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Les Jordaniens portent secours aux Syriens déplacés malgré la volonté de leur gouvernement de fermer les frontières

samedi 21 juillet 2018 à 17:09

Le petit Marwan, 4 ans, temporairement séparé de sa famille en Syrie, reçoit l'aide d'employés de l'UNHCR pour passer en Jordanie. Image publiée dans les médias via Twitter.

Depuis le début de juillet 2018, le gouvernement syrien mène l'offensive contre “les dernières poches rebelles dans le sud syrien”, indique The Arab Weekly. D'intenses frappes aériennes ont été lancées sur la ville de Daraa dans le but d’éliminer les dernières forces rebelles. Plus de 270.000 Syriens ont fui les attaques aériennes et terrestres au cours des deux semaines écoulées, selon les Nations Unies.

La guerre syrienne a déplacé plus de la moitié de la population du pays depuis son début, et plus de 300.000 Syriens en seulement deux semaines pendant les derniers événements à Deraa. La Jordanie voisine a accepté plus de 1,3 million de réfugiés en sept ans, mais les récentes manifestations dans le pays qui ont conduit à la démission du gouvernement précédent ont eu pour effet le refus de son successeur de garder les frontières ouvertes.

La fermeture des frontières n'a pourtant pas empêché les Jordaniens de tendre une main secourable aux Syriens.

Les organisations non-gouvernementales (ONG) de la capitale Amman appellent les citoyens à aider à alléger les conditions très difficiles que connaissent les Syriens déplacés à proximité de la ville frontalière d’ar-Ramtha en Jordanie. Si certaines ONG existaient avant le début de la crise syrienne, d'autres se sont créées tout récemment pour répondre à l'afflux des 40.000 déplacés syriens (nombre estimé) à la frontière.

Par exemple, l'ONG Eghathet Al-Malhoof (“Aider ceux dans le besoin” en arabe) s'est associée avec le Comité jordanien pour l'environnement pour collecter et distribuer les dons le long de la frontière. De même, l'Initiative Masar collabore avec l'UNHCR et d'autres ONG internationales qui ont reçu autorisation d'exercer des activités d'aide humanitaire avec le même objectif.

Les ONG ont distribué des tracts, contacté les fonctionnaires, et publié des messages sur les médias sociaux pour demander des aides de toutes sortes, y compris le recrutement de bénévoles et la collecte de dons. Les tracts comportent des conseils sur les dons de produits alimentaires, sollicitant des conserves, du pain, de l'eau et des boissons en bouteilles. Les associations ont aussi lancé un appel à médicaments, fournitures médicales et sanitaires, tentes, et objets de première nécessité pour bébés. Les dons en espèces sont acceptés, mais les ONG préfèrent les contributions en nature pour s'éviter les complications du maniement d'argent liquide.

Osama Hajjaj, un membre de l'opération Masar, a indiqué à Global Voices (GV) qu'on a besoin de bénévoles, et que ceux qui ne peuvent pas consacrer des journées entières viennent donner un coup de main après leur travail. Le directeur de Masar, Mohammed Al Garalleh, a expliqué à GV qu'il est très satisfait de la quantité d'aide reçue jusqu'à présent, ajoutant que les réponses sur les médias sociaux ont été immédiates et réactives. Il indique aussi que l'armée jordanienne a pris en main la distribution des dons, et que son organisation ne refusera aucune offre d'aide de quiconque.

Selon Eyad Al Jazzazeh, à la tête de Eghathet Al Malhoof, celle-ci a reçu une profusion de dons d'individus, d'associations, d'entreprises privées et de commerçants.

Plus de 250 médecins, infirmières et équipes médicales se sont portés volontaires et campent à ar-Ramtha pour aider tous ceux ayant besoin de soins, en plus de garantir qu'aucun virus ou maladie contagieuse ne se propage parmi les Syriens déplacés à la frontière. Des patients ont été admis dans des hôpitaux publics jordaniens.

A côté de l'aide concrète, deux mots-clics Twitter en tête de tendance, #open_the_borders (ouvrez les frontières) et #we’ll_share_our_bread_in_half, (nous allons partager notre pain en deux), ont ajouté à la mobilisation pour l'aide et la solidarité. Tandis que la Jordanie se débat dans ses propres difficultés, de nombreux Jordaniens pensent que les Syriens déplacés doivent être admis dans le pays, à en croire les récentes réactions citoyennes sur Twitter :

C'est le plus vaste déplacement de la guerre de Syrie. Les gens manquent du minimum nécessaire à la survie.
N'abandonnez pas la Syrie.
Écrivez sur Deraa.
Parlez de Deraa.
Demandez à la Jordanie d'ouvrir les frontières aux gens et à l'aide humanitaire.

“Des milliers de vies innocentes vont être perdues, une fois de plus, si on n'agit pas en urgence.”
Déclaration de @RefugeesChief sur la Syrie du sud-ouest où :
-750.000 vies sont en danger
-320.000 déplacés et une situation désespérée
-60.000 parqués à la frontière

Jordanie : ouverture des cœurs, fermeture des frontières

L’ONU a demandé à la Jordanie d'ouvrir ses frontières, mettant en garde que les Syriens déplacés près de la frontière n'ont pas d'autre choix et que leurs vies sont en jeu. La Jordanie s'obstine pourtant à maintenir la fermeture et invite l'ONU à assurer leur sécurité à l'intérieur de la Syrie.

Un mois seulement avant les grèves, la Jordanie annonçait ne plus pouvoir admettre davantage de réfugiés.

Les récentes manifestations pacifiques de mai 2018, organisées par les syndicats contre une nouvelle loi fiscale, ont amené les Jordaniens à faire entendre d'autres griefs, dont le fardeau des réfugiés. Cela a eu pour effet la démission du gouvernement en entier, et celui qui lui a succédé est devenu très prudent sur les questions concernant les réfugiés, puisque certains tentaient de leur attribuer les maux du pays.

Le gouvernement actuel ne se sent “aucune obligation” d'ouvrir les frontières, puisque le soutien au plan de réaction pour les réfugiés (un plan issu d'un partenariat stratégique entre la Jordanie et la communauté internationale) n'est qu'un décevant 7 pour cent cette année, en contraste avec les 65 pour cent de 2017.

Les soutiens essentiels de l’État syrien sont la Russie et l'Iran, alors que les États-Unis, la Turquie et l'Arabie saoudite soutiennent les rebelles. Mais les USA et les autres alliés des rebelles auraient d'après certaines informations abandonné ceux-ci et ne leur envoient plus d'aide.

Par leur ambassade à Amman (Jordanie), les USA ont envoyé aux rebelles du sud un message leur disant de ne plus compter sur aucune puissance de feu américaine.

Les rebelles se retrouvent désormais isolés sans aide, et les civils sont écartelés entre un retour dans des villes sous les bombes où leur mort est certaine, et l'attente aux frontières d'Israël et de la Jordanie.

Un espace culturel palestinien à Haïfa se réapproprie l'authenticité artistique

vendredi 20 juillet 2018 à 13:45

Scènes de Manjim. Toutes les photos sont reproduites avec l'autorisation de Rana Asali.

L’article ci-après a été originellement publié par Mangal Media. Il a été republié le 5 février 2018 sur Global Voices en anglais, avec autorisation.

Artistes émergents, programmateurs, savants fous et tous les amateurs d'échanges d'idées : il y a un nouveau super lieu dans la ville de Haïfa, un lieu qui se veut un refuge pour l'expérimentation et l'art alternatif.

Manjm (منجم), qu'on peut traduire par “mine” ou “veine”, est un laboratoire artistique qui s'efforce de défier toutes les attentes. Situé à côté de la gare ferroviaire de Haïfa (autrefois maillon du chemin de fer du Hedjaz), de la mosquée Al Istiqlal, du monument du Roi Fayçal, du Marché aux puces de Haïfa et du quartier du Wadi Salib, Manjm est la création de Rabia Salfiti et Tamer Kais, qui ont conçu l'espace comme une “zone autonome provisoire”, un clin d’œil au poète et anarchiste Hakim Bey.

Scènes de Manjim. Toutes les photos sont reproduites avec l'autorisation de Rana Asali.

Manjm est une corbeille d'idées profonde et accueillante. Les programmes de cet espace créatif comprennent une galerie d'art et un laboratoire, espace d'exploration du vaste monde de l'art et de la culture à travers le prisme d'activités diverses : sessions de narration, ateliers, débats, conférences et expériences interactives. D'autres programmes proposent des dîners secrets et des projections de films organisés par des programmateurs qui alternent chaque mois. A la fin de chaque projection se déroulent un débat et une performance artistique. Pour assister l'énergique quatuor fondateur, un flot d'amis se font bénévoles pour faire avancer les choses.

“En pénétrant dans l'espace on a une impression d'inachevé, et c'est exactement ce qu'on veut que ça soit, on entre dans une exposition inachevée, un espace où on peut facilement expérimenter. C'est ainsi que se construit une communauté”, dit Rabia Salfiti, un des fondateurs et artiste conceptuel d'avant-garde. “Un espace inachevé invite à contribuer, à être à l'aise et se sentir part intégrante du lieu.”

Scènes de Manjim. Toutes les photos sont reproduites avec l'autorisation de Rana Asali.

Créer une impulsion collective est vital pour Manjm. L'espace est financé par un mélange de subventions et de contributions de ses fondateurs, et dépend de la participation de la communauté pour partager la charge de travail.

Le plancher — posé par les fondateurs et leurs amis et non par des gens du métier — témoigne de la détermination du collectif à créer un espace reflétant leurs conceptions et leur volonté collaborative.

“Art et culture authentiques et impénitents”

Haïfa, la ville de 300.000 habitants qui abrite Manjm, fait partie de l'Israël moderne solidement incrusté à l'intérieur des frontières de la Palestine historique. La cité a récemment connu un essor de l'art et de la culture palestiniens, avec la récupération de leur culture, identité et espace par ses habitants palestiniens.

Caractéristique des États colonisateurs, Israël s'approprie l'art et la culture palestiniennes pour les resservir aux Palestiniens, dépouillés de tout signe d'identité et d'appartenance. C'est là qu'intervient Manjm pour fournir ses art et culture indépendants, impénitents et  authentiques.

Scènes de Manjim. Toutes les photos sont reproduites avec l'autorisation de Rana Asali.

Il y a d'autres institutions de Haïfa qui font cause commune avec Manjm : Kabareet, un bar et boîte de nuit créé par le groupe underground Jazar Crew ; le théâtre Khashabi, un collectif théâtral palestinien indépendant ; le Scene Music Bar ; le Festival du film indépendant de Haïfa ; et quantité d'autres ateliers et fanzines indépendants et d'avant-garde. Ces institutions coopèrent toutes pour décoloniser les esprits et les cœurs des habitants de Haïfa.

C'est un processus organique et naturel, le produit d'une harmonie naturelle, et la continuation de la Haïfa des années trente et quarante, quand les cafés et clubs pan-arabes prospéraient dans toute la ville. C'est le colonialisme de peuplement israélien — la Nakba — qui y a coupé court en 1948.

Scènes de Manjim. Toutes les photos sont reproduites avec l'autorisation de Rana Asali.

Manjm invite tous les “enfants sauvages” du monde entier à participer. Selon les mots du poète anarchiste américain Hakim Bey :

“Wild children are the only ones who actually wish to share the mischievous destiny of those savage runaways or minor guerrillas rather than dictate it, the only ones who can understand that cherishing & unleashing are the same act–these are mostly artists, anarchists, perverts, heretics, a band apart (as much from each other as from the world) or able to meet only as wild children might, locking gazes across a dinner table while adults gibber from behind their masks”

[NdT: Traduction française par SpartaKus FreeMann, 2009] les enfants sauvages sont “Les seuls qui désirent effectivement partager la destinée nuisible de ces fugitifs sauvages ou guérilleros, plutôt que de les diriger ; les seuls qui peuvent comprendre ce chérissement & ce débridement sont toujours les mêmes – ceux-là sont des artistes, des anarchistes, des pervers, des hérétiques, une bande à part qui se rencontre & se rassemble comme des Enfants Sauvages le feraient, des regards fixes autour d’une table alors que les adultes baragouinent derrière leurs masques.”

En deux mois d'existence [NdT : l'article d'origine de Manjm est paru en janvier 2018], le lieu a réussi à accueillir deux expositions d'art (chacune pour une durée d'un mois), un marché d'alimentation palestinienne (appelé le Projet Kayan), deux soirées-cinéma (Cinema Al Bahja), et cinq ateliers et événements artistiques expérimentaux. Une inauguration officielle est prévue le 27 février 2018.

A ce rythme, l'été s'annonce superbe et animé à Haïfa.

‘Si ça n'est pas enregistré ça n'est pas arrivé’ : Israël veut restreindre les traces en images des activités de l'armée

vendredi 20 juillet 2018 à 10:06

Si elle était adoptée; le projet de loi envisagé pourrait interdire de filmer et photographier les militaires israéliens en opération. Photo sur Flickr de Tal King (CC BY-NC 2.0)

Quand les policiers israéliens ont fait venir les bulldozers pour raser le village palestinien [bédouin] de Khan al-Ahmar le 4 juillet, la petite collectivité de 200 personnes ne s'est pas contentée de regarder. Les photos et vidéos partagées en ligne ont montré les habitants et militants locaux grimpant dans les engins et les immobilisant.Les troupes israéliennes ont riposté en attaquant et arrêtant les protestataires. Il y a eu 35 blessés et 11 arrestations. Sur une vidéo qui a fait le buzz on voyait des officiers israéliens arracher le foulard d'une manifestante tout en la rouant de coups, avant de la faire tomber et de l'emmener.

Ces confrontations violentes avec l'armée et la police israéliennes sont depuis longtemps banales dans les territoires palestiniens occupés par Israël. Les documenter et les condamner publiquement est possible et a été grandement facilité ces dix dernières années par l'avènement du smartphone.

Mais cela pourrait bientôt devenir plus compliqué, voire illégal. La Knesset (le parlement) a commencé à examiner deux projets d'amendements qui restreindraient davantage la parole des militants et journalistes critiques de la politique israélienne dans les territoires palestiniens occupés.

Le premier amendement instaurerait des restrictions sur les images (films et photos) des Forces de défense israéliennes (IDF en anglais), prévoyant une peine de cinq ans d'emprisonnement contre quiconque reconnu coupable de “filmer, photographier, et/ou enregistrer des soldats en service, avec l'intention de porter atteinte au moral de l'armée et des habitants d'Israël”. Si le tribunal juge que l'intention du preneur de vues était de “nuire à la sécurité de l’État d'Israël]”, la durée de l'emprisonnement passera à 10 ans. Cette “interdiction de photographier et documenter les soldats des IDF” criminaliserait aussi la diffusion des photos ou vidéos sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels. 

Le second projet d'amendement simplifierait la procédure par laquelle les fonctionnaires requièrent le retrait par les plate-formes de médias sociaux des contenus considérés comme  des “incitations à la violence”, et est prêt à être approuvé par la Knesset.

Le député à la Knesset Robert Ilatov a dit du premier texte qu'il était une riposte au “harcèlement” des soldats israéliens par des “agents gauchistes” à la frontière entre Gaza et Israël, où les officiers des IDF dispersent brutalement les manifestants. Depuis le 30 mars 2018, des milliers de Palestiniens habitant la Bande de Gaza assiégée se rassemblent à la frontière avec Israël pour les manifestations de la ”Grande Marche du retour”, marquant les 70 ans écoulés depuis que 700.000 Palestiniens furent contraints à la fuite lors des événements de la création de l’État d'Israël, connus sous le nom arabe de Nakba (ou “catastrophe”).

Les manifestants réclament le droit au retour pour les déplacés et leurs descendants, ainsi que la fin des onze ans de blocus de Gaza. Depuis le début des manifestations fin mars 2018, l'armée israélienne a tué plus de138 manifestants et en a blessé des milliers.

Des journalistes visés par les tirs israéliens à la frontière de Gaza

Deux journalistes ont été tués et plusieurs autres blessés, touchés par les tirs à munitions réelles des Forces de défense israéliennes (IDF), pendant qu'ils couvraient les manifestations de la ”Grande Marche du retour’.

Le 6 avril, Yasser Murtaja, un des fondateurs de l'agence d'information indépendante Ain Media (“L'oeil”), a été abattu par l'armée israélienne. Il est mort de ses blessures dans la nuit. “Quand il a été touché, il portait un gilet avec l'inscription ‘Presse’ qui l'identifiait clairement comme journaliste”, a indiqué Reporters sans Frontières.

Le 25 avril, Ahmed Abu Hussein, un photographe palestinien de la radio La Voix du Peuple à Gaza, est mort de blessures à l’abdomen par les balles israéliennes alors qu'il couvrait les manifestations. Le 8 juin, le photographe de l'AFP Mohammed al-Baba a reçu une balle sous le genou dans les mêmes circonstances. De nombreux autres journalistes ont également été blessés.

Dans un communiqué du 15 mai, RSF a annoncé saisir la Cour pénale internationale d'une demande d'enquête sur “les tirs directs de snipers de l’armée israélienne à l’encontre d’une vingtaine de journalistes palestiniens, sur le territoire de Gaza, dans le contexte des manifestations de la Marche du retour”.

Pourquoi mettre les soldats à l'abri du regard public ?

Dans son exposé des motifs, le projet de loi fait référence à “un phénomène préoccupant de constitution de dossiers sur des soldats israéliens” par les organisations non-gouvernmentales engagées dans la documentation des abus contre les Palestiniens.

L'une de ces organisations est le Centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés, plus connu sous le nom de B'Tselem. Le 4 juillet, le directeur de la recherche sur le terrain de B’Tselem, Kareem Jubran, a été arrêté alors qu'il filmait les préparatifs de l'expulsion forcée du village de Khan al-Ahmar, puis relâché le même jour.

“En tant qu'organisation, nos employés ont été frappés, harcelés et arrêtés”, a déclaré à Global Voices Amit Gilutz, porte-parole de B’Tselem. Giltuz voit dans le projet de loi un élément d'une campagne des autorités visant à dépeindre ceux qui “défendent les droits fondamentaux de toutes les personnes qui vivent entre le Jourdain et la Méditerranée” comme des ‘traîtres’.”

“Une chose est sûre, la documentation de la réalité qu'Israël cherche à cacher, au lieu de la changer, continuera malgré tout”, dit-il. 

Si l'adoption du texte ne dissuadera pas les militants et groupes de défense des droits de documenter les politiques et pratiques israéliennes dans les territoires occupées, son impact sera particulièrement ressenti parmi les communautés et militants palestiniens.

Nadim Nashif, le directeur exécutif du Centre arabe pour l'avancement des médias sociaux (Arab Center for the Advancement of Social Media), a déclaré à Global Voices :  

This bill aims solely for censorship of commonplace Israeli forces’ human rights violations under the motto of “if it isn’t recorded, it didn’t happen.” If passed, it will dangerously increase the impunity of Israeli soldiers and further endanger Palestinians that have already been stripped of almost all means to protect themselves and advocate for their basic human rights.

Cet amendement a pour seul but de censurer [les informations sur] les violations ordinaires des droits humains par les forces israéliennes, sous la devise “si ça n'est pas enregistré, ça n'est pas arrivé”. S'il est adopté, il va dangereusement accroître l'impunité des soldats israéliens et mettre encore plus en péril les Palestiniens déjà dépouillés de presque tous moyens de se protéger et défendre leurs droits humains de base.

Les Palestiniens qui résistent à l'occupation subissent déjà une myriade de menaces et de restrictions : violences, détention administrative, emprisonnement et lois répressives. Ceux qui se tournent vers les médias sociaux pour dénoncer les violations de droits humains et la politique d'occupation israélienne, ou seulement pour donner à voir les réalités quotidiennes de l'occupation encourent les arrestations et poursuites pour incitation.

L'amendement ‘Retrait des médias sociaux des contenus incitant au terrorisme’

A quoi s'ajoute le second projet de loi. L'amendement sur le “Retrait des médias sociaux des contenus incitant au terrorisme” criminaliserait les contenus considérés par les autorités israéliennes comme une “menace à la sécurité personnelle, publique ou nationale”, ou les discours “susceptibles de nuire gravement à l'économie ou à l'infrastructure israélienne”, rapportent les médias du pays.

Ce qui redoublerait les pratiques actuelles de poursuivre les individus pour leurs propos en ligne, et demanderait aux entreprises de médias sociaux de supprimer les contenus présumés incitatifs. L'incitation à la violence est déjà illégale en vertu du code pénal israélien de 1977 et des dispositions sur l'état d'urgence de 1945.

#FBCensureLaPalestine

En septembre 2016, les militants palestiniens ont relevé de multiples suspensions de comptes Facebook personnels de journalistes et de pages de médias. Quatre rédacteurs de l'agence d'information palestinienne Shehab News et trois journalistes du Réseau Al Quds, chacun avec des millions de followers, ont vu leurs comptes personnels fermés. Leurs sympathisants ont riposté en ligne sous le #FBCensorsPalestine (FB censure la Palestine). Facebook s'est ensuite excusé pour la suspension, disant qu'il s'agissait d'une erreur.

Ses détracteurs disent que le projet de loi représente une menace pour la liberté d'expression. Un récent article de l'Israel Democracy Institute conclut que le texte établit un “dangereux précédent juridique” et “ouvre la porte aux dangers de la censure d’État”.

Selon les auteurs del'article Tehilla Shwartz Altshuler et Rachel Aridor-Hershkovitz :

The use of administrative law ex parte, with no admissible evidence to determine whether a criminal act has been committed, is an unprecedented international juridical act.

L'utilisation de la loi administrative ex parte, sans preuve admissible pour déterminer si un acte criminel est commis, est un acte juridique international sans précédent.

Les compagnies de médias sociaux, en particulier Facebook, sont déjà accusées de “complicité” dans la censure de la parole palestinienne. La ministre de la Justice Ayelet Shaked, au nombre des initiateurs du texte, a déclaré que Facebook obtempère à ‘la plupart des requêtes de l’État de retirer les contenus incitatifs”.

“Au lieu de protéger la liberté d'expression en ligne, les compagnies de médias sociaux suivent presque aveuglément les requêtes de retrait du gouvernement israélien”, conclut Nashif.

Les habitants de l'ex-Yougoslavie sont-ils heureux du succès de la Croatie dans la Coupe du monde ? Oui.

jeudi 19 juillet 2018 à 14:37
A collage of Croatian national team with the flags of other ex-Yu countries under the title "Here's why all former Yugoslavia should support Croatia" with a post listing dozens of things that connect these countries. Image by Stefan Simić, from Belgrade, used with permission.

Ce collage de l'équipe nationale de Croatie entourée des drapeaux des autres pays de l'ex-Yougoslavie a été posté sur Facebook avec une liste de ce qui les unit. Le post, intitulé “Voici pourquoi toute l'ex-Yougoslavie devrait soutenir la Croatie”, a reçu plus de 10 000 commentaires et 6 000 partages. Image de Stefan Simić, de Belgrade, utilisée avec permission.

Malgré sa défaite en finale de la Coupe du monde face à la France, la belle réussite de la Croatie a touché les fans du monde entier : après tout, qui n'aime pas voir un outsider battre les plus grandes équipes nationales, y compris l'Argentine double championne ?

Mais les éloges venant des pays de l'ex-Yougoslavie ont eu un charme tout particulier. En tant que seule représentante de cette région à avoir franchi les éliminatoires, la Croatie a inspiré de nombreuses réactions positives provenant des Balkans, bravant la tension ethnique historique entre les nations voisines.

Pareille réaction est venue, par exemple, de l'une des célébrités les plus populaires  de la région, le joueur de tennis serbe Novak Đoković, qui a scellé son quatrième titre à Wimbledon le 15 juillet. Plus tôt ce mois, il avait déclaré à un journaliste qu'il encouragerait la Croatie lors de la finale de la Coupe du monde encore à venir :

Navijam za Hrvatsku i nadam se da će osvojiti tutulu. A ko je pravi favorit – ne znam. Svetsko prvenstvo je nepredvidivo takmičenje, ispale su Nemačka i Argentina, reprezentacije koje su na prošlom SP-u igrale u finalu.

Je soutiens [maintenant] la Croatie et j'espère qu'ils vont gagner le titre. Je ne sais pas qui est le vrai favori. La Coupe du monde est une compétition imprévisible, comme en témoigne le fait que l'Allemagne et l'Argentine, les finalistes précédents, ont été éliminés.

Le journaliste local Ante Tomić, qui écrit pour le quotidien croate Jutarnji, a souligné que le gardien croate, Danijel Subašić [fr], a été salué comme un héros après avoir défendu trois penalties contre le Danemark. Il est membre de la minorité ethnique serbe de la Croatie.

Sa tribune, intitulée ” Voici pourquoi le nationalisme est de la merde“, a été partagée plus de 29k fois sur Facebook.

…Diljem naše zemlje… svi su vrištali od sreće u jednoj kretenskoj zgodi da je, kraj više od pet stotina tisuća registriranih hrvatskih branitelja, domovinu obranio jedan Srbin.

Što god se dogodilo do kraja Prvenstva u Rusiji, meni je, nakon ovoga, iskreno, nebitno. Jer, Subašićeva je obrana tri jedanaesterca sama po sebi jedna velika povijesna pobjeda koja ispunjava oči suzama, to je trijumf čovječnosti nad mržnjom i glupošću. A nije zaista mogao biti bolji trenutak za to jer je Svjetsko nogometno prvenstvo, sa svim onim zastavama, himnama, dlanovima na srcu i licima našaranim ratničkim bojama, jedan prvorazredni nacionalistički događaj. Nacionalizam masu uspaljuje vjerojatno i više od igračke vještine. Više od Modrićevih driblinga i Rebićevih voleja crveni i bijeli kvadratići zaslužni su za rekordnu prodaju piva i čipsa. U takvom nepodnošljivom ludilu krvi i tla trebao nam je Danijel Subašić da se panterski baci ustranu i izbije balun u korner i neporecivo dokaže kako je nacionalizam totalno sranje.

… Partout dans notre pays … tout le monde accueillait par des cris extasiés un événement paradoxal quand, à part plus de cinq cent mille anciens combattants enregistrés, notre patrie était défendue par un Serbe.

Peu m'importe désormais ce qui peut arriver jusqu'à la fin de la Coupe du Monde en Russie. Le fait que Subašić ait arrêté 3 penalties est déjà en soi une victoire historique qui met les larmes aux yeux, comme un triomphe de l'humanité contre la haine et la bêtise. Il n'y aurait pu avoir de meilleur moment car la Coupe du Monde de football, avec tous ses drapeaux, hymnes nationaux, mains sur les cœurs et visages aux peintures guerrières, est un événement nationaliste de première classe. Peut-être le nationalisme enflamme-t-il encore plus les masses que les qualités sportives. Plus encore que les dribbles de Modrić et les volées de Rabić, l'étalage des damiers rouges et blancs contribuent aux ventes record de bière et de chips. Dans cette folie insupportable de Blut und Boden (sang et sol) [fr] nous avions besoin de Danijel Subašić pour sauter comme une panthère et lancer la balle dans un coin, et prouver irrévocablement que le nationalisme est une merde totale.

Néanmoins, certains nationalistes serbes ont réagi négativement au soutien serbe à la Croatie. Selon un utilisateur de Twitter, “aucun Croate ne soutiendrait jamais la Serbie”.

En réponse, de nombreux médias sociaux ont souligné le fait qu'en août 2017, les basketteurs croates ont publiquement soutenu l'équipe féminine serbe après que cette dernière se fut qualifiée pour la finale du Championnat d'Europe FIBA ​​des moins de 18 ans.

À l'époque, une photo des joueurs croates, portant l'uniforme de l'équipe nationale et portant le mot «Serbie» sur leurs visages, avait enflammé Internet.

Nouveau tweet: Chaque fois qu'on vous apprend à haïr les autres peuples, jetez un œil à ces jeunes de Serbie et de Croatie qui célèbrent ensemble l'entrée de la Serbie dans le Championnat d'Europe Junior en 2017.
Tweet avec vidéo: Cette jeunesse est l'avenir de la Serbie et de la Croatie. Sans haine ni mauvaises pensées, les basketteuses célèbrent l'arrivée de la Serbie dans la finale de la CE.

Patrimoine partagé

Il existe une controverse sur la façon dont la FIFA gère le dossier historique de chaque équipe lorsque les pays changent de nom et de frontière.

Par exemple, la Russie est considérée comme le seul successeur de l'URSS pour la victoire, au détriment de tous les autres anciens pays soviétiques. De même, la Serbie est le seul successeur officiel de la Yougoslavie, malgré le fait que l'équipe nationale yougoslave avait des joueurs de toutes les républiques constituantes, y compris de la Croatie.

Cela contraste avec un sentiment croissant de patrimoine partagé à travers les nations actuelles. Dans un article du journal monténégrin Vijesti, par exemple, la performance de la Croatie en Coupe du monde est perçue comme un continuum de l'ancienne gloire du football yougoslave. L'article a également été largement partagé, y compris par l'entraîneur de football croate Mario Kos.

Imala je nekadašnja Jugoslavija mnogo velikih majstora, neprevaziđenih vedeta, fudbalskih ikona kojima se klanjala Evropa.

Od Montevidea 1930, preko Čilea 1962, Šekularca, Skoblara, Jerkovića i ostalih, zatim Džajićeve generacije početkom 70-ih, pa moćnog tima sa Pižonom, Šurjakom i Sušićem koji je razočarao 1982, sve do Stojkovića, Savićevića, Prosinečkog i drugova koji su penalima rasplakani u četvrtfinalu Mundijala u Italiji 1990.

Kakvih je tu bilo i trenera – od Aleksandra Tirnanića, Miljana Miljanića, Tomislava Ivića, Branka Zebeca, Todora-Toze Veselinovića, Anta Mladinića, Vujadina Boškova, sve do Ivice Osima i Ćira Blaževića.

I niko od njih, apsolutno niko, nije uradio ono što su istorijskog 11. jula 2018. godine, u Rusiji, uradili Zlatko Dalić i njegovi fudbaleri.

San generacija i generacija nekadašnje države, koja je voljela i koja se ponosila fudbalom, dosanjali su Luka Modrić, Ivan Rakitić, Mario Mandžukić, Dejan Lovren, Ante Rebić, Danijel Subašić i ostali momci koji će zlatnim slovima ostati upisani u istoriji hrvatskog fudbala.

Prestigli su čak i “vatrenu” generaciju Hrvata iz 1998. godine – Boban, Šuker, Prosinečki, Asanović, Jarni, Bilić, osvojili su bronzu na Mundijalu u Francuskoj, što je bio uspjeh za koji je malo ko vjerovao da će biti prevaziđen.

L'ex-Yougoslavie avait de nombreux grands maîtres, de grandes stars, des icônes du football, respectés par toute l'Europe.

De Montevideo 1930 [fr] au Chili 1962 [fr], à Šekularac, Skoblar, Jerković et autres, la génération Đajić du début des années 1970, et la puissante équipe de Pižon, Šurjak et Sušić qui avaient déçu en Espagne en 1982 [fr], à Stojković, Savićević, Prosinečki et leurs camarades qui ont perdu aux penalties dans les quarts de finale de la Coupe du monde en Italie 1990.

Ils ont également eu des entraîneurs exceptionnels : Miljan Miljanić, Tomislav Ivic, Branko Zebec, Todor-Toza Veselinovic, Ante Mladinić, Vujadin Boškov, Ivica Osim et Ćiro Blažević.

Et aucun parmi eux, absolument personne, n'avait réalisé ce que Zlatko Dalić et ses joueurs ont réalisé en Russie le 11 juillet 2018.

Luka Modrić, Ivan Rakitić, Mario Mandžukić, Dejan Lovren, Ante Rebić, Danijel Subašić et les autres garçons dont les noms resteront écrits en lettres d'or dans l'histoire du football croate ont réussi à mettre un terme au rêve des générations de citoyens de l'ancien État [fédéré].

Ils ont réussi à surpasser “la fière” génération de Croates de 1998 – Boban, Šuker, Prosinečki, Asanović, Jarni, Bilić, qui avaient remporté la médaille de bronze lors de la Coupe du monde en France [fr], un succès que très peu croyaient pouvait être dépassé.

Jour de victoires

Avec la Croatie jouant à Moscou et Đoković à Wimblendon, ceux qui soutiennent ce nouvel esprit inclusif ont vraiment (et littéralement, pour certains) eu une journée bien remplie le 15 juillet.

Saluant l'équipe croate, le blogueur et écrivain serbe Igor Čobanović a publié un collage de drapeaux croates et serbes avec une parodie du fameux proverbe balkanique “Que la vache du voisin meugle !” – qui signifie que l'on jouit toujours du malheur d'autrui, même s'il ne tourne pas à son propre avantage.

Image texte: Que la vache du voisin soit vivante et en bonne santé !
Tweet: Conduisons-nous comme des êtres humains pour changer.

L'actrice et productrice serbe Bojana Maljević a également exprimé son optimisme :

La pire chose pour les élites politiques balkaniques est que les peuples commencent à sincèrement soutenir mutuellement leurs équipes, à établir une coopération permanente dans le domaine de la culture et des arts, ou que les médias commencent à produire des programmes conjoints.

En revanche, le blogueur bosniaque Srđan Puhalo est resté pessimiste :

Frères des Balkans, demain nous n'aurons ni football ni tennis, nous resterons seuls avec notre haine, notre pauvreté et notre colère !!!

La bonne humeur n'a pas été ébranlée par la victoire de la France sur la Croatie, encore moins après que le capitaine Luka Modrić a remporté le Ballon d'or du meilleur joueur du tournoi.

Même le ciel pleure pour la Croatie aujourd'hui.
Vous avez gagné le cœur des millions de supporters à travers le monde !
Modric tu es une légende !

Paradoxalement, l'équipe croate a défilé dans les rues de Zagreb avec le néo-nazi Marko Perković Thompson, dont les concerts avaient été interdits dans plusieurs pays d'Europe occidentale en raison de sa promotion du régime fasciste oustachi [fr] pendant la Seconde Guerre mondiale.

Mais, jusqu'à présent, cela ne semble pas avoir dissipé toute l'excitation autour de l'équipe de la Croatie autour dans la région.

Thompson est leur honte. Cela ne diminue pas leur succès.

L'exploit de la Croatie résonnera probablement longtemps pour tous les perdants de l'ex-Yougoslavie et au-delà.

Parkour pour la paix : A Kaboul, un paysage urbain de guerre transformé en terrain de jeu pour jeunes intrépides

jeudi 19 juillet 2018 à 09:58

Parkour en Afghanistan. Toutes les photos sont reproduites avec l'autorisation de Abdul Jamil Sherzad.

Le parkour, une forme d'acrobatie urbaine apparue en France, a trouvé un cadre accueillant à Kaboul, la capitale de l'Afghanistan. Là, dans une ville où n'ont jamais manqué violences et bouleversements, un collectif d'une jeunesse faisant feu de tout bois reprend possession d'un environnement arraché à la peur et à la destruction, avec des cascades survitaminées et un message optimiste.

Global Voices a eu la chance de rencontrer l'homme qui a apporté le parkour à l'Afghanistan. Abdul Jamil Sherzad nous a parlé de paix, de blessures et de la lutte pour trouver des financements à fins de développer ce sport prometteur dans son pays.

Global Voices : Depuis combien de temps pratiquez-vous le parkour et pourquoi avez-vous commencé ?

Abdul Jamil Sherzad : J'apprends et je m'entraîne depuis sept ans. Je suis l'initiateur de ce sport en Afghanistan. J'ai des objectifs personnels et nationaux dans ce sport. Sur le plan personnel, j'avais la passion d’apprendre quelque chose de différent, d'unique et rempli d'action. Le Parkour augmente mon enthousiasme, mon énergie et ma confiance en moi. Avant cela j'ai fait de l'athlétisme. Je m'entraînais au taekwondo, au football et en fitness. Mais quand j'ai découvert ce sport-là, j'ai compris que mon avenir était entièrement dans le parkour.

GV : Et les objectifs nationaux ? 

AJS : Notre vision est de représenter une image positive de l'Afghanistan au monde. Nous demandons que le monde prête attention aux gens en Afghanistan, qui sont las de la guerre. Vivre en paix est notre seul but. Nous voulons être suffisamment bien préparés et professionnels pour représenter les couleurs de l'Afghanistan dans les compétitions internationales de parkour, et gagner. En participant aux événements internationaux nous voulons montrer l'attitude positive et les qualités de leader de la jeunesse afghane. Nous voulons unifier la jeunesse d'Afghanistan sans considération d'ethnie ou d'origine. Nous voulons éliminer la négativité parmi les jeunes dans le pays, détourner les jeunes d'Afghanistan de la drogue. Je veux motiver et inspirer la jeunesse afghane de se mettre au sport, notamment au parkour.

Parkour en Afghanistan. Toutes les photos sont reproduites avec autorisation.

GV : Pourquoi le parkour est-il plus inspirant que d'autres sports ? 

AJS: J'entraîne au parkour pas seulement comme sport, mais aussi comme mode de vie. Dans le parkour nous sautons tout le temps au-dessus d'obstacles. C'est pareil dans la vie réelle, qui est faite de luttes. De même, en tant que meneur en parkour, j'assume la responsabilité d'enseigner à plus de jeunes à gérer les obstacles dans leurs vies et à apprendre à garder espoir dans les situations difficiles.

Parkour en Afghanistan. Toutes les photos sont reproduites avec autorisation.

GV : Est-ce qu'introduire un sport totalement neuf en Afghanistan a été compliqué ? 

AJS : Il y a beaucoup d'obstacles mais le plus gros est financier. Il n'y existe de soutien financier nulle part, ni public ni privé. C'est pourquoi nous n'avons pas de lieu sécurisé pour nous entraîner — une salle de gym par exemple — avec de l'équipement professionnel. Très rares sont les institutions qui cherchent à développer les sports et aident les jeunes créatifs à progresser. Les blessures sont une autre grosse difficulté ! Tantôt elles vous mettent hors d'état pendant des jours, tantôt pendant des mois.

Parkour en Afghanistan. Toutes les photos sont reproduites avec autorisation.

GV : Combien d'équipiers avez-vous, et où vous rencontrez-vous ?

AJS : Il y a plus de 50 membres et 50 étudiants en formation dans mon équipe, de 10 à 26 ans. Ils sont tous très passionnés et très créatifs. Nous avons commencé à nous entraîner en plein air dans des lieux en ruine où nous pouvions trouver des murs en guise d'obstacles, et à présent nous nous entraînons dans la rue en utilisant des barrières de sécurité, dans les parcs publics et sur les collines. C'est bien pour apprendre, mais pour développer de nouvelles aptitudes il nous faut le gymnase. Pour le moment nous n'en avons pas.

Parkour en Afghanistan. Toutes les photos sont reproduites avec autorisation.

GV : Les femmes et les filles pratiquent-elles aussi le parkour ?

AJS : Oui. Les filles sont réellement intéressées, et il y a des filles dans notre équipe qui suivent l'entraînement. Si nous obtenons une salle de gym le nombre de filles augmentera. L'égalité de genre est bienvenue dans le parkour.

Parkour en Afghanistan. Toutes les photos sont reproduites avec autorisation.

GV : Avez-vous quelque chose à ajouter ?

AJS : Oui. Quand nous avons voulu assister à des événements de parkour en Europe, nos demandes de visas ont été refusées pour la seule raison que nous sommes détenteurs de passeports afghans. Nous espérions représenter le parkour afghan et rentrer pour diffuser notre expérience et nos compétences à d'autres en Afghanistan, mais ils ne nous font pas confiance. Je voudrais faire passer le message aux ambassades et aux gens du monde extérieur que les actes d'une minorité ne doivent pas détruire les réputations de la majorité. L'Afghanistan est une victime de l'extrémisme et non son partisan. L'Afghanistan est un pays de la diversité des traditions et des cultures et regorge de gens extraordinaires. Nous vous en prions, aidez-nous à rendre à ce pays beauté et développement. Le respect des êtres humains et l'égalité des possibles doit être la première priorité dans des pays en développement comme l'Afghanistan.