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Chez les dissidents cubains, la réconciliation USA-Cuba provoque espoir, crainte et colère

samedi 27 décembre 2014 à 23:50
Damas de Blanco or Ladies in White demonstrate in Havana, Cuba 2012. Photo by Hvd69 via Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0)

Damas de Blanco ou Dames en Blanc manifestent à La Havana, Cuba 2012. Photo de Hvd69 via Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0)

L'annonce la semaine dernière d'une révision des relations entre Cuba et les Etats-Unis a fait naître des réactions d'espoir, de scepticisme et même de colère chez les militants et blogueurs d'opposition cubains.

Nombreuses sont les voix dissidentes de Cuba à s'inquiéter de ce que le gouvernement des Etats-Unis n'ait pas conditionné assez fermement les liens diplomatiques à une amélioration des normes de libertés publiques dans l'île.

Dans un entretien avec Diario de Cuba, le défenseur des droits humains et fondateur du forum intellectuel Estado de SATSAntonio Rodiles a qualifié de bévue la décision du président Obama de négocier avec les autorités cubaines sans avoir consulté la société civile sur l'île. “Donner au régime sans rien demander en retour me paraît une erreur phénoménale”.

De nombreuses voix de premier plan, tant de Cubains comme Rodiles, qui ont développé une forte présence à la fois sur l'île et sur l'internet, que des générations précédentes de dissidents, voient dans ce changement de politique un blanc-seing au gouvernement cubain pour accroître le contrôle social et la répression des militants d'opposition.

Sur les médias sociaux, beaucoup ont fait écho aux sentiments des législateurs conservateurs étatsuniens depuis l'annonce du nouveau cours. Las Damas de Blanco (“Les Dames en Blanc”), une association de femmes qui marchent en solidarité avec les journalistes incarcérés et autres prisonniers politiques de l'île, ont retweeté avec insistance les propos de membres du Congrès des Etats-Unis comme Marco Rubio et Robert Menéndez, tous deux représentatifs des communautés d'exilés anti-castristes “purs et durs”. 

Figure de proue des “Dmes en Blanc”, Berta Soler, une des opposantes les plus en vue de l'île, a déclaré à Diario de Cuba : 

Las medidas del presidente Obama son para el Gobierno, no para Cuba. Se ha equivocado si piensa que restablecer relaciones va a favorecer al pueblo de la Isla. Aquí habrá cambios cuando se respeten los derechos humanos y no existan los Castro.

[...]

En estos momentos nos sentimos desprotegidos, pero con apoyo o sin él lo importante es mantenernos en nuestra lucha, buscando la libertad del pueblo de Cuba.

Hasta este momento, hemos sido hombres y mujeres golpeados y encarcelados. Ahora creemos que pueden aparecer activistas muertos en las cunetas.

Les mesures du président Obama sont pour le gouvernement, pas pour Cuba. Il s'est trompé s'il pense que rétablir les relations profitera au peuple de l'île. Il y aura des changements quand on respectera les droits humains et que les Castro n'existeront plus.

[...]

En ces moments nous nous sentons vulnérables, mais avec ou sans soutien, l'important est que nous poursuivions notre lutte pour la liberté du peuple de Cuba.

Jusqu'à ce moment, nous avons été des hommes et des femmes battus et emprisonnés. A présent nous croyons que des activistes morts pourront faire leur apparition dans les caniveaux.

Connues pour accepter le soutien financier d'agences publiques étatsuniennes, de nombreuses Dames en Blanc ont subi des tabassages, gardes à vue et autres formes de répression de la part de la sécurité d'Etat cubaine depuis leurs débuts en 2003. Cette semaine, leurs sympathisants ont cependant constaté qu'elles ont pu défiler librement, sans la moindre arrestation :

#Cuba Pudieron caminar hoy las @DamasdBlanco de Cárdenas y Colón sin ser arrestadas, repudiadas y golpeadas como siempre ha hecho la tiranía

— Iván Hdez Carrillo (@ivanlibre) December 21, 2014

Cuba : Aujourd'hui les @DamasdBlanco de Cárdenas y Colón ont pu marcher sans se faire arrêter, refouler ou frapper comme l'a toujours fait la tyrannie

Beaucoup ont eu une pensée pour Oswaldo Payá, le leader de la société civile mort, à la tête vers la fin des années 1990 d'un mouvement appelant à un référendum sur une constitution cubaine qui aurait inclu les droits à une participation électorale entière, à la liberté d'expression, et d'autres droits fondamentaux pour tous les Cubains. Oswaldo Payá a été tué dans un accident de la route en 2012 suspecté par sa famille d'avoir été orchestré par les autorités cubaines, bien que cela n'ait jamais été prouvé. Depuis sa mort, sa fille Rosa María est devenue une voix importante des droits humains dans le pays, même si elle suit un autre chemin que son père. 

Dans une lettre ouverte à Barack Obama publiée par le Washington Post, Rosa María Payá a écrit : 

M. le Président, ce ne sont pas vos lois qui empêchent la liberté du marché et de l'accès à l'information à Cuba ; c'est la législation du régime cubain et sa censure permanente.

La nouveauté serait un engagement réel pour le peuple cubain, avec des actes concrets soutenant les revendications des citoyens. Plutôt que de tactiques interventionnistes, nous avons besoin d'un appui aux solutions que nous Cubains créons nous-mêmes.

Toutes les voix de l'opposition ne sont pourtant pas aussi négatives. Reinaldo Escobar, un journaliste devenu blogueur et mari de la célèbre blogueuse Yoani Sánchez, a exprimé l'espoir que ces prévisions s'avèrent erronées :

Yo apuesto a que van a quedar mal, pero estoy deseoso de perder la apuesta. Todas las señales y la experiencia acumulada dicen a las claras que se trata de una nueva maniobra para ganar tiempo y que se van a salir con la suya, pero es también una jugada inédita y las cosas siempre pueden salir de otra manera.

Je parie que ça se passera mal, mais j'espère perdre mon pari. Tous les signaux et l'expérience accumulée laissent penser qu'il s'agit d'une nouvelle manoeuvre du régime pour gagner du temps et qu'ils arriveront à leurs fins, mais c'est aussi un coup inédit et les choses peuvent toujours tourner différemment.

Manuel Cuesta Morúa, le chef du Partido Arco Progresista — un mouvement politique progressiste qui s'oppose au parti communiste cubain — a identifié trois façons dont les réformes pourraient améliorer la condition des Cubains : 

Primero, se puede utilizar más la solidaridad global para favorecer nuestras estrategias en materia de recursos, de contactos, de relaciones. Segundo, es posible destruir para siempre la narrativa del régimen, que siempre nos ha acusado a nosotros, los disidentes, de trabajar a favor de potencias extranjeras, sobre todo de EEUU. Tercero, pero no último, nuestro contacto con los cubanos al interior del país puede ser menos envenenado porque ahora los ciudadanos, que son los que dan legitimidad a cualquier apuesta y propuesta política, están en mejores condiciones de participar, de interactuar con nosotros.

Premièrement, on pourra utiliser mieux la solidarité mondiale pour favoriser nos stratégies en matière de ressources, contacts et relations. Deuxièmement, il devient possible de détruire définitivement le narratif du régime, qui nous a toujours accusés, les dissidents, de travailler pour les puissances étrangères, surtout les USA. Troisièmement, et non des moindres, notre contact avec les Cubains de l'intérieur pourra être moins empoisonné parce qu'aujourd'hui les citoyens, qui sont ceux qui donnent sa légitimité à toute proposition politique, seront en meilleure position pour participer, et interagir avec nous.

Yoani Sánchez, blogueuse et rédactrice en chef du magazine numérique 14ymedio né récemment, a éclairé la façon dont la querelle entre les USA et Cuba a servi d'élément moteur au gouvernement cubain.

…a pesar de la ausencia de compromisos públicos de la parte cubana, lo de hoy fue una derrota política. Bajo el mandato de Fidel Castro nunca se hubiera llegado siquiera a perfilar un acuerdo de esta naturaleza. Porque el sistema cubano se apoya -como uno de sus principales pilares- en la existencia de un contrincante permanente. David no puede vivir sin Goliat y el aparato ideológico ha descansado demasiado tiempo en ese diferendo. 

…malgré l'absence de concessions publiques de la partie cubaine, ce qui s'est passé aujourd'hui fut une déroute politique [pour le gouvernement cubain]. Sous le commandement de Fidel Castro, jamais un accord de cet acabit ne serait arrivé à même se profiler. Parce que le système cubains s'appuie — c'est l'un de ses principaux piliers — sur l'existence d'un adversaire permanent. David ne peut vivre sans Goliath et l'appareil idéologique s'est reposé trop longtemps sur ce différend.

Les Cubains et les Cubains-Américains de tous bords politiques ont du mal à imaginer qu'une “normalisation” des relations va tout réinitialiser, depuis l'économie jusqu'aux libertés civiles et politiques. Peu après l'annonce, le leader d'Estado de SATS Antonio Rodiles ironisait :

Cuba n'est pas un ordinateur sur lequel on installe un nouveau logiciel qui va le rendre socialement fonctionnel.

Et certes, abstraction faite des priorités politiques, la plupart tombent d'accord que ni Cuba ni les USA ne changeront de cap aisément ou rapidement. Le temps dira si le soi-disant “dégel” se traduira en une nouvelle promesse pour les droits humains chez les deux protagonistes.

Sombres hommages aux enfants tués à Peshawar, au Pakistan

samedi 27 décembre 2014 à 15:40
Students of Army Public School, members of Civil Society, Pak Army staffs and large numbers of citizens held a candle light vigil to mourn the innocent victims. Image by ppiimages. Copyright Demotix (19/12/2014)

Elèves de l'établissement Army Public School, membres de la société civile, état-major de l'armée pakistanaise et nombreux citoyens tenant une veillée aux chandelles pour pleurer les innocentes victimes. Photo par ppiimages. Copyright Demotix (19/12/2014)

Un groupe de talibans armés vêtus d'uniformes militaires s'est introduit dans l'établissement Army Public School de Peshawar, Pakistan, le 16 décembre, tuant élèves et enseignants en passant de salle en salle. Au moins 148 personnes, dont 132 enfants, ont perdu la vie au cours de l'attaque et beaucoup d'enfants ont été blessés.

Le jour suivant, des veillées se sont tenues à Karachi, Islamabad et autres principales villes du pays, comme cela peut être observé sur ces photographies.

De nombreuses veillées ont également eu lieu à travers le monde :

Lors de ces veillées, les participants ont rendu mémoire aux victimes, protesté contre la barbarie, exprimé leur colère contre les talibans et ont répété que les enfants devraient être épargnés de telles atrocités.

Voici quelques images de ces veillées :

A collection of candles and votives lit as part of a vigil in Trafalgar Square, London, to remember the dead school children and teachers killed by the Pakistani Taliban in Pakistan. Image by Emma Durnford. Copyright Demotix (17/12/2015)

Une collection de bougies et de cierges allumés lors d'une veillée à Trafalgar Square, Londres [UK], pour se souvenir des écoliers morts et des enseignants tués par les talibans au Pakistan. Photo par Emma Durnford. Copyright Demotix (17/12/2015)

A Candlelight vigil for the children of Peshawar is held in Longsight, Manchester outside the Pakistani Community Centre. Image by Barbara Cook. Copyright Demotix (20/12/2014)

Une veillée aux chandelles pour les enfants de Peshawar est tenue à Longsight, Manchester [UK], à l'extérieur du Centre communautaire pakistanais. Photo par Barbara Cook. Copyright Demotix (20/12/2014)

Two hundred people gathered in front of the CNN Center in Atlanta [USA] for a candlelight vigil to honor victims killed during a Taliban attack on a school in Peshawar, Pakistan. Image by Steve Eberherdt Copyright Demotix (17/12/2014)

Deux cents personnes se sont rassemblées en face du centre CNN à Atlanta pour une veillée aux chandelles en l'honneur des victimes tuées lors de l'attaque des talibans dans une école de Peshawar, Pakistan. Photo par Steve Eberherdt Copyright Demotix (17/12/2014)

Columbia students and other members of the community joined a campus candlelight vigil to support the victims of the Peshawar attacks. Image by Mansura Khanam. Copyright Demotix (17/12/2014)

Des étudiants de Columbia [University, New York, USA] et d'autres membres de la communauté se sont joints à la veillée aux chandelles sur le campus en soutien aux victimes de l'attaque de Peshawar. Photo par Mansura Khanam. Copyright Demotix (17/12/2014)

Indian congress workers and children pay tribute to those killed in the Taliban attack in Peshawar, Pakistan at a candle vigil in Allahabad, India. Image by Ritesh Shukla. Copyright Demotix (17/12/2014)

Travailleurs du congrès indien et enfants rendant hommage aux morts de l'attaque de Peshawar, Pakistan ; veillée aux chandelles à Allahabad, Inde. Photo par Ritesh Shukla. Copyright Demotix (17/12/2014)

A candle light vigil and were held at the Pakistan High Commission in Bangladesh, this evening in remembrance of the innocent victims of the massacre at the Army public School peshawar.

Une veillée aux chandelles s'est tenue au Haut-Commissariat du Pakistan au Bangladesh, ce soir en souvenir des innocentes victimes du massacre de la Army public School de Peshawar.

Indian people lit candles as they took part in a candle-light vigil in memory of victims killed in a Taliban attack on a military-run school in Peshawar, in Amritsar. Image by Sanjeev Syal. Copyright Demotix (17/12/2014)

Indiens, à Amritsar, lors de la veillée aux chandelles en mémoire des victimes tuées dans l'attaque des talibans sur une école militaire à Peshawar. Photo par Sanjeev Syal. Copyright Demotix (17/12/2014)

Childrens in Sivasagar, Assam lighting candles protesting the attack of Talibans in a school of Pakistan,  image by Neelam Kakoty Majumdar. Copyright Demotix (18/12/2014)

Enfants à Sivasagar, Assam [Inde], allumant des bougies pour protester contre l'attaque de l'école pakistanaise par des talibans, photo par Neelam Kakoty Majumdar. Copyright Demotix (18/12/2014)

Burdwan District Press Club organised a Candlelight Rally in At Burdwan, West Bengal, India, protesting against Taliban terror attack on Army Public School in Peshawar.  Image by Sanjoy Karmaker (18/12/2014)

Le Burdwan District Press Club organise une veillée aux chandelles à Burdwan, Bengale occidental, Inde, pour protester contre l'attaque terroriste talibane à la Army Public School de Peshawar. Photo par Sanjoy Karmaker (18/12/2014)

Children holding solidarity messages at the candle light vigil in Lahore, Pakistan. Image by Fatima Arif. Copyright Demotix  (18/12/2014)

Enfants tenant un message de solidarité à la veillée aux chandelles à Lahore, Pakistan. Photo par Fatima Arif. Copyright Demotix (18/12/2014)

Troubles au Myanmar, répression contre les opposants à un projet chinois de mine de cuivre

vendredi 26 décembre 2014 à 21:46
Photo of Daw Khin Win which was  widely shared on the Internet.

Photo de Daw Khin Win. Largement partagée.

Daw Khin Win, une femme de 56 ans du village Mogyopyin, centre du Myanmar, a été tuée par balle par la police au cours d'un affrontement entre 60 villageois et une compagnie minière chinoise, le 22 décembre 2014. Une dizaine de personnes et deux policiers ont été blessés au cours de la confrontation. La violence s'est poursuivie le lendemain faisant trois blessés supplémentaires.

L'incident est né d'une querelle lors de laquelle les villageois ont essayé d'empêcher la compagnie de clôturer un terrain près de la mine de cuivre Latpadaung, prenant en même temps un bulldozer de l'entreprise. Le conflit s'est intensifié lorsque les locaux ont commencé à utiliser des lance-pierres et que la police a riposté avec force. 

La coentreprise minière de cuivre, fondée par la société chinoise Wanbao et l'Union of Myanmar Economic Holdings (UMEH), est l'un des projets d'investissement les plus controversés du Myanmar. En novembre 2012, une manifestation contre la compagnie minière a été violemment dispersée, faisant plus de 60 blessés dont des moines bouddhistes. Une commission d'état formée afin d'enquêter sur les faits a abouti à l'obligation pour l'entreprise de verser une compensation financière aux propriétaires terriens locaux. Cependant, pour beaucoup d'habitants concernés par le projet, cette mesure est insuffisante. Ce sont les villageois ayant refusé la rémunération et d'abandonner leurs terres qui ont été impliqués lors du dernier affrontement.

Farmers lie in front of a bulldozer to protest the fencing of their land by a copper mining firm. Photo by Han Win Aung, The Irrawaddy Blog

Agriculteurs essayant de bloquer un bulldozer lors de la manifestation contre la mise en clôture de leurs terres par une compagnie minière de cuivre. Photo de Han Win Aung, The Irrawaddy Blog

La mort de Daw Khin Win a entrainé la colère de nombreux activistes qui soutiennent la position des villageois depuis 2012.

Moe Thway, un membre du groupe de jeunes pro-démocratie Generation Wave, s'interroge sur le fondement des prétendues réformes politiques mises en oeuvre par le nouveau gouvernement myanmarais. (Attention — lien contenant des images susceptibles de heurter certaines personnes) :

Une agricultrice a été tuée par balle [sic] lors de la manifestation contre l'accaparement des terres pour le projet minier Lapadaung en Haute-Birmanie, près de Monywa. Plus de 20 paysans locaux ont été blessés [sic].

Que signifie réforme ?
Y a-t-il un réel changement ?

Nay Myo Zin, un ancien officier militaire et fondateur de l'Organisation pour le Développement Social au Myanmar, compare le cas de Daw Khin Win avec une affaire distincte, celle de Ko Par Gyi, un journaliste mort durant sa détention par les militaires :

Ko Par Gyi a été secrètement tué mais quand l'affaire fut révélée [ils] l'ont justifiée en disant qu'ils l'avaient tué car il tentait de s'évader. Maintenant attendons de voir comment [ils] vont justifier la mort d'une agricultrice de Latpadaung. Les gens doivent surveiller, ils diront qu'elle a été tuée accidentellement ou alors afin de protéger l'aveugle bulldozer sans défense [sarcasme sous-entendu]. Tout le monde doit se rassembler afin de rendre justice. Sinon nous devrons vivre dans la peur que nous puissions connaître le même sort que Ko Par Gyi.

Moethee Zun, fondateur du Parti Démocratique pour une Nouvelle Société, a également condamné le gouvernement et incite le peuple à demander justice :

Je dénonce l'acte du gouvernement qui a violemment dispersé les agriculteurs de Latpadaung. La cause de ces paysans est également la cause de chacun dans cette nation. Nous devons les aider. Ne soyez pas indifférents comme si cela ne nous concernait pas. La prochaine fois ce sera ceux qui sont indifférents [qui souffriront].

Audrey Gaughran d'Amnesty International a exprimé ses inquiétudes au sujet de la gestion de la manifestation par la police :

Tout en étant conscients du signalement que certains manifestants ont jeté des pierres aux policiers, le recours à des armes à feu soulève de très sérieuses questions quant à la gestion de cette situation par la police.

 Maung Zarni, un analyste politique réputé, a appelé le peuple à s'opposer aux activités de l'entreprise chinoise sans racisme. (Attention — lien contenant des images susceptibles de heurter certaines personnes) :

CHINE-#MYANMAR le FRIC des mines tue. Boycottez #China, mais ne vous autorisez pas à devenir anti-Chinois #racistpic.twitter.com/dIzzhRYLJ3

L'affrontement meurtrier entre la police et les manifestants à Mogyopyin va accroître la surveillance publique du gouvernement de Myanmar qui semble peu disposé à écouter l'insatisfaction croissante, avec un nombre de projets de développement en cours dans tout le pays.

Wanbao a condamné l'assassinat de Daw Khin Win, que l'entreprise a appelée “un membre de la famille Latpadaung élargie” et a répété que les “extrémistes” et les “extérieurs” étaient la cause des violences dans la communauté. La société a souligné dans sa déclaration du 23 décembre que “la paix et un développement durable peuvent uniquement être atteints via un dialogue paisible”.

Cette école pionnière dispense ses cours en créole aux jeunes Haïtiens, et non en français

vendredi 26 décembre 2014 à 20:37
A 5th grade class at the Matenwa Community School in Haiti.  Credit: Amy Bracken (Used with permission)

Une élève de 5e de la Matenwa Community School à Haiti. Credit: Amy Bracken (utilisation autorisée)

Cet article et le reportage radio signés Amy Bracken pour The World in Words a été publié sur PRI.org le 22 décembre 2014 et est republié dans le cadre d'un accord de partage de contenu. 

Frandy Calixte est un jeune garçon de 11ans qui vit dans un petit village de Lagonav, île sujette à la sécheresse en Haïti. Assis à l'extérieur de leur maison en compagnie de sa mère, qui est par ailleurs son enseignante, il me dit qu'il aimerait être infirmier quand il sera grand, mais sa mère l'a corrigé.

 


“Médecin”, dit-elle, et il a rectifié ses propos.

 

Presque tout le monde à Lagonav est agriculteur. L'enseignement supérieur est pratiquement inconnu. Mais Calixte résiste à la tendance en allant dans un autre type d'école : la Matenwa Community School, juste en dessous du chemin rocailleux menant à la maison de Calixte.

Matenwa brise également les normes de l'éducation haïtienne. Au début de chaque rassemblement, les élèves se lèvent et partagent les plus et les moins de leur école – une leçon qu'ils ont appréciée, ou le comportement déplacé de leurs camarades ou bien même des enseignants. En classe, les élèves s'asseyent en cercle, suivant la philosophie de l'école qui voudrait que chaque élève soit vu, entendu et traité avec respect.

Il est un autre élément essentiel dans la méthode pratiquée par l'école nous dit le personnel : enseigner les élèves dans leur langue maternellle, le créole, plutôt que le français.

On estime à 5 pour cent la la population haitienne s'expimant couramment en français, pourtant, c'est toujours la langue utilisée dans les manuels financés par le gouvernement. “Quand j'étais à l'école, je n'ai jamais vraiment appris le français”, dit la mère de Calixte, qui s'est donnée pour titre Madame Frantz Calixte. Quand je lui demande comment elle a fait pour réussir à l'école, elle rit. “Je n'ai pas vraiment réussi mes examens”, répond-t'elle.

Mais et ton fils? “Ils apprennent mieux que moi je ne l'ai fait” dit-elle.

Abner Sauveur, qui a grandi dans le village de Matenwa, a aussi suivi un cursus francophone, malgré le fait qu'il soit incapable de comprendre quoi que ce soit. Quand les enseignants étaient frustrés par la barrière de la langue, ils s'en prenaient – au sens propre du terme – à leurs élèves.

“A la manière dont j'ai été battu à l'école, j'ai compris que le système était mauvais”. “Personne ne peut étudier dans ces conditions”.

Sauveur n'a jamais achevé le secondaire. Mais, en 1996, lui et l'enseignant américain Christ Low ont cofondé l’école Communautaire de Matenwa afin de fournir une “éducation qui permette au peuple de réfléchir et partager leurs idées”, dit-il, “une éducaiton qui leur offre un meilleur apprentissage”. Faire usage du Créole était une nécessité.

Matenwa utilise le Créole durant toute la formation et dans les manuels jusqu'en troisième, classe dans laquelle le français est introduit comme seconde langue. Après la troisième, les manuels des matières comme la géographie et l'histoire sont tous en français, simplement parce que ces livres ne sont pas encore disponibles en Créole.

Les fondateurs de Matenwa espèrent qu'un jour, tous les livres seront disponibles en Français et en créole. Pour les classes inférieures, l'administration collecte des fonds pour acheter des livres en créole et les élèves collectent le leur.

Fifth-grader Kervenson Succès reads a student-authored book, "A Cure for Being a Pest," printed in Creole, French and English. Credit: Amy Bracken (Used with permission)

L'élève de 5e Kervenson Succès lit un le livre d'un élève-auteur, “A Cure for Being a Pest,” imprimé en Créole, Français et Anglais. Credit: Amy Bracken (Utilisation autorisée)

Mais de nombreux parents continuent de croire que le Français reste la langue de l'éducation, même pour les élèves de la maternelle. Son orthographe et sa grammaire sont mieux introduits que le Créole, et la croyance selon laquelle le plus tôt ils ont exposés au Français, le mieux ils l'appréhenderont persiste – même s'ils ont du mal au début.

“Lorsque nous avons lancé Matenwa, c'était vraiment difficile”, dit Sauveur. “Des parents annulaient l'inscription de leurs enfants parce que nous dispensions les cours en Créole.” Mais dit-il, ces parents ont ramené leurs enfants à Matenwa. Aujourd'hui, la classe politique, le premier ministre en tête de file, en appelle à plus d'éducation en Créole, et certains surnomment Matenwa le modèle.

Jonès Lagrandeur, le superintendant de plus de 200 écoles de l'île de Lagonav, était aussi contre l'éducation en créole au début. “Bien sûr ! Nous avons été élevés différemment”, a-t'il dit. “Ensuite, nous l'avons mieux appréhendé. J'étais sceptique, mais maintenant, je suis un fan de la première heure. Depuis l'arrivée de Matenwa, nous avons tourné une page de l'histoire.”

Matenwa offre également une formation en “langues maternelles” aux enseignants à travers le pays, mais travaille principalement avec les écoles voisines. Lagrandeur affirme que c'est la raison pour laquelle l'île a enregistré son score le plus élevé aux examens nationaux cette année.

Michel DeGraff, un linguiste haïtien au MIT, dit que les tests prouvent que les compétences en lecture des élèves créoles de Matenwa sont trois fois plus élevées que la moyenne de 84 écoles testées par la Banque Mondiale.

Degraff dit qu'il est en mesure d'affirmer que l'enseignement dispensé en Français ne fonctionne pas, juste en écoutant les gens étudier.” “C'est ce genre de cacophonie, où la plupart du temps ils cassent la phrase au mileu,” a-t'il dit, “ce qui signifie qu'il ne comprennent pas ce qu'ils étudient.” C'est le même cursus qu'il a suivi quand il était enfant, quand le Créole était méprisé dans son école.

Aujourd'hui, en tant que membre de la nouvelle Académie Créole, Degraff a pour mission de promouvoir le créole dans tous les domaines. Mais son objectif majeur reste l'éducation, les outils pour aider les enseignants à dispenser des cours de science en créole et la traduction de 21 jeux mathématiques en Créole.

De retour à Matenwa, j'ai effectué une visite un vendredi, au moment où les éducateurs étaient réunis pour les cours en langue maternelle. Ils ont reçu des livres et discuté de la manière dont ils allaient former le plus grand nombre par eux-mêmes à leur retour.

“Au début nous étions les seuls à enseigner le créole” nous dit Abner Sauveur, le co-fondateur de Matenwa. “Maintenant, il y a 10 écoles qui viennent ici chaque mois pour suivre la formation. Quand je m'appuie sur cette expérience, je crois que dans 15, 20, 30 ans, je serai peut-être déjà mort, mais il est possible que le système en sera complètement changé à Haïti.”

Mais à la session de formation, Sauveur distribue les manuels qui semblent n'avoir aucun lien avec l'enseignement en Créole. Ils portent sur les punitions corporelles, la communication efficiciente avec les élèves et la protection des enfants contre les abus sexuels. Au vu de tout ceci, Matenwa est-il un modèle du fait de l'enseignement en Créole ou du fait de l'attention accordée aux droits des enfants?

Je demande aux enseignants : cette école sera-t'elle toujours influente même si elle dispense les cours en français ?

Leur réponse? Ceci ne pourrait jamais arriver en français.

Retrouvez le monde en mots sur Facebook et iTunes.

Angoulême encage ses sans-abris

vendredi 26 décembre 2014 à 15:40

A la veille de Noël, dans l'après-midi du 24 décembre 2014, les habitants d’Angoulême, une ville moyenne du Sud-Ouest de la France, ont été effarés de découvrir neuf bancs d'une place du centre ville entourés de hauts grillages, “pour que les SDF ne viennent pas s'y alcooliser”. 

La municipalité assume la décision, prise, dit-elle, ”en concertation avec les commerçants sédentaires de la place”.

L'indignation a été immédiate et a encore enflé quand on a appris que le maire d'Angoulême augmentait au même moment son indemnité d'élu :

Certains ont suggéré un boycott du célèbre festival annuel de bande dessinée d'Angoulême :

Le site web de la radio France-Info s'est fait l'écho de l'indignation des artistes de BD. Ainsi, Denis Robert, scénariste et membre du jury du festival international de la BD, qui n'est pas favorable au boycott, invite, sur sa page Facebook, ses confrères à écrire au maire :

Je ne suis pas un dingue des pétitions, mais avec quelques amis nous avons écrit ce court texte et l’avons expédié à la mairie d’Angoulême à cette adresse : communication@mairie-angouleme.fr
A recopier, à diffuser largement et à expédier à fond les manettes…

Mr le Maire,
Au début, nous avons cru à un gag mais il a bien fallu nous rendre à cette évidence. Vous avez réellement fait grillager les bancs publics d'Angoulême pour éviter que les sdf et autres punks à chien ne s'y posent. Il est très délicat pour nous, dessinateurs, journalistes, éditeurs, amateurs de bandes dessinées ou simples passants d'accepter cette manifestation d'intolérance, de laideur et d'indignité sans broncher. Nous vous demandons donc de retirer ces grilles et de rendre aux bancs publics d'Angoulême leur fonctionnalité. Nous aimerions y poser nos fesses lors du prochain festival. Cela vous éviterait des embarras et des manifestations supplémentaires de notre désarroi.

Le compte humoristique agencefrancePresque suggère sarcastiquement une mesure plus humaine :

L'utilisateur de Twitter @Nitro_Politic, qui se dit “En guerre contre la #pauvreté, la précarité, le racisme et les politiciens menteurs”, confronte l'installation aux commerces de la place :

Des jeunes ont montré leur solidarité avec les SDF visés :

Devant la polémique, le maire a fait discrètement retirer les grilles dans la nuit de jeudi à vendredi – provisoirement ?

Mais d'autres villes françaises, et des plus grandes, sont dans la même logique, comme dans l'exemple ci-dessous l'initiative d'une banque à Paris :

 Ailleurs, des dispositions plus accueillantes sont pourtant prises :