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Un guide de l'Europe à destination des migrants et réfugiés

samedi 7 janvier 2017 à 17:53
"Europa: An Illustrated Introduction to Europe for Migrants and Refugees" tells the story of European immigration. Credit: Courtesy of the Arab Fund for Arts and Culture

“Europa: Une introduction Illustrée à l'Europe pour les migrants et les réfugiés” raconte l'histoire de l'immigration en Europe à travers le prisme des guerres et migrations. Crédit: avec l'aimable autorisation du Fonds arabe pour les arts et la culture

Cet article de David Leveille initialement paru sur PRI.org le 2 janvier 2017; est reproduit ici dans le cadre d'un accord de partage de contenus.

L'épais et coloré volume, intitulé “Europa : Une Introduction illustrée à l'Europe pour les migrants et les réfugiés” se propose d'élargir les perspectives des immigrants les plus récents du continent, par une abondance de photos historiques, de cartes, de récits individuels et d'informations pratiques.

C'est ce que dit Alia Malek, la journaliste américaine d'origine syrienne qui est l'une des rédactrice du livre. Le guide essaie principalement de “présenter l'Europe aux arrivants actuels, à travers le prisme de la guerre et de la migration. Il leur raconte l'histoire de sa formation dans les 100 dernières années sous l'effet de ces deux forces que l'on tend à trouver réunies : la guerre et les déplacements qu'elle cause”, explique-t-elle.

“L'idée était que raconter cet aspect de l'Europe à des personnes venant d'endroits subissant la même sorte de destruction que celle connue par l'Europe il n'y a même pas cent ans pouvait leur permettre de reconnaître un peu de leur propre vécu dans cet ‘autre’”.

Listen to this story on PRI.org »

Malek dit avoir rencontré maints réfugiés ayant de degrés variables de compréhension de ce qui les attendait en Europe, et dans de nombreux cas ils n'avaient pas conscience que les Européens avaient traversé des expériences similaires aux leurs.

“J'ai eu les conversations les plus invraisemblables. On me disait — parce qu'il ont beaucoup à attendre, marcher et rester assis dans les champs — des choses comme, ‘Ce qui s'est passé en Syrie et en Irak est du jamais vu encore dans l'histoire de l'humanité, la manière dont le voisin s'est retourné contre le voisin, dont le tissu social lui-même s'est déchiré, l'histoire de l'humanité n'a jamais connu ça’, des conversations que nous avions à la frontière entre Croatie et Serbie, une frontière où il fallait être extrêmement prudent car il y restait encore des mines datant de la guerre yougoslave.

“J'y ai vu de l'ironie. La réalité, c'est que l'histoire se répète et que nous marchions sur ces traces tout en parlant”, dit Malek.

“Europa”, selon sa page web, est aussi conçu comme un guide pratique pour les migrants et réfugiés, et est donc rédigé en quatre langues : arabe, persan, anglais et français. Il y a des chapitres décrivant les différents systèmes politiques, la géographie et les traditions en Europe, ainsi que les films à succès et les livres intéressants, et il y a une liste utile d'organisations offrant assistance aux migrants et réfugiés.

“Europa” contient aussi des témoignages à la première personne : d'habitants, d'immigrants et réfugiés, anciens et nouveaux, qui racontent leurs histoires personnelles dans leurs propres mots de “guerre, solidarité et réconciliation”, dit Malek.

“Il y a cette histoire que j'adore, des grands-mères grecques qui sont elles-mêmes les filles de réfugiées grecques ottomanes qui ont fui l'empire ottoman à sa dislocation, et se sont réinstallées sur des îles comme Lesbos, et qui près d'un siècle plus tard, aident les femmes syriennes, irakiennes et afghanes arrivées avec leurs enfants … nous avons aussi les histoires orales de ceux qui ont fait le voyage, comme ce médecin afghan dont la volonté était depuis dix ans de venir en Grèce car c'est le pays d'origine du serment d'Hippocrate, qui est maintenant un médecin établi en Grèce et travaille avec les réfugiés … nous avons des architectes de Syrie qui rêvaient d'aller aux Pays-Bas, et qui aujourd'hui veulent rapporter les idées d'urbanisme qu'ils ont vues à Amsterdam chez eux en Syrie”.

Pendant les quelques années qu'elle a passées à suivre le mouvement migratoire et à préparer “Europa”, Malek dit avoir été inspirée par les migrants qu'elle a rencontrés au long du chemin :

“On sait qu'on ne cesse d'être horrifié par les réactions négatives, mais j'ai été émue et agréablement surprise par la chaleur et l'ouverture des coeurs des gens, pas seulement des bénévoles qui se précipitent vers les gares à la rencontre des gens, mais aussi de ceux qui ont une générosité, ou qui savent à propos de leurs grand-mères, leurs oncles ou tantes — en même temps que j'étais accablée par l'incapacité de l'humanité à retenir les leçons du passé, mon coeur était touché, et c'était fascinant de voir combien de gens en arrivent à voir dans ce qui se passe moins une expérience ‘autre’ que ce que les politiciens bruyants veulent que nous croyions”.

Une version électronique gratuite du livre, optimisée pour les appareils mobiles, est disponible en ligne dans les quatre langues.

A New York, la mode et son impact social vus par une designer irano-américaine

samedi 7 janvier 2017 à 11:34
Model displays one of the scarves inspired by the maps of cities for Cityzn by Azin.

Ci-dessus une des écharpes inspirées par les cartes des villes, de Citizen by Azin. Photo partagée par Azi Valy et utilisée avec permission.

A la lumière des guerres et conflits présents dans le monde, une designer de New York a créé une marque inspirée par les villes qui cherchent à mettre en évidence leurs points communs tout en respectant les différences, et à créer « une prise de conscience de la ville et à faire de la mode un outil de transmission de messages pour créer un impact social ».

L’architecte devenue designer Azin Valy, irano-américaine, co-fondatrice du cabinet d’architecture I-Beam Design, entreprise basée à New York et plusieurs fois récompensée, a lancé en 2012 Cityzen by Azin, une marque de mode et d’accessoires de luxe.

A model wears one of Azin's scarves.

Un mannequin portant l'une des écharpes d'Azin. Les motifs sont censés connecter “le cœur et l'âme de la ville à un vêtement”. Photo partagée par Azin et utilisée avec permission.

“C’est une façon de connecter le cœur et l’âme d’une ville à un vêtement. Il est notre première structure habitable… Il s’agit d’avoir l’air audacieux et d’être audacieux. Il s’agit d’une citoyenneté mondiale, pas seulement de nationalisme ou de régionalisme », m’expliqua Azin Valy pendant une interview dans son bureau, à Soho.  « Voilà une façon de porter littéralement sa fierté sur soi, ou tout simplement de se connecter à la communauté mondiale ».

Omid Memarian: How did you go from being a successful architect to the fashion world?

Azin Valy: In 2011, my architecture firm, I-Beam Design, founded by Suzan Wines and me, was nominated for an urban planning exhibition at the Museum of Modern Art (MOMA) examining the future of cities that were going through the foreclosure crisis. As I was researching the urban structure of these cities—in New York, New Jersey, Florida, California and Nevada—I was amazed by their breathtaking views from above, despite the crisis they were facing on the ground. I wondered if there was a way to highlight their beauty while raising awareness about their challenges by incorporating them into textile designs. There I saw an opportunity to merge fashion and architecture (vis-à-vis urban planning) with social entrepreneurship. And so Cityzen by Azin was born, to bring awareness to place, and leverage fashion as a messaging tool to create social impact.

What excited me was the idea of allowing the landscape to define each design. For instance, the Tiber River forming the neckline of the Rome dress or the Chao Phraya River becoming a strap in the Bangkok dress, and the Ganges turning into a slit on the Dhaka dress.

The superimposition of the cities onto the shape of the body and playing around with the scale of each allowed numerous interpretations of each design which literally opened up a whole world to me. I felt that I could spend the rest of my life generating infinite designs while learning about each place and virtually traveling the world. It was also a way for me to connect to places I loved as well as places I was curious about.

Omid Memarian: Comment êtes-vous passée d’architecte à succès au monde de la mode  ?

Azin Valy: En 2011, mon cabinet d’architecture, I-Beam Design, créé par Suzan Wines et moi, a été proposé pour une exposition d'urbanisme au MOMA (Musée d'art moderne de New York) qui examinait l’avenir des villes qui traversaient la crise des expropriations (due aux subprimes). Alors que je faisais des recherches sur la structure urbaine de ces villes – dans les Etats de New York, du New Jersey, de Floride, de Californie et du Nevada – j’ai été stupéfaite par les vues à couper le souffle, malgré la crise perceptible au niveau du sol. Je me suis demandé s’il y avait un moyen de mettre l’accent sur la beauté de ces villes tout en faisant prendre conscience des défis auxquels elles sont confrontées, et je les ai incorporées dans les dessins de tissus. J’y ai vu une opportunité de fusionner la mode et l’architecture avec l’entreprenariat social. Et voilà comment est né Cityzen by Azin, dans le but de faire prendre conscience de la ville, et faire de la mode un outil de messagerie pour créer un impact social ».

L’idée que le paysage définisse le design était excitante. Par exemple, le Tibre formant le décolleté de la robe Rome ou le Chao Phraya devenant une bande sur la robe Bangkok, et le Gange se transformant en fente sur la robe Dacca.

La superposition des villes sur les courbes du corps et le jeu autour de celles-ci permettaient de nombreuses interprétations de chaque dessin, ce qui m’a littéralement ouvert à un monde sans limites. J’ai alors compris que je passerai le reste de ma vie à générer des dessins infinis tout en apprenant beaucoup sur chaque lieu et en voyageant virtuellement dans le monde. C’était également une façon de connecter les lieux que j’aime ainsi que ceux qui attisaient ma curiosité.

A portrait of the Iranian-American fashion deigner Azin Vali.

A portrait of the Iranian-American fashion designer Azin Valy. Photo shared by Azin and used with permission.

OM: When did you think of turning your idea into a fashion brand?

AV: When I realized the tremendous potential this concept has both from a design and creative point of view as well as the social impact it could have. After all, I am dealing with the World!
As an Iranian-American, I straddle two seemingly very different cultures that actually have a lot in common, yet are full of misconceptions about one another. I thought it would be a great opportunity to create a brand that transcends physical and mental borders and promotes a global dialogue towards understanding and peace.

OM: Quand avez-vous décidé de créer votre marque ?

AV: Quand j’ai réalisé l’énorme potentiel de ce concept aussi bien d’un point de vue créatif que du design, ainsi que l’impact social que ce projet provoquerait. Après tout, je dois m’occuper du monde entier !

En tant qu’Irano-Américaine, je jongle entre deux cultures en apparence très différentes, qui ont en réalité beaucoup en commun, et qui sont pourtant victimes de préjugés. L’opportunité était grande pour moi de créer une marque qui transcende les frontières physiques et mentales, et de promouvoir un dialogue global sur la compréhension et la paix.

OM: How you choose which cities to do?

AV: It varies according to the places I’ve been to or where I would like to go, or where my staff is from, but also based on world events and places in conflict or crisis. I research each city and learn about its history, culture, architecture, craft, etc. and choose colors accordingly. Each Cityzen piece is accompanied by a small hang tag or mini-guide that celebrates the featured city through the six senses of sight, sound, touch, taste, scent and thought, where we promote books to read or music to listen to or foods to taste.

I am also an idealist and like to choose cities that are in conflict, and show that the world is far greater than all the petty differences we go to war over, and that we need to unite in preserving it rather than destroying it. By raising awareness of areas in conflict or crisis, I hope to draw more attention to the plight of the people living there and utilize my brand for greater social impact.
I also work in collaboration with various charities to help raise funds and awareness for their causes according to their geographic location.

OM: Comment choisissez-vous les villes présentes sur vos vêtements ?

AV: Tout dépendait des lieux dans lesquels je me suis rendue, ou dans lesquels j’aurais aimé aller, ou d’où était issue mon équipe, ainsi  que des événements mondiaux et des villes en conflit ou en crise. Je fais de nombreuses recherches sur chaque ville et son histoire, sa culture, son architecture, son artisanat etc., et je choisis des couleurs en fonction de ces paramètres. Chaque pièce Cityzen est accompagnée d’une petite étiquette volante ou d’un mini-guide qui célèbre les villes choisies, à travers les six sens que sont la vue, l’ouïe, le toucher, le goût, l’odorat et la pensée, dans lesquels nous faisons la promotion de livres à lire, de musiques à écouter ou de plats à goûter.

Comme je suis également une idéaliste, j’aime sélectionner des agglomérations en conflit, montrer que le monde est plus grand que les insignifiantes différences qui déclenchent des guerres et affirmer que nous avons besoin de nous unir pour préserver ces villes plutôt que de les détruire. En mettant en évidence des cités en conflit ou en crise, j’espère attirer l’attention sur la situation désespérée des personnes vivant en ces lieux, et utiliser ma marque pour créer un plus grand impact social.

Je travaille aussi en collaboration avec diverses associations caritatives afin de lever des fonds et de promouvoir leurs causes en fonction de leur situation géographique.

A model wears one of Azin's scarves. Photo shared by Azin and used with permission.

A model wears one of Azin's scarves. The line intends to have women ambassadors from all over the world to represent different cities in an effort to promote a global dialogue. Photo shared by Azin and used with permission.

OM: How hard was it to enter the super competitive fashion market?

AV: The challenge was the fact that I am an outsider to the fashion world—which may be an opportunity in and of itself. There is a lot that I have learned in a short period of time and a lot more to learn. I am excited about every aspect of it.

What is exciting about the fashion profession relative to architecture is the immediacy it has and the exposure it gets. The fashion industry has a tremendous ability to channel women who are 80% of the consumers into asserting their point of view not only through their spending but also their intellect.

OM: A quel point cela fut-il difficile d’entrer dans ce marché si concurrentiel qu’est la mode ?

AV: Le défi provenait du fait que je suis  étrangère à ce milieu – ce qui peut être une opportunité en soi. J’ai beaucoup appris en peu de temps, et il me reste encore beaucoup à apprendre. Chaque aspect de la mode m’enthousiasme.

Ce qui est captivant à propos de la mode par rapport à l’architecture est l’immédiateté et l’exposition qu’elle reçoit. L’industrie de la mode a cette capacité incroyable de permettre aux femmes – qui représentent 80% de la clientèle – de revendiquer leur point de vue non seulement à travers leurs achats, mais aussi grâce à leur intelligence.

OM: How do you envision the future of your brand? What’s the next step?

AV: For the near future, we are working on a collection of coats with an incredible Afghan/Swiss/American designer who is also an architect. Her name is Zolaykha Shehrzad of Zarif Design and she supports over 30 women in Kabul. We are producing a Kabul collection for next year which I am very excited about. We hope to have an event in the near future to showcase both brands and help raise funds towards peace efforts.

For the distant future, I am hoping to have women “ambassadors” from all over the world come together in sponsoring different cities and promoting a wider dialogue towards peace, as they are the peacemakers and the majority of donors in the world. I am also working on a business model in which I can partner with international and nongovernmental organizations to employ displaced people, particularly women, at fair market prices while creating a mobile manufacturing center within refugee camps.

Speaking literally and metaphorically, I have the entire world at my disposal to work with, and have come full circle in connecting all my interests.

OM: Comment envisagez-vous l’avenir de votre marque ? Quelle est la prochaine étape ?

AV: Nous travaillons actuellement sur une collection de manteaux avec une fabuleuse créatrice Afghane/Suisse/Américaine, également architecte. Elle s’appelle Zolaykha Shehrzad, de Zarif Design, et soutient plus de 30 femmes à Kaboul. Nous produisons une collection Kaboul pour cette année, et je suis vraiment très enthousiaste. Nous espérons organiser bientôt un événement afin de présenter les deux marques et lever des fonds pour soutenir les efforts de paix.

Dans un avenir plus lointain, j’espère avoir comme « ambassadrices » des femmes du monde entier, qui se rassembleront pour parrainer différentes villes et promouvoir un dialogue plus large pour la paix, car elles sont les artisans de la paix et représentent la majorité des donateurs. Je travaille aussi sur un modèle commercial dans lequel je peux m’associer avec des organisations gouvernementales et non-gouvernementales qui emploient des personnes déplacées, surtout des femmes, à un prix équitable tout en créant un centre de fabrication mobile dans les camps de réfugiés.

Pour parler de façon littérale et métaphorique, j’ai le monde entier à ma disposition avec lequel coopérer, et je peux faire le tour complet de tous mes centres d’intérêts.

L'opposition vénézuélienne sévère pour le legs de Fidel Castro et de Cuba

jeudi 5 janvier 2017 à 13:53
fidel

Caricature diffusée par l'artiste vénézuélien Edo Sanabria. Source: sa page Facebook, utilisée avec sa permission.

Durant les intenses hommages, débats, adieux et célébrations inspirés par Castro en Amérique, les Vénézuéliens ont eux aussi manifesté leur opinion sur le legs de l'icône communiste cubaine.

Pour les Vénézuéliens, Fidel Castro et son pays, Cuba, sont d'une grande importance. Pour certains, Castro est l'inspiration de la révolution vénézuélienne et de sa direction socialiste au XXIe siècle, en plus d’avoir été le héros personnel du défunt président Hugo Chávez. Pour les opposants au processus politique mené par Chávez, l’idéologie de ce dernier et de ses représentants semblent toxiques. Ils les voient comme les responsables de la tourmente économique et politique qui s'est abattue sur le Venezuela dans les dernières années.

Le président Nicolas Maduro a rapidement décrété trois jours de deuil national après la mort de Fidel Castro, le 25 novembre, une décision qui a généré des critiques de la part de l'opposition. Après la mort de Chávez en 2013 et à présent celle de Castro, le chavisme est soudainement apparu comme une idéologie enracinée dans le passé et dépourvue de leadership au milieu d’une des pires crises économiques dans l'histoire de la République.

Aux yeux d'auteurs comme Rafael Rojas, Fidel est précisément un symbole de ce modèle économique en faillite :

Jusqu'à présent, à Cuba, la politique économique et les relations internationales ont été soumises à la reproduction d'un régime totalitaire. Ces dernières années, même le dirigeant de l'île a fini par reconnaître que le solde a été défavorable à l'économie, puisqu'il hérite d’un pays improductif et dépendant, en retard technologiquement, et dans lequel l'inégalité et la pauvreté croissent.

Aux yeux d’écrivains en ligne comme Aglaia Berlutti, le legs de Castro se base sur la violation des droits de l'homme. Elle prend le cas de la prisonnière politique Araminta Gonzalez, qui a été récemment liberée, mais qui a subi différents types de torture durant son temps passé en prison. Berlutti compare le cas de Gonzalez aux stratégies qu’utilisait Castro pour maintenir les dissidents sous contrôle :

Quand Fidel Castro a connu Hugo Chávez, il lui a promis qu'il lui “montrerait” comment arriver à « l'utopie ». […] Selon Luis Miquilena, Chávez a appris bien vite qu’il fallait s’imposer « d’une main de fer » aux opposants. Il a été bien conseillé par Fidel, qui déjà à l'époque profitait de la générosité vulgaire et vaniteuse d'un leader qui écoutait toutes ses flatteries qu’il avait transformé en adoration et en idolâtrie dangereuse. Chávez était une argile malléable, au point d'entrer dans l'histoire comme faisant partie d'un projet flou et confus. Fidel a su mettre à profit ce moment.

Elle conclut :

Qu’a appris Chávez de Fidel ? La haine. La violence contre la dissidence. Et surtout, la croyance que le contrôle nécessite des balles, de la terreur et du sang. C’est le « grand héritage historique » d’un monstre idéologique qui a imposé parc le feu et les balles un système politique failli à Cuba, et qui a manipulé un leader charismatique et vaniteux comme Hugo Chávez pour s’approprier les biens d’un pays riche et ignorant comme le nôtre.

Marcos de Rojas analyse le coût de la relation entre les deux pays et les moyens avec lesquels ils ont eu à payer un prix élevé pour poursuivre un but politique commun :

Bien que tout au long de la seconde moitié du XXème siècle plus d’un groupe se soit appuyé sur le mythe fidéliste pour réaliser ses propres objectifs politiques, le cas du Venezuela est le plus important. Les conséquences de l’imitation d’un phénomène sui generis comme celui de Cuba après 1959 peuvent être perçues plus que jamais aujourd’hui dans un pays riche en ruines, divisé et isolé. Cependant, le prix à payer par les Cubains pour cette relation fut aussi élevé : médecins, éducateurs et ressources qui auraient pu être utilisées à Cuba, ont été échangés contre du pétrole, et ce prix est désormais plus grand puisque la capacité politique et organisationnelle de Maduro est dépendante de la Havane. Le Venezuela a donné de l'oxygène à un régime qui n’avait pour capital guère plus que son histoire et a ainsi gagné de précieuses années pour pouvoir organiser la transition vers le capitalisme d’Etat qui aujourd’hui se consolide.

Luis Figuera, de son côté, souligne les formes sous lesquelles, au-delà des critiques, le legs de Castro continue à fonder une pensée et un discours politiques restant applicables au-delà des pays socialistes :

On peut affirmer sans exagération que la pensée révolutionnaire des dernières générations en Amérique le tient pour une référence obligée, non seulement pour la rectitude et la dignité de son action, mais aussi pour sa souplesse à se mouvoir sur la scène des grandes décisions mondiales. Combien de dirigeants de droite admirent secrètement le comandante Fidel ? Combien de révolutionnaires le citent quotidiennement dans leurs discours ?

Des considérations bien résumées par le dessin du caricaturiste vénézuélien Roberto Weil le jour où Fidel Castro est mort :

“Fidel est mort” – “Mais il est arrivé à ses fins”

Identité usurpée ? La réputation du Kirghizistan ternie par l'attaque de la boîte de nuit d'Istanbul (39 morts)

jeudi 5 janvier 2017 à 12:47
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Copyright Moyan Brenn. Creative commons.

Le 31 décembre 2016, un tireur isolé a tué 39 personnes dans le club privé Reina d'Istanbul, en Turquie. Le 28 juin 2016, des hommes armés avaient tué 45 personnes dans l'aéroport Ataturk, le plus grand d'Istanbul. Dans les deux cas des citoyens du Kirgizistan, pays d'Asie Centrale, ont été mis en cause par les médias citant la police turque ou d'autres sources gouvernementales après les assauts.

Dans le cas de l'attaque du Reina, revendiquée par le groupe Etat Islamique connu pour ses tactiques militaires ultra-violentes dans certaines parties de Syrie et d'Irak, un citoyen kirghize a déjà été innocenté par les autorités tant kirghizes que turques.

Mais son nom et sa photo de passeport avaient eu le temps de parcourir l'internet après que les médias traditionnels turcs l'eurent identifié comme étant l'assaillant.

Dans un entretien avec la principale agence de presse privée du Kirghizistan AKIpress, Iakhe Mashrapov a affirmé “ne pas être un extrémiste ni un terroriste”, mais un commerçant travaillant entre le plus grand marché de ce pays ex-soviétique et Istanbul.

Aux dires de Mashrapov, il était au Kirghizistan au moment de l'attaque, parti pour Istanbul le 1er janvier et rentré — après son interrogatoire par les autorités turques — le 3. Des arrêts sur image des caméras de surveillance du présumé tireur du Reina diffusées par les médias turcs se lui ressemblent guère et on ignore comment sa photo de passeport est entrée en possession de ces organes de presse.

Le possesseur d'un passeport kirghize identifié comme appartenant à l'assaillant du night-club d'Istanbul dit “erreur, ce n'est pas moi”

Entre temps, le Comité d'Etat de la Sécurité Nationale du Kirghizistan (GKNB) a indiqué qu'il pensait que l'assaillant était d'origine chinoise.

Il n'y a pas de preuve. Mais la confusion autour de la véritable identité de l'assaillant n'est pas sans rappeler celle qui a suivi un attentat contre l'ambassade de Chine au Kirghizistan même en septembre.

Le site web centré sur la région Eurasianet.org a rendu compte des complexités de l'enquête sur cette affaire.

[Le kamikaze était un] “membre non identifié des groupes terroristes ouïghours, un individu d'ethnie ouïghoure, qui utilisait un passeport d'un citoyen du Tadjikistan. Il s'est fait exploser le 30 août à l'ambassade de Chine au Kirghizistan. Selon les témoins et les complices de l'attentat, il parlait ouïghour et chinois”, a indiqué le GKNB dans une déclaration.

La véritable identité de la bombe [humaine] porteur d'un passeport tadjik au nom de Zoïr Khalilov reste donc un mystère.

Alors que la plupart des [autres] suspects faisaient l'objet d'avis de recherche du GKNB avec des photos de type passeport, l'homme au volant de la voiture qui a franchi le portail de l'ambassade avant de se faire exploser n'est montré que par une image de caméra de surveillance de l'aéroport.

Cet homme, quant à lui, opérait, a-t-on dit, sous les ordres de Sirojiddin Mukhtarov (aussi connu sous le nom de guerre Abou Saloh), un djihadiste en Syrie qui est apparemment aujourd'hui le chef d'un groupe insurgé affilié au front Al-Nosra.

Le GKNB identifie Mukhtarov comme étant un ressortissant kirghize d'ethnie ouïghoure (en ajoutant à la confusion avec la précision qu'il est signalé comme étant d'ethnie ouzbèque dans la zone correspondante de son passeport). Selon un article de RFE/RL de 2015, ses textes sur YouTube sont en ouzbek (deux langues sont très proches mais pas identiques). Comment le GKNB a-t-il établi le lien entre Mukhtarov et le kamikaze ? On l'ignore.

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A la suite de l’attaque à l'aéroport d'Istanbul du 28 juin, les médias occidentaux, et les médias turcs citant les sources officielles avaient déclaré l'implication de ressortissants kirghizes, ouzbeks et russes. Une information qui avait fait le tour du monde.

L'implication de nationaux kirghizes dans les deux attaques n'est évidemment pas à exclure. Les citoyens kirghizes entrent en Turquie sans visa, et selon les services de sécurité locaux, des centaines auraient fait étape en Turquie (arrivant généralement d'aéroports russes) pour entrer en Syrie afin de combattre avec les groupes rebelles dont l'EI.

Mais comme le notait un article écrit par Uran Botobekov pour le magazine the Diplomat, les autorités turques n'ont pas publié la liste définitive des noms avec les nationalités des commanditaires et exécutants de l'attaque de l'aéroport.

Les journalistes et observateurs sont donc restés dans le doute sur l'existence ou non de preuves décisives dans les pistes d'enquête originelles dont les médias ont amplement fait état :

D'après leurs noms, les individus appréhendés sont d'origine tchétchène ou dargin (un peuple du Caucase, NdT). Une source au ministère kirghize des Affaires étrangères a dit au The Diplomat qu'il se peut que certains d'entre eux soient des citoyens kirghizes de nationalité tchétchène. La police turque n'a pas donné d'information puisqu'il n'y avait pas de nom kirghize sur la liste, mais tous les citoyens kirghizes ne sont pas d'ethnie kirghize. Les wahhabites d'Asie Centrale et du Nord-Caucase ont les mêmes racines, et ce n'est pas un secret qu'il y a des Tchétchènes qui vivent au Kirghizistan, dont certains sont fortement engagés dans des groupes radicaux.

Ce même article citait un étudiant kirghize vivant en Turquie qui disait se sentir de plus en plus objet de soupçons depuis l'attaque de juillet contre l'aéroport :

Nous sommes inquiets depuis les attaques à l'aéroport international et nos amis, professeurs, voisins, employeurs turcs ont commencé à nous regarder avec suspicion… Je me sens dans un pays inamical et bizarre. On sent une atmosphère de phobie. Ça nous fait peur.

Deux aspects concentrent l'attention des utilisateurs de médias sociaux [khirgizes] depuis que les articles des médias ont mis l'accent, le 2 janvier, sur l'implication possible d'un ressortissant kirghize dans l'attaque du Reina.

L'un est la honte ou l'indignation unanimes que le pays figure une fois de plus dans l'actualité pour de mauvaises raisons, et peut-être en l'absence de justification concrète.

L'autre, à ne pas négliger car des nationaux d'Asie Centrale sont de plus en plus liés aux attaques sur le sol turc, est l'apparente aisance avec laquelle un citoyen non-kirghize peut obtenir — vraisemblablement par la corruption — un passeport du Kirghizistan sous une identité inventée, par les services adonnés aux dessous-de-table d'enregistrement national.

Lenče Zdravkin, la Macédonienne que les réfugiés appellent leur ‘seconde mère’

mercredi 4 janvier 2017 à 19:07
Lenče Zdravkin on the balcony of her house in Veles, Macedonia. Photo by Viktor Popovski/IKS, CC BY-NC-ND 3.0

Lenče Zdravkin sur le balcon de sa maison de Veles, en Macédoine. Photo Viktor Popovski/IKS, CC BY-NC-ND 3.0

Quelques jours avant le Nouvel An, la plate-forme “Samo prashaj” (qui peut se traduire par “il suffit de demander”) a publié un article de Lenče Zdravkin, une journaliste devenue travailleuse humanitaire de Veles, en Macédoine, dont l'activité d'aide aux migrants et réfugiés lui vaut une large admiration.

La maison de Mme Zdravkin est voisine de rails de chemin de fer utilisés par les migrants et réfugiés qui passent de Grèce vers l'Europe occidentale. Une fois entrés illégalement en provenance de Grèce, ils évitent les moyens de transport normaux. Les automobilistes qui les prennent en auto-stop, et même les ambulanciers risquent l'arrestation pour trafic d'êtres humains. C'est pourquoi les réfugiés cheminent à pied en se guidant par les rails à travers cette portion Sud-Nord de la “Route des Balkans”.

Pendant l'été 2015, quand le nombre des migrants et réfugiés arrivant en Europe atteignait son pic, les autorités macédoniennes ont mis en place de nouvelles lois et  procédures pour faire face à l'afflux. Résultat, il y a maintenant moins de marcheurs sur la Route des Balkans, même s'il en reste beaucoup, surtout des migrants économiques soucieux d'échapper à la bureaucratie de la demande d'asile.

The town of Veles is located about halfway on the railway from Gevgelija to Tabanovce. Photo By Maximilian Dörrbecker (Chumwa) - own work, usinginformations about the Macedonian railway networkpolitical boundariesflag of Macedonia, CC BY-SA 2.5, Link

La ville de Veles est située à mi-chemin sur la ligne ferroviaire Gevgelija – Tabanovce. Carte des chemins de fer macédoniens sur Wikipedia commons de Maximilian Dörrbecker – Chumwa, CC BY-SA 2.5.

Le périple peut s'avérer périlleux. Ces dernières années, ce sont des dizaines de migrants et de réfugiés qui ont péri sur la voie ferrée ou à proximité, victims d'accidents ou d'agression des gangs locaux.

Dans son récit, Zdravkin écrit qu'elle ne pouvait se contenter d'observer passivement. Elle s'est donc mise à les aider de tout son possible, d'abord par ses propres moyens, puis dans le cadre d'un réseau croissant qui s'est développé malgré la xénophobie grandissante alimentée par les politiciens au pouvoir et les médias à leur service.

Lenče Zdravkin turned the ground floor of her house into a storeroom for humanitarian aid handed to passing refugees and migrants. Photo by Viktor Popovski/IKS, CC BY-NC-ND 3.0

Lenče Zdravkin a transformé le rez-de-chaussée de sa maison en lieu de stockage de l'aide humanitaire distribuée aux réfugiés et migrants de passage. Photo : Viktor Popovski/IKS, CC BY-NC-ND 3.0

Elle raconte :

Беше почетокот на 2013, некаде март-април, уште температурите беа вака ниски. Немаше време да чекам, ниту да прашам кои се, што се. Само што ги видов – млади момчиња, отидов бргу да купам леб, да им се помогне, да им се даде. Тогаш се уште го немавме законот за бегалци и не беше така слободно. Најчесто, тоа се случуваше исклучиво во ноќните часови и јас преседував по цела ноќ за да ги пречекам групите. Нивниот топот е поинаков од локалното население. Нивните нозе се тешки и кога ќе чујам како се движат по камењата, знам дека се тие.

Во долниот кат во куќата ги собирам донациите, се трудам секогаш да ги има сите основни работи за нивните потреби. Долго време бев оставена сама на себе, не знаев веќе што да извадам од дома. Се случува да има бегaлци кои примаат редовна терапија, па ќе ги испратам децата или самата ќе претрчам до аптека да купам апчиња. Хигиенски средства секогаш треба да има, обувки, храна, млеко за дечињата. Се случувало некои денови, во дворот, во ходникот, по скалите да има по 300, 400, 500 луѓе наеднаш, па треба да им дадеш предност на постарите, на бремените, за болните да повикаш Брза помош или Црвениот крст, а тоа што можев и самата го санирав.

C'était début 2013, vers mars-avril, les températures étaient encore basses, comme en ce moment. Pas le temps d'attendre, ou de leur demander qui ils étaient, ce qu'ils sont. Dès que je les ai vus, de jeunes garçons, je suis allée acheter du pain, pour les aider, le leur donner. A l'époque la loi sur les réfugiés n'avait pas été changée et ce n'était pas aussi libre. En général, tout ça se passait exclusivement de nuit, et je ne me couchais pas de la nuit pour attendre les groupes. Le son de leur pas est différent de celui des habitants. Leurs pas sont lourds, et quand je les entends se déplacer sur les rochers, je sais que c'est eux.

Je rassemble les dons au rez-de-chaussée de la maison, et j'essaie d'avoir tous les produits de première nécessité pour eux. J'ai longtemps fait ça toute seule. J'en suis arrivée au point de vendre beaucoup de mes affaires. Des réfugiés ont besoin de médicaments, alors j'envoie les enfants ou je vais moi-même faire un saut à la pharmacie acheter des comprimés. Les produits d'hygiène personnelle sont toujours en demande, les chaussures, la nourriture, du lait pour les enfants. Régulièrement certains jours, il y avait 300, 400, 500 personnes en même temps dans ma cour, dans mon vestibule, dans l'escalier. Il faut alors établir des priorités, s'occuper des personnes âgées, des femmes enceintes, appeler une ambulance ou la Croix Rouge pour les malades. Je pansais moi-même des blessures quand je pouvais.

Lenče Zdravkin in her home in Veles, Macedonia. Photo by Viktor Popovski/IKS, CC BY-NC-ND 3.0

Lenče Zdravkin dans sa maison de Veles, en Macédoine. Photo : Viktor Popovski/IKS, CC BY-NC-ND 3.0

И пред бегалците имав големо семејство, сега со нив имам уште поголемо. Ме викаат „Ленце“ или „мама“, дури и повозрасни од мене ме нарекле мајка. Еден ми рече оставив една мајка во Алепо, вие сте втората. Ќе ми се јават и ќе ми кажат: Mајко, стигнав на сигурно.

Сите ме почитуваат, ми праќаат пораки, сакаат еден ден да се видиме повторно, да ги посетам. Успеав да спојам 13 члена на едно семејство да се најдат во дворот тука. По една година ми се јавија да побараат помош повторно, ако може да им помогнам да ја најдат и последната сестра и нејзините деца. Во маса од илјадници бегалци, јас само викав: Јасмин, Јасмин, сè додека не се најдовме. Конечно успеа да се спои целото семејство. Сега се среќни, одат на училиште, учат јазик, многу ми е драго што се заедно.

J'ai eu une grande famille avant l'arrivée des réfugiés, j'en ai une plus grande encore à présent. Ils m'appellent “Lence” [prononcé ‘s’ au lieu de č ‘tch’] ou “maman”, même des personnes plus âgées que moi m'ont appelée mère. Un d'eux m'a dit, “J'ai laissé une mère à Alep, vous êtes la deuxième”. Ils me téléphonaient pour me dire, “Mère, je suis arrivé en lieu sûr”.

Tous me respectent, m'envoient des messages, veulent me revoir un jour, que je leur rende visite. J'ai réussi à contacter treize membres d'une même famille et pu les rassembler ici dans ma cour. Un an après, ils m'ont appelée pour que je les aide à nouveau, à trouver leur dernière soeur et ses enfants. Dans une masse de milliers de réfugiés, j'appelais Jasmine, Jasmine, jusqu'à ce que je la trouve. La famille a réussi à se réunir en entier. Ils sont heureux aujourd'hui, sont scolarisés, apprennent la langue, ils sont très contents d'être ensemble.

Lenče Zdravkin and the train tracks in Veles, Macedonia. Photo by Viktor Popovski/IKS, CC BY-NC-ND 3.0

Lenče Zdravkin à côté du chemin de fer à Veles, en Macédoine. Photo : Viktor Popovski/IKS, CC BY-NC-ND 3.0

Многу несреќи се случија. Возот зеде многу жртви. Тоа се луѓе што биле кај мене, сум им пружила помош и само на неколку километри подолу од мојата куќа возот ги прегазил. Трчав по институции за да ги закопаат на новите гробишта. Ископаа масовна гробница, викнав луѓе, оџа да ги испочитуваме до крај, според нивните обичаи. Oваа година и споменик им направив, напишано е и на арапски и на англиски, чувствував потреба да го направам тоа, ако еден ден некој ги побара, иако имињата не им се знаат. Кога и да се навратам на тоа, јас сум болна, тие слики не можат да згаснат. Во мене постојат милион бегалци кои заминаа и милион приказни и секоја од нив остави лузна.

Il y a eu beaucoup d'accidents. Les trains ont fait beaucoup de morts. Des gens qui étaient venus à moi, que j'ai aidés, et à peine quelques kilomètres de rails de ma maison ils étaient écrasés par un train. J'allais d'une administration à l'autre pour arranger un enterrement dans le nouveau cimetière. On a creusé une fosse collective, j'ai fait venir un imam pour rendre les hommages convenables, conformes à leurs coutumes. J'ai mis une stèle sur la tombe cette année, avec une inscription en arabe et en anglais. Je me suis senti l'obligation de le faire, au cas où quelqu'un les cherche, même si on ne connaît pas leurs noms. Chaque fois j'y pense j'en suis malade, ces images ne disparaîtront pas. Un million de réfugiés sont partis, et leur million d'histoires existent toutes en moi. Chacune a laissé une cicatrice.

Lenče Zdravkin

Lenče Zdravkin. Photo : Viktor Popovski/IKS, CC BY-NC-ND 3.0

Економските мигранти никогаш не престанаа да поминуваат. Сега ме контактираше едно момче, не знам ниту од каде е, дали е од Сирија, Ирак… Ми пишува – Јас ќе тргнам по секоја цена пеш, дали си ти таму? Се разбираме многу лесно, иако тие не го разбираат нашиот јазик, а јас не го знам доволно нивниот, но за да помогнеш некому и очите зборуваат. Мислам дека не случајно сум се погодила на ова место. Не велам дека многу сум им помогнала, но тие се толку истрауматизирани и истоштени, што за нив и една блага насмевка многу значи. Енергијата ја црпам од нив, откако ќе си дојдат на себе и тие знаат да се пошегуваат, имаат желба за живот, желба за понатаму. Сфатив, благодарение на нив дека секогаш треба да бидеме благодарни за она што го имаме. Жално е што не знаеме да го цениме тоа.

Les migrants économiques ne cessaient jamais de passer. Aujourd'hui, un garçon m'a contactée, je ne sais d'où, de Syrie ou d'Irak… il écrit qu'il “commence le voyage à pied quel que soit le prix, vous êtes là ?” On se comprend très facilement, même s'ils ne connaissent pas notre langue [le macédonien], et que je ne parle pas la leur, mais pour aider quelqu'un il suffit de se parler avec les yeux. Je pense que je ne suis pas là par hasard. Je ne dis pas que j'ai beaucoup aidé, mais ils sont tellement fatigués et traumatisés que même un sourire de gentillesse compte beaucoup pour eux. Je reçois mon énergie d'eux, quand ils ont retrouvé un peu de forces, ils peuvent raconter une blague, ils ont la volonté de vivre, de continuer. Grâce à eux j'ai réalisé que nous devrions toujours être reconnaissants pour ce que nous avons. C'est triste que nous ne sachions pas l'apprécier.

L'article de Zdravkin sur le portail Samo prashaj est publié sous licence Creative Commons Attribution-Pas d'utilisation commerciale-Pas de modifications 3.0 (CC BY-NC-ND 3.0). Global Voices traduit et republie ce témoignage important avec l'autorisation de l’Institute of Communication Studies (IKS) de Skopje, qui a composé l'article.