heritage is mostly all about fish and vegetables. While growing up in Dhaka in the late 90's, beef/chicken were not everyday items served at home. Sure, Bangladeshi food has some amazing meat dishes (e.g. kacchi, tehari, kababs etc etc.), but these are still fairly “modern” introductions to the cuisine. Also, meat is still super expensive for the average person/family in the country.

Je ne suis pas un expert, mais à ma connaissance, le patrimoine culinaire bangladais est surtout composé de poissons et de légumes. Durant mon enfance à Dacca à la fin des années 90, le bœuf et le poulet n'étaient pas des aliments de tous les jours à la maison. Bien sûr, la nourriture bangladaise contient des plats de viande étonnants (p. ex. kacchi, tehari, kebabs, etc.), mais ce sont encore des introductions assez « modernes » dans la cuisine. En plus, la viande est toujours super chère pour l’habitant / la famille moyenne du pays.

Selon un éditorial du Dhaka Tribune par Mahmood Sadi, « le Bangladesh a besoin de 43,25 kilos de viande par habitant, seuls 9,12 kilos sont disponibles, ce qui indique un déficit de près de 79 pour cent. En raison du faible pouvoir d'achat, la consommation est descendue à environ quatre kilos. »

Le faible pouvoir d'achat indique que la viande est de plus en plus chère au Bangladesh pour diverses raisons. M. Sadi note que près de la moitié de la viande consommée au Bangladesh est de la viande rouge, provenant principalement de vaches. Le Bangladesh a besoin de plus de 3 millions de vaches pour répondre à la demande ; environ 1 million proviennent de l'intérieur du pays, et le reste est importaté légalement et illégalement de l'Inde voisine.

En 2014, le Premier ministre indien Narendra Modi [fr] et son parti Bharatiya Janata [fr] (BJP) sont arrivés au pouvoir et ont pris plusieurs mesures pour protéger les vaches, le bétail étant considéré comme sacré [fr] dans la religion hindoue. Au cours des années suivantes, l'Inde a diminué l’exportation de bovins vers le Bangladesh, ce qui a entraîné une hausse de 50 % du prix de la viande bovine, soit beaucoup plus que la moyenne mondiale. En conséquence, le bœuf est maintenant un luxe pour beaucoup de pauvres dans le pays et on observe une augmentation de la consommation d'autres formes de protéines.

Une boucherie dans un marché de Dacca, au Bangladesh. Image de Flickr via l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, 2010. CC: BY-NC-ND 2.0

Certains ont sévèrement critiqué l'affirmation du Telegraph, qui a fait l'objet d'une couverture dans certains organes d'information locaux du Bangladesh. Shayan S. Khan s'est défoulé sur Facebook :

It's bad enough that some travel journalist at the Telegraph goofed up badly trying to be clever with some statistics, it's way more tragic though when it gets unquestioningly republished in our media, the level of daftness is unbearable.

C'est déjà assez triste qu'un journaliste de voyage quelconque du Telegraph ait gaffé en essayant d'être intelligent avec quelques statistiques, c'est encore bien plus tragique quand c’est republié aveuglément dans nos médias, le niveau d'idiotie est insupportable.

Rashed Rahgir, qui travaille dans le domaine du développement, a remis en question le battage médiatique :

S'agit-il d'une prouesse ?
Ou bien le verre est à moitié vide.
La plus faible consommation de protéines par tête !

De nombreuses personnes ont souligné que la majorité des Bangladais n'adhèrent pas à un mode de vie végétarien ; le président de l’Association végétarienne du Bangladesh a affirmé que seule une très petite partie de la population pourrait être végétarienne. Marie, l'auteure d'un blog de voyage végétalien, a noté qu'il reste souvent des traces de viande dans les plats bangladais et qu'il est difficile de faire un repas végétarien décent.

Et Nadia Khan a commenté sur Facebook :

You can’t even find a decent vegetarian place in Bangladesh less talk about most people eating vegetables mostly!

Vous ne pouvez même pas trouver un endroit végétarien décent au Bangladesh et vous entendez encore moins parler de la plupart des gens qui mangent surtout des légumes !

Le gouvernement ougandais veut imposer les commérages sur les médias sociaux

vendredi 20 avril 2018 à 10:14

Alors que le président ougandais Museveni prévoit un impôt sur les médias sociaux pour limiter les rumeurs, les internautes s'inquiètent pour la liberté d'expression. Image par Pixabay via CC0 Creative Commons, utilisée avec permission.

Le président ougandais, Yoweri Museveni, veut que les utilisateurs des médias sociaux subissent les conséquences de leurs commérages… et qu'ils soutiennent le budget national en même temps.

Au début d'avril 2018, Museveni a demandé au ministère des Finances d'introduire des impôts sur les plateformes de communication opérant par contournement (“over the top” ou OTT) telles que Facebook, Twitter et WhatsApp.

Selon le Président Museveni, les utilisateurs de médias sociaux utilisent ces plateformes pour ce qu'il appelle “lugambo” (qui signifie potins en lugwere). Dans une déclaration citée par The Daily Monitor, Musveni a expliqué sa position :

I am not going to propose a tax on internet use for educational, research or reference purposes… these must remain free. However, lugambo on social media (opinions, prejudices, insults, friendly chats) and advertisements by Google and I do not know who else must pay tax because we need resources to cope with the consequences of their lugambo…

Je ne vais pas proposer un impôt sur l'utilisation d'Internet à des fins éducatives, de recherche ou de référence… celles-ci doivent rester gratuites. Cependant, le commérage sur les médias sociaux (opinions, préjugés, insultes, conversations amicales) et des publicités de Google et je ne sais qui d'autre doivent payer un impôt car nous avons besoin de ressources pour faire face aux conséquences de leur lugambo…

Le président a accusé le ministère des Finances et l'administration fiscale ougandaise de ne pas faire assez d'efforts pour identifier de nouvelles sources d'impôsition, déplorant que le gouvernement manque actuellement de recettes fiscales.

L'attention du gouvernement sur les applications OTT soulève un problème de longue date que de nombreux gouvernements ont affronté avec les applications de communication IP (Internet Protocol), telles que WhatsApp, qui sont gratuites pour toute personne ayant accès à Internet. Les acteurs gouvernementaux (en Ouganda et dans de nombreux autres pays) ont exprimé depuis longtemps leurs préoccupations quant aux pertes de revenus pour les opérateurs de télécommunication nationaux qui étaient autrefois les principaux fournisseurs (et bénéficiaires) de ces services.

Le président assure aux citoyens que cet impôt n'affectera pas ceux qui utilisent Internet à des fins éducatives, arguant du fait que cela ne concernera que ceux qui passent du temps en ligne à raconter des ragots inutiles.

Dans une tribune pour The Daily Monitor, Daniel Bill Opio a qualifié l'impôt sur les médias sociaux de “régressif” :

Social media being a widely used platform for communication, and most importantly as means to access of information, imposing of taxes thereon will be an impediment to the enjoyment of various rights.

Les médias sociaux étant une plate-forme de communication largement utilisée et, surtout, des moyens d'accès à l'information, l'imposition de ces médias constituerait un obstacle à la jouissance de divers droits.

En effet, les responsables n'ont fourni aucune information sur la façon dont (ou par qui) le contenu des médias sociaux sera jugé pour sa qualité. Des ragots ou des rumeurs prenant un ton politique pourraient-ils entraîner une imposition ou même une censure indirecte de la critique ?

Les internautes ont également exprimé des doutes sur la logique économique de cette proposition. Le président du Parti démocrate, Norbert Mao, a écrit sur sa page Facebook :

At a time when other countries are cutting the costs of internet, President Museveni wants to increase its cost. We actually need to aspire to making internet free.

À l'heure où d'autres pays réduisent les coûts de l'Internet, le président Museveni veut les augmenter. Nous devons réellement aspirer à rendre Internet gratuit.

Certains se demandent si ces impôts bénéficieront vraiment aux Ougandais ou s'ils seront utilisés pour les gains personnels du président, comme cela a été soutenu dans le passé :

L'Ouganda veut faire des bénéfices là où il n'a pas investi. Les propriétaires de médias sociaux les ont donnés gratuitement et vous voulez les imposer ? Est-ce une opportunité d'augmenter les revenus, d'éviter la transparence ou s'agit-il simplement de CUPIDITE ?!!

Le fait que les médias sociaux aient été bloqués deux fois, le jour du scrutin en Ouganda le 18 février 2016 et lors du serment du président en mai 2016 décourage Kizza Ebron, poète et avocat des droits de l'homme :

La proposition d'imposer les medias sociaux a un fond gênant.

Le gouvernement de l'Ouganda a bloqué les médias sociaux à deux reprises dans le passé.

Eron continue en comparant les médias sociaux à une voie publique :

Les médias sociaux sont une autoroute. La taxe proposée sur l'utilisation des médias sociaux est un barrage militaire.

Ne nous rappelez pas ces jours-là …

Kyambadde Ronald, un défenseur de la santé et de la justice sociale, tweete :

Le gouvernement ougandais devrait comprendre à un moment donné que les citoyens ne sont pas des mines d'or qu'il peut exploiter à volonté, comment diable pouvez-vous justifier la saga en cours de nouveaux impôts – impôt sur les médias sociaux, taxe bancaire, etc? Nous en avons assez de vos injustices.

Selon Internet World Stats l'Ouganda compte actuellement environ 19 millions d'abonnés à Internet, avec une connection en ligne de 43 % de la population. Le passage à l'impôt sur les utilisateurs de médias sociaux pourrait augmenter la fracture numérique si les coûts augmentaient.

Ce n'est qu'une façon de réduire les espaces d'engagement civique en Ouganda. Un rapport de janvier 2018 d'Unwanted Witness, une ONG ougandaise, dresse un tableau sombre de la liberté d'expression en ligne en Ouganda :

2017 registered the highest number of Ugandans ever arrested for their online expression and these arrests are clearly targeted crackdown on free flow of information and speech on the Internet.

L'année 2017 a enregistré le plus grand nombre d'Ougandais jamais arrêtés pour leur expression en ligne et ces arrestations visent clairement la répression de la libre circulation de l'information et des discours sur Internet.

En mars 2018, la Commission des communications de l'Ouganda a émis une directive destinée à tous les créateurs de contenu en ligne pour enregistrer leurs sites internet, créant ainsi un autre obstacle à la libre expression en ligne. La directive disait :

All online data communication service providers, including online publishers, online news platforms, online radio and television operators are therefore, advised to apply and obtain authorisation from the Commission with immediate effect.

Il est demandé à tous les fournisseurs de services de communication de données en ligne, y compris les éditeurs en ligne, les plateformes d'information, les opérateurs de radio et de télévision, de demander et obtenir l'autorisation de la Commission avec effet immédiat.

À l'heure actuelle, il n'est pas encore clair comment l'”impôt sur les potins” sera appliqué ou surveillé, ou quand il entrera en vigueur.

Netizen Report : Partout dans le monde, les activistes réclament des réponses de la part de Facebook

mercredi 18 avril 2018 à 22:24

« Planète Facebook ou planète Terre ? » Carte des communications Facebook en 2010, réalisée par Paul Butler.

Le Netizen Report de Global Voices Advox offre un aperçu des défis, des victoires et des tendances émergentes en matière de droits numériques à travers le monde

Alors que le PDG de Facebook Mark Zuckerberg était auditionné par le Congrès américain les 10 et 11 avril 2018, les défenseurs des droits numériques du monde entier ont fait part de leurs propres témoignages, mettant en lumière l'expérience de millions d'utilisateurs confrontés à du harcèlement, de la discrimination et des menaces de violences sur la plateforme.

Au Sri Lanka, des groupes issus de la société civile ont adressé une lettre ouverte à Mark Zuckerberg dans laquelle ils soulignent que l'entreprise a échoué à plusieurs reprises à appliquer ses propres « Standards de la communauté ». La lettre met l'accent sur la guerre civile au Sri Lanka, officiellement terminée depuis 2009 mais dont le pays peine encore à se remettre.

Les auteurs citent notamment une publication Facebook datée de mars 2018, partagée alors que de violentes émeutes religieuses secouaient le centre du Sri Lanka et qui appelait au « meurtre de tous les musulmans, sans même épargner un enfant, car ce sont des chiens ». Malgré de nombreux signalements, la publication est restée en ligne sur Facebook durant six jours, l'entreprise ayant dans un premier temps répondu que la publication n'enfreignait pas les standards de la communauté.

Dans une autre lettre ouverte, des défenseurs des droits humains au Vietnam se sont contentés de poser cette question simple : « Facebook collabore-t-il avec un gouvernement connu pour réprimer l'expression [libre] ? »

Le groupe note que Monika Bickert, responsable de la gestion des politiques globales chez Facebook, s'est entretenue avec le ministre vietnamien de l’Information et des communications et aurait accepté de travailler de concert sur la surveillance et la censure des contenus. Les signataires poursuivent en décrivant comment la « cyber-armée » du gouvernement vietnamien, composée de milliers de « trolls » connectés, exploite la plateforme et les outils de Facebook en « organisant des signalements massifs de comptes appartenant à des activistes et en célébrant leurs victoires lorsque des comptes et des pages sont désactivés par Facebook ».

En Birmanie, des membres de la société civile ont rappelé Facebook à l'ordre suite aux déclarations de Mark Zuckerberg présentant leur travail en Birmanie comme un exemple d'engagement fort en temps de crise, à l'apogée de l'opération militaire birmane à l'encontre de la minorité musulmane Rohingya en 2017.

La coalition estime que les efforts de Facebook pour modérer les appels à la violence contre le peuple rohingya sont « l'exact opposé d'une modération efficace » et avance que le réseau social s'est montré « réticent à intégrer les acteurs locaux à la mise en place de solutions systémiques et [a fait preuve d’]un manque de transparence ».

Des revendications similaires ont également émergé aux États-Unis. Data for Black Lives, un réseau américain composé de scientifiques, d'activistes et d'organisations, a tiré la sonnette d'alarme à propos des discriminations raciales et économiques existant sur la plateforme Facebook et ses techniques publicitaires. Le groupe demande à Facebook de confier ses données à une fondation publique (un « public data trust »), ce qui permettrait aux chercheurs de pouvoir les analyser dans l'optique de « servir l'intérêt public », et enjoint l'entreprise à engager davantage d'Afro-américains au sein de ses équipes produit et ingénierie.

Suite aux auditions, Facebook s'est engagé à améliorer la transparence de ses publicités et de ses pages, et à permettre aux chercheurs universitaires d'accéder aux données internes de l'entreprise afin de nourrir des recherches indépendantes sur la plateforme. Seul le temps pourra dire si ces mesures aideront à résoudre les nombreuses questions soulevées par les lettres évoquées ci-dessus.

Le Vietnam inflige de lourdes peines de prison à six activistes

Six activistes, dont cinq sont des blogueurs actifs, ont été condamnés pour subversion à l'issue d'un procès d'une journée à Hanoï. Avec un panel de peines allant de sept à quinze ans derrière les barreaux, ils ont reçu les condamnations les plus lourdes que le Vietnam, État à parti unique, ait prononcé ces dernières années. Loa, un podcast produit par le groupe pro-démocratie Viet Tan, rapporte une déclaration de l'activiste Trương Minh Đức lors de son procès : « Je n'ai aucun regret. Aujourd'hui vous me jugez, mais demain cela pourrait être vous que l'on juge ».

Le défenseur des droits humains Ahmed Mansoor comparaît devant un tribunal émirati

Plus d'un an après l'arrestation et la détention d'Ahmed Mansoor par des officiers de sécurité, le défenseur des droits humains émirati a enfin comparu devant un tribunal. Il était détenu au secret depuis son arrestation. Aucune information sur d'éventuelles inculpations officielles ou sur le déroulé de l'audience n'a été communiquée publiquement. Les autorités accusent le défenseur d'avoir utilisé les réseaux sociaux pour « publier de fausses informations portant atteinte à l'unité nationale ».

Les autorités chinoises n'ont pas le sens de l'humour

Les autorités en Chine ont ordonné la fermeture de NeihanShequ, une application humoristique populaire, estimant que son contenu était devenu trop « vulgaire » et « banal ». Neihan permettait de mettre en ligne des blagues et des charades que les autres utilisateurs pouvaient commenter et juger via un système de votes. Zhang Yiming, le PDG de Toutiao, société mère de Neihan, a présenté des excuses publiques et promis que Toutiao renforceraient leurs capacités de modération en faisant passer les équipes chargées de filtrer les contenus de 6 000 à 10 000 employés.

Plus d'1 million d'Indonésiens affectés par Cambridge Analytica

Dans un communiqué de presse diffusé le 5 avril, Facebook a annoncé que les données personnelles de plus d'1 million d'Indonésiens auraient pu être collectées et utilisées par Cambridge Analytica dans le cadre de son travail pour le compte de la campagne présidentielle de Donald Trump. Le ministre de l'Information et des communications indonésien a annoncé qu’il n'hésiterait pas à bloquer Facebook à l'échelle nationale s'il s'avérait que ces données personnelles ont été exploitées ou détournées.

Au Guatemala, des trolls s'en prennent à un enquêteur mandaté par les Nations Unies

The Intercept a publié un article détaillé sur les activités de trolls quasi-professionnels au Guatemala, où une Commission des Nations Unies enquête actuellement sur la corruption et les finances de campagne de l'administration du Président Jimmy Morales. Au cours de l'année dernière, le juge colombien Iván Velásquez, à la tête de la Commission, est devenu la cible principale d'une campagne coordonnée de harcèlement politique et de désinformation en ligne.

Le département américain de la Sécurité intérieure intensifie les efforts de surveillance de journalistes

Aux États-Unis, le département de la Sécurité intérieure a annoncé le développement d'une base de données de journalistes et d'influenceurs dans le but de surveiller leurs productions et leurs activités en ligne. La base de données inclurait « des journalistes, des éditeurs, des correspondants, des influenceurs sur les médias sociaux, des blogueurs » et s'efforcerait d’ « identifier toute couverture médiatique liée au département de la Sécurité intérieure ou à un événement en particuler ».

Twitter a suspendu plus d'1,2 million de comptes pour « contenu terroriste »

Dans son 12ème rapport semestriel sur la transparence, Twitter a annoncé que plus d'1,2 millions de comptes avaient été suspendus pour « contenu terroriste » depuis août 2015. Entre juillet et décembre 2017, la plateforme a suspendu plus de 274 000 comptes pour cette même raison. Selon le blog de Twitter, 93% de ces comptes ont été « signalés par des outils internes et propriétaires » (comprendre, non humains) tandis que les comptes signalés par des gouvernements représentent moins de 0,2% du total des suspensions.

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