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Le blog d'un ingénieur informaticien emmène les lecteurs à vélo sur les routes de campagne japonaises

lundi 8 mai 2017 à 23:31

Si on s'intéresse au cyclisme et qu'on a envie d'entrevoir le Japon rural que la plupart des Japonais ne connaîtront jamais, l'auteur et technologue Jeffrey Friedl a le blog qu'il faut.

Basé à Kyoto, au Japon, Friedl part régulièrement pour des balades de 100 miles ou plus dans une journée, et documente le voyage. Kyoto est bordée de trois côtés par des chaînes de montagnes boisées et s'enorgueillit d'une pléthore de terres cultivées, donc ses balades traversent des paysages vraiment spectaculaires.

Par exemple, raconte un billet de blog de fin avril, Friedl s'est dirigé au sud-est du centre-ville de Kyoto vers les zones productrices de thé dans les collines entre Kyoto et Nara :

J'ai fait un bon tour à travers les montagnes d'Uji et de Wazuka (Japon, près de Kyoto/Nara) l'autre jour. Uji (宇治) et Wazuka (和束) sont tous deux connues pour leur thé depuis des siècles, et elles ont des champs planqués dans les recoins les plus apparemment improbables de leurs montagnes.

Travail dans les champs de thé sur les hauteurs de Wazuka, Japan (和束). Photo de Jeffrey Friedl. Utilisée avec autorisation. Carte et données imagephotos voisines. Du billet de blog “Century of Wazuka Climbs, Part 1.”

Outre le cyclisme, le blog de Friedl offre un aperçu détaillé de l'informatique, de la photographie, des conseils de développement web amateur et un long développement sur inclut une longue rédaction sur les espaces de couleur des images numériques, le tableau de test d'autofocus qu'il a développé, et une analyse détaillée des paramètres de qualité d'exportation JPEG dans Lightroom.

Peut-être en raison de son expérience technique, les articles du blog de Friedl sont méticuleusement catégorisés et se renvoient les uns aux autres, donc il est facile à voir où les photos ont été prises, avec des liens vers les autres photos du même endroit, ou prises dans les environs. Friedl cartographie aussi ses itinéraires, entre autres sur Strava, un réseau social pour les sportifs, où il documente ses promenades.

wakazuka route map

“Carte de l'itinéraire Wakazuka” Capture d'écran utilisée avec autorisation. Du billet de blog “Century of Wazuka Climbs, Part 1.”

Dans sa quête de gravir autant de collines que possible, et de s'éloigner des grandes routes encombrées, les ballades de Friedl suivent fréquemment les routes plus calmes menant à sa destination quelle qu'elle soit. Dans cet article d'octobre 2016, Friedl se rend à Miyama, un village rural au nord-est de Kyoto, au plus profond des montagnes.

Photo by Jeffrey Friedl

“Trois dames à la queue-leu-leu : Kumiko, Stephanie, Alicia photographiées roulant à  24 km/h).” Photo de Jeffrey Friedl. Utilisée avec autorisation. “Balade en compagnie vers le pittoresque village de montagne de Miyama, avec de l'innovation.”

Les tours de Friedl incluent typiquement des photos des goûters, repas et des autres arrêts de ravitaillement en cours de route. Voici un goûter dans un café à la campagne :

Photo by Jeffrey Friedl. Used with permission.

“Goûter : gâteau chaud, glace et café au nouveau et merveilleux Joey's Bar (un petit café pour les automobilistes, mais où tout le monde est bienvenu).” Photo de Jeffrey Friedl. Utilisée avec autorisation. De “”Balade en compagnie vers le pittoresque village de montagne de Miyama, avec de l'innovation”

Une carte interactive des voyages à vélo de Friedl à travers le Japon peut se trouver ici :

La carte de Friedl se permet de rechercher par emplacement au Japon. Par exemple, en plus de la carte des photos prises près de Kyoto (ci-dessus), voici des photos que Friedl a prises près d'Obama, sur la côte de la mer du Japon environ 100 kilomètres au nord, à vol d'oiseau de Kyoto.

On peut suivre Jeffrey Friedl sur son blog, qui héberge des archives massives des articles, donc sa TOC (table des matières) est le bon endroit pour commencer l'exploration.

La vie quotidienne à Tokyo chroniquée par un photographe

dimanche 7 mai 2017 à 13:59

Un regard sur la vie de tous les jours dans la capitale japonaise

Lee Chapman Photo

Un employé de marché aux poissons, Tokyo (photo sans titre). Photo Lee Chapman / Tokyo Times. Utilisée avec autorisation.

Lee Chapman est un photographe de rue qui documente à profusion la vie à Tokyo. Photographe professionnel publié par The Guardian, The Economist, le Daily Mail et d'autres encore, il présente un portfolio sur son site internet, et met à jour trois fois par semaine son blog Tokyo Times.

Tokyo : une lutte de chaque jour

Lee Chapman vit au Japon depuis 1998. Son intention était initialement de rester un an ou deux, mais il se dit maintenant chez lui au Japon. Dans un récent entretien disponible en ligne, Chapman explique que l'utilisation d'un Leica M8 Rangefinder — cet appareil relativement petit lui permet d'approcher ses sujets — a influencé son travail.

Si Chapman documente la vie à Tokyo et dans ses environs, de récents billets de blog captent aussi des haikyo, un genre photographique qui chronique la lente décrépitude de bâtiments à l'abandon au Japon et ailleurs.

Nouvelles photos : le silence d'un village japonais à l'abandon

Me suis enfin décidé à ajouter une section “Japon à l'abandon” à mon portfolio

Le Tokyo vieux, croulant et à l'abandon

Il y en a pour pratiquement tous les goûts dans le blog de Chapman, et même des portraits officiels :

Prêtre shintô : portrait en couleur

Dans ce qu'il a de meilleur, le blog de Chapman capte les scènes de la vie de tous les jours au Japon, dont certaines semblent promises à une disparition prochaine :

Une échoppe traditionnelle de craquelins de riz à Tokyo

Chapman est si prolifique qu'on ne sait par où commencer pour explorer ses images. Par bonheur, il a listé ses “images préférées de 2016“, une parfaite introduction à sa photographie de rue.

Si vous êtes intéressés par des détails plus techniques de la méthode photographique de Chapman, il existe un excellent entretien avec un confrère également installé au Japon, le photographe de la nature et de la faune Martin Bailey.

Je viens de publier un entretien vidéo avec le photographe de rue de Tokyo Lee Chapman alias @tojyotimes. Vidéos et liens ici

Outre son blog et son portfolio, les photos de Chapman sont visibles sur ses comptes Tokyo Times sur Instagram et Twitter.

En Jordanie, les magiciens et sorciers font toujours recette

samedi 6 mai 2017 à 17:09

Amman, Jordanie. Photo Alice Bonfatti, utilisée avec autorisation.

La démonologie de l'Islam voit dans le “djinn” (الجن‎‎), origine du mot français “génie”, un serviteur d'Allah au même titre que l'être humain. Ce qui rend si fascinant le sujet des croyances et pratiques magiques en Jordanie, c'est la relation conflictuelle d'opposition et tolérance simultanée entre la religion et “l'occulte”. Une chose est sûre : l'Islam ne rejette pas l'existence de la magie, bien au contraire : plusieurs versets coraniques traitent des pratiques magiques, ne serait-ce que pour en condamner la pratique.

A la question de Global Voices s'il croyait à la magie, le chauffeur de taxi d'Amman Ibrahim Othman a répondu que “tout musulman devrait croire à la magie à cause de l'histoire du prophète Moussa dans le Coran”. Selon la Sourate 7 du Mur d'A‘raf dans le Coran, convoqué devant Pharaon, Moïse fut confronté à ses magiciens, qui usèrent de sortilèges pour changer leurs bâtons en serpents. Avec l'assentiment de Dieu, Moïse changea aussi son bâton en serpent, qui engloutit ceux des magiciens. Ceux-ci se prosternèrent devant lui et reconnurent ses prophéties, frappés de stupeur par le miracle.

L'épisode éclaire la distinction coranique entre magie et miracle, dans laquelle selon les mots d'Ibn Khaldoun, un des plus grands historiens musulmans, “Le miracle est un pouvoir divin qui éveille dans l'âme [la capacité] d'exercer une influence. L'[opérateur de miracles] est soutenu dans son activité par l'esprit de Dieu. Le sorcier, en revanche, œuvre seul et avec l'aide de sa seule force psychique, et, dans certaines conditions, avec le soutien des démons”.  

En Jordanie, l'acceptation de l'existence de “djinns” et la croyance en leur capacité à posséder des individus fait partie de nombreuses croyances magiques répandues, comme l'insatiable “mauvais œil”, les amulettes et Al-matuom — l'usage du sang menstruel considéré comme “impur” pour s'assurer de l'amour d'une personne.

Du point de vue de la religion, la magie est regardée de travers, c'est le moins qu'on puisse dire. L'imam d'Al-Masjed Al-Edlbe à Na’ur, Hashem Ali Osman, résume la position religieuse sur la magie en expliquant que “la magie est l'acte du Sheitan (le diable) et enseigner, étudier et pratiquer la magie est haram (péché)”.

Néanmoins, bien que la magie soit rigoureusement interdite, dans sa fonction concurrente de sheikh de la mosquée, Ali Osman est appelé en moyenne deux fois par semaine pour chasser des sorts. Al-Masjed étant vue comme la demeure de Dieu qui a le pouvoir ultime sur toutes les créatures, les individus possédés par un “djinn” évitent de poser le pied dans la mosquée. Il faut donc que le sheikh les visite à domicile.

Le dernier cas relaté à Global Voices par le Sheikh Ali Osman concernait une femme de 22 ans “d'une exceptionnelle beauté” :

Une quarantaine d'hommes avaient demandé sa main mais toutes les fiançailles avaient été rompues les unes après les autres avant d'être officialisées. Désespérée, sa famille m'invita dans leur maison pour lui lire des versets coraniques, la meilleure façon dit-on de chasser les sorts. Je commençai alors à converser avec le ‘djinn’ qui possédait la femme, et appris ainsi que la créature magique s'était éprise d'elle. C'est ainsi que, chaque fois que quelqu'un lui offrait le mariage, le génie faisait se déformer temporairement son visage. A la vue déplaisante de son visage soudain ‘monstrueux’, tous les prétendants s'enfuyaient sans demander leur reste. Mais dès ma lecture du Coran terminée, le djinn sortit du corps de la femme et peu de temps après elle se maria.

Si les chefs religieux sont unanimes à affirmer que jeter des sorts sur autrui est un péché absolu, être un sheikh al-sihr (un spécialiste de magie) est une profession lucrative qui ne manque pas de demande. Une simple recherche Google renvoie des pages et des pages de résultats, avec des annonces de sorciers domiciliés à Amman qui assurent “briser les sorts”, “jeter des sorts”, voire les deux à la fois.

Capture d'écran de résultats partiels d'une recherche Google pour “Magiciens sorciers à Amman, Jordanie”.

Global Voices a rencontré quelqu'un qui propose de la sorcellerie, et a appris que le prix pour jeter un sort varie selon la “catégorie”, et s’échelonne de 200 à 100.000 dinars jordaniens (respectivement 256 et 128.200 euros).

Prospérité économique, mariage et malédictions contre autrui sont les principaux motifs de s'adresser aux sorciers. Sacrifices d'animaux, envoûtement d'objets appartenant à la victime d'intention, et confection de “sachets” avec des caractères énigmatiques à déposer au cimetière sont quelques-uns des moyens utilisés par les jeteurs de sort pour pratiquer leur art.

Curieusement, contrastant avec les autres pays à majorité musulmane, la Jordanie n'a pas de législation appliquée contre la pratique de la magie. Le Sheikh Ali Osman explique :

Si techniquement les individus peuvent être mis à l'amende en Jordanie pour pratique de la sorcellerie, ces cas sont rares, car si quelqu'un dépose plainte contre la magie, il sera lui-même impliqué.

Si la foi dans la magie est répandue en Jordanie, cela n'empêche pas pour autant beaucoup de gens de se dissocier de telles pensées. Sammy Abdelrahim, un étudiant jordanien de Middlebury College [aux USA], dit ne pas croire à la magie parce que sa “religion [le] protègera”, tandis que l'étudiante à l’Université de Jordanie Lubna Mohammad explique à Global Voices que lorsqu'il s'agit de croire ou non à la magie, il y a de grandes différences entre les générations :

Les gens dans le passé essayaient de justifier les événements étranges, en disant qu'ils étaient causés par la magie, parce qu'ils n'avaient pas d'explication pour eux. La magie convient à ma grand-mère, moi c'est la science qui me va.

Même controversées, les croyances magiques ont une grande importance dans beaucoup de collectivités en Jordanie. Belal Mustafa, psychothérapeute et analyste comportemental clinique à Médecins sans Frontières en Jordanie, met en garde que les croyances magiques peuvent avoir un effet notable sur la probabilité pour une personne de rechercher une aide psychologique en cas de besoin :

Du point de vue de la religion, comme pour la plupart des gens, ces croyances sont vraies. Puisque les problèmes psychologiques, peut-on-dire, ‘échappent à l'observation’, ils sont considérés comme en rapport avec ces croyances spirituelles.

Pour lui, expliquer que religion et traitement sont compatibles peut s'avérer compliqué :

Beaucoup croient que les problèmes de santé mentale résultent d'un défaut de foi chez la personne. Le problème auquel se confrontent les psychologues est la tendance qu'ont les personnes souffrant de désordres psychiques à plaquer des interprétations magiques sur des difficultés psychiques et comportementales et à refuser les diagnostics ou traitement psychologiques.

Pour le docteur Mustafa, la clé c'est la sensibilisation :

Notre travail de psychologues n'est pas de changer la mentalité des patients, mais de les aider à vivre mieux. Notre responsabilité est d'informer les gens sur la santé mentale — en particulier quand les symptômes de pensée magique ressemblent à des troubles psychiques comme des maladies psychosomatiques ou les crises de panique.

Alors, que retenir des croyances magiques et de leur place dans la société ? La complexité des croyances magiques les situe à l'intersection entre religion, superstition et désir humain de définir et dominer l'inconnu. Tayseer Abu Odeh, docteur en Littérature comparée de l'Indiana University of Pennsylvania, nous encourage à repenser nos présupposés sur la magie :

Le concept de magie dans le monde islamique est une question épineuse, qui conduit à une exclusion culturelle toute faite. On dépeint aisément la magie comme troublante, exotique, indéfinissable et mystérieuse. Une des difficultés centrales qui se dressent émane du décalage profondément enraciné entre l'histoire fantaisiste de l'Orient, étirée épistémologiquement et ontologiquement à l'intérieur du discours orientaliste, et le paradigme scientifique de l'Occident, introduit en tandem avec l'image de supériorité du discours européocentrique de rationalisme et de modernisme. En bref, traiter la magie à travers le prisme d'un ‘style de pensée’ aussi dogmatique et essentialiste que celui-là mystifie le narratif microcosmique de la magie. Cela la réduit à une forme simplifiée d'imagination orientaliste et islamique, ou à un schéma d'interprétation métaphysique.

Pourtant, peut-on échapper à l'orientalisme quand on analyse l'interprétation sociologique, culturelle et psychologique de la magie au Moyen-Orient ? Pour Abu Odeh, traiter la magie comme un phénomène culturel et anthropologique “démythifie et déconstruit les contresens établis et les mythes semi-religieux qui ont réduit la magie à une unique catégorie de défaitisme et atavisme culturels”.

Dans la même veine, l'auteur musulman Michael Muhammad Knight défend qu'explorer les croyances magiques est indispensable pour comprendre la complexité du Moyen-Orient :

A regarder ce qu'on peut appeler aujourd'hui magie ou à parcourir les traditions musulmanes, dans de nombreux cas cela paraît étendre les possibilités de ce qui est pensable comme ‘islamique’.

Pour lui, c'est une conséquence sociale positive.

Combattre le feu par le feu : l'AFRINIC menace de couper Internet aux gouvernements qui le coupent

samedi 6 mai 2017 à 13:05
Une annonce d'un cyber-café en Tanzanie, qui est l'un des 10 premiers pays ayant le plus d'internautes en Afrique. Photo Creative Commons de l'utilisateur de Flickr Aslak Raanes.

La publicité d'un cyber-café en Tanzanie, un des 10 premiers pays ayant le plus d'internautes en Afrique. Photo Creative Commons de l'utilisateur de Flickr Aslak Raanes.

Grace Mutung'u est une collaboratrice du Kenya ICT Action Network (Réseau kényan d'action des technologies d'information et communication) (KICTANet). Elle est actuellement Attachée supérieure de recherche OTF (Open Technology Fund) en contrôle de l'information au Centre Berkman Klein pour l'information et la société de l'université Harvard.

“Coupez Internet et nous allons vous l'enlever”. C'est une nouvelle réponse des défenseurs de l'industrie des télécommunications aux gouvernements africains qui menacent de fermer Internet face une situation d'incertitude politique.

À la mi-avril, les membres de l'association Registre national [fr] des adresses IP couvrant l'Afrique (AFRINIC) ont présenté une proposition visant à refuser l'accès à Internet aux gouvernements africains qui le coupaient. Comme le décrit dans un courriel un de ces membre, si cette action était appliquée, cela entraînerait “la coupure d'Internet pour les gouvernements qui ont interrompu Internet”. Liquid Telcom et Tespok, une association du secteur des télécommunications, ont été les principaux promoteurs de la proposition.

Ceux qui ont pu constater la tendance à la hausse des cas de coupures d'Internet ces dernières années ne pourront manquer de relever un juste retour du bâton dans cette initiative. Néanmoins, si elle venait à être effectivement mise en œuvre, il n'est pas certain qu'elle atteindrait l'effet désiré.

L'AFRINIC est le Registre Régional de l'Internet (RIR) pour l'Afrique, en charge de l'attribution des adresses et numéros IP sur le continent. Dans la proposition, publiée le 10 avril 2017, les auteurs définissent une coupure d'Internet comme étant survenue lorsque :

… l'on peut prouver qu'il y a eu une tentative, avec échec ou succès, de restreindre l'accès à Internet à un segment de la population quel que soit le fournisseur ou le moyen d'accès utilisé.

Il recommande que les gouvernements qui mettent en œuvre des coupures soient privés d'accès aux adresses et aux numéros IP pour une période de 12 mois. Ceux ayant mis en place trois coupures ou plus dans une période de dix ans verraient leur accès révoqué pour cinq ans.

Andrew Alston, l'un des coauteurs de la proposition, explique ses raisons :

… il s'agit d'un problème qui devait être abordé depuis longtemps ; je crois que le moment est venu d'en discuter. Que doivent faire la communauté, les organisations I* et les autres acteurs impliqués dans Internet quand ils sont confrontés aux abus de pouvoir des États ? (*Les organisations i sont des organisations africaines de gouvernance Internet, par exemple AFRINIC, AFPIF, ISOC https://www.afrinic.net/images/doc/af_brochure.pdf

Ces restrictions s'appliqueraient non seulement aux institutions publiques, mais aussi aux organismes et entités qui ont des relations directes avec le gouvernement en question. Cela pourrait affecter beaucoup de gens, dont certains ont peut-être été eux-mêmes opposés à la coupure d'Internet par L’État.

Si les gouvernements devaient être mis hors ligne, l'effet serait incontestablement ressenti par les citoyens.

La proposition a clarifié le débat sur le rôle des registres Internet tels que l'AFRINIC. Le conseil d'administration de l'AFRINIC avait déjà exprimé sa préoccupation quant à la tendance croissante des coupures d'Internet, affirmant qu'elles constituaient une menace pour la nature ouverte d'Internet. Depuis 2011, il y a eu des perturbations intentionnelles du réseau, communément appelées coupures dans 18 États africains. En 2016 seulement, 18 coupures ont été enregistrées dans 11 pays et, de janvier 2017 à mi-avril, une suspension continue dans les régions anglophones du Cameroun. Toutes ces suspensions ont eu lieu pour des raisons politiques telles que les élections et les manifestations.

Outre la perturbation évidente des liens sociaux, les coupures d'Internet ont aussi des conséquences économiques importantes. Mais à un niveau politique, elles concernent également la question de la vision et des intentions des gouvernements africains en ce qui concerne Internet.

Les gouvernements parlent de tirer parti des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans la poursuite des objectifs de développement tels que les ODD [Objectifs du Développement durable de l'ONU] ou l'Agenda 2063 dans l'Union africaine [fr]. Mais les coupures d'Internet sont contraires à ces aspirations de développement – et les mêmes gouvernements qui se sont engagés pour ces objectifs mettent également en place des freins. Par exemple,la coupure pendant trois mois au Cameroun a forcé ceux qui comptent sur Internet pour leurs entreprises à changer d'activités ou à déménager dans d'autres villes.

Le commentateur de la liste, Seun Odejedi, s'est déclaré préoccupé par les implications de la proposition pour les personnes autres que les dirigeants et les fonctionnaires :

… il y a un proverbe qui dit “si on veut brûler un serpent dans le sens de la longueur, on va brûler la maison aussi”. Nous devons faire très attention àce que nous demandons au niveau de la politique en matière de registre Internet régional (RIR) parce que, à long terme, cela nuirait moins aux gouvernements qu'aux membres d'AFRINIC (actuels et futurs).

La proposition est actuellement à l'étude par la communauté AFRINIC, composée d'experts techniques et politiques africains. Certains disent qu'ils ne se sentent pas à l'aise avec un RIR qui prendrait le rôle de surveiller l'utilisation d'Internet. D'autres sont préoccupés par les conséquences de la proposition, car refuser l'accès à des gouvernements pourrait limiter leurs capacités à fournir des services publics par Internet – cela pourrait avoir un impact important dans des pays comme le Rwanda, où le gouvernement transfère des services tels que l'enregistrement des entreprises en ligne dans le souci d'améliorer son efficacité. En plus de ces préoccupations, des quantités massives d'informations publiques sont principalement disponibles sur les sites Web gouvernementaux, tels que les lois et l'emplacement des services publics. Si les gouvernements devaient être mis hors ligne, l'effet serait incontestablement ressenti par les citoyens.

Ensuite, il y a la question des marchés des TIC en Afrique. Des pays comme l'Éthiopie [fr], qui a eu trois coupures d'Internet l'année dernière, disposent d'un seul fournisseur appartenant à l'État. Cela signifie qu'un déni d'accès au gouvernement éthiopien et aux institutions parapubliques entraînerait un manque de ressources pour l'ensemble du pays. Alors que davantage de pays africains ont libéralisé leurs marchés des TIC, il n'y a que peu de pays sur le continent qui ont atteint une concurrence parfaite. Beaucoup ont un, deux ou trois acteurs dominants et ce sont ceux par lesquels les gouvernements appliquent les coupures. La proposition devrait donc être retravaillée afin que ses effets négatifs sur les citoyens soient minimes.

En dehors des remèdes et des pénalités, les experts locaux continuent de débattre de la question de savoir si les coupures sont une question de mauvaises politiques ou un signe de la faiblesse de l'état de droit. Certains des membres de la communauté considèrent que la décision de couper Internet dans n'importe quel pays africain revient à une seule personne – le détenteur du pouvoir. Chacune des perturbations du réseau enregistrées l'année dernière peut être attribuée à une personne bien précise. Par exemple, la coupure des médias sociaux en Ouganda peut être attribuée au Président Museveni et au Zimbabwe au Président Mugabe. Selon une école de pensée, les coupures d'Internet en Afrique prendront fin lorsque des principes tels que la pluralité et le développement équitable seront respectés.

La proposition d'AFRINIC est novatrice – elle pousse les limites du rôle de l'organisation et traduit la frustration de beaucoup d'utilisateurs lorsqu'ils se retrouvent sans Internet et lorsque la décision de couper Internet est prise arbitrairement et sans avertissement. Que la proposition soit reportée ou non, elle a provoqué une conversation importante qui sera vraisemblablement poursuivie au Sommet Afrique Internet [fr] à Nairobi plus tard cette année. Parce qu'en fin de compte, les Africains doivent élaborer une solution à la tendance dangereuse de couper Internet pour des raisons politiques.

Paraguay: Une application pour apprendre l'anglais “sans escale” directement depuis le guarani

vendredi 5 mai 2017 à 23:14

Ecole Santa Clara. Hernandarias. Alto Paraná. Paraguay. Photo sur Flickr de Borja, publiée sous licence Creative Commons. (CC BY-NC-ND 2.0)

C'est pour combler le fossé entre les locuteurs du guarani et l'apprentissage de l'anglais, habituellement réservé aux locuteurs de la langue espagnole au Paraguay qu'a été créée l'application Guaranglish. Son objectif : connecter la majorités des locuteurs, qui appartiennent davantage au guarani qu'à l'espagnol, à un apprentissage plus connecté avec les autoroutes mondiales de l'information sans devoir “faire escale“:

Luis Rojas, un des promoteurs de l'application, a été interviewé par le Blog de Koga  et a donné une idée des solutions que l'application cherche à apporter et les moyens selon lesquels on espère que le guarani prenne les devants dans les milieux d'apprentissage de langues dans le contexte paraguayen:

…contrairement à la majorité des pays d'Amérique latine, la langue qui domine au Paraguay est la langue autochtone guarani, et non l'espagnol ; 89% des Paraguayens parlent guarani. La plupart de méthodes utilisées pour apprendre l'anglais au Paraguay sont en espagnol.

L'application est encore dans sa version pilote et cherche des utilisateurs pour en mesurer l'efficacité. Le projet a été primé et présenté sur différentes plates-formes. Dans la vidéo partagée par l'équipe de Guaranglish, ses créateurs expliquent comment leur expérience personnelle en tant que locuteurs du guarani et les obstacles que cela a représenté pour l'enseignement scolaire dans la capitale a été le principal élan pour la création du projet :

Les concepteurs de l'application travaillent en lien avec des organisations gouvernementales des États-Unis et ont relié l'application à d'autres projets comme des ateliers pour les enseignants ou des stages d'anglais. Le projet cherche à relier les populations rurales à une autre langue qui pourrait les rapprocher dans diverses situations, et aussi faciliter l'apprentissage de la langue guarani pour ceux qui parlent anglais :

…nous avons souhaité aller plus loin, pas seulement pour les Paraguayens mais aussi pour tout le monde et avec Guaranglish, il sera désormais possible d'apprendre l'anglais ou le guarani sans qu'il existe des barrières empêchant l'accès à l'apprentissage de langues que ce soit à cause des ressources limitées ou de la centralisation des opportunités.”