PROJET AUTOBLOG


Global Voices (fr)

Archivé

source: Global Voices (fr)

⇐ retour index

Brésil : La barbarie raciale étalée au grand jour dans un quartier chic de Rio

dimanche 16 février 2014 à 08:52
O jovem preso ao poste apenas com um pedaço de jornal para cobrir sua nudez após ser humilhado. Foto de uso livre.

Le jeune retrouvé attaché à un réverbère, avec juste une feuille de journal pour cacher sa nudité après avoir été humilié. Photo libre de droits.

(Tous les liens conduisent vers des contenus en portugais)

Un jeune noir, mineur, a été retrouvé, complètement nu, assis par terre, attaché par le cou avec un antivol à vélo, à un réverbère, aux abords de la plage de Botafogo, un quartier chic de Rio de Janeiro. La scène, à laquelle avait assisté avant de la dénoncer l'activiste Yvonne Bezerra de Mello, a choqué le pays, mais malheureusement s'est révélé ne pas être un cas isolé, au vu des attaques de groupes de “justiciers” qui sont en train de devenir habituels à Rio. Yvonne raconte, sur sa page Facebook, que le 1er février, elle se préparait à aller se coucher quand un ami qui passait par l'avenue Rui Barbosa (NdT: à Botafogo) l'a appelée pour lui dire qu'il venait de “voir un jeune, blessé, nu et attaché à un réverbère par un antivol à vélo. Il vient de prendre une raclée d'un gang à moto qui à l'habitude de voler dans ma rue”. Elle a alors appelé les pompiers qui l'ont libéré et emmené à l'hôpital. Depuis, elle reçoit des menaces.

No meio do caminho tinha um menino (amarrado ao poste) Tinha um menino (amarrado ao poste) no meio do caminho, Rosiane Rodrigues

Au milieu du chemin, il y avait un gamin (attaché à un réverbère) Il y avait un gamin (attaché à un réverbère) au milieu du chemin, Rosiane Rodrigues

Dans sa déposition, le jeune homme a affirmé avoir été poursuivi par un groupe d'une trentaine de personnes à motos, armés d'au moins une arme à feu, alors qu'il descendait, en compagnie de trois amis (qui ont réussi à s'enfuir) se baigner à la plage, et ensuite avoir été frappé puis déshabillé et attaché au réverbère. Le jeune garçon de 15 ans vit dans les rues de Rio depuis au moins deux ans. Il a été obligé d'abandonner sa maison après avoir volé une perceuse à un voisin de la famille.  La police pense que les responsables de l'agression pourraient être les  ”Justiciers de Flamengo”, qui brutalisent et torturent ceux qu'ils suspectent tout en étant aussi soupçonnés de s'en prendre aux homosexuels. Une quinzaine de personnes suspectées d'appartenir à ce groupe ont été arrêtes par la police.

Cartum de Carlos Latuff, uso livre.

Dessin de Carlos Latuff, utilisation libre.

La journaliste Rosiane Rodrigues, a critiqué sur Afropress l'attitude d'Yvonne : prendre une photo de la victime et la poster sur Facebook au lieu de simplement appeler les pompiers et une ambulance. Pour elle :

A cena chocou. É possível que o motivo da consternação tenha sido o local da ação e não a ação em si. Sim. Um menino, amarrado ao poste, em uma rua da Zona Sul do Rio de Janeiro, não é um fato comum. Meninos, amarrados em postes, baleados, espancados, violentados não cabem na paisagem da Zona Sul da cidade. Essas devem ser imagens periféricas, cotidianas das favelas, dos subúrbios. Imagens de barbárie que já não chocam nem causam espanto aos olhos dos que estão – e devem continuar – à margem.  O “menino amarrado ao poste”‘ deu sorte. Ele poderia estar morto. Se assim fosse, seria mais um a entrar para a estatística da barbárie cometida diuturnamente nos becos e vielas em todo País. Imagens de corpos violados, machucados, inertes… reflexos distantes de uma realidade encoberta aos olhos sensíveis de uma parcela da população que teima em não querer enxergar: a indústria do genocídio da juventude preta e pobre.

La scène a choqué. Il est possible que le motif de la consternation ait été le lieu et pas l'évènement en lui-même. Bien sûr. Un gamin attaché à un réverbère, dans une rue des quartiers chics de Rio de Janeiro, ça n'est pas commun. Des gamins, attachés à des réverbères, criblés de balles, battus à mort, violés font tâche dans les quartiers sud de de la ville. Ces images doivent rester celles de la périphérie, le quotidien des favelas, des banlieues. Des images de barbarie qui déjà, ne choquent ni n'étonnent plus ceux qui vivent – et doivent continuer à vivre – dans la marge.  Le “gamin attaché à un réverbère” a eu de la chance. Il aurait pu y laisser la peau. Un numéro de plus dans les statistiques des actes de barbarie commis quotidiennement dans les impasses et les ruelles de ce pays. Photos de corps violés, blessés, inertes… reflets éloignés d'une réalité cachée aux regards sensibles d'une partie de la population qui s'obstine à ne pas voir l'industrie du génocide de la jeunesse pauvre et noire.

L'activiste Caio Almeida, sur Facebook, a prévenu du danger de création d'une “milice fasciste” à Rio et a ajouté:

Esses caras agridem homossexuais, ambulantes que não concordam com o preço cobrado pela cerveja(e viva o $surrealismo coxinha!), usuários de maconha ou negros sozinhos. Em suma, tocam o terror para garantir que o bairro deles sejam para os ricos, brancos e com os mesmos hábitos sociais(e até sexuais!) que eles.

Ces mecs agressent des homosexuels, des vendeurs ambulants quand ils ne sont pas d'accord avec le prix de la bière (et vive le surréalisme de bistrot), des fumeurs de marijuana ou des noirs isolés. En somme, ils font le tri par la terreur pour s'assurer que leur quartiers restent celui des riches, des blancs aux habitudes sociales (et même sexuelles!) identiques aux leurs.

Selon la victime, tous les agresseurs étaient blancs, “playboys”, à part un qui serait métis.

Montagem de Paul Henry Jr.

En haut: Sud des Etats-Unis XXe siècle, Brésil, XXIe siècle. En bas: Le racisme se cache toujours derrière la justice pour agir. Montage de Paul Henry Jr.

L'activiste Paul Henry Jr déclare sur Facebook que même si le gamin est réellement l'auteur des larcins, lui mettre une raclée et l'humilier est “on ne peut plus brutal”, et qu'il revient à la police d'enquêter et de découvrir le bien-fondé de ces accusations et de le juger. Il complète: 

Mas a Ku Klux Klan versão brasileira que de tão cômoda nem sequer precisa usar capuz e lençóis, age livremente sem ser perturbada fazendo nas ruas a sua maneira aquilo que considera justiça.

Mais le Ku Klux Klan version brésilienne se sent tellement à l'aise dans ses bottes qu'il n'a même pas besoin de se couvrir la tête d'un capuchon, il agit librement sans être dérangé lorsqu'il rend, dans les rues et à sa façon, ce qu'il considère comme de la justice.

Le “09 janvier 2010 [Certaines sources indiquent que cela s'est passé en 2009 - note GV], sur l'avenue Pasteur, à Botafogo, presqu'en face du bâtiment IBM, des motards avaient arraché les vêtements d'un jeune noir et l'avaient attaché, nu, sous un soleil de plomb, sur le trottoir brûlant”, raconte João Batista Damasceno, ajoutant qu'il avait été accusé de vol de moto. Les pompiers auraient aidé les motards à le déshabiller, et un garde municipal aurait assisté à la scène sans intervenir.  

Le rôle des médias dans la propagation de l'horreur

La révolte contre le cas du jeune torturé et attaché au réverbère aurait pu être moins importante s'il n'y avait pas eu l'intervention de la journaliste vedette de la SBT, Rachel Sheherazade, connue pour ses commentaires conservateurs, qui, en prime time et sur cette chaine, a déclaré:

“Num país que sofre de violência endêmica, a atitude dos vingadores é até compreensível”, disse a apresentadora. “O Estado é omisso, a polícia desmoralizada, a Justiça é falha… O que resta ao cidadão de bem, que ainda por cima foi desarmado? Se defender, é claro”. E finalizou: “O contra-ataque aos bandidos é o que chamo de legítima defesa coletiva de uma sociedade sem Estado contra um estado de violência sem limite”.

“Dans un pays qui souffre d'une violence endémique, l'attitude des justiciers est presque compréhensible”, a dit la présentatrice. “L'état est absent, la police démoralisée, et la justice mise en échec… Qu'est-ce qui reste au bon citoyen, qui en plus a été désarmé ? Se défendre, bien sûr”. Et elle termine en disant: “La contre-attaque contre les bandits, c'est ce que j'appelle la légitime défense collective d'une société sans Etat contre un état de violence sans limite”.

La réaction fut immédiate, de soutien à cette incitation à la haine raciale et à la violence, comme de rejet total. Le chef d'entreprise  Vinicius Duarte comente sur Facebook : 

Quando um telejornal de grande audiência permite que se faça apologia a um crime (sim, ~cidadão de bem desarmado~, acorrentar bandidos ou inocentes nus em postes é CRIME), é sinal que a barbárie está vencendo o jogo.

Quand un journal télévisé à forte audience se permet de faire l'apologie d'un crime (oui, ~le bon citoyen désarmé~, attacher des bandits ou des innocents nus, à des réverbères c'est un crime), c'est le signe que la barbarie est en train de gagner la partie.

La page du collectif social Pedra no Sapato (NdT: Caillou dans la Chaussure) s'amusant avec le nom de la présentatrice, a déclaré qu'elle avait dépassé “toutes les bornes” :

[ Cheira a Nazi ] Defendeu a ação da milicia carioca que prendeu o adolescente ladrão e negro num poste com uma tranca de bicicleta no pescoço, o espancou e o deixou nu. Acha normal, natural algo assim. Afinal, já que vivemos em estado de barbárie, não custa nada nós mesmos começarmos as nossas, né? Ninguém esta defendendo os atos de banditismo do moleque, agora chamar de ‘compreensível’ e ‘legítima defesa’ uma barbaridade dessas é sinal de que essa mulher não tem um pingo de humanidade!

[ Cheira a Nazi ] (NdT: jeux de mot sur le nom de la présentatrice, Sheherazade, et qui peut être traduit par “ça sent le Nazi!”)  Elle défend l'action de la milice carioca (NdT: de Rio) qui a attaché l'adolescent voleur et noir à un réverbère avec un antivol à vélo autour du cou, l'a massacré et l'a abandonné, nu. Et elle trouve ça normal. En fin de compte, puisque nous vivons sous un régime de barbarie, ça ne coûte rien de commencer les notres, pas vrai? Personne ne défend les actes répréhensibles du gamin, de là à dire qu'un barbarisme tel que celui-là est de la “légitime défense” et qu'elle est “compréhensible”, voilà le signe que cette femme n'a aucune humanité !

Montagem do ativista Julio Ferreira

En haut : “Bons Citoyens”. En bas: “Tel était le nom du journal du Ku Klux Clan”. Montage de l'activiste Julio Ferreira

L'étudiant Moisés Teixeira a exigé que Sheherazade “porte l'entière responsabilité de l'ânerie exprimé en prime time” et que ceux qui l'ont soutenue “réfléchissent un peu avant de formuler des opinions à l'aide de belles phrases qui ne sont que des stupidités bien habillées”.  Et, en ce qui concerne le Syndicat des journalistes de Rio de Janeiro, la punition viendra. Le Syndicat et la commission de l'Ethique n'ont pas seulement désavoué [la journaliste], ils ont aussi exigé que la FENAJ – Fédération Nationale des Journaliste – agisse en conséquence “dans ce cas précis, comme dans d'autres cas de violations des Droits de l'Homme et du Code de l'Ethique des journalistes brésiliens, qui sont devenus routiniers dans les émissions de radio de notre pays”. Le Syndicat des Journalistes du District Fédéral s'est aussi manifesté en désavouant les déclarations de Sheherazade et en annonçant qu'il demanderait aussi au Ministère Public de faire quelque chose. Quant au PSOL – Parti Socialisme et Liberté – il a annoncé qu'il allait aussi porter plainte auprès du Ministère Public afin d'obtenir la punition de la présentatrice. Pour le journaliste activiste Rodrigo Mariano, Sheherazade “a atteint un tel niveau qu'elle en est arrivée à soutenir ouvertement des assassins sur une chaine nationale. Et, voyez-vous ça, la demoiselle partage le même métier que moi. Elle a fait tout le contraire du serment qu'elle avait prêté. Elle s'est essuyé les fesses avec son diplôme, ça c'est sûr”. Après toutes ces répercussions, la SBT a fait paraitre un communiqué informant que les opinions des journalistes ne représentaient en aucun cas ceux de la chaine, et la présentatrice elle-même, profitant de sa position au journal de la SBT, a essayé de s'expliquer, en se plaçant “du bon côté, celui des anges” et que ce serait (NdT: l'intervention en question) :

uma crítica da violência. Eu defendo as pessoas de bem deste País, que foram abandonadas à própria sorte, porque não tem polícia, não tem segurança pública. O que eu fiz não foi defender a atitude dos justiceiros. O que eu defendi foi o direito da população de se defender quando o Estado é omisso

une critique de la violence. Je défends les bonnes gens de ce pays, qui ont été abandonnés, parce qu'il n'y a pas de police, pas de sécurité publique. Ce que j'ai fait, ça n'est pas défendre les justiciers. Ce que j'ai défendu c'est le droit de la population à se défendre lorsque l'Etat est absent

Imagem de Divulgação do SBT.

Rachel Cheherazade, photo SBT.

En d'autres termes, Sheherazade garde un point de vue qui, selon l'activiste Robson Fernantes, “est une tradition dans la droite conservatrice brésilienne”, et qui consiste à “faire une différence manichéiste  de la société en ‘bons citoyens’ et en ‘truands'”. Il ajoute:

Nessa crença que divide a sociedade entre “bons” e “maus”, os primeiros seriam pessoas “cidadãs” que “pagam impostos”, “respeitam as leis”, “lutam para vencer na vida” e se dizem “incapazes” de cometer qualquer crime ou dano contra outras pessoas e também contra animais não humanos. E os segundos seriam inimigos da ordem, ameaçadores da vida alheia, preferidores de “caminhos fáceis”, como a criminalidade ou o recebimento de benefícios financeiros pelo Estado, sendo muitos deles autênticos demônios do mal que deveriam ser presos, torturados pela polícia e/ou mortos.

Dans cette conviction qui divise la société entre les “bons” et les “méchants”, les premiers seraient ceux que l'on pourrait classifier comme “citoyens” “payants leurs impôts”, “respectant les lois”, “luttant pour réussir leur vie” et se disant “incapables” de commettre quelque crime ou dommage que ce soit envers d'autres personnes ou même envers des animaux. Quant aux seconds, ce seraient les ennemis de l'ordre, menaçant la vie des autres, préférant des “chemins plus faciles”, comme la criminalité ou la dépendance aux aides de l'Etat, en sachant que dans leur grande majorité ce sont d'authentiques démons qui représentent le mal et qu'ils devraient être mis sous les verrous, torturés par la police et/ou morts.

Le policier militaire de l'Etat de Bahia, collaborateur de Global Voices, Danillo Ferreira, a tenu à s'exprimer : 

Nenhuma violência deve ser celebrada. Tentativas violentas de vingança e “resposta” a outros atos violentos apenas alimentam os ciclos de violência.

Aucune violence ne doit être célébrée. Les tentatives violentes de vengeance et les “réponses” à d'autres actes violents ne font qu'alimenter les cycles de la violence.

Une pétition qui totalise déjà plus de 50 000 signatures a été lancée dans le but de sanctionner la journaliste. Une page a été ouverte sur Facebook pour exiger avec humour le remplacement du journal présenté par Sheherazade par le feuilleton mexicain populaire, Chaves, dont le principal personnage (NdT: qui a quelque chose de Louis de Funès) “a beaucoup plus a nous enseigner sur la tolérance et l'égalité”. 

Une comparaison des évolutions post-coloniales d'Afrique francophone et anglophone

samedi 15 février 2014 à 19:16
Screen capture of animated slideshow on the legacy of French and English colonization in Africa via Le Monde

Capture d'écran d'un diaporama animé sur l'héritage des colonisations française et anglaise en Afrique – en bleu, les pays francophones, en rouge, les pays anglophones. via Le Monde

Le thème de l'évolution post-coloniale des pays francophones et anglophones d'Afrique alimente depuis toujours un débat intense. Cheidozié Dike, au Nigeria, apporte une perspective neuve sur le sujet [anglais] :     

Alors que dans le système français de la Loi-Cadre il s'agissait d'abord d'intégration, le système colonial britannique ne visait que l'exploitation. Créant une ambiance de suspicion entre les nations qui constituent l'Afrique anglophone d'aujourd'hui, brisant les relations avant même qu'elles s'établissent, divisant pour régner.[.;] Les Africains francophones ne ressentent pas le besoin d'aspirer à la culture occidentale, parce que la culture française épousait les coutumes locales de telle manière que c'est devenu un tout indivisible

L'analyse que fait l'Afrique francophone est pourtant toute différente. Ouréguéhi, au Bénin, exprime pourquoi, à son avis, l'Afrique francophone est à la traîne financièrement derrière sa voisine anglophone :

Les pays anglophones ont été libérés de leur colon sur tous les plans. la France a toujours les regards dans les affaires des colonisés sans oublier la dictée qu'elle fait à ces pays. Quand tu veux voir celui que tu prétends aider évoluer, tu lui donne les conseils tout en lui laissant le choix de sa politique

18 mois de prison contre l’Algérien Djamel Ghanem : Touche pas à mon caricaturiste !

samedi 15 février 2014 à 18:20

Il s’appelle Djamel Ghanem. Ce jeune caricaturiste algérien est le symbole malgré lui de ce danger qui menace la profession de caricaturiste en Algérie. Une profession plus que jamais exposée à la menace de la censure et des longues et harassantes poursuites judiciaires. Pour un dessin de presse jugé offensant et outrageux à l’égard du Président Algérien, Abdelaziz Bouteflika, Djamel Ghanem risque jusqu’à 18 mois de prison ferme.

Djamel Ghanem

Djamel Ghanem

 

18 mois de prison pour avoir osé brocarder le Chef de l’Etat dans un dessin de presse. Un dessin où Bouteflika n’est même pas représenté ou évoqué puisque l’on voit uniquement deux citoyens en train de tourner en dérision le 4e mandat que veut briguer Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Etat alors qu’il avait déjà dirigé l’Algérie pendant 15 ans en amendant la constitution, sans recourir à la moindre consultation populaire, pour pouvoir cumuler trois mandats successifs. Deux personnages qui mettent en cause le 4e mandat à travers une allégorie ironique comparant le 4e mandat à des couches pour  bébé, voici ce qu’il risque donc de mener en prison un jeune caricaturiste algérien. Parce qu’il a osé esquisser les traits d’un jeune algérien qui veut acheter, chez le pharmacien du quartier, des couches pour bébé «du 4e mandat», une métaphore pour signifier que les algériens sont traités comme des enfants en bas âge, Djamel Ghanem a été trainé devant les tribunaux et menacé de prison. La juge d’instruction du tribunal d’Oran, deuxième ville algérienne située à 400 Km à l’ouest de la capitale Alger,  a même exercé des pressions et des intimidations effrayantes à l’encontre de ce jeune caricaturiste pour lui faire avouer qu’il avait bel et bien tenté d’insulter le Président de la République.

Ce que Djamel Ghanem a réfuté catégoriquement en expliquant qu’il n’a jamais voulu porter atteinte à la dignité ou l’honneur d’Abdelaziz Bouteflika. Comble de l’ironie, et c’est ce qui fait d’ailleurs de cette grave affaire d’atteinte à la liberté de l’expression une première dans le monde, ce n’est même pas la Présidence de la République qui a déposé plainte et réclame la prison contre Djamel Ghanem. Non, ni Abdelaziz Bouteflika ni ses conseillers ni son entourage n’ont saisi la justice contre ce jeune caricaturiste infortuné. Non, c’est son propre ancien journal qui le traine devant les tribunaux pour un dessin  qui n’a jamais été publié où diffusé dans la presse.  La direction de publication du quotidien la Voix de l’Oranie, un quotidien régional algérien basé à Oran et réputé pour sa ligne éditoriale très complaisante à l’égard des autorités politiques algériennes, avait décidé elle-même de saisir la justice pour se plaindre contre son caricaturiste qui avait osé imaginer un dessin satirique pour remettre en cause les ambitions présidentielles d’Abdelaziz Bouteflika.

Poursuivi par son propre journal, lâché par ses propres confrères, Djamel Ghanem se retrouve aussi écarté de toutes les rédactions algériennes où il pourrait travailler et gagner son pain. 

Le directeur de publication d’un autre quotidien a été menacé si jamais il me recrutait. Je suis devenu persona non grata. A travers moi, ils veulent abattre l’opposition algérienne qui dit non à un quatrième mandat

nous a confié ce jeune caricaturiste lequel a peiné pour trouver un avocat qui accepte de défendre sa cause. Après une première audience où les juges ont requis 18 mois de prison ferme après avoir refusé d’accepter le principe de la liberté d’expression dont doit jouir un caricaturiste dans l’exercice de son travail y compris lorsqu’il est amené à dessiner le Chef de l’Etat, Djamel Ghanem va connaître son jugement définitif le 4 mars prochain. A cette date là, il saura si la justice de son pays respecte réellement la liberté d’expression des caricaturistes. En attendant, toute la blogosphère et les réseaux sociaux se mobilisent en Algérie pour soutenir Djamel Ghanem contre l’arbitraire. Une pétition circule d’ores et déjà sur internet et plusieurs médias sociaux se sont solidarisés avec ce jeune caricaturiste victime d’une grave dérive autoritaire : 

Si les médias et l’opinion se taisaient sur cette atteinte à la liberté d’expression et ces violations des droits d’un citoyen dans les bureaux d’un juge, les tribunaux pourraient demain condamner un journaliste pour avoir pensé du mal du président de la république, d’un gradé de l’armée, d’un ministre ou d’un élu. Nous signataires de cet appel exigeons l’arrêt des poursuites judiciaires engagées contre Djamel Ghanem

dénoncent ainsi les signataires de cette pétition qui a trouvé un large écho sur le web algérien. Un cri de colère contre cette pensée totalitaire que tente d’imposer aux Algériens un régime qui sacralise le personnage de son chef suprême le Président de la République. La critique et le dessin satirique deviennent des outrages. Et leurs auteurs sont jugés et menacés de prison. C’est toute la liberté d’expression des caricaturistes et autres dessinateurs de presse qui est sérieusement compromise dans cette mésaventure accablante dont est victime Djamel Ghanem. 

Les manifestants en Bosnie réclament pain, justice sociale et liberté d'expression

samedi 15 février 2014 à 17:27

[Sauf mention contraire, les liens renvoient vers des pages en anglais] Lorsque les habitants de la deuxième ville de Bosnie, Tuzla, sont sortis manifester le 4 février 2014, peu nombreux étaient ceux qui s'attendaient à voir les émeutes à l'échelle du pays que le monde observait une semaine plus tard. Que cette agitation en Bosnie-Herzégovine puisse être qualifiée de “Printemps bosniaque”, comme l'ont appelée certains médias, importe peu pour le moment. L'origine des troubles et vers où l'on se dirige, voilà les sujets sur lesquels devraient se concentrer la communauté et les médias internationaux, de l'avis de nombreux acteurs locaux.

Les “Raisins de la Colère” de Bosnie

Les protestataires ont rédigé un ensemble de revendications, restreignant leur lutte aux thèmes de la justice sociale [bosniaque], de la fin de la corruption, et de la liberté d'expression. Ils ont aussi indiqué sans ambiguïté que le mouvement n'est pas guidé par une quête identitaire ou des tensions inter-ethniques. L'Italien Stefano Fait a commenté :

Les manifestations en Bosnie ? Elles sont à propos de l'injustice, des privatisations et d'un pays inexistant, et non de l'identité. C'est pourquoi elles n'intéressent pas les médias occidentaux.

Eric Gordy, un professeur à l'University College of London (UCL) qui écrit aussi pour un blog collectif sur la politique et la recherche des Balkans, a décrit le climat récent en Bosnie d'après des petites scènes qu'il a observées lors d'une visite, et qui laissent entrevoir ce qui alimente les actuelles manifestations anti-gouvernementales :

La conversation 1 était avec le serveur dans un grand hôtel de Sarajevo [...] Un collègue et moi avions entendu que le personnel de l'hôtel n'avait pas été payé pendant plusieurs mois, alors nous avons demandé. C'est vrai, nous a-t-il dit. La plupart des employés étaient restés, à travers une série de changements de propriétaires et de faillites, et avaient connu des périodes de réductions de salaires, d'absence de salaires, ou de paiements en nature. Pour quoi travaillaient-ils alors ? Ils voulaient continuer à faire marcher l'hôtel dans l'espoir qu'il redevienne bénéficiaire un jour, et ils voulaient que l'employeur continue à cotiser aux caisses de retraite et d'assurance maladie. [...]

La conversation 2 était avec un groupe d'étudiants de troisième cycle à Tuzla. La plupart d'entre eux evaient cherché ou cherchaient du travail comme instituteurs. Et ils ne pouvaient obtenir que des emplois de courte durée. Pourquoi pas des emplois permanents dans les écoles ? Parce que les postes disponibles sont répartis entre les partis politiques locaux, qui les pourvoient avec leurs membres sur des contrats annuels. Le résultat, c'est qu'aucun jeune ne peut obtenir un emploi, sauf en passant par les services d'un parti politique, et aucun jeune ne peut conserver un emploi à moins de démontrer à maintes reprises sa loyauté au parti politique. On imagine sans peine l'excellent effet de cela sur le développement et l'enseignement d'une pensée indépendante et critique dans les écoles.

Le gouvernement prétend manquer de moyens pour couvrir ne serait-ce que les besoins les plus élémentaires de ses concitoyens. Des Bosniaques ont riposté avec humour, avec des commentaires et des images comme celle-ci, largement diffusés sur les réseaux sociaux :

The note reads: "Donations for the government”, using the word ‘sergija’ which is a term for donations made to religious institutions and charities. Image widely circulated on Twitter.

“L'aumône pour le pouvoir”, image largement diffusée sur Twitter.

Couverture médiatique

Sur les médias classiques, nationaux et régionaux, les manifestants sont souvent désignés comme des casseurs. Un exemple typique de manipulation médiatique est le baratin sur les manifestants armés. Le tabloïd serbe “Kurir”, considéré comme un porte-parole du gouvernement en Serbie, a publié un article décrivant un scénario pour l' “unification par la violence” [serbe] des cantons ethniquement divers de la Bosnie-Herzégovine (BiH). L'article clame, à grand renfort de points d'exclamation, d'images de violences et de formulations tendancieuses, que les protestataires amassent des réserves d'armes avec lesquelles mener la soi-disant “unification violente” de la Republika Srpska, ou République serbe de Bosnie, l'une des deux composantes de la Bosnie-Herzégovine aux côtés de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.

L'article de Kurir cite abondamment Mehmedalija Nuhić, appellé dans le texte un “politologue de Tuzla”. Sur les médias sociaux, les gens se sont demandé [bosniaque] qui est cet homme, et certains ont réfuté sans ambages ses prétentions. Tanja Sekulić, rédactrice en chef à Klix.ba, a tweeté :

Le summum de l'idiotie : le politologue Mehmedalija Nuhić affirme que les manifestants ont acquis des armes qu'ils iraient utiliser contre les citoyens de la RS [République Srpska, la partie à majorité serbe de la Bosnie-Herzégovine].

La radio de Banja Luka Kontakt Radio a publié une enquête [bosniaque] sur la personnalité de ce Nuhić, “présenté [au public] comme un politologue”. “Tous les journalistes à Tuzla se demandent qui est cet analyste,” écrit l'équipe de Kontakt Radio. Comme l'a révélé la rapide recherche de Kontakt Radio, Nuhić n'est autre qu'un inspecteur municipal en service dans la ville de Lukovac. “Et ce n'est pas une blague,” commente l'article, qui conclut crânement sur quelques informations  disponibles sur Nuhić, déniant complètement sa crédibilité comme “politologue”.

Dans la région, on est habitué aux manipulations médiatiques et le présent exemple de ce genre de machination n'en est qu'un parmi de multiples autres. Dans un éditorial [bosniaque], Paulina Janusz montre comment les partis politiques et les médias vont main dans la main pour mettre en scène les contestataires. Les média, pour leur part, ont été prompts à rapporter toutes les rumeurs de méfaits des manifestants, mais ceux-ci y ont promptement riposté. L'activiste Emir Hodžić, qui assistait aux manifestations de Sarajevo du 7 février, a détaillé pour Radio Slobodna Evropa (Radio Free Europe) ce à quoi il a assisté, déclarant “nous ne sommes ni des casseurs ni des voyous”.

D'autres ont été exhaustifs en décrivant ce qu'ils ont vécu également sur leurs blogs. La vidéo ci-après d'une jeune femme en larmes implorant des policiers de se joindre à la foule, est devenue virale, accompagnée sur les médias sociaux de commentaires narquois du style “vous les voyez, les casseurs de Bosnie” :

Dario Brentin, parmi d'autres, a compilé les articles des premiers jours de manifestations sur une note Facebook. Des documents de ce genre sont régulièrement traduits en anglais et mis à jour sur les Dossiers de la contestation en Bosnie-Herzégovine. Une compilation de liens sélectionnée de façon collective est aussi disponible sur la plate-forme CrowdVoice.org.

Et maintenant ?

De nombreux hommes politiques et représentants des médias se sont déjà mis à activement rechercher des coupables. Lord Paddy Ashdown, qui a été Haut-Représentant et Envoyé Spécial de l'Europe dans le pays de mai 2002 à janvier 2006, a exhorté l'Union Européenne “à rendre la Bosnie fonctionnelle”. Dans un entretien avec Christiane Amanpour de CNN, Lord Ashdown a mis en garde :

Au moment où ses citoyens se plaignent de la pauvreté et de l'immobilisme et du dysfonctionnement de l'Etat et de la corruption parmi le personnel politique” [ceci] “pourrait amener très rapidement à quelque chose de bien pire.[...]

La communauté internationale doit agir dès maintenant. Si elle ne Ie fait pas, j'ai très peur qu'une situation où s'installera le séparatisme deviendra vite imparable à l'approche des élections.

L'alarmisme est aussi présent de plusieurs côtés. Valentin Inzko, un Autrichien et Haut Représentant de la Bosnie et Herzégovine, a déclaré à Balkanist.net :

Si la situation s'aggrave, on pourrait avoir à songer à des troupes de l'UE. Mais pas pour l'instant.

Quel que soit le coupable ou qui est supposé “réparer” le pays, une question demeure : pourquoi tant de pays d'Europe de l'Est et des Balkan tombent-ils soudain dans la contestation ? A peine les manifestations avaient-elles éclaté à Tuzla et Sarajevo, que le blog scientifique indépendant bulgare Banitza publiait un article de réflexion, “De l'Ukraine aux Balkans, on brandit la ‘démocratie’” :

Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas il y a six mois, il y a un an ? Voilà les questions qu'on s'est posées sur les manifestations en Bulgarie, qui ont atteint leurs plus grands nombres pendant l'été. A l'évidence, la situation est si désespérée que tout ou n'importe quoi pouvait déclencher l'ire populaire. [...]

Bien sûr la violence ne peut être la réponse. Elle est destructrice. Mais nul doute que la désespérance a pris le pas sur le dialogue en l'espèce. [...] C'est simple : pour les gens qui manifestent, la patience supposée est inexistante. Et cela se comprend. Il y a un niveau de tolérance qui est, le XXème siècle l'a montré de façon répétée, très flexible et malléable chez les êtres humains. Mais il a ses limites. Et à l'intérieur des pays des Balkans cette année, le sentiment de tolérance a été épuisé par l'arrogance explicitement visible des Intouchables – qu'on les appelle mafieux, ex-communistes, élites des affaires. Peu importe. Leur capacité à exhiber leur domination économique est une chose, mais leur aptitude à faire appliquer leur immunité politique et juridique est apparemment de trop. C'est depuis longtemps un fait que la démocratie est très dysfonctionnelle.

Ecrivant pour le blog Balkanist, Darko Brkan a formulé quatre propositions :

1) Déclarer la victoire pour les citoyens de Bosnie et Herzégovine
2) Mettre fin à toutes les enquêtes de police [contre les participants aux manifestations]
3) Instaurer des gouvernements provisoires dans les cantons
4) “Lustration interne” dans les partis politiques

Ce quipourrait changer le jeu, c'est une récente décision de la Cour Cantonale de Sarajevo ordonnant la “saisie provisoire” des biens de tous les médias documentant les manifestations à Sarajevo. Des manifestations pro-gouvernementales ont aussi été observées, comme on le voit sur une vidéo du 10 février.

Philippines : Ecrire sa demande en mariage sur un dauphin ? Non !

samedi 15 février 2014 à 15:41

 

Romantic or cruel? A controversial marriage proposal in the Ocean Adventure park in Subic

Romantique ou cruelle ? Demande de mariage controversée au parc Ocean Adventure à Subic.

[Les liens renvoient vers des pages en anglais]

Une demande en mariage dans un parc d’attraction a suscité la controverse aux Philippines. L’abdomen d’un dauphin a été utilisé pour écrire « Rona, veux-tu m’épouser ? ». Des photos de la demande postées sur la page Facebook du parc Ocean Adventure Subic Bay ont été rapidement relayées et ont suscité un torrent de réactions. Les photos ont ensuite été retirées de la page.

L’Earth Island Institute a pu faire des captures d'écran de la demande controversée et l'a partagée en ligne. Le groupe appelle au boycott du parc d'attraction et demande que tous les dauphins en captivité soient relâchés.

En réponse, le parc Ocean Adventure Subic Bay a affirmé que de l’oxyde de zinc avait été utilisé pour écrire la demande en mariage sur le ventre du dauphin. Selon l’entreprise, ce produit est sûr et utilisé comme protection solaire.

L'association Marine Wildlife Watch of the Philippines déclare toutefois que ce n'est pas une excuse pour « vandaliser » un animal :

Cet acte de vandalisme à l'encontre d'un animal n'a pas sa place dans le milieu de la conservation.

L'oxyde de zinc est utilisé pour éviter les coups de soleil et l'irritation cutanée chez les cétacés échoués. Il s'agit donc d'un traitement médical permettant d'éviter de nouvelles lésions chez l'animal en détresse.

Angela Colmenares-Sabino s'interroge sur le droit du parc d'attractions à prétendre au titre de centre d'éducation et de préservation : 

Ce n'est pas le type de produit qui a été utilisé pour écrire sur le dauphin qui importe. Le fait qu'ils minimisent l'important rôle écologique que jouent les dauphins démontre clairement qu'Ocean Adventure, qui prétend être un centre d'éducation et de conservation, n'est en fait qu'un cruel établissement commercial.

Patricia Sorongon-Yap pense qu'il ne faut pas incriminer le couple :

Certains s'en sont pris au couple, et certains ne comprennent pas pourquoi NOUS sommes contre ce type de demande. Je ne pense pas que cela soit la faute du couple. De nombreuses personnes ne sont pas conscientes du simple fait que les dauphins ne sont PAS des poissons, et encore moins qu'on n'est pas censé écrire sur les dauphins ou tout autre type d'animal sauvage, en particulier pour des raisons commerciales (quel que soit le produit utilisé).

The management of Ocean Adventure assured the public that it used a safe material when it wrote the marriage proposal on the dolphin.

La direction d'Ocean Adventure a assuré au public qu'un produit non toxique avait été utilisé pour écrire la demande de mariage sur le dauphin.

Aldwin M. Arcena considère les deux aspects du problème :

Je veux dire, quelle est la pire chose qui puisse arriver à ce dauphin ? C'est sûr que les choses seraient différentes si la peinture était toxique ou un truc dans le genre. C'est juste une inscription sur un dauphin, il n'y pas de quoi se mettre en colère.

Michael Paolo Tiglao invite les commentateurs à plutôt s'en prendre à ceux qui tuent des dauphins :

… arrêtez donc de râler contre cette stupide histoire de peinture, vous devriez plutôt parler des pratiques de certains pays asiatiques qui tuent des dauphins pour leurs soupes ou leurs boulettes ou je ne sais quoi, pourquoi ne pas tous agir contre ça, et au passage c'est un parc et ils s'occupent de leurs animaux, cette peinture sera nettoyée ensuite. le dauphin est toujours vivant et il n'y pas eu de sang versé. Voilà ce que j'ai à dire sur la négativité de certaines personnes. bonne journée